L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARD<strong>la</strong> capacité <strong>de</strong> l’esprit à faire exploser ce cadre d’action, il n’y aura aucun progrès versantdans <strong>la</strong> durabilité. Le droit <strong>de</strong> l’environnement peut exister, son existence ne garantissantaucunement son effectivité.Cette conception profon<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> production et <strong>de</strong> <strong>la</strong> distribution d’électricité estcontraire à <strong>la</strong> construction d’un héritage viable et à <strong>la</strong> valorisation <strong>de</strong> notre patrimoine. Toutematière électrique mobilisable est mobilisée. Ce sont donc les principales caractéristiques <strong>de</strong>l’organisation <strong>de</strong> <strong>la</strong> production électrique qu’il faut mouvoir dans leur substance pour avoirune chance <strong>de</strong> les maîtriser et <strong>de</strong> protéger l’environnement. Cependant l’Etat est un acteurclef alors que son rôle se résume facilement à <strong>la</strong> sécurisation <strong>de</strong>s approvisionnements dansun contexte <strong>de</strong> raréfaction <strong>de</strong>s ressources. L’équation énergétique française semble ainsi seconcentrer sur un rapport <strong>de</strong> concurrence <strong>de</strong> portée internationale. Comment, alors,concevoir que <strong>la</strong> terre puisse être sacrifiée à l’aune d’orgueils politiques ?L’Etat <strong>la</strong>nce une croisa<strong>de</strong> pour le développement <strong>de</strong> son réseau électrique. Puis iljustifie son nouvel aménagement en mettant en exergue une forte consommation <strong>de</strong>srégionaux. Cette attitu<strong>de</strong> lâche permet aux autorités décisionnelles d’opérer un transfert <strong>de</strong>responsabilité sur le citoyen, dont le comportement énergivore excessif est, seul, pointé dudoigt. Concrètement, « l’Etat transforme le citoyen en rouage, en instrument d’organisationimpersonnelle » 259 . Il n’est qu’un pion au service du développement électrique et ce faisant,au service <strong>de</strong> l’enrichissement <strong>de</strong> l’Etat. Cet état <strong>de</strong> fait n’est que l’une <strong>de</strong>s dimensionsinquiétantes du contrôle <strong>de</strong>s volontés par les autorités décisionnelles. On entend déjà lesdiscours politisés « chers français, vous consommez beaucoup, <strong>la</strong> France a besoin d’unnouveau réacteur et d’un autre encore et d’un autre... ». Pourtant, lorsque l’on réalise unnouveau réacteur nucléaire mais qu’en plus on prévoit <strong>la</strong> réalisation d’un <strong>de</strong>uxième avantmême <strong>la</strong> fin <strong>de</strong> <strong>la</strong> construction du premier, il nous semble aisé <strong>de</strong> considérer que l’on ne sesitue aucunement dans le contexte <strong>de</strong> crises hivernales lors <strong>de</strong>squelles le chauffage estnécessaire mais plus globalement dans celui <strong>de</strong> l’exportation massive du surplus électrique.Observée <strong>de</strong>puis l’étranger <strong>la</strong> France est qualifiée <strong>de</strong> «coureur <strong>de</strong> lignes ». Encore une fois,une course vers l’introuvable sobriété énergétique. Les enjeux croisés <strong>de</strong> l’aménagement duterritoire et <strong>de</strong> l’énergie ont ainsi favorisé l’émergence <strong>de</strong> verrues paysagères. L’étalement <strong>de</strong>pylônes disgracieux fait, en effet, partie <strong>de</strong>s éléments du mitage <strong>de</strong>s paysages ruraux. Cephénomène est insidieux, son <strong>de</strong>gré d’étalement est en constante augmentation.Finalement, c’est l’expression « efficacité énergétique » qui doit être précisée.Entendue dans une acception supranationale, elle n’est rien d’autre que l’expression <strong>de</strong> <strong>la</strong>concurrence. L’efficacité c’est <strong>la</strong> rage <strong>de</strong> l’économie. C’est <strong>la</strong> préférence pour le présent. C’estl’apologie <strong>de</strong> <strong>la</strong> non-maîtrise <strong>de</strong> l’énergie. Mais entendue dans une optique <strong>de</strong> durabilité, elleexprimera <strong>la</strong> rationalité. En effet, sans verser dans l’anti-consommation –qui apparaîtrait comme<strong>la</strong> forme extrême <strong>de</strong> rébellion consommatrice- l’efficacité peut embrasser les enjeux <strong>de</strong> <strong>la</strong>protection <strong>de</strong> l’environnement. Par exemple, en considérant que le sol est un bien non259 « Ecologie et Liberté, BERNARD CHARBONNEAU précurseur <strong>de</strong> l’écologie politique », DANIEL CEREZUELLE,collection L’Après-Développement, Parangou/VS, 2006, p.72.95
L’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalisation d’une ligne à très haute tension : l’exemple du projet COTENTIN-MAINE.MARIE GIRARDrenouve<strong>la</strong>ble, il serait –ou sera- possible <strong>de</strong> créer les conditions favorables à <strong>la</strong> réduction <strong>de</strong> sonemprise.Malgré l’inopportunité f<strong>la</strong>grante du développement <strong>de</strong> projets tels que le projetCOTENTIN-MAINE, RTE, avec l’aval <strong>de</strong> l’Etat et du lobby nucléaire, poursuit ses démarches stériles.En présence <strong>de</strong> <strong>la</strong> pression <strong>de</strong> tels acteurs, qui peut avoir le courage d’accélérer <strong>la</strong> productiond’une légis<strong>la</strong>tion protectrice <strong>de</strong> l’environnement ? On en vient à douter <strong>de</strong> notre propre ordresocial dont le vice majeur est d’être tourné en priorité vers <strong>la</strong> sphère économique. Cetteréflexion permet <strong>de</strong> nous opposer au conditionnement social qui est subversif. Elle incarne, aucontraire, un appel à <strong>la</strong> rupture ; car <strong>la</strong> continuité serait pleinement synonyme <strong>de</strong>développement infini <strong>de</strong> linéaires électriques. A cet égard, existe-t-il une limite à <strong>la</strong> <strong>de</strong>struction<strong>de</strong> l’environnement par <strong>de</strong>s lignes électriques ? Une limite – au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> <strong>la</strong> simple étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>l’utilité publique- en <strong>de</strong>çà <strong>de</strong> <strong>la</strong>quelle l’imp<strong>la</strong>ntation <strong>de</strong> toute infrastructure <strong>de</strong>structrice seraitinterdite ? Une autre interrogation peut encore être soulevée : les personnes qui détruisent <strong>de</strong> <strong>la</strong>nature peuvent-elles être disculpées <strong>de</strong> leur faute ? Il est c<strong>la</strong>ir que dans l’hypothèse <strong>de</strong> <strong>la</strong>présente contribution ou dans celle <strong>de</strong> <strong>la</strong> ligne électrique FRANCE-ESPAGNE, les régionaux ontprofondément exprimé leur refus du projet. La prise <strong>de</strong> décision relève donc exclusivement <strong>de</strong>spartisans <strong>de</strong> l’altération <strong>de</strong> l’environnement qui sont alors responsables du soubassementphysique <strong>de</strong> nos conditions d’existence. Les modalités <strong>de</strong> prise <strong>de</strong> décision se doivent doncd’évoluer encore afin d’épouser au mieux les termes <strong>de</strong>s nouveaux enjeux environnementaux,grandissants. Dans cette hypothèse, les régionaux concernés par <strong>de</strong>s linéaires électriques serontmaîtres <strong>de</strong> <strong>la</strong> promotion <strong>de</strong> leur environnement. Prenons le pari qu’ils seront les premierspartisans du lobby <strong>de</strong>s Néga-watts.96