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Document - protocoles meta

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S O CCompte-renduCongrèsà géométrie inverseUne proposition dans le cadre de « La Force de l’Art 02 » au Grand-Palais …Une coproduction de l’École Supérieure d’Art d’Aix-en-Provence,de l’École d’Art de Blois, avec l’aide du Centre National des Arts Plastiqueset la collaboration de l’association Art & Recherches.E TL E U R SP O L I T I Q U E SM A L E N T E N D U SI A L E S ,E X P É R I M E N T A T I O N SPROTOCOLES-MÉTAwww.<strong>protocoles</strong><strong>meta</strong>.comA R T I S T I Q U E S ,


IntroductionCongrès à géométrie inverseCompte renduJamais simple de faire un compte-rendu des<strong>protocoles</strong> méta, et encore plus délicat lorsqu’ils’agit d’un « Congrès à géométrie inverse ».Souvenons-nous de cet extrait de notre « Miseen perspective » du congrès : « Il est dans lanature même des sessions et des congrès métade se réaliser non pas comme une fin, mais plutôtcomme un commencement, dans la terminologieromantique on dirait une aurore - l’apparitionfugitive de quelque chose ! Dans les sessions etles congrès méta, il s’agit à chaque fois de joueravec le tâtonnement, le décalage, l’incongruité,l’indéterminé, le kairos, l’occasion, la précarité,l’économie de moyens… La fragilité et l’impermanencedes rapports – l’aléatoire des rendezvous,des sessions et des devenirs solitaireset collectifs. »Après coup il y a des matières, des textures, desvoix, des bruits, des images, des corps, des gestes,des phrases, des remarques, des questions …De l’interdépendance des expériences, nous passonsà l’intersubjectivité des notes, des images,des récits produits par les uns et les autres…Ainsi une chaine se perpétue où les documentssont des témoignages en suspension et oùchaque participant demeure en lui-même un« document » vivant et en devenir !Chaque compte-rendu est autant un retour surexpérience qu’une flèche tendue pour traverserà nouveau la présence du présent, une métasubjectivitédes coprésences subtiles et un êtreensemble qui expérimente une forme d’humanitéen transformation.Les <strong>protocoles</strong> méta ne sont pas des énoncéssur l’art, mais un agencement d’actions, sur fondd’esthétique soustractive. Une manière d’agiret de réfléchir seul et à plusieurs. Une formed’imprudence partagée pour élargir nos libertésd’interprétation et de construction du réel.Une dé-présentation (dé-performance) de toutetrajectoire efficace, afin d’inventer d’autre manièrede faire, d’agir ensemble et de (se) trans-former,de laisser advenir des formes autres…Peut-être notre devenir sera-t-il de ne pluslaisser de trace chacun devenant son propredocument ?Jean-Paul Thibeau (30/06/09)2


Rappel de la proposition généraleet du programme initial.Immersion temporaire au Grand Palais d’unesession Protocoles-Méta & Congrès Singuliersafin de mettre en œuvre des situations d’expérimentationset de réflexions pendant 3 jours :les 22 - 23 - 24 mai 2009.IntroductionDepuis 2003, les « <strong>protocoles</strong> méta » proposent dessessions d’expérimentations et des « congrèssinguliers » recoupant diverses disciplines, croisantdifférents publics. Elles se sont dérouléesdans des lieux artistiques aussi bien qu’extraartistiques, dans différentes villes: Blois, Paris,Roubaix, Marseille, Aix-en-Provence, Rabat,Cavaillon, Avignon…« Protocoles-méta » est un projet d’expérimentationitinérant, infiltrant et évolutif, animé par uncollège actif fait de collaborations temporaires.Son hypothèse de départ est d’explorer desmodes d’agir, de faire, pour surmonter les procédureshabituelles d’exposition, de performanceou de spectacle.Congrès à géométrie inverseCompte renduLe mode de fonctionnement est lui-même undispositif expérimental qui évolue selon les occasions.Chaque session (ayant une thématiqueou non) met en jeu le trinôme rencontre-indétermination-improvisation… Nous agissonsdonc par expériences successives avec le soucipermanent de mettre en commun nos réflexionset nos pratiques.Ce sont des « <strong>protocoles</strong> en situations » dont tousles termes et les modes peuvent êtres questionnéset rejoués différemment si nécessaire. C’estune démarche soustractive*.Depuis 2006 nous interrogeons régulièrementles rapports : expérimentation artistique - expérimentationsociale - expérimentation politique etleurs malentendus (voir leurs mésaventures)…Pour « La Force de l’art 02 », comme à chaqueévènement, nous gardons la distance critiquenécessaire. Il ne s’agit pas de « faire œuvre »au sens convenu du terme, mais « d’ habiter »collectivement cette situation, remettre en jeunos méthodes et déployer nos explorationstâtonnantes.Nous envisageons ce « congrès singulier » commeune construction au plan quelque peu inversé oùles lignes restent mouvantes, le temps malléable,les congressistes hétérogènes, une expérienceen déproduction…Être-là … Produire des situations… Apparaîtredisparaître…Être ailleurs…3


Congrès à géométrie inverseCompte rendu* «Protocoles Méta désigne une démarche, une expérience, qui s’est développée en plusieursphases, sans aucun but visé d’avance. C’est ce qui constituait, tout au moins au départ, l’intérêt dece qui se dessinait ainsi, et de ce qui s’y est ensuite « manifesté » : une démarche qui est toujoursrestée, et ce dès le départ, essentiellement ouverte. Qu’elle fût déconcertante, c’est ce qu’on abien vu. Beaucoup, parmi ceux qui, à tel ou tel, moment sont venus se joindre à nous, sans savoird’ailleurs exactement de quoi il s’agissait, pourraient en témoigner, de même que les termes mêmesdans lesquels cette expérience s’est développée, à savoir comme méta expérience. C’est que lepropre d’une méta démarche comme celle-là, ou encore des méta <strong>protocoles</strong> qui leur étaient liés,aura consisté beaucoup plus en une réflexion sur les conditions dans lesquelles une démarche ouune expérience peut avoir lieu, qu’en un programme, d’où son caractère essentiellement soustractif,destiné à libérer des possibilités encore inexplorées.Une telle démarche impliquait, chemin faisant, qu’on réfléchisse sur ce qui entre en jeu dans desexpériences ou dans des pratiques de type artistiques ou en tout cas présumées telles - avec toutesles représentations qui en font inévitablement parties, et qui constituent toujours au fond, pour qui yparticipe, un arrière-plan pris en défaut, mis à l’épreuve, exposé à un doute qu’autorise précisémentsa nature soustractive. Cet aspect-là, que je résume très brièvement, s’illustre dans un écart parrapport aux attentes qui sont généralement les nôtres, en raison de ce que nous engageons à la faveurd’un processus qui, sitôt enclenché, devient éminemment problématique, puisque les finalitésen sont incertaines et indéterminées.»Une démarche soustractive (Jean-Pierre Cometti, avril 2007 - extrait).4


Congrès à géométrie inverseprogramme.22, 23, 24 mai 2009Programme d’expérimentations à partir des formesde déplacements et d’agoras (et leurs malentendus).Vendredi 22 maiInstallation du Congrès et introduction aux <strong>protocoles</strong>méta.17h : Ouverture publique du module de documentation,du bureau des schémas,des espaces d’expérimentation et d’échange.Concertation du groupe <strong>protocoles</strong> méta et mise enplace des expérimentations.21h : Introduction aux <strong>protocoles</strong> méta par Jean-PaulThibeau et Alain Goulesque. Ouverture du métacongrèset présentation du programme.Samedi 23 maiExpérimentations de formes de déplacements et dedésorientations.Parallèlement, tout au long de la journée, un« bureau des schémas et récits d’expériences » estactivé et des documents sont consultables.10h : Accueil de l’ensemble des « congressistes ».Schématisation des concepts de déplacements etprésentation des propositions d’expérimentation dela journée. Constitution de divers groupes.11h : Ouverture du « bureau des schémas et récitsd’expériences »11h30 -16h30 : Mise en œuvre des propositionsconcrètes de déplacements.(Interventions diffuses et physiques activées plusieursfois dans la journée)Propositeurs: Françoise Vincent & Eloïm Feria, VéroniqueLamarre, Catherine Contour, Mélanie Perrier,Rémi Coupille, Masako Hattori, Plateforme Roven,Sophie Wahnich, Vincent Jean.Congrès à géométrie inverseCompte renduthéoriques) du samedi seront réexaminées le dimanche,revisitées au regard de la question « commentfaire agora ? », comment faire resurgir la question dupolitique.Dimanche 24 maiExpérimentations de formes de multitude et d’agoras.Parallèlement, tout au long de la journée, un« bureau des schémas et récits d’expériences » estactivé et des documents sont consultables.10h : Reprise du méta-congrès. Schématisation desconcepts d’agora et présentation des propositionsd’expérimentation de la journée. Constitution dedivers groupes.11h : Ouverture du « bureau des schémas et récitsd’expériences »11h30 -16h : Mise en œuvre des propositions concrètesde formes d’agora.(Interventions diffuses et physiques activéesplusieurs fois dans la journée)Propositeurs: Name diffusion, Mélanie Perrier, RémiCoupille, Masako Hattori, Plateforme Roven, PatrickSirot, « Work on stage, agence des hypothèses »,Sophie Wahnich, Catherine Contour,…16h-17h : Récits des expériences traversées.17h-18h30 : Méta-agoras avec Christiane Vollaire,Sophie Wahnich et la participation de Jean-PierreCometti.19h : Débat de synthèse.20h : Démontage des dispositifs comme méta-activité…16h30-17h30 : Récits des expériences traversées.17h30-19h30 : « Paroles en mouvement » autour desnotions de multitude et de migration, exode, fugueavec Antonio Negri, Laurent Bove, et la participationde Pascal Nicolas-Le Strat,…21h - Présentation du projet « Plateforme nomaded’expérimentations » à l’école d’art d’Aix-en-Provenceet « Ecoles d’art itinérantes du bord des fleuves »avec l’école d’art de Blois.Les propositions et les expérimentations (pratiques et5


NOTES ET RECITS D’EXPERIENCE DE PARTICIPANTS ET D’INTERVENANTS .


Jean-Paul ThibeauNotes du 28/05/09Congrès à géométrie inverseCompte renduNote 1Eviter d’intervenir « contre » ce qui est là (pure réactivité), ni avec l’illusion d’une totale autonomie. Resterdans une tension entre résistance et expérience interstitielle, dans les entrelacs des déplacements et des agoras.Questionner ce qui se passe au fur et à mesure, ne pas hésiter à questionner le questionnement lui-même.« Qu’est-ce qui construit de la collectivité ? Qu’est-ce qui fait frontière ? La volonté de territoire est la sourcede tous les malheurs » (Christiane Vollaire)Petit à petit l’espace est investi par les participants. Divers lieux se définissent, certaines zones restent desespaces transitoires… Des chemins se fluidifient, le Grand Palais devient un entrecroisement de sentiers quise connectent, se perdent, ressurgissent suivant les croisements des corps et des divers mobiles… Les congressistespetit à petit s’ébrouent, les propositions s’énoncent et prennent corps dans et hors la Géologie Blanche.Après quelques « reniflages », les interventions ouvrent des espaces, crée des décalages, crée des alvéoles,en dissolvent d’autres, traversent le divers…ENTRE espace, temps, corps, parole, activité…Le lien entre déplacement et agora : va et vient, mise en rapport de l’un et du multiple, de la singularitéet de la multiplicité…Combiner corps et geste, corps et paroles…Combiner les déplacements solitaires avec les déplacements par petits groupes avec les déplacements en grandcollectif …Entrelacer les modes d’être, d’agir, de faire, explorer des états de soi et de hors-soi, changer de place !Qui va là ? Qui fait quoi ? Qui est « nous » ?Au milieu de micro évènements qui laissent une réalité advenir sans forme préconçue, la durée est un tissude relations, de coïncidences …Un lent cheminement prend forme où s’interroge l’humanité déployée et en mouvement dans le site. Prendre letemps de l’habiter, de l’apprivoiser afin de créer du commun, du partage, du divers, du singulier et du multiple…Vu/non vu, su/non su, énoncé/non énoncé, fait/non fait, un régime qui mêle concertation, incertitude et prisede risque…Discret, indiscret, surexposition, indisposition, des modalités variables qui suscitent des écarts, des activitésdistinctes, d’autres indistinctes qui agencent des bords, des débords, des intervalles et des dévals, des « entre » :entre art et non art, entre esthétique et inesthétique : méta-art, méta-esthétique…Capter et apprivoiser les éléments de dissensions pour en faire de la matière à mijoter, à discuter, à disputer,à œuvrer…Note 2En principe les situations ne sont pas «construites» à l’avance, ce sont des situations expérimentées, où lespropositions initiales restent ouvertes aux remaniements, aux explorations.« Tisser les notions, tisser les actions… faire des pas de coté, c’est faire de la politique » (Sophie Wahnich)…Laisser agir un territoire fluide, provisoire, éphémère…Ne pas s’assigner à résidence, accueillir les manières d’être.Comment être à la fois témoins et acteur ?Avoir des descripteurs d’activités ? Avoir des décrypteurs de questions ?7


Congrès à géométrie inverseCompte renduComment faire d’un récit, d’une trace, une expérience ?Toujours la question du comment « faire trace », comment expérimenter la trace, comment expérimenterl’expérience, comment « expériencer » l’expérimentation ?Multitudes des agir, des réactions, des perceptions, des questionnements, comment faire écriture ? Commentopérer un champ d’écriture qui ne soit pas que témoignages, que schémas, mais aussi mise en résonance desinterrogations et projection imprudente vers un « campement critique » ?A chaque fois il s’agit d’un CHEMINEMENT (partagé).Cheminement pour expérimenter un lieu et des propositions, pour transformer le lieu en croisement de mobiles etde résistances…Susciter des décalages, des anachronismes, des incongruités, des coïncidences, des circonstances hasardeuses…Laisser advenir ainsi des jeux de méta-activités…Tout en amplifiant la présence de la distanciation et du politique…Une nouvelle forme d’ « institution » se met en place, quelque chose qui se met en cohérence (qui se veut êtrepartagé et partageable) – différent des sessions ou chacun vient faire son truc et repart avec un machin à trafiquerchez lui, pour lui… Il ne s’agit pas d’une la simple juxtaposition… mais d’une aire de méta-morphoses…Rien à voir avec l’art contemporain institutionnel, sentiment d’être un joyeux anachronisme…Comment réaliser un CAMPEMENT CRITIQUE (bivouac) ?Pourrait-on imaginer une session des <strong>protocoles</strong> méta sur un mois ? (Françoise Vincent)Note 3Protocoles méta : ce n’est pas un « remuement » supplémentaire, mais la poursuite d’un glissement progressifvers le plaisir d’explorer un art de faire autrement de l’art… Dissolution de l’art dans un agir autre, une transitionpour une geste délibérément indéterminée. Tout en sachant que pour nous l’art est entendu comme uneindéfinition endémique, comme un inexorable mouvement de résistance à l’identité.Protocoles méta : ce sont des solitaires associés temporairement pour mener des expériences méta-réalisantes.Corps, paroles, connaissances, expériences y sont gagées ensembles pour explorer temps et espace selon desmodalités extensives… synchronisation et désynchronisation, inversion des géométries, remixe, marcottage,branchement, infusion …Si les <strong>protocoles</strong> méta sont une émanation du champ de l’art, il en sont une forme processus à la fois fugue et« exode ». Avec le temps se développe un champ méta où l’art est devenu vaporeux, un indice de déliaison…Protocoles méta: ce sont des productions d’expérience de désautomatisation « réoutillante ».Il s’agit de fabriquer de nouveaux outils, de se ré-outiller pour ré-explorer nos manières de faire, agir, penser…Se réoutiller, c’est aussi explorer d’autres méthodes et moyens de faire de l’art, mais c’est encore se dégagerde l’asservissement, se déprendre de soi : créer d’autres usages de soi (tache/multitude), une extension del’hétérogénèse de soi…Inventer une méta-existence et préparer un méta-exode sociétale…Des enjeux à affiner :- La « déproduction » : sortir de l’activité forcenée. Réactualiser une écologie sociale, mentale, environnementale(écosophie de Guattari) et explorer les potentialités de méta-activités (économie et simplicité desmoyens).- Le « décampement » : sortir de l’arrogance de la civilisation capitaliste à économie libérale et de sonrégime suicidaire. Explorer des modes d’exil, d’exode et de « lâcher prise », en créant des « campementscritiques » … Y produire des contournements, des ruses, une combinaison subtile entre culture de la simplicitéet reconnaissance (appropriation) de la complexité du réel. Tenir compte de la multidimensionnalité desproblèmes de vie, mais non pas pour alimenter une résignation mais pour instaurer une méta-résistance.8


