entretienEntretien avecH. et F. Campanapage08le quotidien <strong>de</strong> l’art / numéro 384 / vendredi 24 mai 2013Suite <strong>de</strong> la page 7 l’avez fait. Vous pouvez le faire ».Nous travaillons étroitement avec <strong>de</strong>s « Angels », <strong>de</strong>sassociations caritatives au Brésil, dans les favelas <strong>de</strong>Rio parfois, ou même avec les prisons. Nous souhaitonstravailler <strong>de</strong> plus en plus avec les communautés pauvrespour leur redonner leur fierté.H. C. Le <strong>de</strong>sign brésilien est en partie fondé sur le travailà la main. Ici, les choses changent à toute vitesse, avec<strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s firmes qui travaillent par exemple le fer. Noustenons à maintenir <strong>de</strong>s ateliers à l’ancienne.A. C. N’avez-vous pas peur <strong>de</strong> vous enfermer dans uneimage <strong>de</strong> « <strong>de</strong>signers <strong>de</strong>s favelas » ?F. C. Je ne crois pas, car nous travaillons avec <strong>de</strong>s éditeursaussi divers qu’Alessi, Edra, Baccarat...H. C. Je n’aime pas être enfermé dans <strong>de</strong>s limites. Nousaimons changer d’univers mais les matériaux restent aucentre, jouent le rôle principal. Ce sont eux qui nouspermettent <strong>de</strong> communiquer nos idées.A. C. Quels liens entretenez-vous avec la France ?F. C. Dans les années 1960-1970, nos idoles au Brésilétaient <strong>de</strong>s créateurs comme Christian Lacroix ou PierreCardin... Mais le <strong>de</strong>sign brésilien et français sont siéloignés...H. C. Je dois avouer que je suis généralement assez effrayépar les Français, si rationalistes, cartésiens. Tout monHumberto et Fernando Campana, Sushi Cabinet, 2013, EVA, textiles ettissus. Structure en acier inoxydable poli, 180 x 40 x 120 cm.© Fernando Laszlo. Courtesy Carpenters Workshop Gallery.contraire ! Je n’ai pas commencé à faire du <strong>de</strong>sign <strong>de</strong>façon cartésienne... ❚Propos recueillis par Alexandre CrochetCampana Brothers, Ocean Collection, jusqu’au 31 juillet,Carpenters Workshop Gallery, 54, rue <strong>de</strong> la Verrerie, 75004 Paris,tél. 01 42 78 80 91, www.carpentersworkshopgallery.comDiscover the new weekly editionof the <strong>Quotidien</strong> <strong>de</strong> <strong>l'Art</strong> in EnglishStarting on June 5 2013thEVERYWEDNESDAYwww.the-art-daily-news.comWeeklyEdition
evue <strong>de</strong> pressele quotidien <strong>de</strong> l’art / numéro 384 / vendredi 24 mai 2013page09Que nous dit Anish Kapoor ?Par Cédric Aurelle« Je n’ai rien à dire », déclare Anish Kapoor auHuffington Post à l’occasion <strong>de</strong> son exposition « Kapoorin Berlin » qui vient <strong>de</strong> s’ouvrir au Martin-Gropius-Bau,insistant sur le fait qu’il n’a « jamais réalisé une œuvre quivise un contenu précis » (17 mai). On rencontre dans cetteexposition berlinoise le vocabulaire usuel <strong>de</strong> l’artiste, « <strong>de</strong>smiroirs en acier poli, du bois, <strong>de</strong> la résine, <strong>de</strong> la terre et toujoursplus <strong>de</strong> cire, lie-<strong>de</strong>-vin et visqueuse […]. L’artiste […] présentetrois décennies <strong>de</strong> production ainsi que <strong>de</strong>s œuvres nouvellesréalisées spécialement pour [le lieu] », ainsi que le rapportel’hebdomadaire hambourgeois Die Zeit (17 mai). Avec cesformes et ces matériaux, se pourrait-il que l’artiste n’aitvraiment rien à dire ? Si tel est bien le cas, d’aucuns sechargent <strong>de</strong> faire parler ses