S O CEn Congrèsà géométrie inverseD’un art en disjonctionAlain GoulesqueCongrès à géométrie inverseCompte renduPROTOCOLES-MÉTAwww.<strong>protocoles</strong><strong>meta</strong>.comI A L E S ,P O L I T I Q U E S E T L E U R S M A L E N T E N D U SE X P É R I M E N T A T I O N S A R T I S T I Q U E S ,En déperformanceAutant dire qu’il y a peu lorsqu’il s’agit de percer de longs tunnels de surface. Peu d’obstacles, peu d’élévations, peu de constructions,seulement de longs mouvements stratifiés et de micros tactiques aléatoires de déplacements.L’accès aux périmètres fébriles, aux alentours, aux essentiels, se fait par étapes soustractives…Il faut se déplacer lentement, à rebours des conventions, dans l’axe d’un espace bâti instantanément. La logique des tracésn’est plus la même, le pas mesure simplement la longueur et la largeur de chaque architecture.Les dimensions se déploient dans un dépouillement de plans ; les formes géométriques se déhiérarchisent, l’hégémonie des carréset des cercles tombe à l’eau. Vagues et vagues figures dérivent, insatisfaites du corps dimensionné qui les habite… Le temps alorsse laisse, il faut aller tout droit, tout en déperformance…Tel est le geste sobre du passant congressiste, ample de morceaux de bouts de débuts de peu ; le congressiste mesure une structuremodélisante tout en profondeur, qui dérive dans un flux éphémère, immense comme une île d’épaisseur au milieu du courant.En Congrès de congressistesLe congressiste offre son expérience à tout moment, il manipule des termes aux codifications abordables ; tout passager métaest congressiste de sa propre expérience, il rejoint le corps des marcheurs, assiste à des autos conférences qu’il organise pour luimêmeentre deux parcours. Il se fond aux autres par nécessité théorique, construit sa maison de manière schématique, à tel pointqu’il la modifie sans cesse, passant du bâti commun à l’architecture la plus singulière.Le Congrès s’étend du peuplement des congressistes. S’il prend en général une forme géométrique indéterminée, une sortede géométrique inverse, de déroutement traversant des idées, des relations et des actes, s’il ressemble à une masse flottantecontrairement proportionnée à son volume visible, c’est pour tracer plus justement les contours contraires d’un programmeattendu.En une tâche creuseLe congressiste manie la schématique, une pratique graphique que l’on pourrait lier à l’étude des propositions et à l’établissement deschémas ; en général, le schéma (1), en tant que représentation provisoire de structures encore inconnues des objets ou des êtres,trace l’enregistrement du processus général d’un phénomène qui n’est pas encore arrivé. En ce sens, il enregistre en un dessinintermédiaire toutes propositions linéaires ou poreuses, rigides ou infiltrantes.La schématique du congressiste est une forme d’expression déqualifiée ouverte à tous les enregistrements sensibles du mouvementdes processus ; elle est faite de règles erratiques, d’expérimentations elliptiques à géométrie inverse et s’active pendant la duréedu Congrès. Elle aide à la réorganisation de la syntaxe des choses à voir, à l’invention de règles à suivre pour le tracé de récitsd’expériences, de figures, de plans et d’espaces, de lignes, de surfaces ou de volumes provisoires. On imagine qu’elle peut serépandre à la surface comme une tâche creuse au bout d’un cocotier.En caverne lumineuseLes schémas enregistrent la synthèse des écarts, ils activent le congressiste, lui ouvrent un champ de recherche permanent ;ils donnent du style aux gestes et produisent des figures qui épurent tous ses mouvements. Le Congrès installe son bureau desschémas comme une caverne lumineuse, en creux, dans la blancheur géologique. Chacun peut y produire sa stratégie, désorientée,déréglée, résistante à la finitude, inversement proportionnelle au plan de base, en autre alternative, en mimétisme critique, enombre portée inversée. Beaucoup peuvent rester à la surface, schématisant par de légers demi-tours, allant