Vincent JeanA oalpé !Congrès à géométrie inverseCompte renduCe que j’aurais à dire, réflexion faite, ou à peu près, de cette méta chose, vécue ensemble(s), dans le Grand,dans la Force, c’est que : à y être, j’y aurais volontiers, aussi, dans cette amitié, envoyé le méta se faire mettreau carré ; je m’explique : dans le temps que nous avions libéré pour y être, là-bas, entre autre(s) : s’ouvrent desenvies, apparaissent des pistes, des idées qui, saugrenues, nanolocales, rapides ou lentes ou plates, pourraientaussi se formuler collectivement, ici (là-bas) et maintenant (là-bas), en short, sans rien dans les poches, vouset moi, à l’instant (comme je me disais, au pied du cocotier, content comme tout de m’ennuyer ferme, à tenirce pauvre pseudo-vestiaire) pour, in fine, tout aussi bien : « faire autre chose », de pas prévu mais d’imaginé surplace : ex : (méta-)médiatiser les médiateurs et leur improviser, en groupe, une visite commentée de l’expo,ou surveiller les surveillants (surveillant les médiateurs, etc.) : métaméta quoi, c’est là où je voulais en venir,au carré, et donc j’y suis : tout ça pour dire que je suis d’accord avec quelqu’un qui disait - Jean-Paul ? - Quela prochaine fois on pourrait y aller sans rien, à oalpé : ça me plaît !!!9


Toni Negridu concept de puissance.(extrait des dialogues avec Laurent Bove,Pascal Nicolas-le Strat et les participants -23/05/09)Toni Negri :Chaque fois qu’on a parlé de temps ici-même, on a enréalité parlé de puissance. Parce qu’il y a puissance, impuissanceet non-puissance : il y a puissance et capacitéde rendre original, de construire de l’être.Quand est-ce le moment dans lequel les choses que l’onvoit - et qui s’appelle marché d’art, exposition d’art, expressionartistique - devient expression de cette puissance?C’est toujours de la puissance, car toutes les chosesque l’on fait sont puissances. Mais quel est le momentoù cette puissance arrive à jouir de soi-même, à augmenterl’être dans lequel on vit ? Quel est ce momentdans lequel cette puissance devient quelque chose quienlève de la mort devant nous ?Je voudrais insister sur quelque chose de fondamental,c’est un phénomène qui traverse les subjectivités,c’est un phénomène de multitude. D’un point de vuede la connaissance avant tout, on ne connaît pas si onn’est pas ensemble. D’un point de vue ontologique,c’est de l’être nouveau qui est mis là sur le terrain.Et d’un point de vue éthique, l’éthique ce n’est pas dela morale. L’éthique c’est la constitution d’amour entreles gens ! La « chute » ici-même, pour nous, est une provocationqui veut déterminer un contrecoup. Il peut yavoir de l’impuissance, tout ce qui est négatif c’est del’impuissance. La puissance est désir sans objet, ou kairossi vous voulez, ou coopération, ou amour. Actuellementje suis dans une polémique féroce avec ceux quiont une conception du beau, cette conception du beauque vous trouvez dans « Le Banquet » de Platon – et làvous vous trouvez devant quoi ? Vous vous trouvez devantun rapport entre pauvreté et richesse, abondancequi est rapport vers une idée de la beauté. Mais c’est unrapport dans lequel Platon dit que la création n’existeplus ! Existe simplement cette récupération heideggériennedu « dévoilement », de quelque chose qui est là.Mais la pauvreté au contraire, est toute possibilité dereconquérir le beau - elle est au contraire puissance,puissance d’amour. Donc il faudrait être capable deredéfinir la pauvreté comme puissance ! Et à ce point là« la chute » n’est plus provocation, mais c’est un état àpartir duquel on reconstruit, on construit, on met ensemblede l’être, on met ensemble sur ce « bord du temps »,à chaque moment on est là, on a le vide devant nous !A chaque moment on a le vide complet devantnous, non ? Et à chaque moment on crée le temps, ondétermine le temps, on a la puissance de faire le temps !Le temps n’est pas avant nous ! Il commence là, sur ceCongrès à géométrie inverseCompte rendubord, à tout moment ! Et alors c’est cette formidable richessede la beauté, mais c’est aussi la richesse de lacoopération, c’est la richesse de l’amour - à partir dequoi ? A partir de cette pauvreté énorme, de cette indigencedans laquelle on est, là, devant ce vide du tempsque l’on a devant nous !Laurent Bove :Dans l’idée de désir sans objet, il y a effectivement l’idéede pauvreté et en même temps, dans ce temps sans objet,il est en permanence la préoccupation fondamentale desgens de pouvoir. Pourquoi ? Parce qu’il s’agit de le capteren permanence ! Toni dis « devant c’est le vide », et donc« à chaque instant c’est un nouvel être qui commence »,cette phrase n’est pas de moi, elle est de Vauvenargues,un moraliste du XVIIIe siècle.« A chaque instant c’est un nouvel être qui commence »,mais malheureusement tous les systèmes de pouvoirattaquent en quelque sorte à la racine ce mouvement : àchaque instant l’être qui commence c’est celui que nousvoulons, c’est-à-dire les systèmes de pouvoir. Donccela veut dire que le travail du pouvoir c’est un travaildans le creuset même du temps ou de l’anthropogenèse,c’est-à-dire dans la capacité de la puissance à produiredes formes d’humanité inventives et inventées. Oraujourd’hui, ce que fait le capitalisme c’est qu’il imposenaturellement la forme d’humanité, en nous disant il n’ya qu’une forme d’humanité. Il n’y a qu’une forme de viepossible, il n’y a qu’une manière d’être enfant, d’êtreadolescent, d’être homme, qui passe naturellement àtravers des objets, des finalités au temps, de l’efficacité,de la mesure, etc.C’est à dire que la lutte, ou la guerre, elle se joue au plusprofond du creuset, c’est-à-dire de la puissance même àrouvrir le temps à chaque instant – ce qui est empêchépuisque de toute manière « ouvrir un marché » cela veutdire produire le type de vie qui peut le remplir.Sur la puissance, je rebondis là-dessus, il n’y a pas decorps simple, un individu simple n’existe pas dans lanature. Je crois que c’est très important, il n’existe quede la complexité. Cela veut dire que le moindre êtreréel, est une complexité ! Il se trouve que, parmi tous lesêtres réels, nous sommes des êtres excessivement10


complexes – donc nous avons une très grande puissancejustement d’ouvrir et de rouvrir le temps – et c’est cettetrès grande puissance qui est attaqué ! Je pense que lalogique du capitalisme c’est de faire de nous des êtresrelativement simples. Relativement simple cela veutdire quoi ? Cela veut dire qu’il faut codifier les relations,c’est-à-dire non pas les supprimer, mais codifier la relationque vous avez à l’autre, la relation que vous avezau travail, la relation que vous avez aux enfants, de lescodifier de telle manière que l’évolution soit maitrisée,qu’elle ne soit plus inventée. In fine, nous sommes dansune période subtilement, non pas totalitaire, mais totalisatricedes vies – où naturellement, ce qui est extrêmementintéressant pour nous, c’est que la liberté, laliberté que nous avons est elle-même codifiée. Ce quiest intéressant dans un système de logique de domination,c’est de se sentir libre bien entendu. C’est-à-direque la plus grande réussite de la domination ce n’est pasle totalitarisme simple et idiot qui produit de la répressionsur les gens, non c’est d’avoir défini ce qu’était unefois pour toute la liberté ! C’est bien ce qui se passe onnous a défini ce qu’était la liberté ! Tout le problème,si cela fonctionnait, c’est que nous serions comme uneespèce animale qui une fois pour toute est définie dansses stratégies de vie, c’est à dire qui n’a plus d’histoire.Or notre complexité, notre grande complexité nous permeten permanence de résister, c’est-à-dire que le pouvoirne peut pas gagner, parce qu’en permanence on faitévénement ! On est en train de faire cela ici et donc àtravers cela (…) il y a de la puissance du multiple, etcette puissance du multiple que nous sommes est en faitirréductible !Congrès à géométrie inverseCompte renduToni Negri :Ce que nous dit Laurent, c’est cet élément fondamentalcomplètement intransitif de la liberté. Cette résistanceest devenu l’élément central dans toute notre expérience,alors résistance-puissance-singularité-multitude celadevient un peu les concepts autour desquels il faudraitreconstruire notre horizon philosophique mais aussi dudialogue normal, continu…(…) C’est seulement à travers la construction de subjectivitéqu’on arrive à faire une rupture du déterminismehistorique. Si je parle à un moment de Flaubert,c’est qu’il comprend cela, c’est que la modification del’histoire peut passer seulement à travers un déblocagedu déterminisme historique. Et cette possibilité existetoujours ! Qu’est-ce que c’est l’intransitivité de laliberté ? C’est que le pouvoir ne peut pas exister sanssubjectivité, sujette, en tant que sujet, en tant que passive– que le capitalisme ne peut pas exister sans ouvrier,ouvrier matériel ou immatériel – mais tout pouvoir n’estjamais stable de toute possibilité de rupture. Nous nepouvons pas établir un avenir heureux sinon à traversla militance, la résistance, la rupture, la critique et celala forme même dans laquelle la construction de l’être,l’art existe. La critique peut vivre seulement à l’intérieurde ce rapport et seulement lorsqu’elle reconnaît que lefutur peut être inventé.11


Mélanie PerrierLe congrès à géométrie inverse par ses gestesCongrès à géométrie inverseCompte renduChuterPlier les genouxFléchir les jambesS’asseoir sur le talonsRentrer l’épauleSe courber sur un murS’allonger sur un bancSe lover dans un poteauEcouterRegarderMonterGrimperLaisser tomber un mouchoirDanser un pas lentFermer les yeuxCourir tout autourMonter et descendre les escaliersSe mélanger comme des abeillesLever le brasTenir une balle de tennis dans la main gaucheS’asseoir sur les cubesS’approcher de son voisinBoire de l’eauFaire rebondir une balleEplucher une patateCouper un citronMixer les épluchuresBoire un caféBoire le jusRespirerSe mettre en boule dans une pièceS’accroupir au solEcrire sur un carnetDessiner un schémaCollectionner les manteauxDéposer un mouchoirPorter des bidons d’eauS’attacher à une cordéeTirer sur la cordeManger des biscuitsSe tenir le long d’un murDonner son manteauNe rien dire12


Laurent BoveQuelques lignes de réflexionqui synthétisent/poursuivent mon intervention de Paris.Congrès à géométrie inverseCompte renduNon pas « se » glisser « entre » mais seulement glisser entre indéfiniment. Il y a quelque chose de secret, de singulier(mais qui n’est pas de l’ordre du « soi ») dans ce type de glissement indéfini du désir. Le petit mouchoirbrodé tombe discrètement au sol. C’est (peut-être) un billet libertin... qui glisse à présent de main en main.Une femme chute brusquement... Un visiteur de « La Force de l’Art » (il se présente comme venant d’ailleurs :« je suis Colombien ») dira que la banquise (construite, pour l’Exposition des œuvres, au centre du Grand Palais)a d’abord été vécue, par lui, comme une prison blanche, un véritable labyrinthe (nous sommes “faits commedes rats” sous le regard noir du Minotaure se nourrissant de chair humaine !) et que, tout à coup, la perception/affectionsurprise de la chute lui avait ouvert, singulièrement, la voie d’une sortie. Une libération... C’estla description d’une rupture du mouvement, qui fait événement ou plus précisément rupture dans (et/ou de) lamesure du mouvement, c’est à dire rupture du temps de la représentation (de l’exposition). Rupture d’espaceaussi. Émancipation dans/par les percepts et les affects éprouvés.Protocoles Meta. Chuter, glisser, c’était effectivement inter-venir : venir, advenir « entre »... Prendre ainsi lepoint de vue humoristique de « la faiblesse de l’art », son mode mineur selon une affirmation réfléchie (et àréfléchir ensemble) « entre » des dires majeurs toujours-déjà exposés, toujours-déjà « objectivés » (les œuvresd’art). C’est la recherche d’un entre-dire (un inter-dicere), d’un dire entre, d’un intervalle entre des murs, quiest l’espace de la génération même de l’être et/ou de la vie dans ses différences, sa diversité, sa multiplicité.Naissance de la « multitude »... (le concept est de Spinoza dans le Traité Politique. Il est développé par ToniNegri, dans Empire ; Multitude...). La multitude n’est pas « donnée ». Donnée empiriquement, elle est, nécessairement,à son plus bas degré de puissance et de liberté, historiquement assujettie à la domination.La multitude vivante est ainsi toujours à faire. D’abord dans et par ses propres résistances secrètes auxpouvoirs de la domination. C’est aussi la recherche d’un type de connaissance qui est une véritable forcetransformatrice ou du moins qui modifie, dans le sens de la puissance d’agir commune, les rapports des/auxdésirs de tous. C’est l’indication d’une voie qui doit permettre d’échapper à la stérilité des face-à-face, desconcurrences, à la pulsion destructrice de la négation de l’autre. Une voie non dialectique qui indique l’existenced’un inter-dire – celui effectivement du lien singulier qui fait multitude – qui ne dit «non» aux processusde destructions dans lesquels est entrée la communauté humaine sous la domination capitaliste, que pour dire« oui » à la liberté puissante du commun et du désir de chacun de ne pas être dirigé. Le « non » résistant de larupture voulant s’affirmer comme la proposition d’une rencontre-entre, qui aide à de nouvelles émergences.Une puissance (et une autorité qui n’est pas celle des pasteurs des peuples !) émerge en effet de cette positionde l’inter-dire, un inter-locuteur qui peut faire surgir une parole qui ne se mure pas dans le contre-dire mais quipeut toujours inter-venir, être l’intermédiaire des contre-dires dans un processus collectif/coopératif/inclusifde subjectivation. Un processus qui donc peut ouvrir et ré-ouvrir indéfiniment, dans et par la parole vivante,ces intervalles connecteurs des singularités qui font multitude. C’est la dynamique même du temps du désirsans objet, temps indépendant de la réussite et de l’efficacité (qui massifient et terrorisent), temps inventif de«l’entre-deux» d’un échange coopératif qui échappe aux logiques simplificatrices et mortifères de la guerrequi est imposée par les pouvoirs. Grandeur inclusive de la paix de la multitude... Une grandeur qui correspondassez bien à la formulation de Pascal : « On ne montre pas sa grandeur pour être à une extrémité, mais bien entouchant les deux à la fois et remplissant tout l’entre-deux » (Les Pensées, S. 560, B 353-681). C’est l’espacede constitution d’une multitude libre qui fait politiquement autorité (“Ce droit qui se définit par la puissancede la multitude, on a coutume de l’appeler souveraineté” écrit Spinoza en Traité Politique II, 17) et qui, aufond (et sur le fond), est déjà la réponse à la question : comment enrayer/retourner les processus de guerre,de dépression et de tristesse auto-destructrices dans lesquels nous entraîne la gouvernementalité néo-libéralede la séparation et de la peur ?14


