JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLES 2005/4 - 149fond déci<strong>de</strong>ra, il s’impose – pour autant qu’il n’existe prima facie aucune contreindicationmanifeste ou évi<strong>de</strong>nte en rapport avec la contestation du <strong>droit</strong> dont laprotection est sollicitée – <strong>de</strong> faire <strong>droit</strong> à une <strong>de</strong>man<strong>de</strong> qui, se fondant sur uneapparence <strong>de</strong> <strong>droit</strong> suffisante, quoique contestée, tend à prévenir l’apparition ou, lecas échéant, l’accroissement d’un dommage» (Civ. Namur (réf.), 20 décembre2002, J.L.M.B. 02/1253, déjà citée).En résumé, l’apparence <strong>de</strong> <strong>droit</strong> doit être démontrée avec suffisance. Ce qui n’estpas le cas si le <strong>droit</strong> apparent est sérieusement contesté. Mais malgré cette contestationsérieuse, l’apparence sera quand même suffisante pour justifier la mesuresollicitée si la balance <strong>de</strong>s intérêts en présence fait apparaître prima facie qu’iln’existe pas <strong>de</strong> contre-indication manifeste et évi<strong>de</strong>nte <strong>de</strong> faire <strong>droit</strong> à la <strong>de</strong>man<strong>de</strong>…Voilà les contorsions stériles auxquelles le juge doit se livrer lorsqu’ilreste enfermé dans la distinction obsolète entre les <strong>droit</strong>s prétendument «apparents»et ceux qui seraient «évi<strong>de</strong>nts», ce qui l’oblige par ailleurs à analyser lecaractère apparent ou évi<strong>de</strong>nt <strong>de</strong>s contestations soulevées par l’autre partie.Et pour sauver les apparences, il ne lui reste qu’à affirmer péremptoirement quetoutes ces analyses ne sont évi<strong>de</strong>mment faites que prima facie !6.2.- Mesures d’anticipation et <strong>droit</strong>s évi<strong>de</strong>nts- a.- Remarque préalableTraditionnellement, c’est sous l’intitulé générique <strong>de</strong> «référé-provision» que ladoctrine traite généralement <strong>de</strong> toutes les mesures d’anticipation, tout en faisantune place particulière au référé-provision stricto sensu 21 . Il convient, toutefois, <strong>de</strong>gar<strong>de</strong>r à l’esprit que le référé-provision n’est en réalité qu’un type particulier,parmi bien d’autres, <strong>de</strong> mesures d’anticipation que peut ordonner le juge <strong>de</strong>sréférés. Rien ne justifie, à mon sens, que l’on fasse une place à part au référéprovisionpar rapport aux autres mesures d’anticipation, même si c’est sansconteste celui-ci qui a mis en lumière le premier l’importance et l’intérêt pratiqueque peuvent représenter <strong>de</strong> telles mesures d’anticipation.• Ainsi, lorsque le juge <strong>de</strong>s référés <strong>de</strong> Bruxelles (Civ. Bruxelles (réf.), 6 juin 2002,J.L.M.B. 03/696) souligne que «l’intervention directe du juge <strong>de</strong>s référés dans larelation contractuelle se confond en réalité avec un référé-provision», il fautcomprendre que ces <strong>de</strong>ux types <strong>de</strong> mesures se confon<strong>de</strong>nt dans le cadre plusgénéral <strong>de</strong>s mesures d’anticipation.• C’est ce que résume parfaitement, dans une récente ordonnance, le prési<strong>de</strong>nt dutribunal <strong>de</strong> première instance <strong>de</strong> Liège (Civ. Liège (réf.), 6 novembre 2003,J.L.M.B. 04/846) : «le rôle du juge <strong>de</strong>s référés ne se cantonne pas […] au domaine<strong>de</strong>s mesures d’instruction ou <strong>de</strong>s mesures conservatoires. Le juge <strong>de</strong>s référés n’est,en effet, pas limité quant aux mesures provisoires […] qu’il peut prendre, si cen’est qu’il ne peut octroyer plus que ce que le juge du fond pourrait allouer. Ainsi,il peut prendre <strong>de</strong>s mesures dites d’anticipation. Parmi celles-ci, on distinguel’injonction <strong>de</strong> faire, l’injonction <strong>de</strong> ne pas faire [et] l’injonction <strong>de</strong> payer unesomme d’argent ou le référé provision».• On relèvera, toutefois, que certains juges refusent encore l’idée même du référéanticipation.Dans un arrêt du 28 juillet 2003, la cour d’appel <strong>de</strong> Liège (Liège, (ch.vac.), 28 juillet 2003, J.L.M.B. 03/1219, déjà citée en note 8) constate que lepremier juge «tout en admettant l’urgence, rejette la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> au motif que celle-cisort manifestement du cadre du provisoire, "le but poursuivi par la <strong>de</strong>man<strong>de</strong>resse[…] (étant <strong>de</strong>) voir consacrée ici une prétention exactement i<strong>de</strong>ntique à cellequ’elle a soumise, parallèlement, à la juridiction <strong>de</strong> fond"».___________21. C’est ainsi que j’ai moi-même toujours présenté les choses dans mes précé<strong>de</strong>nts inédits (1992, p. 516;1993, p. 1131 et suivantes, et surtout 2000, p. 363 à 367).
