JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLES 2005/4 - 161C’est <strong>de</strong> façon très étonnante que la cour d’appel <strong>de</strong> Liège se réfère à la définitionclassique <strong>de</strong> l’urgence (condition du référé contradictoire), telle qu’arrêtée par laCour <strong>de</strong> cassation <strong>de</strong>puis son arrêt du 21 mars 1985 50 , pour définir «l’absoluenécessité» exigée par l’article 584, alinéa 3, du co<strong>de</strong> <strong>judiciaire</strong>, autorisant lerecours à la procédure sur requête unilatérale. La cour précise toutefois immédiatement«que la notion d’absolue nécessité ne peut être interprétée <strong>de</strong> manièreextensive parce que dérogeant gravement au principe du contradictoire, cetteprocédure doit <strong>de</strong>meurer exceptionnelle et ne peut être utilisée que dans la mesureoù l’introduction par citation, même à délai abrégé (article 1036), serait <strong>de</strong> touteévi<strong>de</strong>nce inefficace, voire impossible, ou encore en cas d’extrême urgence découlantdu péril qui résulterait <strong>de</strong> l’emploi d’une autre voie» 51 .Comme l’a écrit récemment H. BOULARBAH avec <strong>be</strong>aucoup <strong>de</strong> pertinence 52 , lerecours à la procédure sur requête unilatérale exige, d’une part, la preuve <strong>de</strong>l’urgence, condition <strong>de</strong> compétence et <strong>de</strong> fon<strong>de</strong>ment <strong>de</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> pour toutréféré et, d’autre part, la preuve <strong>de</strong> l’absolue nécessité qui ne peut donc pas seconfondre avec l’urgence. L’«absolue nécessité» ne peut se déduire que <strong>de</strong>l’extrême urgence 53 , <strong>de</strong> l’efficacité <strong>de</strong> la mesure sollicitée 54 ou encore <strong>de</strong> l’absence<strong>de</strong> partie adverse ou <strong>de</strong> l’impossibilité <strong>de</strong> l’i<strong>de</strong>ntifier 55 .• Sur ce <strong>de</strong>rnier point, relevons l’ordonnance du prési<strong>de</strong>nt du tribunal <strong>de</strong> premièreinstance <strong>de</strong> Bruxelles du 9 novembre 2000 (J.L.M.B. 04/1004), qui rappelle que«une abondante jurispru<strong>de</strong>nce admet le recours à la requête unilatérale lorsqu’iln’est pas possible d’i<strong>de</strong>ntifier, <strong>de</strong> façon précise, certaine et exhaustive, les personnesà charge <strong>de</strong>squelles les mesures obtenues doivent être exécutées». Le magistraten déduit que la requête unilatérale se justifie en cas <strong>de</strong> piquet <strong>de</strong> grève 56 : «lespersonnes constituant le piquet […] pouvaient à tout moment être remplacées pard’autres et il était impossible <strong>de</strong> prévoir l’i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong>s acteurs du mouvement enévolution constante, d’ailleurs dispersé sur plusieurs lieux. Les voies <strong>de</strong> fait quipeuvent être commises à l’occasion <strong>de</strong> protestations sociales sont généralement<strong>de</strong>s mouvements <strong>de</strong> foule et non pas <strong>de</strong>s actes d’individus isolés».• «La vérification <strong>de</strong>s conditions d’urgence et d’absolue nécessité exigées par laprocédure initialement mue par l’actuelle intimée, implique <strong>de</strong> se replacer au jour<strong>de</strong> l’introduction <strong>de</strong> la requête unilatérale». La <strong>de</strong>man<strong>de</strong> sur requête unilatéraleavait pour objet d’enjoindre Electra<strong>be</strong>l à rétablir dans les douze heures les fournitures<strong>de</strong> gaz, électricité et télédistribution à l’immeuble <strong>de</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong>resse. Lacour constate «que l’absolue nécessité était vérifiée en l’espèce dès lors qu’enprocédant à la coupure <strong>de</strong>s fournitures litigieuses sans avertissement préalablerécent et pour <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ttes dont certaines étaient contestées, [Electra<strong>be</strong>l] ne pouvaitignorer qu’elle plaçait l’intimée dans une situation particulièrement précaire». Lacour ajoute «que la célébration prévue au domicile <strong>de</strong> l’intimé, <strong>de</strong>ux jours après lacoupure, <strong>de</strong> la communion <strong>de</strong> son fils conférait à l’action intentée sur requêteunilatéral le caractère d’efficacité que seule pareille procédure pouvait apporter»(Mons (12 e ch.), 13 novembre 2000, J.L.M.B. 04/1005).On relèvera encore, dans cette affaire, que la cour d’appel <strong>de</strong> Mons estime que«c’est à juste titre que [Electra<strong>be</strong>l] soulève l’absence d’urgence et d’absoluenécessité pour ce qui concerne le rétablissement <strong>de</strong>s signaux <strong>de</strong> télédistribution».___________50. Pas., 1985, I, 908.51. L’arrêt cite J. VAN COMPERNOLLE, "Actualité du référé", Ann. dr. Louvain, 1989, p. 146, et J. VANCOMPERNOLLE et G. CLOSSET-MARCHAL, R.C.J.B., 1999, p. 155 à 157, n° 358.52. H. BOULARBAH, op. cit., p. 100, n° 32 et 33.53. H. BOULARBAH, op. cit., p. 86 et suivantes.54. H. BOULARBAH, op. cit., p. 89 et suivantes.55. H. BOULARBAH, op. cit., p. 95 et suivantes.56. Sur l’intervention du juge <strong>de</strong>s référés dans les conflits sociaux, voy. infra, p. … (III.4).
