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L’opportunité de la réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDChapitre II.La remise en question de l’utilité publique du projet de réseau électriquePartout dans le département de la MANCHE c’est le même désolant spectacle, le littoraldisparaît peu à peu sous l’asphalte, les espaces dunaires laissent place à des centres de remise enforme, à un second terrain de pétanque, à l’extension d’un camping, etc. 101 . La ligne à très hautetension ne sera qu’un des nombreux projets par lesquels les bulldozers massacreront le bocage oucombleront les zones humides. Tout commence donc en ce lieu si connu comme le « petit triangleatomique » de FLAMANVILLE. Le nouveau réacteur ne fera que conforter l’expression de VICTOR CHORG,avec le regard photographique de CHRISTIAN DUCASSE : « Chernobourg mon amour », enentrecoupant et, de ce fait, en apparentant les villes de Tchernobyl et de Cherbourg 102 . Lesavantages tirés de la réalisation de l’EPR et de sa ligne sont-ils si importants qu’ils dépassent lesinconvénients induits par ces mêmes infrastructures ? Afin de le voir, nous ferons une étude del’environnement in situ incluant une étude des atteintes à la propriété privée. Puis nous dresseronsune analyse financière du projet (Section I.) ; nous pourrons ainsi dresser le bilan de l’utilité publiquede l’infrastructure litigieuse (Section II.).Section I. L’impact environnemental, social et financier : l’utilité publique en questionAu titre d’une jurisprudence constante, une opération ne peut être légalement déclaréed’utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier et éventuellement lesinconvénients d’ordre social qu’elle comporte ne sont pas excessifs eu égard à l’intérêt qu’elleprésente. Dès lors, la présente contribution propose de mettre en exergue les impacts délétères duprojet en matière d’environnement, d’une part (§ I.) ; puis en matière de patrimoine immobilier etde consommation de fonds publics, d’autre part (§ II.). Les avantages du projet litigieux, telsqu’exprimés précédemment seront ainsi confrontés à ses faiblesses.§ I. L’impact environnemental in situLe tracé actuel de la ligne permet d’établir qu’elle traversera le département de la Manchedu Nord au Sud, puis celui de la Mayenne, en passant sur une très faible distance sur le territoire del’Ille-et-Vilaine. Dès lors, nous mettrons en adéquation le tracé de la ligne litigieuse avec lesdiverses protections propres à chaque département traversé. Etant précisé que le département dela Manche bénéficiera d’une étude plus approfondie puisque son environnement est le plus touché.Le département de la Manche véhicule une image ambivalente. D’un côté, celle d’undépartement préservé avec ses campagnes bocagères, de l’autre celle d’un département dénaturépar les installations nucléaires à même le littoral et les lignes de raccordement au réseau. Leconstat est pourtant celui d’une dégradation générale de l’environnement. Les paysages tendent101 Sur ce sujet brûlant, voir la modification du PLU de la Commune de DONVILLE-LES-BAINS (zone littorale 1NDatransformée en zones Nc, Ne, Nl, en vue de l’implantation du centre de remise en forme Prévithal).102 Annexe IV : Regard de CHRISTIAN DUCASSE sur la performance « Chernobourg mon amour » de VICTORCHORG, lors de la manifestation anti-EPR du 15 avril 2006 à CHERBOURG.37
L’opportunité de la réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDnotamment à l’uniformisation, les arbres isolés sont abattus, les haies arrachées, les zones humidescomblées 103 . En éliminant les lieux refuges de la faune et de la flore, l’appauvrissement du paysagese double de la réduction de la biodiversité. La Basse-Normandie forme donc elle aussi ses propresverrues paysagères. Conscient de l’épuisement de son environnement, la Conseil Régional deBasse-Normandie avait commandé en 2001 un inventaire des paysages bas-normands. Leprofesseur PIERRE BRUNET fut sollicité à cette fin et dégagea 75 unités paysagères 104 . Il révélait ainsila grande variété des paysages bas-normands. A cet égard, il faut, dès-à-présent, relever laparticularité du bocage Normand qui est une entité paysagère propre à ce territoire. La nécessité deprotéger la diversité des paysages fait, d’ailleurs, l’objet d’une convention 105 .Le linéaire électrique à haute tension traversera donc des territoires de grande qualité. A cet égard,il convient d’identifier les multiples espaces protégés qui seront traversés de part en part par laligne.En premier lieu, le département de la Manche comprend deux Parcs naturels régionaux(PNR). Il s’agit du PNR Normandie-Maine, créé par décret en 1975 (2300 km², et qui s’étend aussisur la région des Pays de la Loire) et du PNR des Marais du Cotentin et du Bessin créé par décret en1991 (1450km²) 106 . Ces PNR concourent à la politique de protection de l’environnement,d’aménagement du territoire, de développement économique et social et d’éducation et deformation du public. Ils constituent un cadre privilégié pour l’action des collectivités publiques enfaveur de la préservation des paysages et du patrimoine naturel et culturel 107 . Plus précisément, ilssont appelés à jouer un rôle important, notamment dans le cadre de la stratégie nationale en faveurde la biodiversité et des engagements internationaux de la France (notamment au titre de Natura2000, et de la convention Ramsar de 1971 relative aux zones humides). En l’espèce le tracé actuelde la ligne permet d’établir qu’elle effleurera le PNR Normandie Maine, mais qu’elle traversera depart en part le PNR des Marais du Cotentin et du Bessin (même si le site du poste amont a étédéplacé pour épargner 40 km de lignes dans le parc).En deuxième lieu, le département est riche de ses zones humides littorales oucontinentales dont certaines comptent parmi les références internationales (Baie du Mont Saint-Michel ou encore les marais du Cotentin et du Bessin). D’autres, plus nombreuses revêtent desformes variées (tourbières, prairies humides, marais, fonds de vallées alluviales) 108 . En raison de103 Voir l’ouvrage de MICHEL LEROND et CHRISTOPHE SANSON, « Profil environnemental régional de Basse-Normandie », DIREN de Basse-Normandie, 2001.104 Financé par l'Etat et la Région dans le cadre du contrat de plan, rédigé par le Professeur PIERRE BRUNET encollaboration avec PIERRE GIRARDIN, paysagiste, l'inventaire est composé de 2 tomes pour 800 pages, disponiblesur le site www.basse-normandie.ecologie.gouv.fr.105 La convention européenne des paysages de FLORENCE est le premier Traité international dédié aux paysages.Elle reconnaît le paysage en tant que composante essentielle du cadre de vie des populations : « Le paysageest partout un élément important de la qualité de vie des populations : dans les milieux urbains et dans lescampagnes, dans les territoires dégradés comme dans ceux de grande qualité, dans les espaces remarquablescomme dans ceux du quotidien [...] il constitue un élément essentiel du bien-être individuel et social [...]».Elle est ouverte à la signature dans le cadre du Conseil de l’Europe en octobre 2000, entrée en vigueur le 1 erjuillet 2006, décret 2006-1643 du 20 décembre 2006, JO 22 décembre 2006, texte n°24.106 Ces deux PNR sont engagés dans la procédure de révision de leur Charte (2008-2012). Pour la localisationdes PNR, voir Annexe V.107 Article L 333-1 du Code de l’environnement.108 Carte des zones humides, voir Annexe VI.38
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