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CMJN<br />
SAMEDI <strong>17</strong> MARS <strong>2001</strong> - RÉFLEXION<br />
33<br />
Environnement La valse insoupçonnée<br />
des plantes: une nécessité à la croissance<br />
A notre échelle de temps,<br />
les plantes restent, à<br />
quelques exceptions près,<br />
résolument immobiles. Et<br />
pourtant, si on accélère le<br />
cours <strong>du</strong> temps par l’intermédiaire<br />
de caméras à<br />
faible vitesse de prise de<br />
vue, le mouvement des<br />
plantes se transforme en<br />
une véritable valse de couleurs<br />
et de formes.<br />
Isabelle Gravrand *<br />
On a tendance à considérer<br />
les plantes comme des structures<br />
immobiles et figées. Les<br />
mouvements qui les animent<br />
sont, en effet, difficilement<br />
perceptibles à l’observation directe.<br />
Pourtant ils existent, et<br />
sont indispensables au bon développement<br />
des végétaux.<br />
Comme chez les animaux, ces<br />
mouvements assurent la croissance<br />
de l’organisme, mais ils<br />
permettent également aux<br />
plantes de s’adapter aux fluctuations<br />
d’un environnement<br />
auquel elles ne peuvent se<br />
soustraire.<br />
La constitution, très caractéristique,<br />
de la cellule végétale<br />
est déterminante pour ces<br />
fonctions: plus grande que la<br />
cellule animale, elle renferme<br />
L’osmose<br />
Lorsque l’on mélange<br />
une solution concentrée en<br />
minéraux, par exemple de<br />
l’eau salée, avec de l’eau<br />
pure, on obtient une solution<br />
uniformément moins<br />
concentrée en sel. On parle<br />
alors de dilution. Si l’on sépare<br />
l’eau salée et l’eau<br />
douce par une membrane<br />
perméable à l’eau et aux<br />
sels minéraux, un mouvement<br />
se crée tendant à égaliser<br />
ici aussi les concentrations<br />
respectives. De l’eau<br />
pure migre vers le compartiment<br />
d’eau salée, c’est<br />
l’exosmose, et de l’eau<br />
salée emprunte le chemin<br />
inverse, c’est l’endosmose.<br />
Ce phénomène a lieu également<br />
avec des membranes<br />
semi-perméables, seules les<br />
molécules d’eau réussissent<br />
à les traverser. Ces<br />
molécules vont spontanément<br />
se diriger <strong>du</strong> milieu le<br />
moins concentré vers le<br />
plus concentré, jusqu’à obtenir<br />
un équilibre parfait.<br />
Ce phénomène est très courant<br />
dans la nature, notamment<br />
dans les cellules végétales<br />
qui se gonflent ou se<br />
contractent au gré de l’environnement<br />
dans lequel<br />
elles se trouvent.<br />
IGR<br />
une cavité remplie<br />
de sucres, de sels<br />
et d’eau qu’on appelle<br />
la vacuole.<br />
Cette dernière<br />
baigne dans un<br />
milieu où l’on<br />
trouve également<br />
le matériel nécessaire<br />
à la photosynthèse<br />
et à la<br />
respiration de la<br />
plante, mais aussi<br />
son patrimoine<br />
génétique, bien à<br />
l’abri dans le<br />
noyau. Le tout est<br />
protégé par une<br />
paroi composée de<br />
protéines et de<br />
fibres de cellulose,<br />
dont la particularité<br />
est d’être<br />
perméable à l’eau.<br />
La cellulose, très<br />
répan<strong>du</strong>e dans le<br />
règne végétal, est<br />
constituée d’un<br />
grand nombre de<br />
molécules de<br />
sucre; c’est elle<br />
qui va être, en partie,<br />
responsable de<br />
l’importante rigidité<br />
de la cellule<br />
végétale.<br />
Un phénomène<br />
d’«osmose»<br />
La croissance<br />
de la plante, souvent<br />
rapide et infinie,<br />
a lieu au niveau<br />
de tissus embryonnaires<br />
situés aux extrémités<br />
des racines et des tiges:<br />
les méristèmes. Ils sont le<br />
siège de deux phénomènes importants:<br />
la multiplication des<br />
cellules et leur élongation. En<br />
effet, dans un premier temps,<br />
les cellules vont s’y diviser,<br />
afin d’engendrer quantité de<br />
nouvelles cellules, toutes identiques.<br />
Dans un second temps,<br />
les vacuoles de ces jeunes cellules<br />
toutes neuves, vont, par<br />
