JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLES 2005/4 - 155• Dans l’appréciation <strong>de</strong> l’urgence «le juge recherche si l’absence <strong>de</strong> suite donnéeà la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> aurait pour effet d’entraîner une perturbation plus gran<strong>de</strong> que lepréjudice éventuel créé par l’accueil <strong>de</strong> l’action, ce qui suppose la confrontation<strong>de</strong> <strong>de</strong>ux préjudices éventuels et la prise en considération <strong>de</strong> la situation <strong>de</strong>s partieset <strong>de</strong> leur comportement» (Liège (7 e ch.), 22 mai 2001, J.L.M.B. 01/685, déjàcitée).• Ainsi dans l’affaire déjà évoquée <strong>de</strong> l’abattage d’une vache ayant perdu sesmarques auriculaires, le juge <strong>de</strong>s référés <strong>de</strong> Tournai déci<strong>de</strong> que «l’absenced’i<strong>de</strong>ntification certaine du bovin litigieux […] entraîne donc la nécessité urgente<strong>de</strong> sa <strong>de</strong>struction dans un but prophylactique rendu d’autant plus indispensable dufait <strong>de</strong>s actualités récentes en matière <strong>de</strong> risques pour la santé humaine liés à laconsommation <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> (mafia <strong>de</strong>s hormones, scandale <strong>de</strong> la dioxine, maladie <strong>de</strong>la vache folle…)», précisant que dans le cadre <strong>de</strong> l’appréciation <strong>de</strong> l’urgence «lejuge peut tenir compte <strong>de</strong> l’importance <strong>de</strong>s intérêts en balance; qu’en l’espècel’intérêt public doit l’emporter sans la moindre hésitation sur l’intérêt particulierque pourrait avoir le défen<strong>de</strong>ur à conserver son animal» (Civ. Tournai (réf.), 25octobre 2000, J.L.M.B. 01/515, déjà citée).• Il en va <strong>de</strong> même dans l’affaire déjà citée <strong>de</strong> l’hôtel «Si Mais Non» : le jugeconstate pour contester l’urgence <strong>de</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> que «en l’espèce, il ressort <strong>de</strong>sexplications apportées par les <strong>de</strong>man<strong>de</strong>urs que le dommage dont il se prévalentest essentiellement financier; en effet même si l’aspect moral est évoqué succinctement(p. 8 in fine <strong>de</strong>s conclusions <strong>de</strong> synthèse), il est surtout question <strong>de</strong>dévalorisation, <strong>de</strong> retombée économique, d’investissement considérable, <strong>de</strong>privation d’un <strong>droit</strong> <strong>de</strong> monnayer les autorisations… ; or, un tel dommage estessentiellement réparable et, au vu <strong>de</strong> la situation pécuniaire <strong>de</strong>s <strong>de</strong>man<strong>de</strong>urs,son examen ne nécessite aucune précipitation» (Civ. Liège (réf.), 6 novembre2003, J.L.M.B. 04/846, déjà citée).3. Persistance <strong>de</strong> l’urgence jusqu’à l’issue <strong>de</strong> la procédure• L’urgence, condition du fon<strong>de</strong>ment <strong>de</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong>, «doit exister non seulementlors <strong>de</strong> l’introduction du procès mais jusqu’à la clôture <strong>de</strong>s débats, cette règles’appliquant en <strong>de</strong>gré d’appel» (Liège (1 ère ch.), 28 juin 2000, J.L.M.B. 00/1042,déjà citée).• Dans un arrêt du 8 novembre 1999, la cour d’appel <strong>de</strong> Mons s’emmêle quelquepeu les pinceaux entre l’urgence, condition <strong>de</strong> compétence et l’urgence, condition<strong>de</strong> fond. La cour rappelle d’abord que l’urgence est «la condition nécessaire etsuffisante <strong>de</strong> la compétence du juge <strong>de</strong>s référés». Elle confirme ensuitel’enseignement bien établi selon lequel en tant que condition <strong>de</strong> compétence,l’urgence s’apprécie <strong>de</strong> façon purement formelle : «que, conformément auxarticles 9 et 584 du co<strong>de</strong> <strong>judiciaire</strong>, l’urgence est une condition non point <strong>de</strong>recevabilité mais <strong>de</strong> compétence du juge <strong>de</strong>s référés […]; qu’elle s’apprécie enfonction <strong>de</strong> l’objet <strong>de</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> tel qu’il est formulé par le <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ur dans lacitation et non en fonction <strong>de</strong> l’objet réel <strong>de</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong>; qu’il s’ensuit que,lorsque le prési<strong>de</strong>nt du tribunal siégeant en référé est saisi par la citation d’un<strong>de</strong>man<strong>de</strong>ur invoquant l’urgence, il est compétent pour connaître <strong>de</strong> cette <strong>de</strong>man<strong>de</strong>35 », et ajoute «que si le juge <strong>de</strong>s référés reconnaît effectivement l’urgence<strong>de</strong> la cause, il déci<strong>de</strong> alors <strong>de</strong> faire <strong>droit</strong> à la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> et la déclare dans ce casfondée». Il ressort implicitement <strong>de</strong> la décision que le <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ur avait bieninvoqué, en l’espèce, l’urgence en citation. Par contre, la cour s’interroge «siactuellement [en appel] l’on peut encore estimer qu’il y aurait toujours urgence à___________35. L’arrêt cite Cass. 11 mai 1990 (<strong>de</strong>ux arrêts), Pas., I, 1990, n° 535, 1045 et n° 537, 1050; Cass., 6 mai1991, Pas. 1991, I, 788; Mons, 4 juin 1992, cette revue, 1992, p. 1165; Liège, 19 octobre 1995, J.T.,1996, p. 285.
