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NGRÈS - Archives du MRAP

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<strong>du</strong>mrapsuite de la page 21ce ne fut pas clair immédiatement.Elle a pu sembler n'êtrequ'un essai de plus pour permettreaux banques d'éliminerde leurs bilans une partie deleurs créances douteuses, aumoindre coût pour elles, par lesprocé<strong>du</strong>res financières habituelles.En fait, son but était plusambitieux: si des banques acceptentde restructurer (de leurpoint de vue) les créances decertains pays, on pourra direque ceux-ci ont restructuré leurdette (même s'ils ne l'ont pasremboursée), qu'il est donc redevenupossible de monter desopérations fmancières sur leursmarchés financiers nationaux,que la voie est ouverte à de nouvellesopportunités de « placements» et de profits en tousgenres (9); le FMIle dità sa manière,toujours à l'envers, en sefélicitant de la « ré-entrée» deces pays sur le marché des capitauxprivés, encore faut-il reconnaîtreque, pour une fois, ilavait montré une certaine luciditéen notant que ce mode definancement des pays <strong>du</strong> Sudétait bien plus instable que l' endettementauprès des banques,ces capitaux pouvant repartiraussi vite qu'ils sont venus, aumoindre signe qui le rend craintifs(10).C'est ce qui arrive au Mexiquefin 1994. Divers événementspolitiques internes inquiétantles détenteurs américains de titresmexicains, ceux-ci se retirentbrutalement (11), déclenchantla panique sur la Boursede Mexico. Celle-ci se répercutetrès vite sur les marchés financierset les marchés deschanges dans le monde entier,d'autant plus que le traité de libre-échange(Canada, Etats­Unis, Mexique), qui venaitd'être définitivement ratifié,était jugé être la voie de la stabilitééconomique pour les deuxhémisphères! Toutencalmantlejeu, ce qui est de sa responsabilité<strong>du</strong> fait <strong>du</strong> traité et de l'originede la crise, le gouvernementaméricain en profite pourréaffirmer une fois de plus savolonté hégémonique: certes,il apporte, à titre de prêt, 20 milliardsde dollars, mais il imposeaux autres grandes puissancesqui n'y étaient pour rien, d'enfaire autant, et, ce qui est le faitmajeur, il décide de prendre engage le pétrole mexicain pourgarantir le remboursement de ceprêt. Jamais, au plus fort de lacrise de la dette, on n'avait oséun tel coup de force de type colonial,annulant la nationalisation<strong>du</strong> pétrole mexicain réalisée57 ans plus tôt presque jourpour j our.c - La conclusion à tirerde ces faits devrait être définitivecette fois-ci (on l'avait déj àdit après la crise de 1982) : unpays aliène son indépendances'il recourt au capital étranger,au prétexte de financer son développement.Il est donc urgentd'organiser un système efficacede financement <strong>du</strong> développementqui exclut un tel recours.Ce n'est pas le lieu d'en discuter,mais il faut savoir qu'onpeut chercher dans trois directionsqui, bien enten<strong>du</strong>, convergent:• le développement <strong>du</strong> commerceSud-Sud;• la création d'un Système MonétaireInternational des pays<strong>du</strong> Sud, indépendant de celuiqui ne sera plus que celui despays<strong>du</strong>Nord;lafm<strong>du</strong>mythe<strong>du</strong>monde unifié, reposant sur unemonnaie inconvertible avec ledollar, mais en laquelle sontconvertibles celles des pays <strong>du</strong>Sud, qui permettra d'élargir lecommerce Sud-Sud, d'équilibrerles relations Nord-Sud, derevaloriser les pro<strong>du</strong>its <strong>du</strong> Sud(le Nord en a besoin) et par là derevaloriser à son tour la force detravail <strong>du</strong> Sud;• on parle de plus en plus d'établiruneonce de contrôle sur lesmouvements internationaux decapitaux; certains ont proposéd'instaurer une taxe, dont lemontant serait affecté à fmancerle développement des pays <strong>du</strong>Sud(12); ilnefautcertainementpas