JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLES 2005/4 - 159conséquence» l’ordonnance rendue antérieurement sur requête unilatérale à défautd’extrême urgence «qui ne doit pas résulter <strong>de</strong> la passivité du <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ur quiattend la <strong>de</strong>rnière minute avant d’entreprendre la recherche d’une solution audifférend ou au problème auquel il est confronté.En l’espèce le <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ur qui disposait d’un matériel informatique (trieuse etcalibreuse <strong>de</strong> fruits par gestion informatisée), avec un co<strong>de</strong> d’accès temporaire,avait introduit la veille <strong>de</strong> l’expiration du co<strong>de</strong>, une requête unilatérale en vued’obtenir la condamnation <strong>de</strong>s sociétés ayant livré le matériel, à lui délivrer leco<strong>de</strong> définitif, arguant notamment du risque <strong>de</strong> dépérissement <strong>de</strong> près <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux centcinquante tonnes <strong>de</strong> fruits. La cour considère que le <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ur originaire quin’ignorait pas ne disposer que d’un co<strong>de</strong> temporaire et qui, par ailleurs, avait étéinformé dix jours avant le blocage <strong>de</strong> l’arrivée <strong>de</strong> la date fatidique, avait eu «toutesoccasions d’entreprendre plus tôt et par la voie normale les démarches utiles pourque la jouissance <strong>de</strong> la trieuse lui soit acquise» (Liège (7 e ch.), 18 février 2003,J.L.M.B. 03/755).• L’inertie du <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ur peut encore résulter du fait qu’il ait laissé s’écouler sansagir le délai pour introduire un recours administratif contre l’acte incriminé enréféré : «que si [la <strong>de</strong>man<strong>de</strong>resse] est aujourd’hui forclose <strong>de</strong> ces recours, c’est àraison <strong>de</strong> sa seule inaction, et non, comme elle le prétend dans le cadre <strong>de</strong> laprésente instance parce qu’elle n’apprit l’existence <strong>de</strong> l’acte incriminé qu’après laforclusion <strong>de</strong>s voies <strong>de</strong> recours administratives; […] qu’il n’y a pas lieu à référélorsque le <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ur […] a provoqué lui-même la situation d’urgence dont il seprévaut» (Civ. Mons (réf.), 8 octobre 1999, J.L.M.B. 00/587, déjà citée).• Par contre, il a été jugé que «l’urgence n’est pas contredite par la durée d’uneprocédure qui, au vu <strong>de</strong> l’argumentation âprement développée <strong>de</strong> part et d’autre,justifiait le temps qui lui fut consacrée» (Liège (7 e ch.), 2 mars 2000, J.L.M.B.00/354, déjà citée).6. Urgence et inertie du… défen<strong>de</strong>ur !Il est <strong>de</strong>s cas où l’attitu<strong>de</strong> du défen<strong>de</strong>ur peut être prise en compte par le juge pourapprécier <strong>de</strong> l’urgence.• Dans l’affaire, par ailleurs déjà longuement commentée 45 , du litige opposantcertains riverains aux exploitant du dancing «La ferme <strong>de</strong> l’abbaye <strong>de</strong> Géronsart»,le juge <strong>de</strong>s référés <strong>de</strong> Namur estime que les exploitants du dancing «justifientlargement l’urgence [qu’ils] invoquent en considération <strong>de</strong>s charges financièresqui se font <strong>de</strong> plus en plus pressantes; […]; que les risques <strong>de</strong> faillite se précisent».Mais, au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> cette considération, le juge en profite pour stigmatiser l’attitu<strong>de</strong><strong>de</strong>s défen<strong>de</strong>urs (certains riverains dont, ceci expliquant peut-être cela, un avocatbien en vue au barreau <strong>de</strong> Namur) qui avaient soulevé l’absence d’urgence enraison <strong>de</strong> «l’incurie» <strong>de</strong>s <strong>de</strong>man<strong>de</strong>urs : «que cette <strong>de</strong>rnière affirmation est audacieusedans la mesure où les pièces produites révèlent que les riverains […],quoique pourtant <strong>de</strong>man<strong>de</strong>urs dans la procédure pendante <strong>de</strong>vant le juge <strong>de</strong> paix,n’ont jamais mis un empressement particulier à diligenter cette procédure, ce quesoulignait d’ailleurs le premier juge en rappelant la nécessité d’une collaborationloyale <strong>de</strong>s parties à l’instruction <strong>de</strong> la cause». Il apparaît ainsi manifestement quele juge <strong>de</strong>s référés n’accepte pas que les riverains, qui ont obtenu <strong>de</strong>vant le juge <strong>de</strong>paix une mesure provisoire (jusqu’au prononcé du jugement au fond)d’interdiction d’exploiter le dancing, ne fassent plus rien pour diligenter cetteprocédure (Civ. Namur (8 e ch.réf.), 20 décembre 2002, J.L.M.B. 02/1254, déjàcitée).___________45. Voy. supra, p. 144 (I.3).