156 – 2005/4JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLESstatuer compte tenu <strong>de</strong> ce que l’appelante n’est plus propriétaire <strong>de</strong> son commerce<strong>de</strong>puis le 17 novembre 1998 36 ». La cour estime, à juste titre, que l’urgence (condition<strong>de</strong> fond) «est à apprécier au jour <strong>de</strong> la clôture <strong>de</strong>s débats <strong>de</strong>vant la cour».Jusque là tout va bien. C’est dans la conclusion <strong>de</strong> son raisonnement que la cours’égare en estimant que la question <strong>de</strong> savoir si l’urgence subsiste, constitue «uneexception soulevée d’office par la cour tenant à sa compétence et qui concernel’ordre public, il y a lieu d’ordonner d’office la réouverture <strong>de</strong>s débats». Il nes’agissait évi<strong>de</strong>mment plus d’un problème <strong>de</strong> compétence – définitivement régléen fonction du li<strong>be</strong>llé <strong>de</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> – mais bien d’une question <strong>de</strong> fon<strong>de</strong>ment <strong>de</strong>l’action à la suite <strong>de</strong> la disparition <strong>de</strong> l’urgence en cours <strong>de</strong> procédure – enl’espèce par la vente, par la concluante, <strong>de</strong> son commerce (Mons (13 e ch.), 8novembre 1999, J.L.M.B. 99/1470).• La cour d’appel <strong>de</strong> Liège commet la même erreur dans un arrêt du 6 mars 2000.Après avoir relevé que le <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ur originaire avait bien invoqué l’urgence<strong>de</strong>vant le premier juge, mais estimant que celle-ci ne subsistait plus en appel, lacour «reçoit l’appel», mais «se déclare incompétente à défaut d’urgence».Conformément à l’enseignement <strong>de</strong> la Cour <strong>de</strong> cassation 37 , il appartenait à la courd’appel <strong>de</strong> Liège <strong>de</strong> constater, vu la disparition <strong>de</strong> l’urgence en cours <strong>de</strong> procédure,que la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> n’avait plus d’objet et <strong>de</strong> la déclarer en conséquence nonfondée (Liège (1 ère ch.), 6 mars 2000, J.L.M.B. 04/986, déjà citée).4. Conséquence <strong>de</strong> la disparition <strong>de</strong> l’urgence sur la procédured’appel 38La disparition <strong>de</strong> l’urgence en appel ne rend toutefois pas nécessairement laprocédure d’appel sans objet.• La cour du travail <strong>de</strong> Liège a très justement confirmé cet enseignement par unarrêt du 1 er avril 2003 : «La circonstance que la société B. a actuellement reçul’autorisation <strong>de</strong> laisser ses véhicules stationner sur le territoire <strong>de</strong> la ville <strong>de</strong> Liègeet ainsi permettre l’exploitation commerciale <strong>de</strong>s taxis ne permet plus <strong>de</strong> constaterl’urgence 39 . Il n’y a donc plus lieu à référé et la cour est donc à cet égard incompétente40 : les conséquences du défaut <strong>de</strong> l’urgence au niveau <strong>de</strong> l’instance d’appelinterdisent que la cour soit encore compétente pour prendre <strong>de</strong>s mesures provisoires,qui ne sont d’ailleurs pas <strong>de</strong>mandées par les parties. Toutefois, l’absenceactuelle d’urgence n’a pas d’autre effet que celui qui vient d’être précisé, en sorteque la cour <strong>de</strong>meure compétente pour juger le différend qui oppose les parties surla réalité <strong>de</strong> l’urgence au jour où le premier juge a statué, et si ce <strong>de</strong>rnier a correctementapprécié les faits <strong>de</strong> la cause. Tout autre raisonnement ferait perdre àl’appelant le <strong>de</strong>gré <strong>de</strong> juridiction légalement organisé par le co<strong>de</strong> <strong>judiciaire</strong> 41 » (C.trav. Liège (10 e ch.) 1 er avril 2003, J.L.M.B. 03/673, déjà citée).___________36. Il faut savoir que l’appel date du 19 novembre 1998 et que l’action originaire, introduite parl’appelante, avait pour objet d’obtenir la condamnation du défen<strong>de</strong>ur à s’approvisionner auprès d’ellepour tout produit <strong>de</strong> boulangerie.37. Cass., 6 mai 1991, Pas., 1991, I, 788; voy. aussi J. ENGLEBERT, "<strong>Inédits</strong>… ", cette revue, 1992, p. 510.38. Sur l’ensemble <strong>de</strong>s questions liées à l’inci<strong>de</strong>nce du maintien ou <strong>de</strong> la disparition <strong>de</strong> l’urgence en appel,voy. H. BOULARBAH, "Variations autour <strong>de</strong> l’appel <strong>de</strong>s ordonnances sur référé", Imperat Lex – Li<strong>be</strong>ramicorum Pierre Marchal, Larcier, 2003, p. 225 à 245.39. En l’espèce, l’action originaire <strong>de</strong> la société B., auquel le juge <strong>de</strong>s référés a fait <strong>droit</strong>, avait pour objetd’obtenir du juge <strong>de</strong>s référés qu’il se substitue à l’O.N.S.S. pour modifier, par son ordonnance, uneattestation <strong>de</strong> celle-ci considérée par le <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ur comme inexacte, attestation indispensable à lapoursuite <strong>de</strong> ses activités <strong>de</strong> taxi sur le territoire <strong>de</strong> la ville <strong>de</strong> Liège. L’appel est interjeté par le procureurgénéral près les cours d’appel et du travail.40. L’arrêt cite Liège, 3 décembre 2002, cette revue, 2003, p. 37.41. L’arrêt cite Liège, 15 novembre 2000, cette revue, 2001, p. 338.
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