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L’opportunité de la réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDfinancier, les inconvénients d’ordre social et les atteintes à d’autres intérêts publics commel’environnement qu’elle comporte ne sont pas excessifs eu égard à l’intérêt qu’elle présente. Ilconvient donc d’évaluer l’opportunité du projet d’implantation : la sécurisation, le tracé équitable del’énergie et le renforcement du transport d’électricité d’un côté, la protection de l’environnement, dubâti et de la santé, de l’autre. Il est possible de parfaire cette liste non exhaustive des atteintes parcelles liées au préjudice visuel, à la dévaluation du patrimoine immobilier, à la destruction despropriétés agricoles, à une dépense des fonds publics excessive. Dans notre étude, l’utilité del’infrastructure litigieuse semble revêtir davantage un caractère économique qu’environnemental ousanitaire. Le fond du projet Cotentin-Maine s’exprimera donc sur la question de la caractérisation deson utilité publique.L’absence de très grande ville et l’industrialisation modeste du Grand Ouest a crée lesconditions favorables à la préservation de l’environnement. Les principales sensibilités du milieunaturel sont diversement liées aux boisements et zones humides étendus (Parc naturel régional desmarais du Cotentin et du Bessin, Parc naturel régional du Perche, Parc naturel régional deNormandie Maine, forêts, bocages), des vallées dont les rivières ont un fort intérêt piscicole etvégétal, des habitats –composant le réseau de protection communautaire Natura 2000. La Manche,département le plus touché par le projet, présente aussi 9 réserves naturelles nationales 9 . La limiteOuest de l’air d’étude de l’implantation de la ligne se situe à moins de 20 kilomètres du Mont-Saintmichellui-même et à moins de 15 kilomètres du littoral et de l’ensemble de la baie du Mont. Letracé de détail de la ligne électrique est une épreuve car le Cotentin et le Maine offrent une myriadede sites remarquables que la ligne devra exclure à moins de verser dans l’indifférenceenvironnementale. C’est ici que se situe notre étude : quel tracé et pour quel impact ? La gronde decertains élus et des riverains n’a été que peu suivie, touchée par le soulagement des autres agitantvictorieusement le drapeau du syndrome NYMBY 10 . L’altération de l’environnement est donc unegageure pour les habitants des régions touchées par l’électrification tentaculaire. Pourtant,s’agissant d’un projet d’Etat tel que l’alimentation électrique, les riverains et plus largementl’ensemble des individus intéressés sont détournés des procédures ; malgré la teneur du débatpublic, leurs arguments sont vains. La genèse de cette perdition tient essentiellement dans lascission du dialogue entre les acteurs décisionnels et les administrés. En effet, en matière denucléaire et ce faisant, en matière de transport d’électricité nucléaire, le recel des informations parles autorités étatiques, et leurs serviteurs locaux -notamment Electricité de France et sa filialeRéseau de Transport d’Electricité (RTE)- procède d’une véritable dictature de l’information. Ilsemble malaisé de nier que le nucléaire est une matière difficilement perméable à la demande detransparence, elle est historiquement opaque. Le nucléaire semble un ordre clos en ce sens quel’information n’atteint pas les administrés ni ne permet de prendre en compte leurs observations :les explications sont minces, et surtout les positions inflexibles. L’échange est donc dépouillé de sasubstance. Ainsi les sapiteurs -les amateurs du biotope local, les connaisseurs des caractéristiquespropres à l’environnement étudié- sont-ils incontestablement détournés de leur rôle de conseil,d’informateur. Ils sont exclus du processus décisionnel. Leurs connaissances sont stérilisées par la9 Données de la DIREN Basse-Normandie, disponibles sur www.basse-normandie.ecologie.gouv.fr.10 Le syndrome NYMBY (Not In My Back Yard) est la vision pessimiste de l’acceptation d’un projet souscondition qu’il soit implanté ailleurs que dans sa propre commune.7