160 – 2005/4JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLES7. Urgence et existence d’une autre voie procédurale aussiefficaceL’existence d’une autre voie procédurale permettant d’obtenir un résultat aussirapi<strong>de</strong>ment qu’en référé (action comme en référé, <strong>de</strong>man<strong>de</strong> en débats succincts aufond, etc.) est parfois considérée comme exclusive <strong>de</strong> l’urgence à saisir le juge enréféré.• La S.C.R.L. Brutele avait introduit une action en référé contre la commune <strong>de</strong>Schaer<strong>be</strong>ek en vue d’obtenir la condamnation <strong>de</strong> cette <strong>de</strong>rnière à lever les scellésapposés sur un dépôt en plein air <strong>de</strong> matériel servant à l’entretien <strong>de</strong> son réseau <strong>de</strong>télédistribution, pour lequel Brutele ne disposait pas <strong>de</strong> permis d’urbanisme. Lacommune soulève le défaut d’urgence au motif que Brutele «n’a pas fait usage <strong>de</strong>la possibilité d’introduire un recours au fond <strong>de</strong>vant le prési<strong>de</strong>nt du tribunal <strong>de</strong>première instance siégeant comme en référé (article 587, 2°, du co<strong>de</strong> <strong>judiciaire</strong>)46 ». Faisant <strong>droit</strong> à cet argument, le juge <strong>de</strong>s référés <strong>de</strong> Bruxelles relève que«l’urgence est habituellement déniée si une autre juridiction, normalement compétente,peut intervenir avec la même efficacité, ce qui est le cas en l’espèce 47 ».Or, «la <strong>de</strong>man<strong>de</strong>resse a en l’espèce négligé d’introduire la procédure au fond dèsla mise <strong>de</strong>s scellés mais a uniquement saisi le juge <strong>de</strong>s référés». Dans ces conditions,le défaut d’urgence sera admis et l’action déclarée non fondée (Civ.Bruxelles (réf.), 13 mars 2003, J.L.M.B. 03/708).Les juges <strong>de</strong>s référés veilleront à être très pru<strong>de</strong>nts dans l’application <strong>de</strong> cettejurispru<strong>de</strong>nce en vérifiant notamment si, dans les faits, les autres procéduresoffertes aux <strong>de</strong>man<strong>de</strong>urs permettent réellement d’obtenir une solution aussirapi<strong>de</strong>ment qu’en référé.III. Le référé unilatéral 481. Conditions autorisant le recours à la requête unilatéraleLa procédure sur requête unilatérale présente <strong>de</strong> réels dangers dès lors qu’elle nerespecte pas le principe du contradictoire. Sa mise en œuvre exige le respect <strong>de</strong>conditions qui doivent être appréciées avec la plus gran<strong>de</strong> rigueur.• On ne peut recourir «à ce mo<strong>de</strong> d’introduction qu’à titre exceptionnel, lorsquel’introduction par voie <strong>de</strong> citation, même à délai abrégé, serait inefficace ouimpossible. […] ceci constitue la manifestation du principe général selon lequeltoute dérogation au principe du contradictoire doit s’entendre <strong>de</strong> manière restrictive»49 (Civ. Namur (8 e ch. réf.), 20 décembre 2002, J.L.M.B. 02/1253, déjà citée).• «Ce n’est qu’en cas d’absolue nécessité lorsqu’il faut craindre un préjudiced’une certaine gravité ou <strong>de</strong>s inconvénients sérieux et qu’une citation introduisantun débat contradictoire rendrait [l’] intervention [du juge <strong>de</strong>s référés] inutile soitparce que la décision interviendrait trop tard, soit parce qu’il est nécessaire <strong>de</strong>déjouer par surprise les manœuvres d’échappatoires d’un adversaire retors qu’ilest permis <strong>de</strong> saisir [le juge <strong>de</strong>s référés] par requête» (Liège (7 e ch.), 18 février2003, J.L.M.B. 03/755, déjà citée).___________46. Selon cet article, «Le prési<strong>de</strong>nt du tribunal <strong>de</strong> première instance statue : […]; 2° sur les <strong>de</strong>man<strong>de</strong>sprévues par l'article 68 <strong>de</strong> la loi du 29 mars 1962 organique <strong>de</strong> l'aménagement du territoire et <strong>de</strong> l'urbanisme;[…]; Sauf si la loi en dispose autrement, les <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s prévues au premier alinéa sont introduiteset instruites selon les formes du référé».47. L’ordonnance cite J. VAN COMPERNOLLE et G. CLOSSET-MARCHAL, "Droit <strong>judiciaire</strong> privé – Examen<strong>de</strong> jurispru<strong>de</strong>nce 1985-1998", R.C.J.B., 1999, p. 153, n° 356.48. Voy. spéc. H. BOULARBAH, "L’intervention du juge <strong>de</strong>s référés par voie <strong>de</strong> requête unilatérale :conditions, procédure et voies <strong>de</strong> recours", in Le référé <strong>judiciaire</strong>, op. cit., p. 65 à 121.49. L’ordonnance cite P. MARCHAL, Les référés, Larcier, 1992, n° 53, p. 81.
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