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Moussorgski / Chostakovitch - Opéra Orchestre National Montpellier

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Si la critique occidentale peut voir dans le finale une sorte de « jubilation sincère », cette œuvre se révèlebeaucoup plus profonde et complexe qu’elle ne voudrait le faire croire. Ce Finale est peut-être la musique la plusmystérieuse et la plus ambivalente du XXe siècle. Ses tableaux éclatants de foules en marche suscitent desdiscussions passionnées jusqu’à présent, des décennies après sa composition. <strong>Chostakovitch</strong> aurait-il assagi sonstyle pour mieux masquer son intention ?<strong>Chostakovitch</strong> avait réussi ce dont rêvaient les plus grands auteurs : en y assortissant une explicationsuffisamment ambiguë pour permettre une pluralité salvatrice d’interprétations, il avait su raconter dans uneœuvre symphonique le destin de l’intelligentsia à l’époque stalinienne, de telle façon que la narration soitémotionnellement véridique et accessible à un public assez large.Même Boris Pasternak, qui sera l’auteur du célèbre Docteur Jivago s’exclamera : C’est quand même extraordinaire,il a tout dit, comme ça, et ça ne lui a valu aucun ennui !Certains critiques de l’époque ont pu ainsi commenter cette symphonie : La pression émotionnelle est aumaximum : encore un pas et tout explosera dans un hurlement physiologique.Le pathos et la souffrance est par endroits poussé jusqu’au cri naturaliste et au hurlement. Dans certains épisodes,la musique est capable de provoquer presque une douleur physique.Tout au long de cette œuvre, <strong>Chostakovitch</strong> dépeint sa souffrance personnelle, mais également celle de tout unpeuple victime de l’oppression. Et ce n’est pas étonnant que cette œuvre ait été ovationnée pendant environ unedemi-heure lors de sa création. Evgueni Mravinski, le chef d’orchestre rendra même un hommage particulier aucompositeur en portant la partition comme un trophée au-dessus de sa tête à cette occasion.Johann Admoni, compositeur présent à la première déclarera : « On pouvait considérer le succès de la CinquièmeSymphonie comme la protestation de l’intelligentsia – de la partie de l’intelligentsia qui n’avait pas encore été anéantie,de ceux qui n’étaient encore ni déportés, ni fusillés. Chacun pouvait comprendre cette symphonie comme l’expression desa propre attitude envers la terrible réalité, et c’est bien plus grave que n’importe quel problème de formalismemusical. »Selon Lioubov Chaporina : « Tout le monde répétait la même chose ; il a répondu, et bien répondu. »Le 1 er mouvement s’ouvre sur un violent thème en canon opposant les violoncelles contrebasses aux violons 1 et 2qui contraste avec la fragilité, la douleur des mesures suivantes. La rythmique de percussion (notamment timbaleset xylophone) quasi militaire sur laquelle réapparait plus tard ce thème aux dissonances toujours plus inquiétantesreprises par tout l’orchestre semble évoquer le climat inflexible qui pèse sur le pays. La fin de ce premiermouvement superposera des longues phrases plaintives dans l’aigu à la flûte ou au violon solo puis au célestamorendo sous d’inquiétants vestiges de ce premier thème qui plane comme une menace persistante.Dans le second mouvement, en apparence plus conventionnel, n’y aurait-il pas une intention satyrique masquée àtravers son côté burlesque et naïf ? L’opposition entre l’entrée des violoncelles contrebasses pompeuse etmaladroite à l’unisson dans le grave avec l’acidité stridente des bois aigus n’est-elle pas une sorte de caricature deStaline déguisée ?La fin du troisième mouvement semble désespérée. Il termine sur l’indication Morendo. L’angoisse de<strong>Chostakovitch</strong> semble révélée par ces tremolos de fa# au violon pp,Mais, comme l’indique Solomon Volkov, <strong>Chostakovitch</strong> aurait savamment caché différentes citations révélatricesde son intention compositionnelle. Avec une grande maîtrise, <strong>Chostakovitch</strong> y a subtilement entretissé desallusions parlantes, comme il l’avait fait pour sa 4 e symphonie. La science musicale actuelle ne fait que commencerà identifier ces allusions dans toute leur complexité. Par exemple, on a établi la parenté entre le thème principaldu finale de la 5e symphonie avec le motif d’une œuvre plus tardive de <strong>Chostakovitch</strong> : la romance sur les vers deRobert Burns Mc Pherson’s farewell, dont les paroles sont : « il marchait si gaiement si bravement vers la potence. »

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