Congrès à géométrie inverseCompte renduLe sens le plus profond de l’autorité de l’art qui-fait-multitude, c’est ainsi celui qui est donné par son étymologiemême : auctoritas, de auctor, «celui qui fait pousser», celui qui donne les moyens de la croissancecommune, dans et par la crise/la rupture du temps et de l’espace de la marchandisation du monde, de noscorps, de nos affects, de nos perceptions, de nos besoins, de nos désirs, de nos idées..., mais sans décider desfins ou de la norme de croissance, ce qui est la tâche propre de cela (celles et ceux-là) même qui « pousse(nt) ».Le but c’est, bien sûr toujours, la puissance d’être, l’augmentation d’être, la génération de l’être et du tempsde l’invention démocratique : la construction effective d’ « une vie humaine ». L’impératif radical politiqueauquel la multitude est tenue est donc celui de l’anthropogenèse. C’est aussi l’impératif de l’art qui est danscette aptitude, qui lui est propre, à vivre intensément la vie d’autrui. Puissance et générosité artistes en cequ’elles construisent, dans et par l’imagination matérielle des corps et des esprits, la coopération constituantede la vie de tous. L’acte éthico-politique de résistance est ainsi indissociable d’une puissance artiste, de l’alliancede chair, de connaissance et d’amour d’un monde qui, pour être, ne peut être que commun. Faiblesse de l’art/puissance générée de la chair du monde. L’art et la politique de la multitude, c’est la géométrie inverse d’uneopération de guerre.15


Corinne MelinProposition de récit.Congrès à géométrie inverseCompte renduPascal Nicolas-le-Strat l’a rappelé lors du congrès, les <strong>protocoles</strong> méta ne sont pas simplement activés lorsd’un temps fort comme un congrès de quelques jours, iIs sont également des forces qui traversent notre viequotidienne, notre travail. Serait-il intéressant de collecter des récits sur la façon dont les <strong>protocoles</strong> métaont influé et/ou influent sur nos parcours professionnels et personnels ? Quel mode de récit employé ? Quelleparole inventée ?16


Véronique HébertL’ « Objet d’Art » au vestiaire duCongrès à géométrie inverse ?Quelques phrases extraites de Méta-art :« Oui rester disponible à ce que je ne sais pas, à l’inventiondes possibles, à l’hors-soi ! »« Il ne s’agit pas de « faire œuvre » au sens convenu duterme, mais « d’habiter » collectivement cette situation, remettreen jeu nos méthodes et déployer nos explorationstâtonnantes. »Bref rappel concernant l’« Objet d’Art »:« Objet d’Art » a débuté son existence en 2002 avec uneproposition simple: « Voulez-vous participer avec moi à laconstruction d’un Objet d’Art, qui sera aux dimensions duSocle du monde de Piero Manzoni, +1 cm, en plexiglas... »Cet « objet » proposé n’est jamais advenu sous cette forme.Le nom des participants a été inscrit sur un sac en plastiquetransparent, et continue de l’être sur des petites feuilles carréestransparentes, ce qui permet des déplacements aisés etune prise de contact directe et discrète dans n’importe quellieu, public ou privé...En 2004, Internet m’a permis de mettre en place la référenceau Socle du monde en proposant de transmettre lesmessages des participants, leur donnant ainsi la possibilitéde mettre en valeur leurs propositions, quelles qu’ellessoient, tel un socle met en valeur une « oeuvre »...« Objet d’Art » est donc une oeuvre-réseau dont je suis« intercesseur, dépositaire et messagère, repère et relais. »Je « fais circuler des flux d’informations - à partir d’unprotocole d’échange (rencontre/nom/mail/photo-témoin)pour donner corps à cette hospitalité vagabonde et relationnelle.»Ce travail se construit collectivement, aussi par ma « disponibilitéà ce que je ne sais pas, à l’invention des possibles,à l’hors-soi! », telles des rencontres interrogeant monprotocole de départ pour me proposer des changementspouvant contrarier une éventuelle attente, me laissant surprendredans la rencontre, dans l’échange...Il se veut une alternative autonome pour exister hors institutions,mais pouvant s’infiltrer n’importe où sans êtreinvité, y compris dans les institutions. C’est ainsi que j’aidécouvert le « Congrès singulier de Protocoles-méta » auPalais de Tokyo en 2006, interrogeant - au hasard de mesrencontres - Jean-Paul Thibeau sur sa participation à l’Objetd’Art... Trois années plus tard, c’est de Jean-Paul Thibeauque l’Objet d’Art a reçu sa première invitation à venirparticiper à un congrès: « Congrès à géométrie inverse »dans le cadre de La Force de l’art au Grand Palais.L’Objet d’Art au Congrès à géométrie inverse :Ce congrès proposant de « ne pas faire oeuvre », mais «d’habiter collectivement cette situation, remettre en jeunos méthodes et déployer nos explorations tâtonnantes», j’ai donc voulu explorer plusieurs propositions allantà géométrie inverse du fonctionnement habituel de monCongrès à géométrie inverseCompte renduObjet d’Art :Puisque je m’infiltre habituellement dans n’importe quellieu, d’une manière le plus souvent anonyme, et quasimentinvisible, mes rencontres et performances n’étant pas anticipées,ni affichées, ni répertoriées dans les lieux où ellesse produisent et que je propose des participations au hasarddes humeurs, des rencontres, des échanges, des contacts,j’ai pensé jouer le jeu institutionnel et aller à l’encontrede ma non visibilité coutumière en créant un tee-shirt etdes cartes imprimées. Ainsi, tels les médiateurs de l’exposition,repérables avec leurs tee-shirts noirs à inscriptionsblanches, mon tee-shirt et les cartes affichaient mon propos:mettre à disposition une adresse de messagerie Internetcollective puisque chaque personne informée du motde passe: laforcedelart peut s’approprier cette adresse:objet.art.laforcedelart02@gmail.comPartageant - pour l’occasion du congrès - « des expérimentationsconcrètes de formes de déplacements et de désorientations,ainsi que des formes d’agoras » , cette adressecommune et extra-commune au groupe puisque égalementouverte au public, permet d’échanger entre nous des extensionsde propositions d’expérimentations, et répond auprojet et « souci d’agir ensembles », dans « l’interférence,l’hétéronomie, l’« altéronomie » et créer de nouveauxrapports collaboratifs » « ...reconsidérer nos manières defaire, d’agir, de vivre... Désautomatiser les rapports, lesévidences – délier les logiques... se décentrer... engendrerd’autres vitesses... » et avoir la possibilité d’« habiter collectivement» une adresse de messagerie ordinairementstrictement privée.Mes expérimentations partagées lors de ce congrès sontcollectées sous forme de photographies numériques et sousforme de vidéos à cette même adresse grâce à des liens.- Procédure à suivre pour accéder aux photographies encliquant sur les différents liens Picasa répertoriés au nomde chaque intervenant:Google > Gmail > Nom d’utilisateur: objet.art.laforcedelart02> Mot de passe: laforcedelart > liens Piacasa- Procédure à suivre pour accéder aux vidéos: nouveaulien que l’on peut trouver à l’adresse objet.art.laforcedelart02@gmail.com> http://mezzo.kikhome.net/objetdart/ou par les liens free.frEn tant que congressiste « agent d’accueil » participanttemporairement au Microvestaire public temporaire , j’y ailaissé mon tee-shirt/objet.art.laforcedelart02@gmail.comsuspendu par Vincent Jean et j’ai endossé mon rôle de surveillancedu vestiaire en réalisant les consignes: « amorcerun micro déplacement mental possible en délivrant descartons illustrés et numérotés en échange des vestes, pulls,manteaux des visiteurs ». Je me suis approprié cet espacestratégique en étant consciencieuse, affairée, dissipée, observatrice,photographe, silencieuse, bavarde... et ce rôleéphémère m’a permis d’expérimenter différemment etfugitivement ma médiation « Objet d’Art » plutôt qu’endéambulant, voire même en missionnant certains volontairespour distribuer les petites cartes objet.art.laforcedelart02...17


Congrès à géométrie inverseCompte renduEn un autre temps, comme il ne s’agissait pas de « construireun objet » (et même si cela reste à discuter dans monprojet initial), j’ai proposé une question à partager avec lescongressistes et le public: « Voulez-vous participer? »Cette question supposant une rencontre non directiveouvrant sur le questionnement de l’interlocuteur. Biensûr, sous la coupole du Grand Palais, dans le cadre d’unCongrès à géométrie inverse, à « La force de l’art02 », laquestion induisait une participation possible s’activant dansce contexte. Toujours dans l’optique de ne pas construire,j’ai finalement proposé un support effaçable (une ardoise)pour une écriture éphémère.Voici les messages recueillis et photographiés lors de l’activationde cette proposition, consécutifs aux échanges,chaque personne laissant la plupart du temps son messagelisible pour la personne suivante, avant l’effacement:- « C’est ma première exposition d’art contemporain, lelieu est magnifique. Marie-Hélène. »- « Tafil. 24.05.09. Paris Grand Palais »- « La farce de l’or 02. Clem »- « L’art peut-être autre! Alex / Brésil. »- « A laugh is a smile that bursts ! :-)- « P? Rangel Amorin » cf. dessin représentant une femmeLes échanges que j’ai eu avec ces personnes ont été plusou moins longs, avec des dialogues dont il ne peut resterque des traces dans les mémoires, excepté une mini vidéode 3 secondes… Chaque personne interpellée a joué le jeu,inscrivant une phrase de son choix sur l’ardoise éphémère.Chacune des personnes a accepté que je les photographieet que je dépose ces images ainsi que leur message àl’adresse: objet.art.laforcedelart02@gmail.com, avecensuite, la possibilité d’aller visionner les images à cetteadresse à l’aide du mot de passe qu’elles ont reçue.A l’accueil du congrès, j’ai ensuite trouvé des ardoises noneffacées, avec les inscriptions suivantes:- « <strong>meta</strong>parka! »- une inscription en langue étrangère que je ne sais pastranscrire ni traduire- « L’eau est fraîche. »- « Chaleur...Dans la serreMalheurSur ma terre »- « fais tomber la chemise ! »- « J’ai mal aux pieds! »J’ai réceptionné ces messages sans savoir - et pourquoipas ! - qui a activé le processus, et si des photographies ontété prises ? Etc.Je lance néanmoins un appel à témoignage et à transmission...Il y a eu un glissement de la proposition d’une participationà construire un Objet d’Art, à une simple propositionà participer (au libre choix de l’interlocuteur).Mon fonctionnement de transmission individuelle et privées’est transformé en une prise de paroles, de messages, detransmissions possibles sans mon intervention car même sil’Objet d’Art fonctionne habituellement grâce au collectif,la transmission des messages dépend d’une seule personne- en l’occurrence de moi-même - tandis que la nouvelleadresse est collective, participative et interactive...Le Grand Palais a fermé ses portes le 1er juin mais l’adresseperdure et peut encore être activée; les anciens messagessont toujours lisibles. Habituellement, je ne retransmetspas les adresses e-mail alors que l’adresse collective laisseaux personnes la possibilité de jouer avec l’adresse, dedivulguer ou de ne pas divulguer leur adresse personnelle ouleur identité...Mon tee-shirt est resté au vestiaire mais en étant cependantvisible tout en l’étant si peu car non incarné et médiatisé.Mais après le congrès, de nouvelles idées de propositionsémergent: je créerais volontiers un nouveau tee-shirt - voirplusieurs à disséminer - mais en utilisant strictement lescodes couleurs et textuels des tee-shirts des médiateurs,écriture blanche sur fond noir - mais avec mon propre message- afin qu’il(s) s’infiltre(nt) et se fonde(nt) dans uneinfime discrétion au milieu des tee-shirts officiels.Le cadre du congrès au Grand Palais m’a permis d’êtrebeaucoup plus audacieuse dans mes demandes aux personnesquant à la possibilité de transmettre leurs images carhabituellement je n’ose pas retransmettre des visages, dansun soucis de questionnement sur la médiation des images;une seule personne n’a pas souhaité que je photographieson visage. Dans la qualité et la confiance de l’échangeet du lien établit, j’ai même commencé à filmer quelquessecondes une personne.Il me semble également qu’un ordinateur avec connexionInternet aurait pu être proposé sur place pour faciliter lamédiation à l’adresse collective/interactive et pour insérerles images et pouvoir les consulter déjà sur place avantd’en trouver une prolongation hors le musée.Tous ces écarts ont été passionnant à expérimenter et à partageret ont potentialisés la base essentielle de mon travail:la rencontre humaine.Approche évaluative de l’écart expérimenté :Pour « Objet d’Art », des changements sont intervenus peuavant l’activation par rapport au protocole de départ: lesfeuilles blanches carrées au Bureau des schémas d’abordenvisagées se sont transformées en ardoises effaçablespour une plus grande adéquation avec un déplacement aiséet avec le projet soustractif ...18