un phénomène d’osmose, se<br />
remplir d’eau. La relative fragilité<br />
de leur paroi cellulosique,<br />
dont la constitution<br />
n’est pas complètement<br />
achevée, va leur permettre de<br />
s’allonger sous la pression de<br />
la vacuole qui s’agrandit: la<br />
cellule alors en turgescence<br />
peut voir sa taille multipliée<br />
par dix.<br />
Ce phénomène d’osmose,<br />
fondamental dans le processus<br />
de croissance, est lié à la<br />
différence de concentration en<br />
sucres et sels entre l’intérieur<br />
et l’extérieur de la cellule végétale.<br />
Une concentration plus<br />
importante à l’intérieur va<br />
provoquer une entrée d’eau<br />
afin de rétablir l’équilibre<br />
entre les deux milieux. La vacuole<br />
va alors se dilater sous la<br />
pression de l’eau. Inverse-<br />
Qu’est-ce qui fait qu’une corolle s’offre ainsi à la lumière? photo a<br />
ment, si le milieu extérieur est<br />
plus riche en éléments, l’eau<br />
va spontanément s’échapper<br />
de la vacuole, celle-ci va se rétracter,<br />
entraînant avec elle<br />
l’ensemble de la cellule: c’est<br />
la plasmolyse.<br />
Ces capacités de laisser entrer<br />
et sortir de « grandes »<br />
quantités d’eau, propres aux<br />
cellules végétales, vont régir la<br />
bonne tenue ou le flétrissement<br />
des plantes mais aussi la<br />
majeure partie de leurs mouvements.<br />
Sous contrôle<br />
Ces propriétés sont également<br />
à l’origine de mouvements<br />
liés à la croissance qui<br />
ont pour rôle d’éloigner ou de<br />
rapprocher certaines parties<br />
d’une plante de stimulations<br />
extérieures. Ces mouvements<br />
sont appelés des tropismes et<br />
permettent à la plante de<br />
s’orienter vers la lumière, par<br />
rapport à la gravité ou encore<br />
pour contourner un obstacle.<br />
Ils sont sous le contrôle de régulateurs<br />
de croissance d’origine<br />
hormonale. L’auxine est<br />
l’hormone la plus représentative:<br />
cette molécule photo labile,<br />
c’est-à-dire instable à la<br />
lumière, voyage à l’intérieur<br />
des tissus végétaux. Absente<br />
des parties éclairées <strong>du</strong> végétal,<br />
l’auxine se concentre dans<br />
les zones ombrées où elle n’est<br />
pas détruite. Elle va jouer sur<br />
l’acidité de la paroi cellulosique,<br />
la rendant plus extensible<br />
et favorisant l’élongation<br />
des cellules, la division cellulaire<br />
et l’absorption d’eau. La<br />
face ombrée « grandit » ainsi<br />
plus vite que la face éclairée,<br />
provoquant une croissance<br />
différentielle qui fait se courber<br />
la plante vers la source lumineuse.<br />
Ces tropismes sont très importants<br />
pour les plantes, ils<br />
vont notamment leur permettre,<br />
par l’intermédiaire d’«<br />
rganes sensoriels» de type tactile<br />
ou optique encore mal<br />
connus, de détecter la gravité<br />
et d’orienter, par exemple, la<br />
pousse de la tige dans le sens<br />
inverse, c’est-à-dire vers le ciel<br />
(géotropisme) ou encore, véritable<br />
prouesse, de réagir au<br />
contact en s’enroulant autour<br />
de tuteurs (thigmotropisme).<br />
Les nasties, autres types de<br />
mouvement exclusivement<br />
rencontrés chez les végétaux,<br />
mettent en jeu des mécanismes<br />
encore un peu différents.<br />
Indirectement liés à des<br />
facteurs externes, ce sont,<br />
contrairement aux tropismes,<br />
des mouvements réversibles.<br />
Le phénomène qui contrôle<br />
l’ouverture des pétales d’une<br />
fleur au lever <strong>du</strong> soleil et leur<br />
fermeture à son coucher porte<br />
le nom de nyctinastie et met en<br />
évidence l’existence d’un<br />
rythme biologique chez la<br />
plante.<br />
On retrouve également ce<br />
phénomène dans de nombreux<br />
mouvements de feuilles.<br />
Si vous avez près de chez vous<br />
des Maonias, des haies décoratives<br />
où fleurissent de nombreuses<br />
grappes de fleurs<br />
jaunes, vous pourrez aisément<br />
expérimenter ces mouvements.<br />
Une simple pression à<br />
