JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLES 2005/4 - 147d’utilisation, sous peine d’astreinte, <strong>de</strong> la dénomination commerciale «Centaurus»pour <strong>de</strong>s produits <strong>de</strong>stinés aux chevaux), telle que formulée, «n’est paslimitée dans le temps par exemple jusqu’au moment où une décision seraintervenue sur le fond du litige à la suite d’une citation signifiée dans un délaipréfixe. Dès lors, si le tribunal venait à faire <strong>droit</strong> à la <strong>de</strong>man<strong>de</strong>, la [partie<strong>de</strong>man<strong>de</strong>resse] pourrait se dispenser d’introduire une action au fond tendant à lamesure sollicitée ayant par hypothèse obtenu en référé tout ce à quoi elle auraitpu prétendre <strong>de</strong>vant la juridiction du fond. En d’autres termes, la <strong>de</strong>man<strong>de</strong>formulée par [la partie <strong>de</strong>man<strong>de</strong>resse] ne tend pas à préserver le <strong>droit</strong> dont ellese prévaut, dans l’attente <strong>de</strong> la décision du juge du fond, mais à substituer àcelle-ci la décision du juge <strong>de</strong>s référés». Le prési<strong>de</strong>nt du tribunal <strong>de</strong> commerce<strong>de</strong> Charleroi considère qu’une telle mesure serait dès lors <strong>de</strong> nature à «modifierla situation juridique <strong>de</strong>s parties <strong>de</strong> manière définitive et irréversible rendantinutile et sans intérêt une décision du juge du fond» 17 , estimant encore que«c’est bien <strong>de</strong> quoi il retourne en l’espèce où, obtenant satisfaction en référé, lasociété <strong>de</strong>man<strong>de</strong>resse ne trouverait plus le moindre intérêt à citer <strong>de</strong>vant le jugedu fond, ayant été remplie <strong>de</strong> l’ensemble <strong>de</strong>s <strong>droit</strong>s qu’elle entendait voir reconnaître: interdiction d’utiliser la marque "Centaurus" sans limitation <strong>de</strong> temps[…]. En conséquence notre tribunal doit constater que la mesure <strong>de</strong>mandée nerelève pas du provisoire parce qu’elle substitue l’autorité du juge <strong>de</strong>s référés àcelle du juge du fond» (Comm. Charleroi (réf.), 27 octobre 2003, J.L.M.B.03/1108).A mon sens, lier le provisoire au caractère limité dans le temps <strong>de</strong> la mesuresollicitée relève d’une appréciation inexacte <strong>de</strong> cette notion. Le prési<strong>de</strong>nt dutribunal <strong>de</strong> commerce <strong>de</strong> Charleroi semble notamment oublier que le juge dufond pourrait parfaitement être saisi <strong>de</strong> la contestation opposant les <strong>de</strong>ux partiesquant au <strong>droit</strong> à se prévaloir <strong>de</strong> la dénomination «Centaurus», à l’initiative <strong>de</strong> lapartie défen<strong>de</strong>resse en référé, <strong>de</strong> sorte qu’un débat au fond pourrait bien avoirlieu sur cette question <strong>de</strong> <strong>droit</strong>, nonobstant le caractère non limité dans le temps<strong>de</strong> la mesure qu’aurait pu ordonner à ce sujet le juge <strong>de</strong>s référés. Ainsi, quoiquenon limitée dans le temps, cette mesure était toujours bien provisoire puisqu’ellene se serait pas imposée au juge du fond dès lors qu’elle ne bénéficiait d’aucuneautorité <strong>de</strong> la chose jugée.Cela étant dit, je ne vois pas d’inconvénient à ce que, dans certaines circonstances,le juge <strong>de</strong>s référés, à la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> d’une <strong>de</strong>s parties, limite dans le temps leseffets <strong>de</strong> son ordonnance, notamment si aucune procédure n’est introduite aufond dans un certain délai. Mais il ne convient pas <strong>de</strong> lier cette question aucaractère provisoire <strong>de</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong>. Au contraire, on pourrait admettre qu’au<strong>de</strong>làd’un certain délai, l’urgence (qui peut résulter <strong>de</strong> l’impossibilité d’obtenirune décision efficace dans un délai raisonnable <strong>de</strong>vant le juge du fond) qu’il yavait à ordonner telle mesure en référé ne se justifie plus dès lors que le juge dufond aurait pu entre-temps statuer, ou ne se justifie plus qu’en raison <strong>de</strong>l’attitu<strong>de</strong> du <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ur qui n’a pas pris soin <strong>de</strong> saisir le juge du fond du litige.Cette préoccupation me paraît plus pertinente pour justifier la limitation dans letemps <strong>de</strong>s effets d’une ordonnance <strong>de</strong> référé.• Dans cet esprit, le juge <strong>de</strong>s référés <strong>de</strong> Namur, dans l’affaire du «dancing <strong>de</strong>Géronsart», après avoir autorisé à titre provisoire la reprise <strong>de</strong> l’exploitation, souscertaines conditions, précise dans son dispositif : «Disons que l’opportunité dumaintien <strong>de</strong>s mesures ici ordonnées sera réexaminée d’office à l’échéance <strong>de</strong>chaque pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> trois mois et, pour la première fois le […]»(Civ. Namur (réf.),20 décembre 2002, J.L.M.B. 02/1254, déjà citée).___________17. P. MARCHAL, "Introduction générale", Le référé <strong>judiciaire</strong>, p. 2.
