JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLES 2005/4 - 151quer, sur la base du contrat <strong>de</strong> prestation <strong>de</strong> services signé […], sa réintégration,comme [il] le <strong>de</strong>man<strong>de</strong>, dans toutes 23 les prestations [qu’il] effectuait jusqu’au»moment <strong>de</strong> la modification unilatérale <strong>de</strong> ses conditions <strong>de</strong> travail, «l’organisationd’un service [pouvant] nécessiter certaines évolutions dans la répartition <strong>de</strong>stâches».En d’autres termes, le juge <strong>de</strong>s référés s’autorise à intervenir dans les relationscontractuelles <strong>de</strong>s parties, mais pas trop. Conscient qu’un ordre strict nes’accommo<strong>de</strong>rait pas <strong>de</strong> la nécessaire souplesse qui <strong>de</strong>vrait régir lesdites relationscontractuelles, le juge renvoie en définitive les parties à la case départ <strong>de</strong> laconciliation, après, il est vrai, avoir mis au préalable fin «à la voie <strong>de</strong> fait», enordonnant la réintégration du mé<strong>de</strong>cin mis à l’écart. Une telle décision, surprenanteà première vue, mérite d’être soulignée tant il est vrai, à mon sens, que lesjuges n’apparaissent pas toujours conscients (ou soucieux) <strong>de</strong> l’effet (ou <strong>de</strong>l’absence d’effet) pratique que peuvent revêtir certaines <strong>de</strong> leurs décisions troptranchées.• Le <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ur en référé avait acquis en janvier 1996 un fonds <strong>de</strong> commerce <strong>de</strong>bijouterie auprès du défen<strong>de</strong>ur. L’acte <strong>de</strong> cession comportait une clause <strong>de</strong> nonconcurrence,non limitée dans le temps, interdisant au cédant d’exercer à l’avenirle commerce <strong>de</strong> bijoutier dans l’agglomération namuroise. Après avoir exercé cemême commerce pendant près <strong>de</strong> quatre ans à Dinant, le cédant était revenus’installer à Namur, en septembre 1999. Le cessionnaire l’avait assigné en référéafin qu’il lui soit fait interdiction d’exploiter un tel commerce. Une action au fond,ayant le même objet était introduite simultanément. Débouté <strong>de</strong> sa <strong>de</strong>man<strong>de</strong> enréféré, le cessionnaire a interjeté appel. Selon la cour d’appel <strong>de</strong> Liège (Liège (7 ech.), 14 janvier 2000, J.L.M.B. 00/123, déjà citée), il n’était pas certain que le jugedu fond fasse une application stricte <strong>de</strong> la clause <strong>de</strong> non-concurrence dès lors quecelle-ci n’était pas limitée dans le temps. Or, selon la cour, le juge <strong>de</strong>s référés «nepourra déclarer fondée la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> tendant au respect d’une clause <strong>de</strong> nonconcurrences’il n’est pas démontré que la partie à laquelle incombait cette obligation<strong>de</strong> non-concurrence ne pourra en aucun cas être déchargée <strong>de</strong> cette obligationpar le juge du fond» 24 . En d’autres termes, il appartient à la partie qui sollicitel’exécution d’une obligation contractuelle, par anticipation sur la décision quepourra prendre le juge du fond, qu’elle établisse le caractère évi<strong>de</strong>nt et certain <strong>de</strong>son <strong>droit</strong>. Mais, en définitive, ce sera la balance <strong>de</strong>s intérêts en présence quidéci<strong>de</strong>ra la cour à rejeter la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> : «le juge <strong>de</strong>s référés, mettant en balance lesintérêts respectifs et le préjudice susceptible d’être subi par chacune <strong>de</strong>s parties,doit choisir entre, d’une part, le maintien d’une interdiction contractuelle maissusceptible d’être éventuellement réduite et dont la violation peut être sanctionnéepar <strong>de</strong>s dommages et intérêts déjà partiellement fixés <strong>de</strong> manière forfaitaire [dansle contrat] et, d’autre part, l’autorisation provisoire <strong>de</strong> poursuivre une activitécertes en principe interdite mais précédée d’investissements qu’une fermetureprovisoire risque <strong>de</strong> réduire à néant». Faisant cette balance, la cour considère«qu’une interdiction même provisoire causerait [à l’intimé] un dommage plusimportant et plus difficile à apprécier en pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> démarrage que celui dontl’appelante peut faire état et pour lequel elle dispose d’une estimation forfaitaire,le préjudice complémentaire éventuel pouvant se mesurer grâce à un examen <strong>de</strong>ses résultats financiers dans lesquels l’apparition subite [<strong>de</strong> l’intimé], si elle a uneinfluence, aura laissé <strong>de</strong>s traces».• La cour d’appel <strong>de</strong> Liège a été saisie par plus <strong>de</strong> cent trente ouvriers <strong>de</strong> l’usineContinental, à Herstal, au moment <strong>de</strong> la mise en œuvre <strong>de</strong> son plan <strong>de</strong> fermeture,___________23. Souligné dans le texte.24. L’arrêt cite L. DU CASTILLON, "Aspect actuels du référé en matière contractuelle", Formation permanenteC.U.P. – U.Lg., septembre 1998, p. 49.