œuvres. D’abord en les replaçantdans l’histoire <strong>de</strong> l’art. Le quotidien berlinois Tagesspiegeldécrit ainsi « un énorme disque rouge qui trône au sommet d’unéchafaudage d’acier » et explique : « il s’agit du soleil auquelle titre <strong>de</strong> l’œuvre renvoie, citation <strong>de</strong> l’opéra <strong>de</strong> Malevitch <strong>de</strong>1913 Victoire sur le Soleil et <strong>de</strong> la série d’œuvres d’El Lissitzkys’y rapportant. Tout autour, <strong>de</strong>s cubes <strong>de</strong> cire rouge <strong>de</strong> 60 kgsont transportés par <strong>de</strong>s tapis roulants au bout <strong>de</strong>squels ils sontlargués pour s’accumuler sur un tas croissant sans cesse. Cettesymphonie sculpturale [rappelle] l’installation légendaire <strong>de</strong>Beuys Monuments au cerf, qui se trouvait au même endroit30 ans auparavant » (16 mai). Par-<strong>de</strong>là les références, c’estaussi un contexte historique d’intervention que la presse seplaît à souligner. Le mensuel Monopol précise que « Kapoor et[Norman] Rosenthal [commissaire <strong>de</strong> l’exposition] révèlentl’histoire du bâtiment, cellule <strong>de</strong> la mo<strong>de</strong>rnité, du Bauhaus, <strong>de</strong>la guerre, <strong>de</strong> la partition alleman<strong>de</strong> » (15 mai). Et le magazineStern d’ajouter que Kapoor « sait parfaitement que la frontièreEst-Ouest longeait directement le Martin-Gropius-Bau [ainsi quel’ancienne chambre <strong>de</strong> torture SS située à côté] ». Ici, l’artiste« qui n’a rien à dire » déclare pourtant, toujours dans Stern :<strong>de</strong>vant le Martin-Gropius-Bau, « on ne peut penser à riend’autre qu’à l’histoire alleman<strong>de</strong> » (18 mai).Ses titres ne fournissent-ils pas aussi <strong>de</strong>s orientations<strong>de</strong> lecture <strong>de</strong> ses œuvres ? « De la chambre à air en PVC grisfoncé pénétrable car gonflable, qui sous le titre <strong>de</strong> Léviathanrampait comme un ver artificiel à travers le Grand Palais àParis, l’air s’est échappé : le sac fatigué s’étale certes encore [auMartin-Gropius-Bau] sur trois salles. Mais peut-être faut-il voirici un symbole mélancolique, celui <strong>de</strong> la fin <strong>de</strong> toutes les énormesbulles spéculatives », écrit le Tageszeitung, pour qui « la mortdu Léviathan, c’est celle <strong>de</strong> l’État » (18 mai). Une questionapparemment récurrente chez Kapoor. Si au Grand Palais,le projet commandé en 2011 par l’État français offrait à soncommanditaire en Léviathan l’image échouée <strong>de</strong> sa propreboursoufflure, le Guardian nous relate le point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong>Kapoor sur <strong>de</strong>s contextes anglais et allemands fort opposés. Ilconsidère ainsi son exposition à Berlin comme « la meilleurequ’il ait pu mettre sur pied, ce qui est fortement lié au fait queselon lui l’Allemagne fait preuve d’un haut <strong>de</strong>gré <strong>de</strong> respect pourles arts contrairement à la Gran<strong>de</strong>-Bretagne ». Et le Guardian <strong>de</strong>citer l’artiste : « En Allemagne, il semble que la vie intellectuelleet artistique soit célébrée et fasse partie d’une véritable bonneéducation, alors qu’en Angleterre, traditionnellement, <strong>de</strong>puisles Lumières, nous avons peur <strong>de</strong> tout ce qui est intellectuel,esthétique, visuel. […] Bref, la Gran<strong>de</strong>-Bretagne est foutue »(15 mai). Finalement, Kapoor a bien <strong>de</strong>s choses à dire… ❚