Masako HattoriUn récit d’expérience de « Pas de Tous ».Congrès à géométrie inverseCompte renduProtocoles :Une déambulation de groupe avec 20 personnes. Comme un promenade de printemps.En marchant, on se met en ligne. Et le seul signe commun sera une balle de tennis.Elle servira de badge pour le groupe.En marchant dans l’espace de l’exposition, on réalise les mêmes gestes, attachés sans attachés, en changeantles distances d’intervalles.De simples règles seront données pour quelques mouvements limités. Pour autres mouvements, les informationsseront données différemment. Chaque personne donne les informations pour la personne suivante.Ce qui est important c’est d’avoir une forte conscience de chaque mouvement (ou concentrer ce qu’on estentrain de faire).On regarde l’espace, les passages, entre nous.Un pas de deux, de trois, de quatre... de vingt, un pas de tous.Réalisation :Pour préparer cette déambulation, j’ai marché plusieurs fois dans l’espace de l’exposition et autour, en prenantdes chemins différents, en pensant à une grande boite dans l’espace du grand palais. J’ai regardé aussi lesmouvements de spectateurs. Puis, j’ai décidé un chemin provisoire. Pour trouver ce chemin, ce qui était importantpour moi, c’est la réflexion de la masse de groupe, la fluidité de la spatialisation dans la déambulationde groupe. Puis, j’ai imaginéquelques possibilités de gestes pour improvisation, comme quelques signes d’entrée.Quand on s’est réuni, j’ai proposé quelques essais, après l’explication des règles. A ce moment là, il y a euquelques décalages de compréhensions des règles par les différentes personnes. Le protocole a déjà commencéde changer...Malgré les décalages de compréhension, la communication entre participants marchait, en changeant leurfaçon. L’improvisation dans la communication devenait aussi importante.La doute, le malentendu entre des voisinages créent des vagues dans un mouvement.Singularité + singularité + singularité...Dans ces multiples singularités avec tous les malentendus, cela crée une masse de folle et de folie.Lorsque les informations « d’imitation » devenaient une habitude, les individualités devenaient invisibles dansla masse de groupe. En même temps cela devenait visible au niveau des mouvements comme les couleurs dansl’arc en ciel. La perte d’attention pour les gestes inhabituels nous a donné de nouvelles identités et personnages.A ce moment, les règles devenaient comme une clé pour avoir la liberté de chaque participant.Une liberté de chaque personne a donné une grande liberté au groupe.Ce que j ‘ai vu dans cette liberté, c’est que les désirs de chaque personne n’étaient plus des égoïsmes, c’étaientla source de vitalité et de respiration de groupe. J’ai l’impression que nous avons transformé, au fil du temps,l’état d’être.Ce qui est intéressant avec cette action, c’est que toutes les expériences corporelles du groupe m’ont donné uneclaire pensée sur le changement de l’état d’être en groupe. Bien entendu la discussion des autres propositionsqui étaient réalisé en groupe aussi m’a influencé pour éclaircir mon expérience. Le temps a enrichi notre vécu.19


Congrès à géométrie inverseCompte rendu20


Sophie WahnichDans le mouvement indiciaire de la forêt des corps…Congrès à géométrie inverseCompte renduDans le mouvement indiciaire de la forêt des corps, Sophie Wahnich propose trois clairières de débroussaillage pourmieux rencontrer les <strong>protocoles</strong> de déplacement et d’agora qu’elle a expérimentés.1. Clairière « foule »Mais comment la foule est-elle devenue cet objet haïssable ? Se demanda Alice. (A moins que ce ne soit cet autre personnagebritannique, Robert Catesby ou Guy Fawkes. Non c’est « V » je crois, qui se posa cette question).Alice aimait l’ivresse de la foule, elle aimait sentir cette anomie qui la laissait s’évanouir dans la tranquillité de l’anonymecirculation des corps. Elle aimait sentir cette présence mutuelle et pourtant si lointaine. Ce n’était pas encore unélan d’amour, mais cela y ressemblait déjà. Une douce dissolution.Hyppolite détestait cette ivresse. Elle annonçait ce qu’il redoutait le plus, le désordre des corps, des gestes, des mœurs,peut-être même la dissolution de toutes les classes... « Comme sur un radeau de naufragés sans vivres, l’homme perddans la foule le mince tissu d’habitudes et d’idées raisonnables dans lequel la civilisation l’enveloppait. » Désormaisce qui règne en lui c’est le besoin animal, l’instinct alarmé. Il se souvenait des hommes révolutionnaires et un effroirétrospectif lui glaçait les neurones. « Prenez des femmes qui ont faim et des hommes qui ont bu, mettez en milleensemble, laissez les s’échauffer par leurs cris, par l’attente, par la contagion mutuelle de leurs émotions croissantes,au bout de quelques heures, vous n’aurez plus qu’une cohue de quelques fous dangereux ! »Hyppolite était fort écouté par Gustave. Il fit une théorie psychologique des foules qui prenait appui sur lessensations et les jugements moraux de son ami. Sigmund plus tard, lut très attentivement Gustave. Il retrouvaAlice et ses élans amoureux.Alors que Gustave compare la foule à un être primitif et sauvage, capable des pires cruautés et férocités,Sigmund, souligne plutôt son ambivalence. « Alors que l’activité intellectuelle de la foule se situe toujours très au-dessousde celle de l’individu isolé, son comportement éthique peut tout aussi bien s’élever très au-dessus de ce niveau,que descendre très au-dessous. »Pour Sigmund, la foule est dans un état amoureux, les uns et les autres s’identifient aux uns et aux autres, y trouventune force qui les débordent, sont capables de se constituer en groupe politique soudé par cet amour qu’ils se portent.Mais l’état amoureux des processus d’identification peut être dangereux, verticalisé il peut créer un criminelsans remord.Alice se demanda si la qualité de l’objet aimé ne pourrait introduire des contraintes fortes sur les amoureux... Elle étaitd’humeur rêveuse.2. Clairière : « Farandoles au champ de mars »21 juin 1791 : fuite du roi. Pour les Français une trahison qui mérite jugement . L’Assemblée nationale refuse de laissers’écrouler l’édifice constitutionnel. Elle tient dur comme fer à cette constitution censitaire et invente le 15 juillet 1791la fiction de l’enlèvement du roi.Des pétitions sont portées à l’Assemblée pour réclamer justice. Un appel à pétitionner au champ de mars est lancé. Lerendez-vous du dimanche 17 juillet 1791 est accompagné de recommandations : venir sans bâtons et sans armes. LesParisiens pétitionnaires sont dans l’espérance d’une fête politique, d’une résolution démocratique sans affrontementdes corps, grâce à la puissance du seul langage pétitionnaire. Ils croient pouvoir obtenir le jugement du roi par intimidationsymbolique, parce qu’ils se savent être « le souverain peuple » .Ce champ de mars, lieu de ralliement populaire, lieu de mémoire de la Fédération et des espoirs qu’elle a suscités, lieude promenade du dimanche, pour pique-niquer, se reposer, se rencontrer, s’amuser, danser, devient le lieu de la guerrepolitique. Ici la garde nationale a tiré sur le peuple. Loi martiale.Pourtant.L’imaginaire de la violence n’envahit pas d’emblée l’action militante.Chacun souhaite continuer à faire de la politique dans le mouvement même de la vie.Le 15 avril 1792, Paris côté gauche fête la liberté. L’esprit de la fête se nourrit de l’image des morts pour la causede la République du 17 juillet 1791. Elle se nourrit aussi d’une conviction forte, l’événement endeuillé était une fêterassemblant hommes, femmes et enfants dansants. Il ne faut pas renoncer à cette manière de faire de la politique.« Au milieu d’une foule immense, pas une chiquenaude donnée, pas une épingle volée, pas un mot d’injure articulé.Il est vrai que pas un seul alguazil à cheval, pas un seul satellite à pieds, pas un seul pousse-cul stipendié n’ont parupour mettre le désordre, sous prétexte de mettre le holà. L’union fraternelle des citoyens amis de la liberté a tenu lieude tout frein et a très bien fait voir la parfaite inutilité de ces moyens répressifs, imaginés par la police pour étouffertout mouvement populaire et tenir la nation sous le joug. Les voilà donc ces citoyens paisibles que les ennemis de la21


Congrès à géométrie inverseCompte rendurévolution ne cessent point de calomnier (...) et que le général exécrable a fait égorger au Champ-de-Mars comme desbrigands (…) Quoique peu porté pour les parades, j’ai été enchanté de la fête populaire de dimanche dernier et j’en aiété témoin. J’ai vu des citoyens de tous états (…) unis par les liens du patriotisme, j’ai vu les feux du civisme animertous les yeux. »Le 15 avril, le soir, on a dansé à nouveau au champ de mars.3. Clairière : Un ballet pour une demande de loi.Monsieur veto avait promis, monsieur veto avait promis....Le 20 juin 1792, Santerre porte la voix du faubourg Saint-Antoine. Il a une voix qui porte, un certain volume corporel,il porte la voix de la nation.Offrande plaintive et demande vengeresse.« Au nom de la nation qui a les yeux fixés sur cette ville, nous venons vous assurer que le peuple est debout, à lahauteur des circonstances et prêt à se servir des grands moyens pour venger la majesté nationale outragée. Ces moyensde rigueur sont justifiés par l’article 2 des Droits de l’homme et du citoyen « Résistance à l’oppression ». Quel malheurcependant pour des hommes libres qui vous ont transmis tous leurs pouvoirs de se voir réduits à tremper leursmains dans le sang des conspirateurs ! (…) Les ennemis de la patrie s’imagineraient-ils que les hommes du 14 juilletsont endormis ? S’il leur avait paru l’être, leur réveil est terrible. Ils n’ont rien perdu de leur énergie. L’immuabledéclaration des droits de l’homme est trop profondément gravée dans leur cœur. Rien ne sera capable de leur ravir cebien précieux. »« Nous avons déposé dans votre sein une grande douleur, nous avons soulagé nos cœurs ulcérés depuis longtemps,nous espérons que le dernier cri que nous vous adressons se fera sentir au vôtre. Le peuple est debout, il attend dansle silence une réponse digne de sa souveraineté. »Ce 20 juin, les tambours et la musique accompagnent à l’assemblée un cortège de huit mille personnes manifestantpour que la patrie soit déclarée en danger. La voix du peuple est présente physiquement, sensoriellement, elle n’estplus une métaphore.Le compte-rendu de l’Assemblée parle d’une multitude armée. Des piques, des baïonnettes, des bâtons, desbesaiguës...« Ils entrent précédés de tambours et d’un petit corps de musique. Monsieur Santerre se donne beaucoupde mouvement pour tout ordonnancer (…) Tous traversent la salle en dansant à diverses intervalles au son du « ça ira »et au bruit des tambours qui marquent alternativement la mesure et la marche. Ils crient « vive les patriotes, vive lessans culottes, vive la Nation, vive nos représentants. Vive la liberté, vive la loi, à bas le veto. »Des danses, des cadences, des silences, une colère séquencée, une violence retenue. Une physique politique ouvragée,la politique à l’état pur.RencontresUn débroussaillage ? Quelques balises expérimentales, celles de ces théoriciens d’hier effrayés plus qu’enthousiastes,celles de ces hommes qui ont pensé qu’ils étaient un peuple quand les honnêtes gens les appelaient « vile populace ».Quelques balises expérimentales en retour, celles des corps pris dans des <strong>protocoles</strong> méta qui font de chaque expériencevécue la possibilité d’une élaboration collective, parler, dessiner, filmer ces bribes d’expériences politiques.Evidence de la rencontre, effective, massive, dansante quand il s’agit de jouir du Cha cha cha. Les énoncés qui sontvenues ici fabriquer un contrepoint à la jouissance des corps dansants, le contretemps du déplacement de la rythmiquene pouvait que faire penser à cette journée du 20 juin où l’on dansa à l’assemblée. Du sein de l’orage, dans uneinterpellation que faisons nous dans ce lieu institué ? Une amitié à en mourir ? Un effort pour en être ou être simplementlà par effort amical. L’ambivalence des corps où l’extrême plaisir se mêle à la dissolution du sens vécu. Mais ladanse a été joyeuse, faite de couples et d’enfants qui pouvaient comme au champ de mars voir leurs parents danser enguise d’enquête politique sur les déplacements et l’agora. Dans le calme, une certaine sérénité, reprendre les chosespar un autre bout. L’hypnose, ses représentations fantasmatiques, celles où comme dans la foule, le moi, aboli bibelotd’inanité sonore, ne tient plus qu’à la voix du meneur manipulateur. Mais après avoir évoqué ces grandes hystériquesde Charcot, ces expériences limites du monde vécu, reconnaître d’une reconnaissance vécue que l’hypnose commele plaisir de se laisser porter, emporter par la foule ou la voix, suppose toujours une décision. Il faut en fait le vouloirpour pouvoir entrer dans ce devenir hypnotisé et laisser en marge la raison critique et le surmoi. L’individu n’est pasune machine manipulable, il n’est pas voué aux suggestions, il peut parfois trouver plaisant, utile, pertinent de se laisseraller à cette énergie de la foule à cette distraction de l’hypnose ouverte à tous ces mondes parallèles. Ces mondesimaginaires.Mais la proposition de répéter les gestes du meneur, alors là ! Hein ! Alors là ! Vous n’allez pas me dire que Flauberta tort ! Et bien si. D’abord car le meneur, ce peut être ce magicien qui vous fait prendre conscience dans l’écoute del’harmonie qui se dégage des corps qui s’écoutent et se font semblables. Mouvements centrifuges et désordonnés22


Congrès à géométrie inverseCompte renduchoisis comme l’expérience non du chaos mais de l’auto-organisation de l’espace diffus. Une myriade de poissons nese comporte plus comme des bans de pois(s)ons mais comme des individus libres, un peu égarés, hésitants, énergiquesou flottants, erratiques. Une liberté erratique. La satisfaction d’entendre à nouveau dans le collectif qui se reforme sousla figure du mouvement construit que l’errance peut parfois cesser. Aider à redonner de l’énergie. Que l’orientationde la flèche du désir organisateur fabrique un dessein. De toutes ces balles, la ligne se dessine fragile aussi, fragileencore, ça se bouscule, ça s’amuse, ça s’arrête, ça repart, c’est le mouvement d’un désir de vie et d’un désir de bienfaire. L’écoute se fait par rapport à la meneuse (semeuse) mais aussi par rapport au proche, on trouve ça chouette dese conformer jusqu’à ce que ça ne tienne plus qu’on se retire, juste pour faire savoir que tout ça n’est pas obligatoire...le lit douillet du 14 juillet, le retrait, mais aussi le retour possible, sans opprobre, sans question, l’accueil, son évidence.L’esthétique de l’art baroque et de ses affetti, ici un chef d’orchestre qui certes entraîne mais jamais n’opprime. Choisir unstratège ce n’est pas toujours se soumettre, c’est savoir que certains actes nécessitent cette harmonie réussie et mêmelorsqu’il y a du danger, l’assurance du premier de cordée.Corde tendue, oui c’est la tension même du salut public qui suppose cette corde et cette tension, la violence est là,latente sous la forme du danger et du chef nécessaire. Mais si on en sort, si on redescend alors oui, on redeviendracomme les papillons qui papillonnent mais avec un temps de latence. On ne se sépare pas comme cela quand on risqueensemble plus que l’on a.Exercices de chutes en période de crise. Une retenue de la chute, une retenue de la violence quand la corde n’étaitpas assez tendue et qu’elle ne vous a pas évité la chute mais tout de même la mort. Salut malgré la chute, on en seraquitte pour quelques bleus, mais il faut un savoir faire. Avoir fait expérience d’autres crises, d’autres temps, savoirretenir le geste, arrondir aussi les angles, faire de son corps une ressource et en même temps savoir qu’il reste exposéau danger. N’être ni dans l’illusion, ni le désabusement. Tenir le coup. Rester là et savoir se relever vite, rebondir,révoltes logiques.Et la parole là dedans. Elle circule en douce, dans de petits billets, sur des mouchoirs perdus, dans la dispersion d’unespace public illimité à l’extérieur, alors que le footing permet de réfléchir le déplacement grisant. Elle revient sousformes de sourires entendus. Elle se fait voix douce et ensorceleuse « pourriez vous prendre en charge cet énoncé» des oui enthousiastes et joueurs alternent avec de plus profonds refus têtus. « Faites passez à qui vous voudrez »,l’impératif marche mieux. Ce ne sont plus les corps qui sont manipulables. Trop habitué à l’injonction impérativequotidienne qui aujourd’hui y résiste encore ? Se soumettre à l’injonction impérative ou écouter les corps dansants, lescorps mouvants, les corps errants ?Si l’on veut instituer l’agora, le déplacement comme nouvelles souverainetés en actes, il nous faudra bien des mots,mais il faudra avoir appris d’expérience corporelle ce que ne pas se soumettre veut dire, voilà tout.La résistance à l’oppression n’est pas affaire d’interprétation, elle relève du corps en mouvement, du mouvementempêché, du mouvement retrouvé.23


