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ARTS NEGRES ET RACISME - Archives du MRAP

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4« L 'INSTRUCTION » AU THEATR~Pleins feux sur le SYSTEME d'AuschwitzV1)1 CT mo)~ de procé<strong>du</strong>re. troiscent ci nquante-neuf témoins. sixcondamnations il la prison à "iechât iment suprême en A lIemagne fédérale- onze peines de prison à temps.trois acquittements, le procès des bourreauxcI'Auschwitz a pris [in. ù Francfort.C'était le 18 août 1965.A la même époque, des répétitions de« UI nstruction ». la pièce de Peter\ Veiss. écrite il pa rtir des lllin utes <strong>du</strong>procès. débutait dans quatorze théàtresdes deux Allemagnes qui all aient la présente)'simul tanément. le 19 octobre1965, à r()ccasion <strong>du</strong> ,:ingtièllle alllli ,'ersairede la libération des call1lh D essemaines <strong>du</strong>rant, « L'Instruction » futle centre cles préoccupatiolls des thé:lyingt-quatreacteurs, n'est pas ce soirau complet. Mais on reconnaît pourtantici et là Robert Porte, A rmand Mesfre.Jean Bolo. Marc D udicourt, A ndréeI·ainsy. Henri Delmas, Claude Debord,et... Pierre Dac.;\ rais oui, Pierre Dac, le créateur dela S.D,L. (Société des Loufoques) et ciel'Os à Moelle. Pierre Dac, dont c'est lepremier rôle dramatique - il incarnerale juge :- Quand Garran m'a proposé le rôle<strong>du</strong> .fu.qe da/ls « L'I/lstruction », je lll iait fait tout de suite remarquer qu'avecl'étiquette que je porte ... Il a balayé mesobjcctiolls : « Mais nou, a-t-il dit, vousêtes le persol1nage. » A lors j'ai acceptéd'cllthousiasllle; la lecture <strong>du</strong> lIIa1l11scritUne répétition au THEATRE DE LA COMMUNE de l'œuvre de Peter Weiss(ci-dessus ). Pierre Dac (ci-contre), y joue le premier rôle dramatique de sacarrière. Photos Elie Kagan .tres, des journaux, des radio, des télévisionsallemands.Peu cie temps après, on annonça lacréation cie la pièce clans de nombreux~ays : Ingmar Bergman la met en scènea Stockholm . Peter Hall à Lonclres. E ll edoit être créée en I sraël, il Broadway.F idèle à sa ligne de conôuite, « l'élaborationd'H1Ie chronique colleciiv,e deshommes ». le Théâtre de la Communed'Aubervi l1ers l'a inscrite à son répertoire.C'est donc le 25 mars, qu'aura lieu lacréation francaise de cette œuvre, dansun texte d'Ai1Clré Gisselbrecht, un dispositifscénique cl' André Acquart et unemise en scène de Gabriel Gan-an, à quisera remis, le 30 mars, le Pri.t: de laFraterllité décerné au Théâtre de laCommu1/e pour l'ensemble de ses créationsen 1965.UNE VALEURDE TEMOIGNAGEC'est en pleine répétition que noustrouvons Gabriel Gan"an, per<strong>du</strong> der rièreson vaste pupitre. La troupe forte de/n'm'ait littémlement « emballé ».- Vous êtes donc le président <strong>du</strong>tribunal et vous êtes sur scène toutau long cie la pièce. C'est un rôletrès lourd, plein cie respon sabilités ...- C'est beaucoup plus qu'un rôle, carje ne m e place pas seulement sur le plandn comédien. C'est lm hommage que je'l'e ux rendre à la lllémoÏ1'e de tous lesdéportés, c, e ll ~: qui SOlLt l'estés et ce u.rqui sont reve1/ IIS des camps de la 1/Iort.- Au fond, vous considérez votreparticipation à la distribution commeun acte d'engagement qui aura valeurde témoignage?