JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLES 2005/4 - 157• De même, la cour d’appel <strong>de</strong> Bruxelles précise à juste titre dans son arrêt, déjàcité, du 20 septembre 2002, que « même si l’urgence, qui doit s’apprécier aumoment où le juge statue, n’existe plus à ce jour, puisque la mesure ordonnée parle premier juge a été exécutée, la question continue <strong>de</strong> se poser <strong>de</strong> savoir si au jouroù le premier juge a statué, soit le 19 juin 2000, il y avait urgence à ordonner lesmesures précisées au dispositif <strong>de</strong> son ordonnance» (Bruxelles (9 e ch.), 20 septembre2002, J.L.M.B. 02/1039, déjà citée).5. Urgence et inertie du <strong>de</strong>man<strong>de</strong>urLe retard mis par le <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ur originaire à introduire un appel contre une ordonnance<strong>de</strong> référé le déboutant <strong>de</strong> son action, n’est pas nécessairement la preuve <strong>de</strong>la disparition <strong>de</strong> l’urgence, spécialement lorsque les parties ont préalablementtenté <strong>de</strong> trouver une issue amiable au litige.• C’est ce que rappelle la cour d’appel <strong>de</strong> Liège dans son arrêt du 28 juin 2000 :«le délai <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux mois et dix jours qui sépare la décision entreprise <strong>de</strong> la requêted’appel résulte <strong>de</strong>s pourparlers qui ont eu lieu entre les parties à l’initiative duministre chargé <strong>de</strong> l’environnement aux fins <strong>de</strong> trouver un terrain <strong>de</strong> compromisqui n’ont pas aboutis; que le délai écoulé entre le jugement et la requête d’appelest justifié» (Liège (1 ère ch.), 28 juin 2000, J.L.M.B. 00/1042, déjà citée).• La cour d’appel <strong>de</strong> Liège a encore eu l’occasion <strong>de</strong> statuer sur cette questiondans la cadre d’un litige opposant un exploitant agricole français ayant acheté untracteur d’occasion à une société <strong>be</strong>lge. Le tracteur, un Case Magnum 7250 Promis en circulation en 2000, avait été vendu pour 40.000 euros 42 plus 5.500 eurospour quelques «travaux <strong>de</strong> mise en ordre». L’exploitant agricole qui en avait prislivraison le 10 juillet 2002 <strong>de</strong>vait déplorer, dès le 23 août, une panne immobilisantl’engin après seulement nonante-cinq heures d’utilisation. Il adresse une réclamationpar recommandé au ven<strong>de</strong>ur le 12 septembre qui y oppose une fin <strong>de</strong> nonrecevoir,le 25 septembre, en vertu d’une clause figurant sur la facture selonlaquelle le tracteur était vendu sans garantie et précisant que «l’acquéreur renonceà tous recours généralement quelconques du chef <strong>de</strong> tous vices apparents oucachés». Le 30 septembre, un expert désigné par l’assureur protection juridique <strong>de</strong>l’acheteur convoque le ven<strong>de</strong>ur à une réunion <strong>de</strong>stinée à dresser un constatcontradictoire <strong>de</strong> l’état du tracteur. A nouveau le ven<strong>de</strong>ur décline la proposition.Un rapport unilatéral est établi le 22 octobre. Citation en référé en vue d’obtenir ladésignation d’un expert afin que puisse être dressé un constat contradictoire<strong>de</strong>vant permettre ensuite à l’acheteur <strong>de</strong> procé<strong>de</strong>r, sous réserve, aux réparationsqui s’imposaient, a été signifiée au ven<strong>de</strong>ur le 20 décembre 2002 pour la premièredate d’introduction utile, soit le 8 janvier 2003. Par ordonnance du 22 janvier, lejuge <strong>de</strong>s référés <strong>de</strong> Namur rejette la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> à défaut d’urgence. Le 10 janvierl’agriculteur assigne le ven<strong>de</strong>ur au fond. Le 1 er avril, il interjette appel <strong>de</strong>l’ordonnance <strong>de</strong> référé.A première vue, cette relation <strong>de</strong>s faits permet <strong>de</strong> conclure à une inertie certainedu <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ur qui n’assigne en référé qu’en décembre pour une panne intervenueen août et qui, <strong>de</strong> surcroît, n’interjette appel qu’en avril d’une ordonnance renduefin janvier. C’est évi<strong>de</strong>mment ce qu’a soulevé le ven<strong>de</strong>ur du tracteur en appel,invoquant en outre le fait qu’en toute hypothèse l’action au fond pour vice cachéétait elle-même manifestement tardive en sorte que toute mesure conservatoirefondée sur ce même motif doit être rejetée.La cour d’appel <strong>de</strong> Liège, dans un arrêt du 27 mai 2003 ne se laissera nullementconvaincre par cette argumentation, faisant une analyse pertinente <strong>de</strong>s faits <strong>de</strong> lacause. Sur la prétendue tardiveté <strong>de</strong> l’action au fond, la cour relève «que l’on ne___________42. Soit largement au <strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> la cote SIMO !