Véronique LamareNotes…Congrès à géométrie inverseCompte renduBonjour,Je voulais partager avec vous ces quelques bribes qui remontent à la surface…Congrès à géométrie inverse / notesCongrés singulier comme forme de campement face à la géologie blanche. Congressistes comme un groupede scientifiques en observation.Des équipes partent en expédition (cordée, chutes, balles, jogging…)Ces deux jours ont permis d’expérimenter, tester cette géologie,pénétrer dans les espaces, comme dans des grottes parfois, expérimenter les reliefs, les dénivelés, en faire letour, en prendre la mesure…Un relief dérivant face à nous, tester des modes d’approche, des façons de s’approprier, conquérir, ce paysage.Trouver encore et toujours des formes d’ouvertures et d’invitations au public pour l’emmener avec nous dansces expéditions…24


Plateforme Roven(Johana Carrier, Joana Neves, Marine Pagès, Diogo Pimentào)récit d’expérience.Congrès à géométrie inverseCompte renduNous avons volontairement décidé de participer au congrès à géométrie inverse Protocoles-Méta à l’aveugle. Noussavions qu’il y aurait un abordage différent de celui auquel les artistes et programmateurs sont habitués lors de lapréparation d’un projet artistique. Il ne nous était pas permis de programmer clairement ce que nous réaliserions etun thème n’a pas été fourni. L’énoncé n’est-il pas finalement, un obstacle ?Le plus important dès le début de cette rencontre a été, pour nous, la possibilité de l’expérimentation et de l’improvisation.L’expérience appelle l’expérimentation dans un cycle éternel et inter-dépendant. Les projets ne doiventpas s’achever, d’ailleurs, à la fin du congrès mais plutôt demeurer ouverts à d’autres métamorphoses. Nous comptonsles poursuivre dans un autre congrès, éventuellement, et en dehors de ce groupe / action spécifiques.Récit d’œuvreNos propositions envisagent une expérience personnelle au sein d’une communauté. On a eu affaire à l’interdépendancedu singulier. Les impressions du public ne sont pas entendues ou alors dans le cadre pédagogique oude médiation qui ne leur accorde qu’une place d’exemple soumis à des statistiques. Ou alors elles s’en tiennentà un registre dichotomique (aimer / ne pas aimer). Décrire une œuvre sans préciser laquelle faisait en sorte queles impressions elles-mêmes, curieusement, acquièrent un caractère unique, comme une sorte de réverbération del’œuvre et devenant presque une proposition d’œuvre.Exemple : « une situation de ligne. Lignes en volume et en matière dure, lignes courbes, arrêtées de différents formats,lignes juxtaposées. Qui forment un ensemble rectangulaire présenté en paysage. Les lignes sont épaisses etles fractures qui sont à l’intérieur et les différentes sensations sont effectivement en rapport avec le son. Et avec uneprésence à l’intérieur du corps ».Deuxième exemple : « Je vois un lustre noir avec une ambiance assez particulière. Dans un univers – une pièce –assez sombre où on voit juste des portes fenêtre et il n’y a aucune personne dedans. Et les murs sont blancs et çadonne une impression un peu de solitude. On entend des bruits, aussi, comme si c’était des bruits du quotidien, desbruits qui viennent de la rue. La solitude de l’endroit… Tu ne vois personne et on entend des bruits… On ne saitpas trop d’où ils viennent non plus. C’est un univers assez clos, dans un ancien appartement, une maison. Il n’y apas d’ouverture sur l’extérieur. »Troisième exemple : « un squelette, une œuvre sur la décomposition. Je n’ai absolument pas du tout appréhendé çaau départ. J’ai trouvé très bizarre, voilà, sans y mettre du tout ce que manifestement l’artiste voulait y mettre. Moije trouvais très vivante, interrogeante, mais pas mourante. Il est tentant de toujours trouver du morbide dansce genre d’œuvre qui ceci que cela… J’ai trouvé que, là, pour le coup, c’était un artiste qui jouait avec l’ambivalence.La personne qui est venue m’expliquer, elle avait plutôt tendance à me dire que non, que c’était sur la décompositiondes objets, du vivant, et pas du tout ce que moi j’avais vu, des choses bizarres. Je voyait des crabes, j’y ai vu…Je ne sais pas que vous dire, pas du tout des œufs, pas du tout ce qu’on m’a dit par la suite, une espèce de dinosaurequi n’était pas un dinosaure parce que c’était un arbre en décomposition. C’était une œuvre, pour moi, pas forcémentsur la question du sens mais sur la question du vivant, du vivant et du temps. Ça aussi parce que je n’avais pasjusque là, justement, perçu que sur une œuvre il peut y avoir l’effet du temps au moment où on y est et voilà, ça nem’avait pas forcément percuté, cette œuvre là, d’amener à penser ça. Voilà. »Avec cette proposition, on dématérialise l’œuvre par l’objectivation de l’expérience esthétique.Chercher son verbe« N’être plus qu’un homme qui entend des voix et la matière du langage lui parler. La force est à l’extérieur (…)Ici on a affaire aux fondements de la nomination, de la respiration, du réel. Là où agit le verbe. Ce qui donne sonénergie à notre langue et à toutes les langues, c’est le verbe : il met le sens en mouvement et vient délivrer la pensée.Séparateur, il émet le mouvement, l’émotion (…) tout est en dialogue, en combat, contradiction, respiration,renversement et passage. Le verbe est la clé du drame. C’est en lui que la pensée est nouée et se résout. »25


Congrès à géométrie inverseCompte renduValère Novarina ,« Devant la parole »«La verbalisation est choisie par l’action. Nous agissons sans cesse (respiration, digestion, regard, écoute,mouvement…). Mais seules les actions qui arrivent à la parole agissent réellement dans la conscience grâce àcet exercice. Certaines actions, pourtant constantes ou réitérées, ne viennent à la parole que ponctuellement.Pourquoi être plutôt conscient de ceci ou de cela ? Nous avons crée un corps qui ne respire que par intermittences,parfois en dépit d’autres actions plus contemplatives. Sommes-nous jamais au repos ?»Exemplecontempler descendre marcher remonter monter descendre respirer penser réfléchirobserver écouter regarder écouter chercher reprendre prendre promenerrespirer expirer s’asseoir sentir toucher bouger regarder leverpenser décider monter marcher voir contempler lire voyager lire identifier regarderimaginer sentir écouter décider avancer regarder écarter monter regardertourner aligner contourner identifiertraverser scruter regarder acheminer monter désirer réfléchir imaginer décider monterarriver achever centrer chercher saluer manger fixer enlevermanger fixer avaler mâcher digérer avaler descendre chercher introduiretraverser mémoriser écouter introduire se coiffer transpirer sortir rafraîchirchoisir tourner anticiper monter regrouper …26


Corinne MelinDes cadres et des bords (extrait)Congrès à géométrie inverseCompte rendu« En deçà de la consécration des œuvres, aucun autre monde d’activité ne conserve autant de traces des étatssuccessifs de la production de ses résultats, non point seulement pour les archives, mais aussi pour les livrer àl’analyse et à la fascination. » PM Menger « le travail créateur » 2009 p 8Allan KaprowAllan Kaprow réalise des activités artistiques collectives dès les années 70 dans lesquelles les participants utilisent desmédias tels qu’un enregistreur de sons, des micros, caméras vidéos, téléphones ainsi que des accessoires commeun miroir, bloc notes, bâche plastique, etc. Ces accessoires et médias sont manipulés dans le cours même del’expérience pour activer des relations entre deux individus ou plusieurs. Kaprow lisait à ce moment des théoriessur le contexte et la communication non verbale et particulièrement celle de Ray L. Birdwhistell dans « Kinesicsand Context. Essays on Body Motion Communication » L’anthropologue américain y démontre que les gestes,postures et mouvements corporels expriment le contexte de la relation en cours tout autant que le langage verbal.« Toute communication présente deux aspects : le contenu et la relation, tels que le second englobe le premier etpar suite est une méta-communication. » L’activité collective Basic Thermal Units a été réalisée en mars 1973 danscinq villes Allemande (Essen, Duisburg, Bochum, Remscheid et Berlin) sur une durée de quinze jours. Kaprowproposait aux participants de mener à bien deux tâches simples « diminuer » et « augmenter » la température ducorps en essayant de quantifier leurs sensations au moyen des standards thermométriques et de les partager aumoyen des télécommunications. Lors de cette expérience, il est apparu clairement que les variations physiques dela température étaient certes mesurables et quantifiables mais qu’elles s’articulaient à des « impulsions » (socialeset psychologiques) introduisant une variable non quantifiable. Étant donné sa relation à un contexte et à des individusdivers, Le déploiement de l’expérience est imprévisible.À la même époque, des traces de certaines activités sont laissées au moyen de la vidéo, de la photographie, del’écriture (textes courts aphorismes, titres, légendes), des livrets en NB. Dans « air condition » 1972, les documentsvisuels et textuels témoignent des conditions nécessaires pour que la circulation de l’air entre deux individus (soufflerdans la bouche de l’autre, écouter respirer l’autre, etc.) soit opérante. Les « scénarios » sont conçus avec desverbes transitifs conduisant les participants à « expériencer » la vitalité de l’air. Ces scénarios structurent l’activitéet font apparaitre « les formes, les seuils et les durées » d’une expérience. Ces dernières fournissent « des cadres27


Congrès à géométrie inverseCompte rendudans lesquels le sens de la vie peut-être intensifié et interprété. » Pour kaprow, « les problèmes posés parl’expérimentateur sont philosophiques plutôt qu’esthétiques. Ils posent des questions d’existence plutôt que dessujets artistiques. »Au cours des années 80, Kaprow prît la décision de ne plus laisser de traces. Les livrets, les vidéos généraient desformes idéales, projection d’un style fascinant. Ces activités se déroulaient là où il se trouvait avec la famille, lesamis, les étudiants, les invitations d’artistes, de critiques. Par exemple, il envoie en 1981 une lettre à des amis dumonde de l’art : Wolf Vostell, Richard Hamilton, Stephan van Huene, Jean-Jacques Lebel, Robert Filliou et PierreRestany entre les autres et leur propose de réaliser une « activité privée » s’il l’héberge, lui et sa femme pendantquelques jours. Ils répondent à l’affirmative. Kaprow se rend chez chacun de ses hôtes, parle, mange puis glisseson activité dans leur temps et espace quotidien. Celle proposée à Pierre Restany et sa femme « était basée sur lefait de croiser quelqu’un dans la rue. Et sur ce qui se passe alors : regard…, sourire…, échange d’information…,changement dans la façon de se croiser… » Kaprow place l’activité au sein même de l’environnement des participants: la cuisine dans laquelle il cuisine, les rues dans lesquelles il promène leur chien, font leurs courses, prennentle métro, etc. La banalité de la situation va de pair avec une activité peu remarquable. Cette dernière apparaît dansle réel et en disparaît tout aussi facilement. Dans « le sens de la vie » 1990, Allan Kaprow exprime bien le tempsspécifique d’un art vécu : « Quand je pense à ce que je suis entrain de faire, je pense à ce que je vis là maintenant.J’ai une idée de ce que je fais. La vie est une idée. … Quelle que soit l’idée – jouer, souffrir ou n’importe quoid’autre – elle flotte, hors du temps, dans mes pensées. Mais jouer à la vie sous n’importe quelle forme, arrive entemps réel, moment après moment, et est distinctement physique. »Reste les écrits critiques et théoriques que Kaprow considère comme des « notes en marge des expériences ». Cesont des sortes de cadres libres, de parergon . Selon Derrida, « le parergon est un supplément à l’œuvre, ni intérieurni extérieur, qui la délimite, la cadre et la borde ». Ce supplément est appelé depuis le manque même de l’œuvre :il l’enferme dans une structure aussi stricte que possible (« stricture ») et en même temps la déborde. Cettedislocation n’est pas source de destruction de l’œuvre : c’est un ajout à l’œuvre, logée dans ses bordures, sesenclos, ses marges.28


Nicole HulleinMon retour sur le congrès singulier.Congrès à géométrie inverseCompte renduBonjour Jean-PaulJe reprends une de tes interrogations:Qu’est ce qui peut se transformer en nous à l’intérieur de ces rencontres ?Début de réponse :• Renforcement de mon positionnement dans l’espace, dans le territoire, à un moment de l’histoire :Mettre à découvert le système insidieux dans lequel nous évoluons : automatisation des désirs, de la pensée(portion congrue à la liberté de la pensée), de l’occupation de l’espace et du temps, cloisonnement àl’intérieur de soi et avec les autres, anesthésie des individus face à la violence montante.J’ai relu mes notes de l’intervention de Laurent Bove et Toni Negri. Et bien contrairement à mon premierressenti dont je t’avais fait part, je trouve aujourd’hui les bribes de contenus dont j’ai pris note, très forts, trèsproches de mon vécu.Ce décalage de perception énorme est-il lié à la fatigue du moment, à l’évolution du sens des paroles,de leur portée à l’intérieur de ma tête ? Vigilance quant à la mémoire immédiate et celle des souvenirs lointains.Attraper au vol le temps juste du retour.• Recoupement d’une logique de progression :J’ai écouté ce week-end G. Deleuze, tellement éclairant dans l’abécédaire et je me rends compte aujourd’huiqu’il est très présent dans les <strong>protocoles</strong> méta.Le temps téléologique de Laurent Bove me renvoie à la carte téléologique de Nifle que j’essaie de décrypter…des pré-requis souhaitables (malheureusement ils existent) se croisent.Autres ressentis :• Grande importance de l’espace, du territoire que le congrès singulier a conquis de façon erratique, désordonnée,vers les extrémités ou au cœur, également formellement (le vestiaire).• Multiplicités des formes de collectifs : à distance, modes rapprochés (activations, bureau des schémas, regroupements).• Diversité des rythmes laissés à la portée de chacun.• Les expérimentations libres, très peu de consignes pointent du doigt la notion d’acte responsable, singulier :je participe oui non pourquoi. Je participe quand où. Je ne veux plus participer pourquoi. Qu’est ce qui memeut ? Où suis-je où vais-je d’où viens-je ? Cela a t-il paralysé certains, créé des angoisses ?Mais également, souvent le mental est au repos, place aux sensations, perceptions…• La production successivement ou simultanément singulière ou collective.• Retours sur expériences collectifs : Pas eu envie de partager au-delà d’un retour par le bureau des schémas lesamedi. A ce moment là, j’étais au vestiaire et c’était bien : rencontre avec les visiteurs.29