refuser a priori un tel transfert,mais son efficacité dépendrades degrés de libertés laissésaux pays <strong>du</strong> Sud pour enorganiser l'utilisation.Le risque quecontient le projetde« clausesociale» <strong>du</strong> GATTLa nouvelle idée proposée parles Etats-Unis à la réunionGATT/OMC de Marrakechmérite une analyse attentive. Acoup sûr, on doit s'inquiéterdevant les conditions matériellesde travail (salaires, conditionsde travail, droit syndical)<strong>du</strong> plus grand nombre des salariésau Sud, devant ces jeunesenfants achetés pour rien à leursfamilles et contraints à ruinerleur santé dans des ateliers semiclandestins,etc. Hors mêmetout aspect économique <strong>du</strong> problème(concurrence déloyale),il faut établir au plus vite desconditions moins inhumaines detravail. Certes, encore ne fautilpas faire n'importe quoi, n'importecomment, et la fameuse« clause sociale »proposée parla délégation américaine n'estsûrement pas n'importe quoi.Ne revenons pas sur la contradictioninterne au discours : onne peut à la fois dire que l' «avantage comparatif» des pays<strong>du</strong> Sud réside dans le faible coûtde leur main d'oeuvre (13), leurrecommander de ne pas l'élever,et refuser ensuite d'acheterleurs pro<strong>du</strong>its. Trop,c'esttrop!On pourrait d'abord observerque la clause sociale n'est pasrevendiquée par les travailleursdirectement concernés; ils veulentun statut <strong>du</strong> travail, une protectionsociale, un début d'institutionsde droit <strong>du</strong> travail, dedroit syndical, et de santé au travail,l'application dans les filialeslocales des firmes transnatio-nales des normes de sécurité <strong>du</strong>travail qui sont la règle dansleurs pays d'origine, mais on nesache pas qu'ils demandent la« clause sociale ». Celle-ci résulted'un compromis interneaux Etats-Unis: le candidatClinton à la présidence desEtats-Unis incluait dans sonprogramme la volonté de protégerl'in<strong>du</strong>strie américaine contrele reste <strong>du</strong> monde. Très vite,devenu président, il a comprisque les forces sociales en présencene lui permettaient pas demaintenir cet objectif sous saforme directe : le protectionnismedirect qu'il avait d'abordimaginé butait sur le fait qu'unepartie <strong>du</strong> capital américain pro<strong>du</strong>ità l'extérieur et vend sespro<strong>du</strong>its sur le territoire américain;son proj et con<strong>du</strong>isait doncà protéger une partie <strong>du</strong> capitalaméricain contre une autre partiede celui-ci. L'idée de la« clause sociale» lui est apparuecomme une mesure qui, sansaller contre les intérêts de telleou telle partie <strong>du</strong> capital américain,pouvait satisfaire les uneset les autres, au moins en partie.C'est donc en fonction desstructures <strong>du</strong> capital américainqu'il fautanalyserla « clause sociale». Elle ne touche pas lesfirmes transnationales, celles-cipayent leurs salariés un peumieux, emploient moins d'enfants,ont des conditions de travailmoins pires que les firmeslocales. En revanche, ces dernièresrisquent fort d'être exclues<strong>du</strong> commerce avec leNord. La « clause sociale»prend alors un tout autre sens,elle protège le capital transnationalà la source, si l'on peutdire : elle lui permet d'échapperà la concurrence des firmes localeset lui ouvre ainsi de nouvellesopportunités d' élargissement;par ailleurs, les pays <strong>du</strong>Sud étant contraints d'exporterpour payer les machines nécessairesà leur in<strong>du</strong>strialisation, ilsvont se trouver soumis au bonvouloir <strong>du</strong> capital transnational.Alors, en effet, le risque de contradictionsentre les diversesfractions <strong>du</strong> capital américainest éliminé. Cette clause a doncde fait un obj ectifassez éloignéde celui qui lui est officiellementattribué.La dévalorisationde la force