- Mais bien sûr, et je SltiS très fierde l'honneur qui m'a été fait. Car c'estmU? œuvre absolumel1t l'emarquable ettrès l~tile, wrtout pour la jeunesse qlûn'a pas vécll ce dl'alne. NO liS savons d'aillelwsql~'en Allemagne, L'Instruction aelt un retentisselnel1t extraordinaire auprèsdes jeltneS qu'i souvent découvrai,entPOltr la première fois la réalité et l'i11/­portance des crimes ttazis.De telles œuvres, qu'elles soient littél'aires,théâtrales ou cinématograPhiques,sont nécessaires, tant que le danger subsiste.l'al' le réconfort qu'il apportait enparti cÎf)ant, <strong>du</strong>rant l'occupation, à l'émission« Les Français parlent aux FralL­(ais », Pierre Dac a mont ré qu'il avaitla force de caractère nécessaire pours'adapter aux situations d'exception.N'en faut-il pas dans cette pièce où tousles dialogues se rapportent aux crimeset aux horreurs d'At!schwitz?POURQUOI UN ORATORIO?11 est « ce persoJlnage essentielleme11thumain, attentif, apparemment serein,capable de polariser l'attention d l ~ public,un homme avant tOl/t », comme ledéfinit un peu plus tard Gabriel Gan'an,qu i, malg-ré trois heures ininterrompuesde travail avec les comédiens, répond à110S questions avec la gentillesse que nouslui connaissons.- Il semble que le titre de l'œuvrede :peter Weiss peut s'interpréterde diverses façons. E t pourquoi ladéfinit-on comme un oratorio, motqui relève <strong>du</strong> vocabulaire techniquede la musique?- « L 'Instruction », qui est la tra<strong>du</strong>ctionlittérale <strong>du</strong> titre allemand, dé finitplus précisément une forme d'inve~tigation qui doit nolts amener à la décoltvertede la vérité, mais aussi uneaction pédagogique, ltn ,enseignement apportépar la vision des faits.Si on parle d'oratorio, c'est qu'il s'agitici d'une vo~onté précise de Peter Weissde donner à cette œuvre w~e architecturequi lui soit particulière, et qui s'inspil'ede « La D wine Comédie » de Dante.Peter Weiss avait d'ailleurs e.t:primé publiquementson projet d'écrire une DivineComédie moderne, dont Auschwit:::constituerait ... « le Paradis ». C'est U 1lparadoxe : le paradis des b01trreaux.E n fait, il s'agit - Peter Weissl'a lui-même exPliqué d'lin vaste« collage dialecttque » dont le matériauIL été fourni par les dix-huit mille jelûlletsdit procès -de Francfort : c'est unpoème en forme de procès-verbal.Respectant le schéma de Dante, PeterWeiss décrit en onze· chants très précisle parcours temporel, psychologique 1ftpresque métaphysique de l'homme entraînédalls le mécanisme, dans l'engrenagede la vie concentrationnaire.Tout d'abord l'arrivée G1~ càmp, lasélection avec le « chant de la rampe »,l'exi,Itence quotidienn,e et les torturiSdans « le chant dtt camp », et le « chantde la balançoire ». Ensuite le chant leplus important de la pièce, celui de « lapossibi lité de survivre », d'où se dégagentplusieurs idées : l'organisation dela résistance, l'ambiguité de la sttrvie Oltca mp qui nécessite à la fois ttne certaineadaptation et une participation plus oulIloins CO/lsciente alt système.Viennent s'intercaler deux chants dedestin indivi<strong>du</strong>el : celui d'ume victime,la détemœ Lili Tofler; celui d'un baurl'eaH,le gradé 55. Stark. Et enfin, divantnous, défilent ce qlt'On pourrait appelerles modes grandissants et hallucinantsde l'extermination qui passent pa?'les fusillades ait « mur noir », les injectionset piqûres mortelles de « phénol», l'asPhyxie dans les « cachots »,le « Zyclon B » des chambres à ga:::, les[1'é11latoires pour finir.« L 'I nstruction» est 1~ne œnvre grmldiose,sans précédent dans le théâwccontemporain. Il s'agit plus de théâtrevéritéque d,e théâtre-docttment : onpeut dire ici que toute ressemblance avecdes personnages !l!xistants est totalementdépel1datlte de notre volonté.L'HOMME VICTIME DE L'HOMME- Peut-on dire que le choix de cetteœuvre correspond aux préoccupations<strong>du</strong> T héâtre cie la Commune ?- Nous tentons d'élaborer à traversnotre l'épertoire ttne sorte de chroniquecollective des hommes. Et il se trouveque l'ensemble formé pdr « A ndorra ».