la base des étamines les feront<br />
se rabattre contre le pistil. Ce<br />
sont encore des « jeux » d’eau<br />
à l’intérieur de cellules situées<br />
à la base des pièces florales<br />
qui vont provoquer ces déplacements<br />
parfois très rapides.<br />
Le principe est le même pour<br />
les plantes carnivores qui, au<br />
contact d’un insecte, se referment<br />
sur leur proie, ou encore<br />
pour les sensitives qui, comme<br />
leur nom l’indique, replient<br />
leur feuillage au moindre<br />
contact.<br />
IGR<br />
* Alsace Média Science<br />
EN MARGE<br />
Société Migros se lance-t-il dans le religieux?<br />
Le christianisme est inscrit<br />
au programme des cours de<br />
l’Ecole-Club Migros <strong>du</strong> canton<br />
de Vaud, alors que ceux consacrés<br />
au tarot et à la numérologie<br />
disparaissent. Les Eglises<br />
feraient-elles à nouveau recette?<br />
A Genève, des cours de<br />
religion figurent depuis longtemps<br />
à l’affiche <strong>du</strong> géant<br />
orange, histoire de parler de<br />
spiritualité en toute liberté et<br />
en dehors <strong>du</strong> cadre ecclésiastique.<br />
Coincée au milieu d’une<br />
page de l’hebdomadaire<br />
«Construire», entre la présentation<br />
d’un cours de danse<br />
africaine et le descriptif d’un<br />
voyage à Moscou, une pub annonce<br />
un cours intitulé « Un<br />
Christ et 10.000 églises ».<br />
«Le spirituel a toujours été<br />
présent à l’Ecole-Club», affirme<br />
Jean-Pierre Baur, responsable<br />
culturel de Migros<br />
Vaud, qui estime qu’il faut offrir<br />
aux gens qui se posent des<br />
questions des endroits où l’on<br />
peut parler <strong>du</strong> religieux<br />
ailleurs que dans des cultes, à<br />
l’égard desquels il se montre<br />
plutôt sévère: «Les cultes sont<br />
souvent casse-pieds, on n’y<br />
trouve aucune ferveur, on n’y<br />
propose aucun échange».<br />
C’est, à son avis, le dernier endroit<br />
où l’on peut s’informer et<br />
se forger sa propre idée, où<br />
l’on peut toucher des gens qui<br />
se posent des questions, ou<br />
ceux qui ne veulent surtout<br />
plus mettre les pieds dans une<br />
église.<br />
Ce printemps, Jean-Pierre<br />
Baur a supprimé de l’offre de<br />
l’Ecole-Club Migros des cours<br />
de tarot et de numérologie au<br />
profit d’un cours sur le christianisme.<br />
S’il ne devait pas<br />
trouver suffisamment de participants,<br />
ce cours disparaîtrait<br />
de l’affiche comme l’ésotérisme.<br />
Le théologien Etienne<br />
Visinand l’avait inauguré avec<br />
un cours sur les religions en<br />
dialogue. Suivirent un cours<br />
sur la relecture des mythes de<br />
nos origines, et un autre intitulé<br />
« Religion, foi et psychanalyse<br />
», donné en collaboration<br />
avec un théologien catholique.<br />
Le cours sur le christianisme<br />
de ce printemps a été<br />
confié à Jean-Daniel Hostettler<br />
en charge de la formation<br />
d’a<strong>du</strong>ltes dans la région lausannoise.<br />
Il compte bien le<br />
faire suivre dès le mois de mai<br />
par un cycle de conférences intitulé<br />
« Quand littérature, poésie<br />
et Bible se rencontrent »,<br />
avec la psychanalyste<br />
française Marie Balmary.<br />
« On peut enseigner l’histoire<br />
des religions sans faire de<br />
la religion», précise Béatrice<br />
Obergfell, en charge d’un tel<br />
cours à l’Ecole-Club de<br />
Genève, qui fut la première à<br />
intro<strong>du</strong>ire des cours de religion<br />
dans ses programmes.<br />
Qui fréquente ces cours?<br />
Des gens qui ne cherchent pas<br />
forcément une information de<br />
type universitaire, mais qui<br />
souhaitent dialoguer pour<br />
mieux comprendre, des participants<br />
mariés à un conjoint<br />
d’une autre confession ou religion,<br />
qu’ils aimeraient ap-<br />
prendre à connaître d’un point<br />
de vue extérieur à l’institution,<br />
des femmes pour la plupart.<br />
Seraient-elles plus ouvertes<br />
aux questions d’ordre<br />
spirituel et religieux? Ou plus<br />