detravailJe voudrais conclure rapidementen revenant sur un aspectdes effets de la compétitivité quiest devenu l 'un des maîtres mots<strong>du</strong> capitalisme dans la crise pré-NOTES(1) Le vocabulaire utilisé ici estsouvent objet de débats: pourles éviter, j'idique que je ne chercheraipas à distinguer TiersMonde, pays <strong>du</strong> Sud, pays sousdéveloppés.En revanche, jen'utilise pas l'expression « paysen voie de développement», carcette expression qui se veut polieest d'une hypocrisie idéologiqueredoutable, elle masque lefait que beaucoup d'entre euxsont des pays en voie de sousdéveloppementaccéléré. Cettedernière remarque montre que jetiens compte de la diversité <strong>du</strong>Tiers Monde (grands, petits, enclavésou non, pourvus de matièrespremières ou non, etc.) etmême <strong>du</strong> drame que constituent'les divisions qui le déchirent etses difficultés à se donner desprogrammes concrets de coopération;mais, en même temps,j'affirme l'unité de tous les pays<strong>du</strong> Sud, dans la mesure où cesont tous des pays qui n'ont pasen eux-mêmes leur propre principede régulation.(2) Sous réserve bien enten<strong>du</strong>de la manipulation de ces prixpar les oligopoles internationaux,voire par les gouvernementsdes pays les plus puissants,ce qui ne fait le plussouvent qu'aggraver l'écartconstaté.(3) Sous réserve de l'observationfaite dans la note 2(4) C'esttoute l'histoire de la dernière« ronde» de négociationsau GATT : la France a acceptéd'être envahie par les exportationsaméricaines, et elle n'a pusauver ce qui reste de son agrisente.Ce terme se décline soustrois thèmes :• le « dégraissage », la courseà la ré<strong>du</strong>ction des emplois;• le rejet de plus en plus net del'idée même de service public;• la privatisation qui est, bienplus que le retour au capitalprivé d'activités pro<strong>du</strong>ctives, lasoumission de la gestion étatiqueaux méthodes et objectifsde la gestion privée.Tout ceci aboutit à une dévalorisationmassive de la force detravail dans les pays <strong>du</strong> Sud.C'est la contradiction la plusgrave de la situation actuelle <strong>du</strong>Tiers Monde. Sa population neculture qu'en obtenant le droit desubventionner ses exportationsde céréales; elle détruit ainsi lescéréalicultures de plusieurspays <strong>du</strong> Sud qui ne peuvent pasà leur tour se retourner vers pluspauvres qu'eux pour se sauver.(5) Elle ne se fait pas nécessairementvers les pays développés,elle peut se faire sous certainesconditions vers les paysvoisins, ce qui peut con<strong>du</strong>ire àdes conflits violents; elle peut sefaire vers d'autres pays <strong>du</strong> Sud(les pays pro<strong>du</strong>cteurs de pétrole)où les conditions d'exploitationne sont pas moins <strong>du</strong>res quedans les pays <strong>du</strong> Nord.(6) J'ai déjà eu l'occasion dem'en expliquer dans un documentque le <strong>MRAP</strong> m'a fait l'honneurde reprodUire et diffuser. Ilconcernait plus directementl'Afrique, mais le problème généraiest le même (Les relationséconomiques entre la France etl'Afrique, le problème de la dettecomplété à l'occasion de la Conférencenationale <strong>du</strong> <strong>MRAP</strong> des4-5 juin 1994).(7) L'abondance des liquidités,dont l'origine est essentiellementdans les déficits américains,trouvait, dans les années1970, un exutoire rentable dansles prêts au Tiers Monde. Lacrise de la dette en 1982 a asséchéce « gisement» de profit,mais n'a pas arrêté la croissancedes liquidités. Dans les années1980, elles n'ont trouvé à être« activées» que sur les marchésfinanciers des pays <strong>du</strong>Nord, qui sont devenus de plusen plus complexes et spéculatifs(ce que l'on appelle lacesse de croître, elle pro<strong>du</strong>it deplus en plus, et elle n'a pas lerevenu qui lui permette d' acheterles biens qu'elle pro<strong>du</strong>it.Comment s'étonner