« La mort d'un commis-voyageur », c LesChiens» et enfin « L'Instruction », illustrele. thème de l'homme victime de l'hontme.C ette tenlati~'e de transcl'iption esthétiquedtt monde contemporain a rarementété poussée aussi loin que dans lapièce de feter W eiss. Et~ effet, il ne fautpas y voir wze œuvre de 1945. Commesouvent chez Alain Resnais, Weiss Ctvouln montrer comment cette éPoque -celle dit nazisme et des camps de lamort - sttrvit en 1965 datlS la mémoireet dans les faits.Je voudrais conclltre en indiquant quepour nO ltS les conflits idéologiques et leracisme oppresseur sont les grands actellrsde la tragédie iifOder1te.(Propos recuei ll is par JeanineLANGIERT.)LA POSSI BI LITENou s publi ons ci-dessous avec l'a uto ri sation des éditions <strong>du</strong> Seuil, un extrait de « L'Instruction »,la piècede Peter We iss, dans une tra<strong>du</strong> ction de Jean Baud rillard , à paraître au mois de mai.Le Chant Il (,la Possibilité de Su rvivre) d'où est tiréce passage, in siste particulièrement sur ·le rôle importantdes mouvements de résistance à l'intérieur <strong>du</strong>camp, et sur la nécessité où étaient les déportés decoll aborer plus ou moins consciemment au mécanismede l'unive rs concentrationnai re s 'i ls vou laient garderla vie ,TEMOIN N° 3Quand ;nous parlons aujourd'huide ce que nous avons vécu dans le campà ceux qui n'y ont pas étéil reste toujours pour euxquelque chose d 'incompréhensiblePourtant ce sont les même gensqui étaient là·bas gardiens ou détenusPuisque nous étions ~ i nombreuxdans ce campet puisque d 'autres furent si nombreuxà nous y enfermerIl faut bien qu'aujourd'hui encorel'événement soit compréhensibleNombre de ceux qui étaient destinésà faire des détenusavaient grandi dans les mêmes conceptionsque ceux qui allaientprendre le rôle des gardiensIls s'étaient dévoués à la même nationils avaient travaillé au même essoraux mêmes bénéficeset s'ils ne s'étaient pas retrouvé dans la peau d'undétenuils auraient pu aussi bien se retrouverdans celle d'un gardienNous devons abandonner cette distance sublimeau nom de laquelle l'univers <strong>du</strong> camp nous estincompréhensibleNous connaissons tous la sociétéd'où est sorti le régimequi a pu pro<strong>du</strong>ire ces campsL'ordre qui y régnaitnous était familier dans sa structure et sa formec'est pourquoi nous avons pu nous y fairejusque dans ses dernières conséquencesquand l'exploiteur fut enfin libred'exercer son pouvoirà un degré inouï et où l'exploité <strong>du</strong>t fournir lacendre de ses osLE DEFENSEURNous déclinons de façon péremptoirecette sorte de théoriesoù se dessineune vision idéologique erronnéeTEMOIN N ° 3La plupart de ceux qU'on aébarquait sur la rampene trouvaient évidemment plus le tempsde réfléchir aux causesMuets et défaitsils allaient leur dernier cheminet se laissaient tuerparce qu'ils n'y comprenaient rienNous en faisons des hérosDE SURVIVREmais leur mort fut vaineNous les voyons devant nousces millions d'êtressous la lumière des projecteurssous les injures et l'aboiement des chienset le monde extérieur se demande aujourd'huicomment fut-il possiblequ'ils se soient laissé anéantirNousqui vivons encore avec ces imagessavonsqu'il est possible que des millions de genssubissent encore une fois sans réagirleur anéantissementet que cet anéantissement dépasserade loin en efficacitéles vieilles méthodesLE DEFENSEURTémoinAviez-vous eu déjàavant votre déportation au campdes activités politiquesTEMOIN N° 3OuiEt c'était notre forceque de savoirpourquoi nous étions làCela nous aidaità préserver notre identitéMais cette force mêmerares sont ceux qui l'ont gardéejusqu'à la mortLes plus forts même pouvaient être brisés

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