148 – 2005/4JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLES6.- Nature <strong>de</strong>s mesures provisoires ordonnées en référéLes étu<strong>de</strong>s consacrées au référé font traditionnellement la distinction, après avoirétudié les questions <strong>de</strong> l’urgence et du provisoire, entre les différents types <strong>de</strong>mesures que peut prendre le juge <strong>de</strong>s référés, classées selon l’intensité <strong>de</strong>s <strong>droit</strong>sinvoqués et l’étendue <strong>de</strong> la mesure sollicitée : d’une part, les mesures simplementconservatoires justifiées par <strong>de</strong>s <strong>droit</strong>s apparents, d’autre part, les mesuresd’anticipation justifiées par <strong>de</strong>s <strong>droit</strong>s certains et évi<strong>de</strong>nts.Comme rappelé ci-<strong>de</strong>ssus, j’ai récemment tenté <strong>de</strong> démontrer que cette classificationétait obsolète à partir du moment où l’on admettait que la seule portée duprovisoire était que la décision du juge <strong>de</strong>s référés n’avait aucune autorité <strong>de</strong>chose jugée à l’égard du juge du fond, ce qui autorise le juge <strong>de</strong>s référés à apprécierles <strong>droit</strong>s <strong>de</strong>s parties et à prendre toutes mesures, même irréversibles, pourautant qu’elles ne portent pas atteinte <strong>de</strong> façon définitive et irréparable aux <strong>droit</strong>sd’une <strong>de</strong>s parties 18 .Cette classification classique reste toutefois très généralement appliquée enjurispru<strong>de</strong>nce, non sans que règne, comme je le montrerai ci-après, une gran<strong>de</strong>confusion dans l’application <strong>de</strong>s différentes notions invoquées.6.1.- Mesures conservatoires et <strong>droit</strong>s apparents• S’inscrivant dans la jurispru<strong>de</strong>nce classique, la cour du travail <strong>de</strong> Liège rappelleque «le juge <strong>de</strong>s référés peut prendre notamment <strong>de</strong>s mesures d’attente ou conservatoirespour autant que <strong>de</strong>s <strong>droit</strong>s apparents justifient cette décision et sans qu’ilne règle définitivement la situation juridique <strong>de</strong>s parties» (C. trav. Liège (10 e ch.),1 er avril 2003, J.L.M.B. 03/673).• De même, la cour d’appel <strong>de</strong> Liège précise, dans un arrêt du 3 octobre 2002 «ques’agissant d’une mesure d’expertise qui présente un caractère conservatoire, iln’est pas exigé que la partie <strong>de</strong>man<strong>de</strong>resse justifie d’un <strong>droit</strong> évi<strong>de</strong>nt, incontestableet non sérieusement contesté». La cour prend, en outre, soin <strong>de</strong> préciser que«le juge <strong>de</strong>s référés ordonne une mesure d’instruction dont l’opportunité et lerésultat seront appréciés librement par le juge du fond à l’égard duquel la décisionn’a aucune autorité <strong>de</strong> chose jugée» 19 (Liège (7 e ch.), 3 octobre 2002, J.L.M.B.02/1181).• C’est ce que confirme encore le prési<strong>de</strong>nt du tribunal <strong>de</strong> première instance <strong>de</strong>Namur, saisi d’une <strong>de</strong>man<strong>de</strong> d’interdiction <strong>de</strong> passer l’acte authentique <strong>de</strong> vented’un immeuble, introduite par un autre acquéreur se prétendant bénéficiaire d’uncompromis <strong>de</strong> vente antérieur : «il appartient au juge <strong>de</strong>s référés <strong>de</strong> n’ordonner lesmesures provisoires sollicitées […] que pour autant que [la <strong>de</strong>man<strong>de</strong>resse] démontreà suffisance une apparence <strong>de</strong> <strong>droit</strong>, ce qui implique l’absence d’unecontestation sérieuse». Toutefois, précise ce magistrat, «l’existence d’une contestationsérieuse du <strong>droit</strong> invoqué ne peut, à elle seule, empêcher une mesure <strong>de</strong>référé, le juge <strong>de</strong>vant, en pareille hypothèse, s’appuyer sur l’évaluation et lacomparaison <strong>de</strong>s préjudices éventuels, à savoir celui que subirait le <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ur sila mesure sollicitée n’était pas ordonnée et celle du défen<strong>de</strong>ur si elle l’était». C’estl’application classique <strong>de</strong> la balance <strong>de</strong>s intérêts, généralement envisagée lors <strong>de</strong>l’appréciation <strong>de</strong> l’urgence 20 . Dans cette balance, estime le juge, «il apparaîtjustifié d’opter pour une approche […] préventive <strong>de</strong>s conséquences dommageablesd’une situation; qu’en d’autres termes, plutôt que <strong>de</strong> spéculer sur une éventuelleréparation par équivalent et a posteriori en fonction <strong>de</strong> ce que le juge du___________18. Voy. supra, p. 142 (I.1).19. L’arrêt cite G. DE LEVAL, "L’examen du fond <strong>de</strong>s affaires par le juge <strong>de</strong>s référés", J.T., 1982, p. 422,n° 11.20. Voy. infra, p. 153 (II.2).
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