vulnérables? «Il n’est pas question<br />
de faire <strong>du</strong> prosélytisme »,<br />
assure Jean-Daniel Hostettler,<br />
qui tient à donner aux participants<br />
des éléments pour leur<br />
permettre une réflexion personnelle.<br />
Nicole Métral, Protestinfo<br />
PS - Les Ecoles Club Migros<br />
<strong>du</strong> canton de Neuchâtel n’ont<br />
pas de cours consacrés aux religions<br />
à leurs programmes.<br />
«Mais cela ne signifie pas qu’il<br />
n’y en aura jamais, tout étant<br />
dépendant de la demande», informe<br />
le secrétariat. / sog<br />
L’invité<br />
La souris<br />
à l’Eglise<br />
La découverte de l’imprimerie<br />
a ren<strong>du</strong> des services inestimables<br />
à la Réforme protestante<br />
au XVIe siècle. Elle a<br />
contribué à transformer les<br />
mentalités. Aujourd’hui, l’informatique<br />
nous offre des possibilités<br />
sans précédent. Nos<br />
Eglises sauront-elles profiter<br />
de cette aubaine pour<br />
suivre cette révolution?<br />
Pierre de Salis *<br />
A ce jour, presque plus rien<br />
ne devrait nous empêcher de<br />
voter ou de remplir notre déclaration<br />
d’impôts via Internet,<br />
si ce n’est la peur de<br />
mettre des fonctionnaires au<br />
chômage. Imaginez tous ces<br />
formulaires, guichets et autres<br />
bureaux qui n’existeraient<br />
plus! Bientôt, de nombreuses<br />
activités professionnelles<br />
pourront être effectuées à domicile,<br />
sur son ordinateur personnel.<br />
Imaginez, tôt le matin,<br />
des autoroutes sans bouchon,<br />
des transports publics désespérément<br />
vides!<br />
Au XVIe siècle, l’imprimerie<br />
a permis une diffusion<br />
considérable tant de la Bible –<br />
tra<strong>du</strong>ite en langue populaire –<br />
que des idées protestantes.<br />
Aujourd’hui, la direction de<br />
l’Eglise protestante neuchâteloise<br />
(Eren) consacre une énergie<br />
impressionnante à mener à<br />
terme un projet de restructuration,<br />
en chemin depuis des<br />
années. Au menu: fusions de<br />
paroisses et regroupement des<br />
services cantonaux (formation,<br />
service social et recherche<br />
éthique). Les paroisses<br />
vont être consultées<br />
lors des assemblées annuelles<br />
ce printemps. Elles pourront<br />
donner leur avis. Comment assurer<br />
une présence dynamique<br />
auprès de tous… et coûter<br />
moins cher? Comment toucher<br />
les «distancés de l’Eglise»<br />
(selon une maxime chère aux<br />
textes officiels), alors qu’il y a<br />
nettement moins de personnes<br />
qui paient leur contribution<br />
ecclésiastique. Toutes les voies<br />
<strong>du</strong> problème ont été sondées…<br />
Hors d’Internet,<br />
point de salut?<br />
Les religions <strong>du</strong> Livre doivent-elles<br />
se préparer à devenir<br />
des religions de l’écran? A<br />
quand des salons méditatifs<br />
interreligieux dans les centres<br />
commerciaux ou des aumôniers<br />
spécialistes <strong>du</strong> «chat» (la<br />
causette sur Internet)? En tous<br />
les cas, une société qui passe<br />
<strong>du</strong> livre à l’ordinateur, de la<br />
rencontre interpersonnelle à<br />
la visioconférence, ne peut pas<br />
ne pas réfléchir à ces changements.<br />
Quelles seront les<br />
conséquences sur notre art de<br />
vivre et sur nos mentalités?<br />
L’arrivée de la TV a limité la<br />
vie sociale <strong>du</strong> village ou <strong>du</strong><br />
quartier, mais elle n’a pas tué<br />
le cinéma – comme on le prédisait<br />
–, bien au contraire. Le<br />
besoin <strong>du</strong> grand écran, l’émotion<br />
collective de la salle obscure<br />
se portent mieux que jamais.<br />
Croyance et société vont<br />
de pair. La souris entrée à<br />
l’Eglise a-t-elle un avenir? Elle<br />
peut s’arrêter de ronger… et<br />
se mettre à cliquer! Non pas<br />
sur «changer le pansement»,<br />
mais sur «penser le changement».<br />
PDS<br />
* Directeur <strong>du</strong> Centre <strong>du</strong><br />
Louverain (centre de rencontre<br />
et de formation de l’Eren).