et venant en unemathématique aléatoire.En flux de fleuveLe Congrès prépare ici le déplacement, l’exode, la suite fluviale, manifestant un penchant extrême vers d’autres extensions de fuite :la multitude et la singularisation des pôles, l’assemblée mobile et éphémère, les mouvements à rebours.Au contrat d’art s’oppose, désormais, la carte « enschématisée » des possibles (méta géographie), à l’hégémonie des réponsess’affirme l’alternative des choix.Prendre le fleuve comme un maquis fluide et soluble, un fleuve qui se donne au navigant, un fleuve fait d’une eau remontante quiconduit par plis successifs aux îles plénières.Le congressiste sait savamment naviguer ; il construit son radeau toujours en flux, n’entre jamais deux fois dans le même fleuve ;il troque, pour rien, son savoir et peut enseigner sur les bordures. De là, il regarde flotter encore au loin, d’admirables objets d’artbrillants d’or et de pierres précieuses montés sur de lourds blocs de glaces qui craquent et qui fondent. Alors, il pense et croit en desrives meilleures, à d’autres mondes nomades infatigables, tous enclins à faire naître autant de Congrès en disjonction.(1) Le schéma, selon la définition, est une image (visuelle ou autres) singulière et concrète, destinée à rendre saisissable à l’imagination un ou plusieurs concepts universels et abstraits.C’est un exemple fictif, idéalisé et simplifié, comportant souvent des représentations symboliques de ce qui ne peut être représenté (A.Lalande, vocabulaire technique et critique de laphilosophie).46
S O CCongrès à géométrie inverseCompte renduPROTOCOLES-MÉTAwww.<strong>protocoles</strong><strong>meta</strong>.comI A L E S ,P O L I T I Q U E S E T L E U R S M A L E N T E N D U SE X P É R I M E N T A T I O N S A R T I S T I Q U E S ,1.2.3.4.5.6.7.8.9.10.11.Le marché de l’art est l’objectivation du processus même de l’art autonome et de la dissociationqu’il opère entre la valeur attribuée à ses objets et leurs conditions matérielles et sociales deproduction.Cette dissociation en marque l’aliénation ; elle disqualifie l’usage au bénéfice du seul échange.L’argent en est la forme et la fin. L’art partage avec l’argent la propriété de n’en avoir aucune,sinon les usages qu’il autorise et les représentations dans lesquelles il s’épuise.Un tel art possède ses formes propres de fétichisme, étroitement liées au fétichisme de lamarchandise. Les grandes messes artistiques en disent à la fois la « force » et la misère.L’artiste, depuis le xixe siècle, en est la figure aliénée, prise entre intéressement et désintéressement,valeur économiquement quantifiable et activité socialement inqualifiable, légitimationmarchande et dépossession de soi.Le processus marchand prive l’art autonome de sa fonction critique et la critique de sa fonctionautonome. La finalité marchande élève le commissaire au rang d’artiste ; elle assujettit l’artisteaux calculs du commissaire et relègue la critique au rang d’auxiliaire médiatique et institutionnel.L’art, dès lors, peut être dit abstrait, au sens où, dissocié de la vie et de ses conditions de productionréelles, il s’accomplit dans la tautologie.Le cynisme moderne, celui de la « fausse conscience éclairée », en inverse ironiquement les valeursdans la vulgarité du kitsch et de la mode.La « fin de l’art » se confond avec la fin du marché, l’intégration à l’échange en soi et pour soi,conçu et vécu comme fondement et comme fin, débarrassé des scories de leur histoire.La seule alternative à l’art : non pas le refus de l’art, ni l’anti-art, ni la dialectique, fût-elle négative,mais le réinvestissement du politique, abandonné à lui-même et au désert social. Soustrairel’art à l’art et à sa contamination de et par la culture propre à la sphère esthético-marchande.Le méta-art est soustractif, « interstitiel », contextuel. Il s’insinue dans les blancs ou dans leszones encore franches de la « communication ».L’art et la politique n’ont fait qu’interpréter le monde, il convient de l’inventer.Jean-Pierre Cometti47