Marion Baruch« L’espace entre »Congrès à géométrie inverseCompte renduPetit récit d’expérience : l’entre vécu au Congrès singulier à géométrie inverse face à La Force de l’art auGrand Palais.J’étais émerveillée dès le début de la relation architectonique des deux emplacements. Au milieu de l’espacesi vaste de la cour, l’exposition.Lointaine, la mezzanine très haute, ornementale, reste des splendeurs passées, était le lieu d’accueil du Congrèssingulier, dans l’invisibilité du regard des visiteurs de l’exposition. Le congrès était indépendant et suffisait àsoi-même. J’étais enchantée par les personnalités invitées aux débats, sociologues, philosophes, historienne…La coexistence des deux manifestations, séparées mais reliées pendant trois jours, m’intriguait…Nous étions à part et en même temps, à côté, avec… Nous entrions au Grand Palais affichant un badge del’exposition. Nous traversions l’exposition, et l’espace de la cour, jusqu’aux marches royales pour monter làhaut,dans notre Olympe. D’où les descentes s’en suivaient pour des activations vivantes dans l’exposition etla cour.Les traversées en cordée, les chutes, auxquelles je n’ai malheureusement pas assisté mais je me suis fait raconterces performances par ceux qui étaient présents. Je continue à y penser avec enthousiasme… Par contrej’ai dansé en plein le tcha tcha tctha, dans le grand espace de la cour, animé par des artistes adorables et leursnombreux invités sud américains et autres… J’ai tout oublié en dansant, le lieu où nous étions, le programmede la journée ; la voix généreuse de notre artiste au mégaphone nous transmettait l’énergie et la joie. Quelentre de bonheur !L’entre n’est-il pas un espace d’expérience par définition, un espace en devenir constant, l’espace de la transformation? Un espace inconnu, invisible, en train d’apparaître ?Je parle de mon expérience personnelle, autour d’une grande casserole de patates. Quatre personnes épluchaient,dans la grande cour du Grand palais, en bas des escaliers majestueux, face à l’exposition La force del’art… J’étais assise à côté d’eux, sur la marche en marbre. Ils épluchaient très lentement. à ralenti. Un espaces’est ouvert autour de nous, le temps s’est allongé, s’est étiré, je rêvais… Le lieu m’est devenu cher… j’étaisheureuse d’être là. Où étais-je ? En plein entre de la Force de l’art et du Congrès singulier à géométrie inverse.Par rapport à notre petit collectif « name diffusion », nous avons activé notre pratique de traductions avec desgardiens de l’exposition et des personnes de passage.C’est dans l’incompatibilité et l’impossibilité de la traduction que j’ai vu physiquement l’espace entre pourla première fois, et que j’ai découvert que les langues ont un besoin vital l’une de l’autre pour se reconnaître,pour se mettre en doute et se transformer dans la traduction.30


Congrès à géométrie inverseCompte renduCatherine ContourAu risque des malentendusLes Protocoles méta - Jean-Paul ThibeauParticiper aux Protocoles méta de J-P Thibeau, c’est entrer dans un processus de questionnement scandé pardes temps d’immersion dans des contextes variés.Chaque épisode de cette aventure au long cours nécessite une prise de décision individuelle au seind’un collectif fluctuant : celle de son positionnement et repositionnement permanent au fil des propositionset des actions. Elle s’apparenterait à celle que pratique l’improvisateur ajustant en permanenceson activité aux informations que lui apporte sa conscience étendue.**en référence aux derniers travaux d’Alain Berthoz et Stanislas Dehaene qui développent l’idée d’uneconscience étendueLes Protocoles prolongent différentes étapes du parcours de J.-P. Thibeau dont la série de films« Sauver le souffle ».Si le souffle revient ici, c’est qu’il a cette capacité de faire alterner expansion et concentration avec cestransitions essentielles que constituent les apnées pleines ou vides d’air. L’observation de la respirationnous fait sortir du rythme binaire et de ses oppositions pour entrer dans le rythme du mouvement et dela transformation.On ne peut savoir à l’avance ce qui va se manifester dans une session Protocole méta.Congrès à géométrie inverse - La Force de l’art 02 - Grand Palais - Paris - 22/23mai 2009.L’appel à proposition, lancé pour le Congrès à géométrie inverse, pose la question du désir qui réactualiseà chaque étape le sens de sa présence au sein du dispositif Protocoles.A partir de quelles données se positionner ?Les mots-clés donnés par Jean-Paul : déplacements et agoras, le goût laissé par les expériences précédenteset le contexte La Force de l’art 02, au Grand Palais.Lors des dernières étapes au Palais de Tokyo et à Avignon, l’inscription prenait la forme de micro-activités,de micro-évènements, dans les marges et les interstices, des stratégies d’infiltration avec un travailsur la présence diffuse, insaisissable dans ses presque-riens. Pour le Congrès à géométrie inversesurgit le désir d’un autre mode d’action, une autre forme d’activité qui passe par l’affirmation d’unecentralité assumée et l’occupation temporaire de tout l’espace, le temps d’une traversée.Un chiche ! joyeux et ludique en réponse à l’ouverture de l’équipe d’accueil de la manifestation, favoriséepar le patient travail préparatoire mené par Jean-Paul.Se saisir d’une occasion unique offerte !Se saisir de cette opportunité pour questionner la place du corps dans ces constructions :. le Grand Palais, monumental, avec la force de sa structure et la fragilité du verre, sa transparence,sa survie alors qu’il était voué à la destruction. la géologie blanche de Philippe Rahm. la Force de l’art 02 et ses « résidents »Quelle expérience y vivre avec d’autres ?Le travail préparatoire vise à poser l’hypothèse d’un projet d’expérimentation et à prendre en chargesa mise en oeuvre.31


Congrès à géométrie inverseCompte renduUne cordée en réponse à la notion de déplacement et la présentation de l’outil hypnotique en écho à l’agora.Pour le projet du samedi, un premier de cordée expérimenté guide une douzaine de personnes pour la traverséedans sa longueur de la géologie blanche. La trajectoire et les consignes correspondent à la transposition,opérée en direct, de la technique d’approche et de traversée d’un glacier.Un jeu s’amorce entre ceux qui, encordés, expérimentent l’espace et l’image éminemment performative qu’ilsprojettent -sans volonté de la renforcer- aux yeux des visiteurs confrontés à une action dont le statut naît de soncontexte d’inscription : des témoins filment et enregistrent pour les Protocoles méta, d’autres pour la Force del’Art, d’autres pour rapporter des souvenirs de Paris...Ainsi cette expérience, d’une activité déplacée que le contexte et le point de vue donnent à percevoir demultiples façons, propose un questionnement facétieux sur l’instabilité du statut et de la présence.Le dimanche, pour la présentation de l’outil hypnotique, nous nous installons dans la nef, en bordure du grandplateau blanc, sur les chaises et les tables réservées habituellement à l’accueil des groupes scolaires. Après un longéchange avec les participants, la pratique d’exercices conduit à un groupe quasi silencieux aux yeux clos.Au même moment, d’autres, sous la coupole du Grand Palais épluchent des pommes de terre, avec délicatesse...Conclusion provisoire - Une hypothèsePeut-être que l’expérience proposée par les Protocoles Méta serait avant tout l’expérience d’un autre rapportau temps, à ce Kairos développé dans le travail hypnotique et évoqué par Toni Negri lors de ce Congrès àgéométrie inverse.à suivre...32


Véronique AlbertRécit d’expérienceCongrès à géométrie inverseCompte renduCongrès à géométrie inverse. Expérimentation concrète proposée par Mélanie Perrier : « chute en temps decrise »/déambuler – chuter – se relever – continuer – s’arrêter . Durée 3O minutes, 12 personnesL’expérimentation proposée par Mélanie n’est pas paisible. Il s’agit de franchir la plate-forme de la géologieblanche des forces de l’art 02 avec comme tâche d’y - déambuler – chuter - se relever - continuer - s’arrêter…L’action a lieu sur le site de l’exposition.D’emblée avec la chute nous sommes désinvestis de tout pouvoir surhumain, nous voici re-descendus parmiles femmes et les hommes dans l’arène du commun, très proches d’autres corps inconnus. C’est renversantde se laisser toucher par ce mouvement flottant, indéfini d’un espacequi se réinvente à chaque instant. Dans l’attention de ce qui a lieu, unetâche est à réaliser, chaque moment est à construire…Un changement de position comme en contrepoint devient un aspectde transformation d’une réalité que l’on pensait figée, ainsi sans subirou envahir ce territoire nous avons pratiqué cette expérience en tentantde découvrir une réalité nouvelle.La chute se pense, se perd, et se reprend, cette qualité de mouvementest instable, hésitante. C’est un vertige inouï de consentir au poids deson corps de le travailler comme une matière vivante tant il faut dialogueravec ses appuis et ses fibres intérieures. Comment ne pas se blesser,ne pas se laisser atteindre par un impact qui viendrait interrompreles possibilités de voyager entre plusieurs pôles. Renversée, allongéesur le sol, lieu d’écoute et d’attente il faudra organiser des sortesde combinatoires pour ne pas en rester là, construire sa verticalitéet poursuivre. La légèreté est aussi implacable.L’espace tourne bouge. Des zones d’attention s’organisent, alors quenous ne cherchons pas à les conquérir des regards ici et là se laissentatteindre. Très rapidement la réalité du lieu semble se placer sous unjour différent, l’espace se réactive avec ceux qui passent, s’arrêtent,regardent, semblent surpris comme désarmés eux aussi. Tout occupé et affairé à cette tâche chuter se relever ilsemble que cette transformation concrète du corps vers des lieux de passage, de doute et de transformation desoi ait traversé la réalité du lieu des êtres à ce moment là ( comme probablement avec d’autres expérimentations).Nous avons peut-être produit du sensible, un déplacement qui a mis en doute les certitudes tranquilles desvoies ordinaires de la contemplation consommation d’image fixes qui prévalent toujours. Une immersion pasfacile et tant mieux qui a généré un mouvement en –soi vers une pluralité de sens et de directions mais a aussiréinventé avec ceux qui passaient là une géométrie qui s’inverse vers une sortie de soi. Une autre expériencedes espaces à partager est possible, une transformation concrète certes infime de la réalité a eu lieu ce matin là.33


Congrès à géométrie inverseCompte renduChristiane VollaireL’occupation de l’espace au croisement de l’esthétique et du politique.Ce texte (modifié) doit paraître en septembre dans le n°70 de la revue Chimères.La Force de l’art 2009Pour les «Protocoles méta» : Congrès à géométrie inverseMai 2009.L’OCCUPATION DE L’ESPACE AU CROISEMENT DEL’ESTHÉTIQUE ET DU POLITIQUE1. L’activité esthétique comme détermination d’espace2. Vécu émotionnel et partage administratif3. Discours d’égalité et production de ségrégation4. Danger fictif et danger réel5. L’usage du «nous». Rousseau et le paradoxe des Lumières6. Principe d’hostilité et espace de liquidationKant donnait le titre d’ «esthétique transcendantale» au chapitre de la Critique de la Raison pure qui traitaitdes conditions spatio-temporelles de notre connaissance : nous ne pouvons entrer en relation avec le mondeque parce que nous y sommes inscrits dans un espace-temps, qui est celui de notre existence. L’espace nedétermine donc pas seulement notre possibilité de savoir, mais notre possibilité même de vivre.En même temps, il détermine aussi les formes de notre représentation du monde, qui passent toutes par lasensation. A la représentation de l’espace sont donc liés à la fois notre sentiment d’exister et notre possibilitéd’entrer en relation avec d’autres existences.1. L’activité esthétique comme détermination d’espaceEt l’activité esthétique elle-même détermine de nouveaux espaces : ceux qu’elle produit en intervenant dansl’environnement aussi bien que sur le corps. Ceux de l’image qui troue, par la représentation, la présence duréel immédiat ; ceux du son qui déchire l’environnement auditif, le rythme et bouleverse en cela le vécu desa spatialité ; ceux des odeurs intentionnellement produites, qui ouvrent l’espace de l’imaginaire ; ceux dessaveurs qui sollicitent la puissance de la mémoire ; ceux de la sensation tactile qui renvoie vers l’espace intérieurde la proprioception.Notre vécu sensitif immédiat comme notre vécu esthétique sont ainsi incessamment spatialisés. Et cet enjeude la spatialité est aussi un enjeu politique : celui-là même qu’Hannah Arendt définissait dans le rapport privépublic,en montrant que l’émergence même d’un espace public est conditionné par la pluralité des sujets.De tous ces régimes de spatialisation, aucun n’est, pour les hommes, naturel. Si ce n’est celui qui nous faitémerger dans un monde au sortir de la matrice. En passant de l’élément aquatique à l’élément aérien, nouspénétrons dans un espace intégralement culturalisé. Entièrement produit, construit et délibérément organisé.Et, plus précisément, politiquement organisé.Notre spatialisation va donc nécessairement se vivre sur la modalité du territoire, comme espace d’appropriationdans lequel notre corps a la liberté de se mouvoir, mais dont d’autres corps ont aussi la jouissance. Cetespace d’appropriation n’a rien de spontané : c’est l’espace juridique au sein duquel nous avons l’autorisationde circuler. Et cette autorisation n’a rien d’originel, elle procède d’une autorité liée aux systèmes de pouvoir34


Congrès à géométrie inverseCompte renduauxquels notre existence terrestre est assujettie. Puisque nos possibilités d’être sujets et de nous singulariserpassent nécessairement par les régimes d’appartenance qui définissent notre identité. Et donc par les processusd’assujettissement qui la construisent.Pour qu’un territoire soit vécu sur le mode affectif de la patrie, il faudra que ces processus d’assujettissementaient rencontré à la fois le vécu sensitif d’une esthétisation qui renvoie aux émotions d’un environnementvisuel, sonore, tactile, gustatif et olfactif, et que cette esthétisation puisse faire l’objet d’un partage communautaire.2. Vécu émotionnel et partage administratifIl y a donc un drôle de lien entre ce qui relève du vécu émotionnel et ce qui relève du partage administratif,et ce lien est évidemment tout sauf naturel. La chose la plus normale et la plus immédiate qui soit est en revanchel’effet de tout acte de violence comme acte de rupture de ce lien. Le vécu traumatique n’est pas simplementun vécu affectif. C’est aussi un vécu qui rompt le contrat implicite entre un territoire d’appartenanceet un sujet. Et même le régime le plus autoritaire ne peut pas légitimer l’obligation de présence d’un sujet surun territoire dont les autorités le mettent délibérément en danger. Dans le Léviathan de Hobbes, l’Etat toutpuissantne tire sa puissance que de ce qu’il est protecteur. Et il ne peut assigner les sujets à résidence que dansla mesure où il leur garantit sa protection.C’est sur ce principe basique de légitimité que se fonde la constitution des États nations en Europe. Et c’est àce moment précis que la règle construit son exception, dans l’émergence concomitante de l’histoire coloniale.Dans le temps même où les frontières s’érigent en Europe pour délimiter et fixer les territoires d’appropriation,les puissances politiques se diffusent sur des territoires extra-européens non stabilisés dans leur délimitationterritoriale, non déterminés par des souverainetés locales, ou dont les souverainetés n’ont pas la technologiemilitaire et la puissance commune suffisante pour résister à l’invasion.C’est dans ce double mouvement de fondation du droit dans les territoires occidentaux, et de légitimation dela violence sur les territoires extra-occidentaux, que se fonde l’apartheid planétaire qui prend actuellement lenom de « globalisation ». De cet apartheid, nous, qui sommes ici, sommes les bénéficiaires, ou les descendantsde ses bénéficiaires. Nous n’avons donc apparemment aucune raison de nous en inquiéter, si ce n’est un vaguescrupule moral, qui pourrait nous pousser à voir une contradiction entre les déclarations d’égalité dans lesquellesnous avons été éduqués, et les gouffres abyssaux que nous pouvons constater entre les différents régimesde ce qu’on appelle « condition humaine ».3. Discours d’égalité et production de ségrégationMais le moment de la décolonisation a produit lui-même un double processus pervers. D’une part un transfertde la violence du pouvoir colonial à une classe politico-militaire, et un système de corruption qui à la foisbloque l’émergence de contre-pouvoirs, et maintient dans la dépendance économique. La figure en est le processusde délocalisation du travail, qui est la forme contemporaine et euphémisée de l’esclavage. Mais d’autrepart, dans le temps même de ce maintien d’une brutalisation du politique, la diffusion médiatique du «modèleoccidental» constitue l’autre forme, idéologique, de l’invasion. On offre à des sujets l’imaginaire esthétiquede l’Eldorado, dans le temps même où on les soumet quotidiennement à la violence des processus de survie,ou des puissances de mort.Ainsi, dans le temps même où les sujets occidentaux sont soumis à l’injonction paradoxale d’un discoursd’égalité qui coexiste avec la production incessante de la ségrégation, les sujets non occidentaux sont soumisà l’injonction inversée d’une propagande publicitaire qui leur fournit le modèle de ce qu’on leur interdit dedevenir.Le régime binaire qui oppose ainsi « Orient » et « Occident » (ou Nord et Sud selon les localisations géographiques qu’on leur attribue) spatialise ainsi une forme de représentation qui se cristallise dans ce que Tzvetan Todorovappelle «la peur des barbares». Et il montre le caractère archaïque de cette peur, qui renvoie au fantasme du35