L’opportunité de la réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDcommunication d’informations officielles qui leur ôtent toute substance. Ce sont des documentsofficiels qui ne sont nullement oxygénés par des observations objectives que l’on est en droitd’attendre dans un domaine si controversé que le nucléaire. L’obscurité est soigneusemententretenue par les initiateurs des divers projets viciant ainsi les principes fondateurs de ladémocratie participative que sont notamment une information éclairée et une participation effective.Par exemple, s’agissant de l’environnement juridique du projet, RTE cite les textes juridiquesfondant sa démarche dans un encadré spécifique ; s’agissant à l’inverse du droit de la protection del’environnement, aucun texte juridique n’est cité, laissant le profane sans armes égales deréflexion 11 . Par ailleurs, le compte rendu du débat public mis en œuvre par la Commission nationalede débat public informe que « contrairement à ce qui a émergé des débats précédents sur deslignes THT, ces thématiques [insertion paysagère, impact sur les milieux naturels, le patrimoine etle tourisme] ont été peu abordées dans le débat » 12 . Aussi, comme l’information est très liée à laparticipation, nous sommes en droit de nous demander si les intéressés ont pu exercer leur droit demanière effective. De surcroît, au sens de la Charte constitutionnelle de l’environnement, laprotection de l’environnement apparaît comme un devoir citoyen. Ce devoir ne saurait exister sansdroit de regard sur les grands projets d’Etat. A cet égard, CORNELIUS CASTORIADIS affirme que « laresponsabilité de tous à l’égard de l’environnement est inséparable de la responsabilité de tous faceaux affaires publiques » ; il soutient qu’ « écologie et radicalisation de la démocratie sont, dans lesconditions contemporaines, indissociables » 13 . Dans le même sens JÜRGEN HABERMAS défend l’idéeselon laquelle « l’Etat de droit ne peut être ni réalisé ni maintenu sans démocratie radicale» 14 . Ladifficulté majeure repose sur l’absence de mètre-étalon de la participation, c’est-à-dire une norme,un échelon en deçà duquel il faudrait affirmer qu’il n’y a pas eu participation au processusdécisionnel. A cet égard, JACQUES DONZELOT et RENAUD EPSTEIN dans « Démocratie et participation :l’exemple de la rénovation urbaine » en 2006 ont ranimé un instrument de mesure élaboré par lahaut-fonctionnaire américaine SHERRY ARNSTEIN en 1969 15 . Il s’agit d’une échelle de participation,quasiment inconnue en France et d’ailleurs non traduite, qui hiérarchise les pratiques de laparticipation selon trois niveaux et huit degrés allant de la simple éducation des participants à leurpouvoir effectif 16 . Nous appliquerons ultérieurement cette échelle au projet qui nous concerne (voirPartie II, Chapitre 1, Section II). L’instrument de mesure de la participation mettrait en valeurl’impérieuse nécessité d’informer les participants, action qui intervient le plus en amont possible dela participation. A titre d’exemple, s’agissant de la présence de lignes électriques à haute tension,les habitants allèguent des effets néfastes de l’électromagnétisme alors que RTE déclareofficiellement que lesdites lignes sont inoffensives. Ainsi, l’information, en tant qu’élément premierdu processus démocratique, est tiraillée entre vérité, communication grand public donneuse deleçon, dénaturation, et endoctrinement. La protection de l’environnement est donc sujette à la force11 Cf. supra note n°4, voir la comparaison aux pages 15 et 56.12 « Compte-rendu du débat public sur le projet de ligne à très haute tension Cotentin-Maine », mars 2006,page 56. Aussi disponible sur le site www.debatpublic-THTcotentin-maine.org.13 Entretien de CORNELIUS CASTORIADIS, Le Monde, 10 décembre 1991.14 JURGEN HABERMAS, « Droit et Démocratie, entre faits et normes », Gallimard, 1997, p.11215 SHERRY ARNSTEIN « A ladder of citizen participation », Journal of the American Institute of planners, 1969.Elle est un haut fonctionnaire américain – special assistant to the assistant secretary of the departement ofhealth, education and welfare - chargée de planifier une stratégie fédérale en vue de mettre fin à laségrégation dans les hôpitaux publics aux Etats-Unis.16 JACQUES DONZELOT et RENAUD EPSTEIN « Démocratie et participation : l’exemple de la rénovation urbaine »,dossier n°326 « force et faiblesses de la participation », Esprit, juillet 2006, p.5 à 34.8
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