158 – 2005/4JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLESpeut a priori retenir que l’appelante sera certainement déclarée forclose par lajuridiction <strong>de</strong> fond alors qu’avant d’assigner elle a voulu obtenir d’un expert uneconfirmation précise et documentée <strong>de</strong>s causes possibles <strong>de</strong> l’avarie; qu’ellepouvait redouter <strong>de</strong> voir sa <strong>de</strong>man<strong>de</strong> rejetée parce qu’insuffisamment étayée etqu’en dépit d’une fin <strong>de</strong> non-recevoir signifiée le 25 septembre 2002, il n’était pasdéraisonnable à première vue d’encore essayer <strong>de</strong> convaincre le ven<strong>de</strong>ur <strong>de</strong>l’utilité d’une solution amiable ni d’attendre qu’un spécialiste <strong>de</strong> la mécaniqueatteste <strong>de</strong> défectuosités justifiant la réclamation». Par ailleurs, la cour estime quel’acheteur n’a pas fait preuve d’inertie fautive avant d’assigner en référé : «que[l’appelant] n’a pas été négligeant; [qu’il] affirme avoir d’abord pris un contacttéléphonique avant d’envoyer un courrier recommandé; [qu’il] a dû s’ouvrir <strong>de</strong> sesdifficultés à un assureur qui a voulu à juste titre objectiver les réclamations par lerapport d’un conseiller technique et dû donner les instructions en vue <strong>de</strong> la signification[…], la recherche d’un avocat en Belgique étant susceptible d’expliquer lesquelques semaines séparant le rapport <strong>de</strong> l’expert […] <strong>de</strong> la citation [en référé]».La cour considère donc que c’est à tort que le premier juge a dénié l’urgence et ce,d’autant plus que «le préjudice <strong>de</strong> l’appelant, s’il est reconnu que l’intimée doitrépondre <strong>de</strong> l’immobilisation du tracteur, ne cesse d’augmenter avec le temps quipasse; que l’urgence, ni au moment <strong>de</strong> la citation, ni lors du prononcé <strong>de</strong>l’ordonnance entreprise, n’avait disparu» (Liège (7 e ch.), 27 mai 2003, J.L.M.B.03/690).Je ne peux qu’approuver ces considérations qui font clairement la part <strong>de</strong>s chosesentre la prompte diligence à agir et la précipitation. L’urgence comman<strong>de</strong> d’agirsans tar<strong>de</strong>r mais non pas avec précipitation. Il est normal <strong>de</strong> se constituer undossier avant d’agir.L’analyse que fait la cour <strong>de</strong> la suite <strong>de</strong> la procédure est tout autant pertinente etmérite d’être particulièrement soulignée : «Attendu que l’appelant n’a pas immédiatementdécidé l’introduction d’un recours; qu’il apporte une explication lorsqu’ilaffirme qu’il lui était assuré <strong>de</strong> pouvoir plai<strong>de</strong>r rapi<strong>de</strong>ment au fond, perspectivequi s’est fermée lorsqu’il a appris la fixation au 16 juin 2003 et l’impossibilitéd’anticiper le débat; que l’espoir d’une application <strong>de</strong> l’article 19, alinéa 2, duco<strong>de</strong> <strong>judiciaire</strong> s’en trouve donc singulièrement amoindri alors quel’immobilisation du tracteur continue et ne saurait cesser avant un constat contradictoire»43 .• De même, il a été jugé que «le retard d’une partie qui se plaint d’un dommage àporter le différend en justice n’exclut pas nécessairement l’urgence, si la situationexistante est aggravée par <strong>de</strong>s faits nouveaux ou par l’effet <strong>de</strong> sa simple durée» 44 .En l’espèce, le juge constate que «si la présence d’infiltrations d’eau n’est pasnouvelle, l’absence <strong>de</strong> remè<strong>de</strong> durable est <strong>de</strong> nature à permettre une aggravationsérieuse <strong>de</strong>s dommages que ces infiltrations entraînent», ce qui justifie l’urgence àordonner une mesure d’expertise.L’inertie du <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ur peut, par contre, justifier que le juge refuse <strong>de</strong> faire <strong>droit</strong> àune <strong>de</strong>man<strong>de</strong> introduite sur requête unilatérale, estimant que le requérant avait eulargement le temps d’introduire utilement un référé contradictoire (Liège (7 e ch.),3 octobre 2002, J.L.M.B. 02/1181, déjà citée).• Ainsi, saisie en appel d’une tierce opposition contre une ordonnance ayant fait<strong>droit</strong> à une requête unilatérale (tierce opposition rejetée par le juge <strong>de</strong>s référés), lacour d’appel <strong>de</strong> liège va mettre à néant l’ordonnance dont appel, «et par voie <strong>de</strong>___________43. Pour un avis critique sur le renvoi à l’article 19, alinéa 2, du co<strong>de</strong> <strong>judiciaire</strong>, voy. J. ENGLEBERT, "Leréféré <strong>judiciaire</strong> : principes et questions <strong>de</strong> procédure", op. cit., n° 16 et 17.44. L’arrêt cite G. DE LEVAL, "Le référé en <strong>droit</strong> <strong>judiciaire</strong> privé", Act. dr., 1992, p. 867, et Bruxelles (9 ech.), 4 février 1999, inédit, RG n° 98KR298.
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