Congrès à géométrie inverseCompte rendu« choc des civilisations ». Il situe ainsi paradoxalement la «peur» du côté des dominants.C’est cette peur, produite et construite à partir de l’idée de barbarie, qu’il faut interroger ici, dans la mesure oùelle constitue une véritable cheville ouvrière des politiques migratoires. Un pur fantasme qui prétend rationaliserla décision politique. Et qui produit l’inverse même de ce qu’elle prétend garantir.Vouloir rationaliser les processus migratoires devrait en effet d’abord revenir à en analyser l’origine. Or lespolitiques mises en place aussi bien aux USA qu’en Europe font précisément l’économie de cette analyse. Quele meilleur moyen d’éviter la fuite des populations soit de leur garantir la possibilité de vivre sur leur propreterritoire, ou du moins d’en favoriser la possibilité, ne semble effleurer ni les organisations internationales,ni les puissances économico-politiques, qui continuent à admettre ou à produire le pillage des ressourceset la corruption des élites, dans le temps même où ils interviennent policièrement sur la migration des populations.4. Danger fictif et danger réelVouloir rationaliser les processus migratoires devrait aussi revenir à analyser les conséquences de la contraintepolicière à la clandestinité : des sujets voués à se cacher sont nécessairement voués à recourir à des pouvoirsoccultes et parallèles, et de ce fait même livrés à eux. Dans Gomora, Roberto Saviano montre avec une imparablerigueur comment les pouvoirs maffieux se nourrissent de la clandestinité. Et l’association La Stradamet en évidence la relation entre migration clandestine, prostitution et trafics d’organes. Tout sujet privé dela protection des lois est nécessairement offert et délibérément exposé à la violence des maffias. Les lois quibloquent massivement les migrations provoquent donc l’expansion quasi-mécanique des systèmes maffieux,qu’elles contribuent à nourrir.En prétendant donc parer à un danger fictif, c’est un danger réel que l’on provoque. Danger qui ne menace passeulement les clandestins, mais le corps social tout entier.Partout où le phénomène des migrations est refoulé, le processus même de son refoulement produit un effetdans le réel et dans le symbolique. Dans le réel, c’est un effet immédiatement meurtrier : des milliers de gensmeurent tous les jours non pas des effets de la violence des pays qu’ils ont fui, mais des effets de la violencedes pays qui leur refusent l’accueil. Dans le symbolique, c’est un effet destructeur. Ce n’est pas seulementl’idée d’humanité qui est ici clivée, mais c’est la possibilité même pour des sujets citoyens de se reconnaîtreune appartenance à des pays qui refusent l’accueil et condamnent délibérément à l’indignité.La question qui apparaît ainsi de plus en plus prégnante est la suivante : si l’espace d’appartenance est un espacetoujours précaire et menacé, alors, contre qui doit-il être défendu ? A cette question, il est impossible derépondre en considérant comme dangereux les sujets manifestement les plus démunis. Une réponse pourraitêtre alors : contre les représentants institutionnels qui prétendent le défendre.Ainsi le phénomène migratoire nous affronte-t-il à cette question : nous sentons-nous plus proches desresponsables politiques qui décident des politiques violentes à l’égard des étrangers, ou des étrangers qui lessubissent ? De qui sommes-nous les étrangers ? Et qui nous est le plus hostile ?5. L’usage du «nous». Rousseau et le paradoxe des LumièresMais cette question oblige aussi à interroger l’usage du «nous». A la question « Qui est nous ? », la philosophiedes Lumières donnait une réponse paradoxale, en produisant la reconnaissance d’une humanité dans le tempsmême où elle donnait naissance à l’idée de citoyenneté. Rousseau est au cœur même de cette ambivalence,lorsqu’il écrit successivement le Discours sur l’origine de l’inégalité et le Contrat social.Dans le premier, il dénonce le fait originel de l’appropriation du territoire :« Le premier qui, ayant enclos un terrain, s’avisa de dire Ceci est à moi, et trouva des gens assez simples pourle croire, fut le vrai fondateur de la société civile. Que de crimes, de guerres, d’horreurs, que de misères et demeurtres, n’eût point épargnés au genre humain celui qui, arrachant les pieux ou comblant le fossé, eût criéà ses semblables : Gardez-vous d’écouter cet imposteur ; vous êtes perdus, si vous oubliez que les fruits sontà tous, et que la terre n’est à personne ».36


Congrès à géométrie inverseCompte renduLe nous, le vous, les semblables, s’y appliquent à un universel humain, à une humanité considérée en tantqu’espèce, indépendamment de toute appartenance. Et l’appropriation du territoire est précisément ce quitue l’espèce en tant qu’unité, ce qui l’empêche de se représenter à elle-même sous la forme de l’égalité, etinduit de ce fait nécessairement la guerre, comme figure institutionnelle du meurtre. L’institution advientpour avaliser les formes de la ségrégation, pour donner un poids légal à la forme originelle de l’inégalité, àcette forme fondamentale de la dépossession que représente la propriété. Et c’est pourquoi le Discours surl’origine de l’inégalité dénonce l’état de civilisation comme fondamentalement meurtrier, dans le sens mêmede ce que le droit contemporain définira comme «crime contre l’humanité». Les représentants institutionnelssont ceux qui perpètrent ce crime contre l’humanité en légitimant la dépossession par l’institution même dudroit de propriété. Et cette institution même est ségrégative. La figure du hors-la-loi apparaît ainsi non commela figure hostile du brigand, mais comme la figure sacrificielle du dépossédé : celui que la loi ne protège pas,et par rapport auquel la légalité ne fait qu’instituer la déshumanisation.Potentiellement, la loi devient donc un danger pour ceux-là mêmes qu’elle prétend protéger, parce qu’elles’instaure comme un danger pour l’idée même d’humanité.Dans le Contrat social au contraire, la légitimation du droit de propriété passe par sa dimension égalitaire :« Ce qu’il y a de singulier dans cette aliénation, c’est que, loin qu’en acceptant les biens de particuliersla communauté les en dépouille, elle ne fait que leur en assurer la légitime possession, changer l’usurpation enun véritable droit et la jouissance en propriété. (…) Au lieu de détruire l’égalité naturelle, le pacte fondamentalsubstitue au contraire une égalité morale et légitime à ce que la nature avait pu mettre d’inégalité physiqueentre les hommes, et, pouvant être inégaux en force ou en génie, ils deviennent tous égaux par convention etde droit ».Mais cette égalité ne vaut que dans un état civil donné, dont le territoire a déjà été formellement délimité pardes frontières. Et c’est seulement l’universalisation du phénomène de la délimitation, au sein de chaque espaceterritorial, qui peut garantir l’égalité que la nature interdit. On est donc sans cesse reconduit à cette impasse,qui ne permet de définir l’égalité qu’à partir de la citoyenneté, et donc l’universel qu’à partir du particulier.La loi ne protège que dans la mesure où elle exclut, et réclamer sa protection revient à renforcer son principede ségrégation. Lorsque Rousseau écrit Ils deviennent tous égaux, ce « tous » ne désigne pas l’humanité, maisseulement la partie de l’humanité qui s’inscrit dans les limites territoriales de la citoyenneté, dans l’espacepublic qui abrite le champ du politique et garantit les formes d’une vie sociale. Et cette spatialisation délimiteaussi les frontières d’une langue commune pour dire le droit.6. Principe d’hostilité et espace de liquidationLa fiction des Lumières est de supposer que la propriété puisse être un droit commun, dans le temps mêmeoù elle se définit comme un principe d’hostilité. La pensée marxiste saura lui répondre que ce qui définit ledroit n’est pas d’ordre moral mai d’ordre économique, et que l’appropriation physique du territoire ne devientefficace que dans la mesure où elle est corrélative de la construction d’un système de production permettantl’accumulation, et par là-même la transcription de la propriété dans les termes spéculatifs, c’est-à-dire à la foissymboliques et redoutablement réels, du marché financier.L’espace physique du territoire est intégralement subverti et transgressé par l’espace virtuel de l’économiede marché, qui transgresse les frontières en termes de globalisation dans le temps même où elle les maintienten termes de circulation des personnes. Le sujet s’identifie dans son passeport dans le temps même où lamarchandise se désidentifie sous la forme de ce que Zygmunt Bauman appelle sa «liquidation». Le mondeliquide est un monde de circulation intensive des choses, qui, pour favoriser la liberté de cette circulation, faitdélibérément obstacle à celle des personnes, et assigne à résidence une part de l’humanité pour répondre auxbesoins de l’autre part.Mais ce principe de ségrégation se reproduit lui-même au sein de la première part, et ne cesse de menacer aufinal l’humanité tout entière.Dans les pays dits «émergents», que Todorov désigne comme ceux de «l’appétit», la ségrégation de l’espace37


Congrès à géométrie inverseCompte renduse traduit en termes de répartition entre favelas et zones fermées, ghettos de la misère et ghettos du luxe. Dansles pays industrialisés, la répartition du territoire entre centre et périphérie produit les banlieues ou, par antiphrase,les « cités », comme espace de discrimination.« Le désert croît », écrivait déjà Hannah Arendt. Et c’est cette croissance d’un désert de l’humanité qui apparaîtcomme une menace, parce qu’elle retourne l’idée même d’une fictive «peur des barbares» en celle d’une réellepeur des producteurs de barbarie. Todorov écrit :« La peur des barbares est ce qui risque de nous rendre barbares ».Mais, là encore, c’est le «nous» qu’il faut interroger. Ce n’est pas « nous » qui devenons barbares, mais cetteusurpation du nous que constitue un système de pouvoir qui prend les apparences du jeu démocratique pourlégitimer des rapports effectifs d’inégalité et de ségrégation. L’oxymore que constitue le terme de «démocratielibérale» produit de lui-même ce double langage, qui fait de l’institution le lieu d’une insidieuse usurpation enretournant l’humanité contre elle-même au nom même de la liberté.Où passe donc le clivage qui définit le rapport d’hostilité ? Et de quoi des sujets protégés par leur propre citoyennetéont-ils de bonnes raisons d’avoir peur ? De ce que, si le statut de «sans-papiers» définit celui quiest livré, sur des territoires prétendument libres, à la violence des polices et des maffias, il ne s’en faut que del’épaisseur d’une feuille de papier que ceci devienne le sort même des citoyens prétendument protégés. Celamême définit, à l’encontre de tous les épouvantails du «terrorisme» ou de la barbarie, le véritable sentiment deterreur. Et nous fait voir, dans toutes les formes actuelles de la précarisation du travail et des statuts sociaux,le profond régime de duplicité qui est inscrit au sein même des espaces démocratiques. C’est cette duplicitémême qui désigne l’ennemi, et nous dit contre qui l’espace public, dans ses formes aussi bien esthétiquesqu’urbanistiques ou économiques, doit être protégé.38


Vincent+Feria« Lent, Lent, Vite »Congrès à géométrie inverseCompte renduLe retentissement d’une cloche marque le temps d’une danse des caraïbes. V+F avec une sono mobile et unmicrophone lancent la playlist. Dans une aile du Grand Palais à Paris le son et le rythme appellent les visiteursde la manifestation parisienne à se joindre à l’expérience. Elle durera 10 minutes au cours desquelles le rythmesaccadé de la musique s’accélèrera et s’enflammera, et les gens et les danseurs en resteront exténués. Il y a euréchauffement, il y a eu des constats, des phrases récitées par les artistes et les danseurs, lancées par dessus lamusique : « Je n’ai jamais vu mon père et ma mère danser ensemble», « Prends ton fusil et danse », « Le PDGd’une grande entreprise avoue ne jamais avoir dansé », « Lent, Lent, Vite », « 1,2,3 cha cha cha », etc. Cetteproposition devait se conformer à la partie du congrès « Les Expérimentations de formes de déplacements etde désorientation ».Dès que Jean-Paul Thibeau, artiste coordinateur des projets Protocoles Méta et du Congrès Singulier àgéométrie inverse, nous a lancé l’invitation à participer comme « propositeurs » à la manifestation ultra officielleLa Force de l’Art 0.2 pour laquelle il était invité, nous avons songé tout de suite à la situation performativeLent, Lent Vite.Nous voulions peut-être y rencontrer la Ministre de la culture, le pdg de LVMH, le chef de la banque Neu FlizeOBC, le responsable de la Westin Paris, les « jeunes loups » de Créatifs Studio, de INVIA ou de MOROSO,et les faire danser.Mais notre surprise a été de voir le philosophe T.N., la scientifique D.R-P., une historienne du CNRS etplusieurs autres artistes et amis danser comme des fous. Juste après, autour d’une table, nous avons parlé de« ce que danser veut dire », « ceci est-il une fête ? » « hors contexte », « une œuvre d’art », « une expérimentation »,« l’être ensemble », « la multitude »…Effectivement pour nous il s’agissait de proposer un « temps public », pratiquer une ancienne performance,jouer le jeu des <strong>protocoles</strong> méta, rester dans le furtif, pratiquer la multitude. Être et vivre un espace majestueux.Paris, le 2 août 200939


BUREAU DES SCHEMAS


Congrès à géométrie inverseCompte rendu41


TEXTES ( tracts diffusés pendant le congrès)


