<strong>Hommage</strong> à <strong>Pierre</strong> <strong>Potier</strong>les moyens de la recherche publique <strong>et</strong> ceux offertspar l’in<strong>du</strong>strie.©CNRS Phototèque - Photo : Daniel GuénardLa molécule de Taxotère, dérivé <strong>du</strong> Taxol extrait <strong>des</strong> feuilles d’if <strong>et</strong> possèdantune activité anticancéreuse.recherche, les médecins, l’in<strong>du</strong>strie pharmaceutique<strong>et</strong> les patients atteints de cancer. Ce fut avecune vision globale de «pharmacien - chimiste»,mais aussi en connaissant intimement les attentes<strong>et</strong> les besoins <strong>des</strong> mala<strong>des</strong> qu’il se lança dans laquête de substances actives pour fabriquer <strong>des</strong>médicaments anticancéreux. En 1968-1969,Rhône Poulenc lui avait proposé de prendre ladirection d’un centre de recherche, propositionqu’il déclina, voulant préserver sa liberté de choixdans les directions à suivre disant qu’il avait «tracéson plan» <strong>et</strong> que ce n’était pas dans l’in<strong>du</strong>strie qu’ilaurait pu aboutir. «C’était en restant au CNRS,mais en travaillant en interaction avec l’in<strong>du</strong>strielorsque cela était nécessaire que l’on pouvait avancer,car il faut rester maître de sa cuisine, or la chimieest de la cuisine». C<strong>et</strong>te interaction s’est subliméeavec la Navelbine® <strong>et</strong> le Taxotère®.Il mena d’abord un programme sur les substancesnaturelles à activité thérapeutique <strong>et</strong> en 1972, ilproposa une association à Rhône Poulenc afin debénéficier de substances mais aussi de moyensd’essais inexistants dans le secteur public. Même sitraditionnellement ce type de collaborations étaitencore peu apprécié par les responsables <strong>du</strong> ministère,<strong>Pierre</strong> <strong>Potier</strong>, bénéficiant de l’autorisation <strong>et</strong>de la protection <strong>des</strong> deux directeurs de l’ICSN,profita de la réglementation floue <strong>du</strong> CNRS sur laquestion, pour utiliser de façon complémentaireIl disait qu’il avait choisi Rhône Poulenc car, àl’époque, il s’agissait de «la plus grosse firme pharmaceutiquefrançaise ayant d’intéressants moyens dedéveloppement». Mais il y connaissait, de surcroît, lespersonnes compétentes capables de réagir rapidementà ses deman<strong>des</strong>. Un premier contrat de collaborationfut donc passé. Toutefois, il faut souligner que <strong>Pierre</strong><strong>Potier</strong> n’associa jamais aucun in<strong>du</strong>striel à unerecherche au moment où il se lançait dans un nouveauprogramme.<strong>Pierre</strong> <strong>Potier</strong> <strong>et</strong> ses équipes fonctionnaient ainsi :d’abord ils défrichaient un domaine <strong>et</strong> une fois que laphase <strong>des</strong> recherches fondamentales étaient bienavancées, <strong>Pierre</strong> <strong>Potier</strong> négociait avec un in<strong>du</strong>strielsusceptible d’être intéressé par les résultats. C<strong>et</strong>tenégociation intervenait lorsque les chercheurs étaientquasi certains de la faisabilité <strong>du</strong> médicament.Premièrement cela leur garantissait un droit de propriétéintellectuelle, mais cela leur garantissait aussi undroit de propriété in<strong>du</strong>strielle, en cas de développementréussi. Ainsi d’une certaine façon, <strong>Pierre</strong> <strong>Potier</strong>utilisait la recherche in<strong>du</strong>strielle d’abord françaisepuis, en cas d’échec, la recherche étrangère, commeprestataire de service complémentaire de la rechercheacadémique.Comme tous les scientifiques, les Giffois étaientabonnés aux principales revues internationales. Ilconnaissait donc les travaux <strong>des</strong> Américains sur lessubstances naturelles antitumorales. Mais avant©CNRS Phototèque - Photo : Thierry Seven<strong>et</strong>La pervenche de Madagascar «Catharantus rosaeus».16