162 – 2005/4JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLESIl est heureux <strong>de</strong> constater que nonobstant la dictature du tout TV, il se trouveencore <strong>de</strong>s hommes qui considèrent que la suspension <strong>de</strong> la télédistribution n’est«pas <strong>de</strong> nature à engendrer un préjudice grave et difficilement réparable ni à créerdans le chef <strong>de</strong> l’intimée un état <strong>de</strong> précarité comparable à celui résultant <strong>de</strong> laprivation <strong>de</strong>s fournitures <strong>de</strong> gaz et d’électricité».• Saisi d’une tierce opposition introduite à l’encontre d’une ordonnance renduesur requête unilatérale, le juge <strong>de</strong>s référés du tribunal du travail <strong>de</strong> Verviersrappelle que pour apprécier s’il y avait ou non absolue nécessité à rendre uneordonnance sur requête unilatérale «il faut se replacer dans les circonstances <strong>de</strong>fait et <strong>de</strong> <strong>droit</strong> telles qu’elles existaient le 9 janvier 2004, jour du dépôt <strong>de</strong> larequête unilatérale».En l’espèce, le juge considère que «les conditions <strong>de</strong> l’absolue nécessité étaientréunies parce qu’à raison <strong>de</strong> la nature même <strong>de</strong> la mesure sollicitée, seule sonapplication immédiate et soudaine était propre à en garantir la pleine efficacité;que la seule affirmation <strong>de</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong>resse suivant laquelle il n’était pas dansson intention <strong>de</strong> procé<strong>de</strong>r au démantèlement <strong>de</strong>s machines, produits ou stocks <strong>de</strong>l’usinage / tôlerie est insuffisante pour déci<strong>de</strong>r, a posteriori, <strong>de</strong> l’absenced’absolue nécessité» (Trib. trav. Verviers (réf.), 28 mai 2004, J.L.M.B.04/1006).2.- Défaut d’extrême urgence et effet dévolutif <strong>de</strong> la tierceoppositionLe juge <strong>de</strong>s référés, saisi d’une tierce opposition contre une ordonnance rendue surrequête unilatérale doit-il se contenter <strong>de</strong> confirmer ou rétracter sa premièreordonnance ou peut-il considérer que par l’effet dévolutif du recours ainsi exercé,il se trouve en toute hypothèse ressaisi <strong>de</strong> l’ensemble du litige ? 57 Dans ce <strong>de</strong>rniercas, même s’il constate que les conditions <strong>de</strong> la procédure sur requête unilatéralen’étaient pas réunies lors du prononcé <strong>de</strong> la première ordonnance, il peut néanmoinsconnaître du litige mais cette fois-ci sous le bénéfice d’une procédurecontradictoire.• Une ordonnance du 17 février 2004 <strong>de</strong> la prési<strong>de</strong>nte du tribunal <strong>de</strong> commerce <strong>de</strong>Bruxelles, admet <strong>de</strong> façon implicite mais certaine l’effet dévolutif <strong>de</strong> la tierceopposition (Comm. Bruxelles (réf.), 17 février 2004, J.L.M.B. 04/1007).Sur requête unilatérale <strong>de</strong> l’épouse <strong>de</strong> l’administrateur <strong>de</strong> fait (et par ailleursactionnaire) <strong>de</strong> cinq sociétés liées à l’exploitation <strong>de</strong> maisons <strong>de</strong> repos, et alorsqu’une procédure en divorce est en cours entre les parties, la prési<strong>de</strong>nte du tribunal<strong>de</strong> commerce <strong>de</strong> Bruxelles a, par ordonnance du 19 novembre 2003, nommé unadministrateur provisoire chargé entre autres <strong>de</strong> gérer toutes ces sociétés et d’enfaire l’analyse financière et comptable. La <strong>de</strong>man<strong>de</strong>resse se fondait notamment surl’existence <strong>de</strong> plaintes pénales à l’encontre <strong>de</strong> son mari pour malversation, détournement<strong>de</strong> pensions, «falsifications d’héritage au préjudice <strong>de</strong>s pensionnaires»,etc.Les sociétés mises sous administration provisoire ont introduit une tierce oppositionen vue d’obtenir la rétractation <strong>de</strong>s mesures ordonnées sur requête unilatérale,notamment en raison <strong>de</strong> l’absence d’extrême urgence. L’époux <strong>de</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong>resseoriginaire est intervenu volontairement à la procédure pour soutenir la tierceopposition <strong>de</strong>s sociétés.Le juge, dans son ordonnance du 17 février 2004 rappelle d’abord «qu’il estgénéralement admis que l’introduction d’une procédure en référé par requêteunilatérale n’est autorisée, qu’à titre exceptionnel, en cas d’absolue nécessité, dans___________57. En faveur <strong>de</strong> l’effet dévolutif <strong>de</strong> la tierce opposition, H. BOULARBAH, "L’intervention du juge <strong>de</strong>sréférés par voie <strong>de</strong> requête unilatérale : conditions, procédure et voies <strong>de</strong> recours", op. cit., p.118.
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