34/ MÉMOIREDès le début du XVII e siècle, deux grandes bâtisses, situées au bord de l'anciennedarse, s'élevaient, face à mer. Aujourd’hui, elles ont fait place à la Maison duPatrimoine et de l'Image, grâce à l'architecte du patrimoine, Véronique Wood.Restait à s'occuper des poutres et à restaurer les fresques. Sylvie Oberseither,fresquiste restauratrice, s'en est chargée.Maison du PatrimoineVoyage dans larestaurationAu servicede l’HistoireSylvie Oberseither présente lestechniques naturelles de peinture :à l’œuf et au fromage (caséine),les outils, (scalpels, seringues)et les pigmentsJANVIER FÉVRIER 2011 N°21
35<strong>La</strong> maison historique a été édifiéeaux alentours de 1620 etréhabilitée par l'architecteVéronique Wood pour devenir laMaison du Patrimoine et de l'Image,inaugurée le 18 septembre dernier,lors des Journées européennes duPatrimoine. Cette réalisation s'inscritdans le cadre du projet urbainde rénovation du centre ancien.L'endroit est paisible et invite à larêverie. Les lieux se souviennent-ilsde leur passé lointain. Suffit-il defermer les yeux pour imaginer, auXVII e siècle, une rade marécageuseet un grand môle s'avançant <strong>sur</strong> lamer, avec tout au fond, une darse ?<strong>La</strong> belle bâtisse servait alors d’abriaux bateaux, par temps fort, bienprotégée des vents dominants dansla rade. Une autre bâtisse lui étaitmitoyenne et toutes deux étaientsituées <strong>sur</strong> les terres régales desAbbés de St Victor. Lors de l'inaugurationde la Maison duPatrimoine et de l'Image, le maire,Marc Vuillemot, a rappelé l'originede ces maisons « ... Il semble qu'ellesaient dû appartenir à de prestigieuxanciens, mais leur occupationa sans doute toujours été modeste,certainement locative ou maison decommerçant... » (lire le discours complet<strong>sur</strong> son blog*).Décembre 2010. Un vent glacialbalaie la ville depuis quelques jours.<strong>La</strong> place Bourradet est plutôtdéserte en cette fin d'après-midi,et les abords de la Maison duPatrimoine n'ont pas l'air plus animés.Pourtant, à l'intérieur de cettegrande bâtisse, quelqu'un est entrain de remonter le temps. Pouraller à sa rencontre, Il faut pousserla porte du XVII e siècle. Sitôt le seuilfranchi, on est conquis par lecharme des lieux. Un bel escalierdécoré de gypseries dessert les deuxétages du bâtiment. Bordé d’unerampe en ferronnerie, éclairé parun puits de lumière, l'ensemble estharmonieux. Au premier étage,juchée <strong>sur</strong> son échafaudage, SylvieOberseither, fresquiste, scrute lesdétails d'une fresque qui orne l'unedes poutres d'une grande pièce,plongée dans une semi-pénombre.Egalement restauratrice de peinturemurale et de polychromie <strong>sur</strong>bois, Sylvie s'attelle à freiner lesoutrages du temps, à la lueur de salampe frontale. Engagée par la Villepour la “conservation préventive”de ces fresques, elle intervient enplusieurs étapes : dépoussiérage etprotection sous papier Japon et désinsectisationcurative. Le bois estenvahi d’insectes xylophages, repérablespar les galeries et trous d'envolslaissés derrière eux. Malgré cesdommages, l’ensemble pictural estrelativement bien conservé grâceau travail de préparation d’antan.Ensuite, les peintures - qui apparaissenttrès peu - subissent un traitementde nettoyage, après une fixationqui protège les couleurs et agitcomme révélateur. On reconstituealors les supports manquants parinjection ou masticage. Ensuite, unapprêt à base de colle de peau delapin prépare le fond. Le but est deconserver, sans rien ajouter, saufcombler les lacunes. « Ma techniqueest à la jonction de la science etde l'art. Mais attention, un restaurateurn'est pas un artiste. Il reste auservice de l'Histoire », précise SylvieOberseither. Qu’en est-il de l’histoirede ces peintures et commenta-t-on pu les ignorer jusqu’à cejour ? Personne ne s'attendait à cettedécouverte. <strong>La</strong> chute d’une partiedu plafond de la pièce, lors de laréhabilitation, a permis de découvrirsous un faux plafond, un autreplafond “à la française”, orné depeintures datant vraisemblablementdu XVII e siècle. Elles ont été réalisées<strong>sur</strong> deux supports, un plafonden torchis et des poutres en bois. Ily a donc deux techniques à réaliser,la fresque <strong>sur</strong> un enduit de chauxentre les voûtes, et la peinture <strong>sur</strong>un apprêt à la colle et caséine. Si lesfrises de feuillages <strong>sur</strong> poutres, avecornements floraux, et la techniqueutilisée, confirment, selon SylvieOberseither, la datation, les solivessemblent avoir été peintes séparémentet plus tard, car moins habilement: « Le dessin des frises est fermeavec un traitement des ombres remarquable.Les couleurs sont fraîches etl’ensemble gracieux. Comme j’aiappris qu’à l’époque de la constructionde la maison, existait à Toulonun réservoir d’artistes fameux -l’école de peinture de la Marine àl’Arsenal dirigé par le réputé peintrePierre Puget - il est permis de penserqu’un peintre de qualité a œuvréici ». Julie Castellani,responsable dela Maison du Patrimoine, suit avecattention le travail de la restauratrice: « L’intervention doit se faire enplusieurs périodes car la municipalitén’avait pas prévu dans le budget de laréhabilitation, ces frais de restauration.Pour éviter toute dégradation,nous avons demandé à SylvieOberseither de faire en sorte que celapuisse rester comme ça. Mais noussavons que c'est temporaire ». Aprèsla conservation préventive des supportset du fond, une restaurationde la couche picturale devrait sepoursuivre ultérieurement.Ainsi,lesdeux grandes bâtisses ont franchi letemps et vu la création de la communede <strong>La</strong> <strong>Seyne</strong>-<strong>sur</strong>-<strong>Mer</strong>, par lettrespatentes de Louis XIV, en 1657.Aujourd'hui,entièrement rénovées,mais riches de leur passé, ellesouvrent leurs portes aux habitants,aux Seynois et aux visiteurs...Chantal Campanachantal.campana@la-seyne.com* http://marcvuillemot.over-blog.fr/article-de-la-maison-du-patrimoine-etde-l-image-a-la-defense-des-territoires-57371669.htmJANVIER FÉVRIER 2011 N°21