<strong>Hommage</strong> à <strong>Pierre</strong> <strong>Potier</strong>©CNRS Phototèque - Photo : Daniel GuénardVinblastine <strong>et</strong> navelbine.d’aller plus loin, il travailla sur le fonds commun<strong>des</strong> connaissances de l’ICSN, réétudiant les alcaloï<strong>des</strong>de la pervenche. Ce sont <strong>des</strong> alcaloï<strong>des</strong>indoliques extrêmement difficiles à travailler.Pendant un an <strong>et</strong> demi, <strong>Pierre</strong> <strong>Potier</strong> s’entraîna àmanipuler ces pro<strong>du</strong>its afin de parvenir à isoler lessubstances facilement. À c<strong>et</strong>te époque, il était déjàconnu que les alcaloï<strong>des</strong> de la pervenche deMadagascar agissaient sur la tubuline. La tubulineest une protéine qui sert de cible <strong>et</strong> perm<strong>et</strong> de testerl’efficacité antitumorale <strong>des</strong> substances isolées.Le testSur le campus de Gif-sur-Yv<strong>et</strong>te, se trouvaientd’autres laboratoires dont l’Institut d’enzymologieoù travaillait le biologiste Dominique Pantaloniqui étudiait la structure biologique de la tubuline.Il signala à <strong>Pierre</strong> <strong>Potier</strong> que la mescaline (substanced’un champignon hallucinogène mexicain)agissait sur la tubuline. Or la mescaline est proche<strong>des</strong> alcaloï<strong>des</strong> de la pervenche. <strong>Pierre</strong> <strong>Potier</strong> avaitlu un article de l’Américain Shelansky qui décrivaitla tubuline <strong>et</strong> expliquait comment suivre l’activitéde la tubuline in vitro. <strong>Pierre</strong> <strong>Potier</strong> demandaà l’un <strong>des</strong> jeunes chercheurs de l’ICSN, DanielGuénard, d’aller travailler quelques mois àl’Institut d’enzymologie sous l’égide de Pantaloniafin de bien comprendre le fonctionnement de latubuline. De r<strong>et</strong>our à l’ICSN, Daniel Guénard <strong>et</strong><strong>Pierre</strong> <strong>Potier</strong> travaillèrent à la mise au point <strong>du</strong> testà la tubuline. Désormais, les Français possédaientun moyen fiable d’évaluer l’activité antitumoraled’une substance naturelle.En réfléchissant aux réactions rencontrées dans l’étude<strong>des</strong> alcaloï<strong>des</strong> <strong>du</strong> groupe quinquina, (rechercheseffectuées par René Beugelmans, chercheur <strong>et</strong> collèguede P. <strong>Potier</strong> à l’ICSN), il commença à étudierles dérivés les N-oxy<strong>des</strong>, étudiés 40 ans auparavantpar les Polonovski à Paris. En collaboration avecAdrien Cavé <strong>et</strong> Alain Ahond, ils découvrirent leréactif de Mannich. Ces premières recherchescon<strong>du</strong>isirent <strong>Pierre</strong> <strong>Potier</strong> à proposer un procédé <strong>des</strong>ynthèse <strong>des</strong> alcaloï<strong>des</strong> complexes <strong>du</strong> groupe de lavinblastine. Ces composés antitumoraux étaient trèsactifs, ils avaient été découverts dix ans plus tôt parles Américains <strong>et</strong> étaient exploités par la firme américaineEli Lilly. Mais, il était toujours impossibled’effectuer la synthèse de ces pro<strong>du</strong>its naturels extraitsde la pervenche de Madagascar.Dans le même temps, <strong>Pierre</strong> <strong>Potier</strong> demandait àNicole Langlois de travailler avec lui sur les N-oxy<strong>des</strong>. Cela leur permit d’en réaliser la synthèse.Parallèlement à cela, pour prouver la validité <strong>du</strong> testde la tubuline, <strong>Pierre</strong> <strong>Potier</strong> <strong>et</strong> Daniel Guénard l’utilisèrentavec toutes les substances manipulées àl’ICSN dont la vinblastine qui était bien connuepour ses vertus anti-tumorales. À partir de 1978, l<strong>et</strong>est à la tubuline était fiable comme test de «screening»d’agents antitumoraux. Chemin faisant, àmesure que les travaux sur la pervenche deMadagascar se précisaient, le test fut définitivementmis au point. D’ailleurs deux autres publicationsle confirment en 1978 <strong>et</strong> 1981.Aussi, lorsque les Français commencèrent les travauxsur le Taxol <strong>et</strong> le Taxotère®, contrairementaux Américains, ils possédaient le test à la tubuline.De tous ces efforts résultait un premier médicamentdont les brev<strong>et</strong>s furent pris conjointementpar les chercheurs de l’ICSN <strong>et</strong> l’Agence nationalepour la valorisation de la recherche, filiale <strong>du</strong>CNRS créée en 1967 : la Navelbine®.La Navelbine®, le Taxol <strong>et</strong> le Taxotère®Au début <strong>des</strong> années soixante, de gran<strong>des</strong> campagnesde collectes furent lancées par le National cancerInstitute américain pour échantillonner les plantes<strong>des</strong> régions tempérées. Les chercheurs financés par ce17