152 – 2005/4JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLESen vue d’obtenir «une mesure d’expertise jumelée à la production <strong>de</strong> documents»ainsi qu’une «interdiction <strong>de</strong> procé<strong>de</strong>r au licenciement <strong>de</strong>s [<strong>de</strong>man<strong>de</strong>urs] avant ledépôt du rapport d’expertise». Sur cette secon<strong>de</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong> la cour constate que «ladécision paraît bien acquise que les quelque sept cent vingt travailleurs menacésseront incessamment licenciés; que la vente annoncée <strong>de</strong>s bâtiments confirme ladétermination <strong>de</strong> l’intimée d’en finir avec sa division «poids lourd» à Herstal;qu’il n’est en pareille circonstance pas du pouvoir du juge d’ordonner une poursuite<strong>de</strong>s contrats <strong>de</strong> travail et d’intimer l’ordre <strong>de</strong> ne pas licencier; quel’entrepreneur reste libre, sous la réserve <strong>de</strong> l’abus <strong>de</strong> <strong>droit</strong> et <strong>de</strong>s préalablesd’information et <strong>de</strong> loyauté, <strong>de</strong> donner préavis et <strong>de</strong> faire ou non prester ceux-ci;qu’une décision <strong>judiciaire</strong>, surtout en référé, et dans les circonstances <strong>de</strong> l’espèce,notamment eu égard à l’importance numérique du personnel, ne pourrait contraindrel’intimé à maintenir l’usine en vie et à poursuivre une relation contractuelle»(Liège (7 e ch.), 22 mai 2001, J.L.M.B. 01/685).Sur la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> d’expertise, par contre, la cour estime la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> fondée dès lors«que ne peut être exclue une sanction <strong>judiciaire</strong> <strong>de</strong> la décision <strong>de</strong> mettre fin auxcontrats dès lors que la rupture est fautive parce que décidée brutalement, sansnécessité financière et sans égard pour les propositions formulées par le personneldont la contribution passée à un précé<strong>de</strong>nt plan <strong>de</strong> redressement a permis àl’employeur <strong>de</strong>s économies substantielles dont les travailleurs ont fait quelquetemps les frais». La cour précise néanmoins que «les mesures provisoires etconservatoires que le juge <strong>de</strong>s référés peut décréter doivent rester mesurées;qu’elles doivent principalement ai<strong>de</strong>r les appelants à préparer, en pleine connaissance<strong>de</strong>s éléments <strong>de</strong> la cause, la procédure au fond que logiquement ils introduirontà défaut d’obtenir d’être entendus et récompensés pour <strong>de</strong>s efforts méritoiresqu’ils avaient fournis et qui ont fait […] le succès <strong>de</strong> l’intimée». La cour nommeen conséquence un expert qui pourra se faire remettre une série <strong>de</strong> documents etprécise, comme à contrecœur, «qu’aller au-<strong>de</strong>là n’est pas possible dans le cadre duréféré».• La cour d’appel <strong>de</strong> Liège a encore considéré, dans un arrêt du 12 octobre 1999«que dans la recherche d’une solution mettant les intérêts respectifs en balance, iln’est pas hérétique – au sta<strong>de</strong> du référé – d’admettre certains aménagements à laforce obligatoire <strong>de</strong>s contrats lorsque <strong>de</strong>s événements imprévisibles lors <strong>de</strong> saconclusion ou la nature <strong>de</strong>s choses, conçue comme un agencement <strong>de</strong> faits et <strong>de</strong>circonstances qui s’imposent au juriste dans l’ordre rationnel auquel il souscrit,modifient profondément l’économie <strong>de</strong> celui-ci» 25 (Liège (7 e ch.), 12 octobre1999, J.L.M.B. 99/1221, déjà citée).- d. Rejet d’une injonction <strong>de</strong> ne pas faire• Le litige qui oppose <strong>de</strong>puis longtemps les héritiers <strong>de</strong> GEORGES SIMENON à unhôtelier Liégeois qui avait dénommé son établissement «Simenon» donne unexemple très intéressant <strong>de</strong> justification du refus, par le juge <strong>de</strong>s référés,d’ordonner au provisoire, une injonction <strong>de</strong> ne pas faire.Une procédure <strong>de</strong> plusieurs années avait conduit à l’interdiction <strong>de</strong> l’usage dunom «Simenon» comme enseigne commerciale pour cet hôtel. Persévérant, etnon dépourvu d’imagination, l’hôtelier avait décidé à la suite <strong>de</strong> cette procédure<strong>de</strong> dénommer son hôtel «Si Mais Non». Les héritiers <strong>de</strong> GEORGES SIMENONassignèrent à nouveau l’hôtelier en référé en vue d’obtenir sa condamnation àcesser tout usage <strong>de</strong> ce nouveau nom ou <strong>de</strong> tout autre nom similaire au nompatronymique «Simenon».___________25. L’arrêt cite X. DIEUX, "Réflexions sur la force obligatoire <strong>de</strong>s contrats et sur la théorie <strong>de</strong>l’imprévision", R.C.J.B., 1983, p. 393 et 403.
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