Samuel PERICHONtriangle <strong>et</strong> à s’y frotter avec vigueur. De même, dans plusieurs communes<strong>de</strong> l’Ouest du département, il était coutumier <strong>de</strong> prélever <strong>de</strong>s morceauxd’écorce pour se guérir <strong>de</strong>s fièvres. Aux environs <strong>de</strong> Bécherel, on conseillaitaux garçons <strong>et</strong> aux filles impatients <strong>de</strong> se marier <strong>de</strong> se frotter le dos autronc d’un vieil arbre. À Miniac-sous-Bécherel, ces mêmes filles <strong>de</strong>vaientsilencieusement faire trois fois le tour d’une aubépine à trois branches.Michel Duval nous rapporte également <strong>de</strong> nombreuses croyances, souventproches <strong>de</strong> celles décrites par son prédécesseur, Paul Sébillot. Tel estle cas du buisson épineux <strong>de</strong> Saint-Briac auquel est attribué le même pouvoir<strong>et</strong> qui est l’obj<strong>et</strong> du même rituel que celui <strong>de</strong> Miniac-sous-Bécherel.Chose exceptionnelle, certaines <strong>de</strong> ces plantes ont conservé leur crédibilitéauprès <strong>de</strong>s communautés villageoises. L’abondance <strong>et</strong> le bon entr<strong>et</strong>ien<strong>de</strong>s statu<strong>et</strong>tes <strong>et</strong> <strong>de</strong>s images dédiées au Christ <strong>et</strong> à Marie, la profusion <strong>de</strong>crucifix, <strong>de</strong> chapel<strong>et</strong>s, <strong>de</strong> fioles d’eau bénite <strong>et</strong> <strong>de</strong> souvenirs hétéroclites<strong>de</strong> pèlerinages à Lour<strong>de</strong>s habillant le tronc du chêne à la vierge en la forêt<strong>de</strong> La Guerche (Figure 2) en attestent indiscutablement.Figure 2 – L’arbre à la Vierge(La Selle-Guerchaise)Tout débute par l’assassinat durantla Révolution d’une jeune femme venu<strong>et</strong>rouver refuge sous le feuillage du chêne.La cruauté <strong>de</strong>s faits déclenche un telmalaise dans la population qu’elle en faitun lieu <strong>de</strong> recueillement <strong>et</strong> l’ornementation<strong>de</strong> l’arbre la preuve <strong>de</strong> son chagrin.Plus <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux siècles ont passé <strong>et</strong> la traditionse perpétue. Bien que la plante nesoit plus célébrée, nous r<strong>et</strong>rouvons lemême rituel en la forêt <strong>de</strong> Chevré (LaBouëxière). Certes, l’origine est un événementplus heureux; au moment <strong>de</strong> lapendaison <strong>de</strong> trois condamnés, lescor<strong>de</strong>s soli<strong>de</strong>ment liées aux branchesd’un illustre chêne se sont rompues sansque personne n’en connaisse la raison.L’assemblée a interprété l’événementcomme un signe divin.<strong>Les</strong> plantes ligneuses dans la toponymieLa plupart <strong>de</strong>s phytotoponymes i<strong>de</strong>ntifiés indiquent ou bien un <strong>bois</strong> oubien une essence, parfois les <strong>de</strong>ux à la fois (Annexe, tableau 1). Au gré <strong>de</strong>slocalisations, <strong>de</strong>s fonctions <strong>et</strong> <strong>de</strong>s représentations sociales qu’elles véhiculent,la diffusion <strong>de</strong>s espèces végétales varie gran<strong>de</strong>ment : les plus répanduessont les plantes <strong>de</strong> <strong>haies</strong> (175 <strong>noms</strong>) <strong>et</strong> les plantes d’eau (117), viennentensuite les plantes <strong>de</strong> plaisance (75), <strong>de</strong> vergers (40) <strong>et</strong> <strong>de</strong> lan<strong>de</strong>s (23).En raison <strong>de</strong> leur fréquence dans le paysage toponymique <strong>et</strong>/ou visible, les10
<strong>Les</strong> <strong>noms</strong> <strong>de</strong> <strong>lieux</strong> d’origine végétale en Ille-<strong>et</strong>-Vilaine<strong>bois</strong> <strong>et</strong> les forêts, les lan<strong>de</strong>s, les <strong>haies</strong> <strong>et</strong> les essences bocagères vont r<strong>et</strong>enirici notre attention.