150 – 2005/4JURISPRUDENCE DE LIEGE, MONS ET BRUXELLES- b.- Deman<strong>de</strong> d’une provision en référé• «Pour que le juge <strong>de</strong>s référés puisse, en quelque sorte, "préjuger" <strong>de</strong> l’existencedu <strong>droit</strong> revendiqué dans le chef <strong>de</strong> la partie <strong>de</strong>man<strong>de</strong>resse en référé-provision, ils’impose que celle-ci administre, dans le cadre d’un débat forcément simplifié etaccéléré, la preuve <strong>de</strong> l’évi<strong>de</strong>nce manifeste (ou encore : flagrante, éclatante,indiscutable) du bien-fondé <strong>de</strong> sa prétention, tant en fait qu’en <strong>droit</strong>» (Civ. Namur(réf.), 31 juillet 2001, J.L.M.B. 01/745).• «Une telle mesure d’anticipation ne peut […] être prise que face à un <strong>droit</strong>évi<strong>de</strong>nt et à une atteinte manifestement illicite <strong>de</strong> ce <strong>droit</strong>» (Civ. Liège (réf.), 6novembre 2003, J.L.M.B. 04/846, déjà citée).• Le <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ur avait obtenu en référé l’allocation d’une provision, dans le cadred’un litige portant sur la détermination <strong>de</strong>s responsabilités. Le juge <strong>de</strong>s référésn’avait toutefois pas mentionné dans son ordonnance que la faculté <strong>de</strong> cantonnementétait écartée. Le défen<strong>de</strong>ur refusait en conséquence <strong>de</strong> s’exécuter et proposait<strong>de</strong> cantonner le montant alloué à titre <strong>de</strong> provision. Le <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ur a introduitune nouvelle action en exclusion du cantonnement. Saisi <strong>de</strong> cette <strong>de</strong>man<strong>de</strong>, le juge<strong>de</strong>s référés <strong>de</strong> Namur déci<strong>de</strong> que «à l’inverse d’une <strong>de</strong>man<strong>de</strong> d’astreinte ou <strong>de</strong>termes et délais, la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> fondée sur l’article 1406 du co<strong>de</strong> <strong>judiciaire</strong> ne doitpas satisfaire à la condition <strong>de</strong> simultanéité avec l’examen et le jugement <strong>de</strong> la<strong>de</strong>man<strong>de</strong> originaire». Après avoir relevé que la condamnation, pour laquellel’exclusion du cantonnement était sollicitée, avait été prononcée par le mêmetribunal, le prési<strong>de</strong>nt ajoute «qu’il est <strong>de</strong> l’essence même <strong>de</strong> la provision allouéeen référé dans le cadre d’un litige […], d’être indispensable à la satisfactionimmédiate d’un <strong>be</strong>soin actuel ou urgent; qu’en déci<strong>de</strong>r autrement reviendrait àvi<strong>de</strong>r <strong>de</strong> toute son efficacité l’ordonnance dite <strong>de</strong> référé-provision […]». (Civ.Namur (réf.), 31 juillet 2001, J.L.M.B. 01/726).- c.- Deman<strong>de</strong> d’exécution d’un contrat en référé• Le juge <strong>de</strong>s référés <strong>de</strong> Bruxelles a eu à connaître d’un conflit opposant unpédiatre à un centre hospitalier, en raison <strong>de</strong> la modification unilatérale, par ce<strong>de</strong>rnier, <strong>de</strong>s conditions dans lesquelles le mé<strong>de</strong>cin travaillait. Le juge va analyserdans le détail la nature <strong>de</strong>s activités du pédiatre avant et après la modificationunilatérale <strong>de</strong> son statut, les conséquences financières qui en découlent, le processusdécisionnel qui a conduit à cette modification pour en déduire qu’une «tellemodification unilatérale <strong>de</strong>s conditions du contrat <strong>de</strong> prestation <strong>de</strong> services sansque ne soient respectées les modalités contractuelles prévues pour la résiliation,constitue une violation flagrante <strong>de</strong> celui-ci, s’apparentant à la voie <strong>de</strong> fait». Ceconstat permet au juge <strong>de</strong> justifier son intervention dans le cadre <strong>de</strong> relationscontractuelles liant les parties : la voie <strong>de</strong> fait présupposant l’existence d’un actemanifestement illégitime et donc un <strong>droit</strong> évi<strong>de</strong>nt et certain à en obtenir la suppression22 (Civ. Bruxelles (réf.), 6 juin 2002, J.L.M.B. 03/696, déjà citée).Il est également intéressant <strong>de</strong> noter qu’après <strong>de</strong> longs développements sur lecaractère certain <strong>de</strong>s <strong>droit</strong>s invoqués et sur l’existence d’une véritable voie <strong>de</strong> fait,autorisant le juge à intervenir en matière contractuelle, celui-ci va se «contenter»,après avoir ordonné la réintégration du mé<strong>de</strong>cin dans le service <strong>de</strong> pédiatrie <strong>de</strong>l’hôpital, <strong>de</strong> dire «qu’il appartient aux parties <strong>de</strong> se concilier à l’initiative duconseil médical, pour préciser les attributions et prestations qu’il y a lieu <strong>de</strong>confier [au <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ur] au sein du service <strong>de</strong> pédiatrie» dès lors que, nonobstant lavoie <strong>de</strong> fait, il «n’apparaît pas d’emblée que [le <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ur] puisse […] revendi-___________22. Sur l’origine et le rôle <strong>de</strong> la «voie du fait» dans le pouvoir d’intervention du juge <strong>de</strong>s référés, voy. J.ENGLEBERT, "Référé <strong>judiciaire</strong> : principes et questions <strong>de</strong> procédure", op. cit., n° 30 à 34, p. 27 et 28.
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