S O CCongrès à géométrie inverseCompte renduMéta-artPROTOCOLES-MÉTAwww.<strong>protocoles</strong><strong>meta</strong>.comI A L E S ,P O L I T I Q U E S E T L E U R S M A L E N T E N D U SE X P É R I M E N T A T I O N S A R T I S T I Q U E S ,Wittgenstein déclarait : « il est difficile en art de dire quelque chose d’aussi bon que ...ne rien dire ».Il est difficile de faire mieux en art que de ne rien faire ... Nous pourrions attribuerde manière apocryphe cette phrase à Marcel Duchamp.En art la meilleur façon de faire (de l’art), c’est de ne rien faire !Ou encore: aujourd’hui la manière la plus pertinente de faire de l’art est de ne rien faireou de faire autre chose !D’une manière impersonnelle pratiquer « l’art de faire de l’art » :non pas un «art semblable à la vie» [Allan Kaprow] car la vie est irréductible à l’art :elle lui résiste. «Performer la vie» revient à créer un écart d’acteur, alors qu’il s’agitd’être observateur volontaire de ce que l’on veut nous faire faire, ou de ce «je veux faire».Produire un détachement, une déliaison, un moment politique de désarticulation.Pratiquer « l’art de faire de l’art » consiste à surmonter, oublier l’art tel qu’il fut- et à investir un champ d’expérimentation symbolique - pour réorganiser un espaced’expérience et de signification.Pratiquer « l’art de faire de l’art » qui ne ressemble ni à l’art, ni à la vie, mais qui est unemanière politique d’interroger les deux.Non pas comme Robert Filliou : « L’art est ce qui rend la vie plus intéressante que l’art.»,car l’art ici est instrumentalisé : il devrait stimuler la vie, comme si l’art n’était pas déjàle résultat de cette vie, comme si la vie n’était pas conçue comme un rêve d’artiste, unematière à former... Non, tout cela appartient à d’anciens débats et dilemmes.Ni vie, ni art - mais méta-existence... Surmontement de notre passage, effacement,neutralisation de cette volonté de puissance, de cette volonté artiste, de cette maladieinfantile qui voudrait que les choses doivent être telles que je les sens et les veux ...Oui rester disponible à ce que je ne sais pas, à l’invention des possibles, à l’hors-soi !Jean-Paul Thibeau45


S O CEn Congrèsà géométrie inverseD’un art en disjonctionAlain GoulesqueCongrès à géométrie inverseCompte renduPROTOCOLES-MÉTAwww.<strong>protocoles</strong><strong>meta</strong>.comI A L E S ,P O L I T I Q U E S E T L E U R S M A L E N T E N D U SE X P É R I M E N T A T I O N S A R T I S T I Q U E S ,En déperformanceAutant dire qu’il y a peu lorsqu’il s’agit de percer de longs tunnels de surface. Peu d’obstacles, peu d’élévations, peu de constructions,seulement de longs mouvements stratifiés et de micros tactiques aléatoires de déplacements.L’accès aux périmètres fébriles, aux alentours, aux essentiels, se fait par étapes soustractives…Il faut se déplacer lentement, à rebours des conventions, dans l’axe d’un espace bâti instantanément. La logique des tracésn’est plus la même, le pas mesure simplement la longueur et la largeur de chaque architecture.Les dimensions se déploient dans un dépouillement de plans ; les formes géométriques se déhiérarchisent, l’hégémonie des carréset des cercles tombe à l’eau. Vagues et vagues figures dérivent, insatisfaites du corps dimensionné qui les habite… Le temps alorsse laisse, il faut aller tout droit, tout en déperformance…Tel est le geste sobre du passant congressiste, ample de morceaux de bouts de débuts de peu ; le congressiste mesure une structuremodélisante tout en profondeur, qui dérive dans un flux éphémère, immense comme une île d’épaisseur au milieu du courant.En Congrès de congressistesLe congressiste offre son expérience à tout moment, il manipule des termes aux codifications abordables ; tout passager métaest congressiste de sa propre expérience, il rejoint le corps des marcheurs, assiste à des autos conférences qu’il organise pour luimêmeentre deux parcours. Il se fond aux autres par nécessité théorique, construit sa maison de manière schématique, à tel pointqu’il la modifie sans cesse, passant du bâti commun à l’architecture la plus singulière.Le Congrès s’étend du peuplement des congressistes. S’il prend en général une forme géométrique indéterminée, une sortede géométrique inverse, de déroutement traversant des idées, des relations et des actes, s’il ressemble à une masse flottantecontrairement proportionnée à son volume visible, c’est pour tracer plus justement les contours contraires d’un programmeattendu.En une tâche creuseLe congressiste manie la schématique, une pratique graphique que l’on pourrait lier à l’étude des propositions et à l’établissement deschémas ; en général, le schéma (1), en tant que représentation provisoire de structures encore inconnues des objets ou des êtres,trace l’enregistrement du processus général d’un phénomène qui n’est pas encore arrivé. En ce sens, il enregistre en un dessinintermédiaire toutes propositions linéaires ou poreuses, rigides ou infiltrantes.La schématique du congressiste est une forme d’expression déqualifiée ouverte à tous les enregistrements sensibles du mouvementdes processus ; elle est faite de règles erratiques, d’expérimentations elliptiques à géométrie inverse et s’active pendant la duréedu Congrès. Elle aide à la réorganisation de la syntaxe des choses à voir, à l’invention de règles à suivre pour le tracé de récitsd’expériences, de figures, de plans et d’espaces, de lignes, de surfaces ou de volumes provisoires. On imagine qu’elle peut serépandre à la surface comme une tâche creuse au bout d’un cocotier.En caverne lumineuseLes schémas enregistrent la synthèse des écarts, ils activent le congressiste, lui ouvrent un champ de recherche permanent ;ils donnent du style aux gestes et produisent des figures qui épurent tous ses mouvements. Le Congrès installe son bureau desschémas comme une caverne lumineuse, en creux, dans la blancheur géologique. Chacun peut y produire sa stratégie, désorientée,déréglée, résistante à la finitude, inversement proportionnelle au plan de base, en autre alternative, en mimétisme critique, enombre portée inversée. Beaucoup peuvent rester à la surface, schématisant par de légers demi-tours, allant et venant en unemathématique aléatoire.En flux de fleuveLe Congrès prépare ici le déplacement, l’exode, la suite fluviale, manifestant un penchant extrême vers d’autres extensions de fuite :la multitude et la singularisation des pôles, l’assemblée mobile et éphémère, les mouvements à rebours.Au contrat d’art s’oppose, désormais, la carte « enschématisée » des possibles (méta géographie), à l’hégémonie des réponsess’affirme l’alternative des choix.Prendre le fleuve comme un maquis fluide et soluble, un fleuve qui se donne au navigant, un fleuve fait d’une eau remontante quiconduit par plis successifs aux îles plénières.Le congressiste sait savamment naviguer ; il construit son radeau toujours en flux, n’entre jamais deux fois dans le même fleuve ;il troque, pour rien, son savoir et peut enseigner sur les bordures. De là, il regarde flotter encore au loin, d’admirables objets d’artbrillants d’or et de pierres précieuses montés sur de lourds blocs de glaces qui craquent et qui fondent. Alors, il pense et croit en desrives meilleures, à d’autres mondes nomades infatigables, tous enclins à faire naître autant de Congrès en disjonction.(1) Le schéma, selon la définition, est une image (visuelle ou autres) singulière et concrète, destinée à rendre saisissable à l’imagination un ou plusieurs concepts universels et abstraits.C’est un exemple fictif, idéalisé et simplifié, comportant souvent des représentations symboliques de ce qui ne peut être représenté (A.Lalande, vocabulaire technique et critique de laphilosophie).46


S O CCongrès à géométrie inverseCompte renduPROTOCOLES-MÉTAwww.<strong>protocoles</strong><strong>meta</strong>.comI A L E S ,P O L I T I Q U E S E T L E U R S M A L E N T E N D U SE X P É R I M E N T A T I O N S A R T I S T I Q U E S ,1.2.3.4.5.6.7.8.9.10.11.Le marché de l’art est l’objectivation du processus même de l’art autonome et de la dissociationqu’il opère entre la valeur attribuée à ses objets et leurs conditions matérielles et sociales deproduction.Cette dissociation en marque l’aliénation ; elle disqualifie l’usage au bénéfice du seul échange.L’argent en est la forme et la fin. L’art partage avec l’argent la propriété de n’en avoir aucune,sinon les usages qu’il autorise et les représentations dans lesquelles il s’épuise.Un tel art possède ses formes propres de fétichisme, étroitement liées au fétichisme de lamarchandise. Les grandes messes artistiques en disent à la fois la « force » et la misère.L’artiste, depuis le xixe siècle, en est la figure aliénée, prise entre intéressement et désintéressement,valeur économiquement quantifiable et activité socialement inqualifiable, légitimationmarchande et dépossession de soi.Le processus marchand prive l’art autonome de sa fonction critique et la critique de sa fonctionautonome. La finalité marchande élève le commissaire au rang d’artiste ; elle assujettit l’artisteaux calculs du commissaire et relègue la critique au rang d’auxiliaire médiatique et institutionnel.L’art, dès lors, peut être dit abstrait, au sens où, dissocié de la vie et de ses conditions de productionréelles, il s’accomplit dans la tautologie.Le cynisme moderne, celui de la « fausse conscience éclairée », en inverse ironiquement les valeursdans la vulgarité du kitsch et de la mode.La « fin de l’art » se confond avec la fin du marché, l’intégration à l’échange en soi et pour soi,conçu et vécu comme fondement et comme fin, débarrassé des scories de leur histoire.La seule alternative à l’art : non pas le refus de l’art, ni l’anti-art, ni la dialectique, fût-elle négative,mais le réinvestissement du politique, abandonné à lui-même et au désert social. Soustrairel’art à l’art et à sa contamination de et par la culture propre à la sphère esthético-marchande.Le méta-art est soustractif, « interstitiel », contextuel. Il s’insinue dans les blancs ou dans leszones encore franches de la « communication ».L’art et la politique n’ont fait qu’interpréter le monde, il convient de l’inventer.Jean-Pierre Cometti47


DOCUMENTATIONS EN LIGNE


Congrès à géométrie inverseCompte renduSur le site des <strong>protocoles</strong> méta :Les propositions d’expérimentations :http://<strong>protocoles</strong><strong>meta</strong>.com/IMG/pdf/Propositions_d_experimentation_-2.pdfPochette du congressiste :http://<strong>protocoles</strong><strong>meta</strong>.com/IMG/pdf/pochette__congressiste.pdfSur le site de La Force de l’Art :http://www.laforcedelart.fr/02/index.php/Artistes-les-Invites/Jean-Paul-Thibeau-et-les-Protocoles-Meta-Congres-a-geometries-inverses.htmlWork on Stage / Agence des hypothèses (Claire Dehove & Cleo Laigret):http://www.workonstage.org/videos/wos_protocole_<strong>meta</strong>/wos_protocole_<strong>meta</strong>.htmlSur le site de Laboratoire du gestes:http://www.laboratoiredugeste.com/spip.php?article207Une vidéo réalisée par Willy Legaud sera prochainement en ligne sur le site des <strong>protocoles</strong> métaainsi que des sons réalisés par Rémi Coupille.49


PARTICIPATIONS, CREDITS


Congrès à géométrie inverseCompte renduLes participants :Référent Force de l’art 02 / CNAP : Marc Sanchez, Ruth Peer, Mehdi Brit.Coordination générale des projets : Jean-Paul Thibeau.Groupe de pilotage : Alain Goulesque, Pascal Sémur, Elodie Carré, Chantal Thomas.Collège <strong>protocoles</strong> méta : Pascal Nicolas-Le Strat, Jean-Pierre Cometti, Catherine Contour, Mélanie Perrier, CorinneMelin, Masako Hattori, Alain Goulesque, Pascal Sémur, Elodie Carré, Chantal Thomas, Jean-Paul Thibeau,Willy Legaud…Coordination des « paroles en mouvement» et des « méta-agoras » : Jean-Paul Thibeau et Pascal Nicolas-Le Strat.Coordination du « bureau des schémas et des récits d’expériences » : Alain Goulesque et Pascal Sémur.Coordination des propositions d’expérimentations: Mélanie Perrier et Masako Hattori.Coordination information /communication : Elodie Carré et Corinne Melin.Responsable administrative : Chantal Thomas.Régie : Charles De Rosamel.Design graphique : Pascal Sémur.Design des structures modulaires : Luc Chevallier.Captation vidéo et son : Willy Legaud et Rémi Coupille.Invités : Toni Negri, Laurent Bove, Christiane Vollaire, Sophie Wahnich …Intervenants : Abdellah Karroum, Vincent+Feria, Masako Hattori, Rémi Coupille, Catherine Contour, MélaniePerrier, Véronique Lamare, Plateforme Roven (Johana Carrier, Joana Neves, Marine Pagès, Diogo Pimentào),Vincent Jean et Amandine Hébrard, Work on Stage / Agence des hypothèses (Claire Dehove & Cleo Laigret),Patrick Sirot, Name Diffusion (Marion Baruch - Arben Iljazi - Myriam Rambach), Véronique HébertParticipants de l’Ecole Supérieure d’Art d’Aix en Provence : Jean-Paul Ponthot, Willy Legaud, Rémi Coupille,Christophe Blancard, Marine Pagès, Charles De Rosamel, Laurence Azzopardi, Laure Arciszewski,Mathias Isouard, Sylvain Nicole, Natacha Gomet, Anaïs Belmont, Emilie Lasmatres, Maïla Garcia, Laura Same,Morgane Rebuffat, Lila Neutre…Participants de l’Ecole d’Art de Blois: Enseignants, étudiants, public amateur.Congrès à géométrie inverse /Liste de tous les participant(e)s :Pascal Nicolas-Le Strat, Corinne Melin, Alain Goulesque, Pascal Sémur, Elodie Carré, Chantal Thomas,Jean-Paul Thibeau, Luc Chevallier,Antonio Negri, Laurent Bove, Christiane Vollaire, Sophie Wahnich,Françoise Vincent, Eloïm Feria, Véronique Lamare, Catherine Contour, Mélanie Perrier, MasakoHattori, Vincent Jean, Johana Carrier, Joana Neves, Marine Pagès, Diogo Pimentào, Marion Baruch,Arben Iljazi , Myriam Rambach, Patrick Sirot, Claire Dehove, Cleo Laigret, Ghislain Mollet-Viéville,Alexandre Gurita, Jean-Baptiste Farkas, Loraine Djidi, Christophe Blancard, Charles De Rosamel, Willy Legaud,Rémi Coupille, Laurence Azzopardi, Laure Arciszewsk, Nicole Sylvain, Gomet Natacha, Belmont Anaïs,Emilie Lasmartres, Maïla Garcia, Morgane Rebuffat, Laura Samé, Lila Neutre , Anthony D’Alessandro,Nadine Gardéres, Claire Renier, Freddish Papritz, Veronique Albert, Mireille Batby, Myriam Billette, Sarah Venturi,Mohssin Harraki, Melina Cottin, Hanan Benammar, Gil Arnaud Ngole, Alex Leite, Thérèse Boudisseau, Hervé Mesnager,Ghislaine Mesnager, Kolia Mesnager, Flavie Battelier, Denis Auton, Françoise Goulesque, Saverio Ansaldi,Anne-Claire Darricau, Elisabeth Damian, Guillaume Rambouillet, Martine Dao, Jean Cristofol, Emmanuel Piégay,Julie Balme, Jules Battais, Élise Huguet, Tiphanie Fourré, Noémie Merleau-Poty, Lynn Pook, Julien Clauss, Jin Hyo-Seok,Théodore Candy, André Achour, Neshanti Ehamparanathan, India Serana Zapata, Kahena Saanaa, Alexandre Bart.Photos : Veronique Lamare, Emmanuel Piégay, Pascal Sémur.Avec la participation de La Cantine Populaire, RadioAppartement 22, Plateforme Roven…Une coproduction de l’École Supérieure d’Art d’Aix-en-Provence, de l’École d’Art de Blois,avec l’aide du Centre National des Arts Plastiques et la collaboration de l’association Art & Recherches.École d’Art de Blois51

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