<strong>Les</strong> <strong>bois</strong> <strong>et</strong> les forêtsLa <strong>de</strong>nsité <strong>de</strong> <strong>lieux</strong>-dits construits sur <strong>de</strong>s <strong>bois</strong> ou <strong>de</strong>s forêts illustre àquel point ces <strong>bois</strong>ements ont constitué, <strong>et</strong> ce <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>s temps reculés,<strong>de</strong>s motifs paysagers essentiels (Annexe, tableau 2). <strong>Les</strong> <strong>noms</strong> d’origine br<strong>et</strong>onne2 constituent 11,1 % <strong>de</strong> notre échantillon ce qui est conforme aux estimations<strong>de</strong> Jean-Yves Le Moing pour la haute Br<strong>et</strong>agne (10 à 15 %).Différentes formes apparaissent : coat, gou<strong>et</strong>, -hou<strong>et</strong> <strong>et</strong> -quilly. La premièreest issue <strong>de</strong> coit « <strong>bois</strong> » en vieux-br<strong>et</strong>on, qui engendrera coët en moyen-br<strong>et</strong>on<strong>et</strong> koat aujourd’hui. Le plus souvent la forme se contracte avec une épithète,une localisation voire un patronyme : Coacurel (Boisgervilly, lui-mêmeprovient <strong>de</strong> gwez gervelik « arbre au lieu raboteux »), Coesmes (coët em« <strong>bois</strong> mouillé »), Cuguen (coët gwen « <strong>bois</strong> blanc »), Couedouan (Plélan leGrand), Coët Evenec (Saint-Just). Certains <strong>noms</strong> ont été francisés, c’est lecas <strong>de</strong> <strong>Les</strong>cou<strong>et</strong> <strong>de</strong>venu : les Cou<strong>et</strong>tes (Landujan, Monterfil, Romillé) ou LaSecou<strong>et</strong>te (Pipriac). La situation actuelle renseigne autant sur la difficulté<strong>de</strong>s agents recenseurs à r<strong>et</strong>ranscrire correctement les mots br<strong>et</strong>ons 3 quesur la difficulté à rompre avec les particularismes onomastiques <strong>de</strong>s communautéslinguistiques minoritaires. Ker Aline <strong>et</strong> Ker André en sont <strong>de</strong>sexemples typiques, comprendre Ker al lin « village du lin » <strong>et</strong> Ker an dre « village<strong>de</strong> la trêve 4 ». D’autres formes, peu habituelles en Ille-<strong>et</strong>-Vilaine, sontfigurées dans : Penhou<strong>et</strong> (Guigen, <strong>Les</strong> Brûlais, Maure <strong>de</strong> Br<strong>et</strong>agne, Muel),Telhouët (Paimpont), Trémagou<strong>et</strong> (Québriac), la Ville Magou<strong>et</strong> (Quédillac),Tréguily (Messac), Quily (Saint-Just), Linquily <strong>et</strong> le Guily (Maxent). SignalonsGévézé, nom tiré <strong>de</strong> gevre seih o « <strong>bois</strong> <strong>de</strong> chèvres » ou « <strong>bois</strong> <strong>de</strong> chevreuils ».Ce n’est pas une surprise, les <strong>noms</strong> br<strong>et</strong>ons se font plus présents au contact<strong>de</strong> la basse Br<strong>et</strong>agne (sous-région br<strong>et</strong>onnante).Contrairement à une idée reçue, le mot <strong>bois</strong> dans sa définition actuelle :« Lieu, terrain couvert ou planté d’arbres » (Larousse), est apparu asseztardivement dans le langage courant, tout au plus à partir du XIV e siècle 5 .Jusqu’alors le mot, à l’origine <strong>de</strong>s toponymes Boisse, Boissy, Bouisse,Buissières, Boissières, désignait le buis; les bosqu<strong>et</strong>s <strong>et</strong> les boqu<strong>et</strong>eauxétaient nommés en fonction <strong>de</strong> leur essence, on parlait <strong>de</strong> chênaies, <strong>de</strong> boulaies,<strong>de</strong> pinè<strong>de</strong>s, <strong>et</strong>c. Avec un total <strong>de</strong> 44 <strong>lieux</strong>-dits soit près <strong>de</strong> 10 % <strong>de</strong>stoponymes, les chênaies constituaient, semble-t-il, les <strong>bois</strong>ements les plusfréquents dans le département, <strong>de</strong>vant les boulaies (8,5 %) <strong>et</strong> les buissaies2. Le « Dictionnaire <strong>de</strong>s <strong>noms</strong> <strong>de</strong> <strong>lieux</strong> br<strong>et</strong>ons » d’Albert Deshayes a été l’ouvrage <strong>de</strong>référence pour i<strong>de</strong>ntifier <strong>et</strong> traduire les <strong>noms</strong> d’origine br<strong>et</strong>onne présentés dans ce travail.3. GODU, Georges, « Cadastre <strong>et</strong> toponymie », Annales <strong>de</strong> Br<strong>et</strong>agne <strong>et</strong> <strong>de</strong>s Pays <strong>de</strong> l’Ouest,1966, p. 587-597.4. FALC’HUN, François, « Pour une commission <strong>de</strong> la toponymie br<strong>et</strong>onne », Annales <strong>de</strong>Br<strong>et</strong>agne, 1958, p. 413-421.5. BROSSE, Jacques, Larousse <strong>de</strong>s arbres <strong>et</strong> <strong>de</strong>s arbustes, Paris, Larousse, 2001, 576 p.11