alors queces pays cherchent à écoulerleur pro<strong>du</strong>ction sur les marchés<strong>du</strong> Nord, même à des prix dérisoires,et que ceci se tra<strong>du</strong>ise par<strong>du</strong> chômage au Nord. Les capitalistessavent très bien utilisercet argument pour nous fairepleurer sur le thème « ces paysont bien droit à créer des emplois». Ce n'est évidemmentpas la question car cette pro<strong>du</strong>ctionpour l'exportation écouléeà un prix dérisoire ne sert en rien« financiarisation » de l'économie),mais en même temps deplus en plus incontrôlables, aupoint que les détenteurs de capitauxet les analystes financiersparlent de plus en plus souvent<strong>du</strong> risque d'une « crise de système».(8) Si des capitaux privés peuventse placer sur les marchés financiersde pays comme leMexique, l'Argentine, le Brésil, laCorée, Singapour, l'Inde, ilsyontla possibilité d'acheter les titrescréés sur ces marchés, et d'yprélever les profits ou intérêtsqu'en tirent les titres nationaux,ce qui est autant de bénéfice additionnelpour la masse des liquiditésinternationales.(9) Aux dividendes sur les actions,intérêts sur les obligations,s'ajoute un aspect spéculatif liéà l'évolution <strong>du</strong> cours en bourse<strong>du</strong> titre lui-même: si la bourse deMexico voit arriver en quelquesmois des milliards de dollars, lavaleur nominale des titres vas'élever (loi de l'offre et de lademande); c'est ainsi que surtous ces marchés, dès qu'ils ontété ouverts, on a assisté à desgains fabuleux (la valeur <strong>du</strong> capitalmultipliée en 12 à 18 moispar des coefficients de 2 à 5 selonles marchés)!!!(10) Certes, les prêts des banquesdoivent être remboursés(cf. la crise de 1982), mais leurarrêt, si grandes soient les difficultés<strong>du</strong> remboursement, n'entraînentpas des sorties massiveset immédiates de devises,risquant de mettre le pays en situationde cessation de paiement;sur le marché des capi-à la satisfaction des besoins deces populations et ne laisseaucun surplus utilisable pourl'accumulation et le développement.Le seul moyen de rétablir unsystème d'échanges entre leNord et le Sud correspondantaux besoins de développement<strong>du</strong> Sud et au besoin d'emploi <strong>du</strong>Nord est d'en revenir à un systèmede prix qui permette decouvrir correctement les besoinsde tous au Nord et auSud .•Gérard de BernisProfesseur d'économieà l'université de Grenobletaux, le retrait de ceux-ci (revente<strong>du</strong> titre en dollars) entraîneune sortie immédiate de devises.(11) Cela ne tient pas seulementau fait que sur un marché financierc'est le premier qui se retire(s'il est assez gros pour inquiéterle marché) qui remporte lamise, les suivants ne se décidantque quand le cours est déjà à labaisse. En fait, les titres mexicainsn'avaient pas été achetéspar des indivi<strong>du</strong>s isolés, mais ils'était constitué aux Etats-Unisdes « fonds », auxquels les particulierspouvaient souscrirepour des sommes plus ou moinsimportantes, et ce sont ces fondsqui apportaient sur le marchémexicain des milliards de dollars.La décision d'un seul gestionnairede fonds de cette naturesuffisait pour faire chuterbrutalement les cours, asséchantimmédiatement les réservesmexicaines, non sans ruineraussi un grand nombre d'épargnantsmexicains.(12) Si faible soit-il, le volumedes mouvements de capitauxest si énorme que le montant recueilliserait plus important quetoutes les sommes mises jusqu'icià la disposition <strong>du</strong> Tiers­Monde.(13) Ce qui par ailleurs représenteune contradiction avec lathéorie dominante: celle-ci définitles avantages comparatifs entermes de dotations sectorielleset non de coût des facteurs, et lecommerce libre doit avoir pourrésultat d'égaliser les coûts desfacteurs!•Différences n° 163 avri/1995Différences n° 163 avri/1995

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