— 273 —toutes les exhortations à la tempérance comme des châtimentsrépétés infligés à leurs délits. Ces gens-là, dans les circonstancesordinaires, passent des années, et souvent même une longueexistence, entre la rue, les tribunaux de police et la prison,alternativement. En les punissant d'amende ou d'emprisonnement,on ne les améliore point, on ne les effraie même pas eton ne les empêche nullement de continuer à s'enivrer ; on tendau contraire à aggraver leur dégradation mentale et l'on contribueainsi à fabriquer des êtres perdus sans espoir, qui nesauraient plus jamais être que des fardeaux inutiles pour lacommunauté.La vérité de ces affirmations a été amplement confirméepar dix ans d'expérience dans l'œuvre de la « loi sur lesivrognes » de 1908, et par cette étude clinique plus approfondiedes cas qu'ont rendue possible les mesures de la loi.Le caractère de faiblesse et de quasi-insanité que présentel'état d'alcoolisme a été pleinement démontré et le besoin d'untraitement spécial s'est justifié. Tous ceux qui s'intéressent auxalcooliques comprennent maintenant combien il est inutile etinhumain de traiter par la prison l'ivrognerie invétérée, et l'ona tout lieu de croire que des mesures assurant des facilitéssuffisantes au traitement des réformatoires seraient bientôtsuivies par l'abandon total de cette procédure si discréditée.Le nombre des personnes internées dans les réformatoiresen vertu de cette section, dans l'espace de dix ans (2589), estdérisoirement faible en comparaison de ce qu'il aurait pu etdû être. Ceci provient principalement de la controverse dontnous avons déjà fait mention au sujet de la question pécuniaire,qui devra être définitivement réglée par le Parlement avantque l'on puisse disposer pleinement, et avec tout le profit possible,des pouvoirs conférés par la deuxième section.La condition mentale des détenus.Certains individus assez susceptibles de régénération ontété envoyés dans les réformatoires sous la section criminelle,mais, étant données les restrictions très serrées qui règlentl'internement sous la section récidiviste, seuls les pires éléments— 279 —de cette catégorie y ont été placés. Il en résulte qu'en détenantet en traitant les personnes qui nous ont été envoyées auxtermes de la loi sur les ivrognes, nous avons eu affaire, enune large mesure, à la classe de ceux qu'on appelle «faiblesd'esprit», qui ne sont pas assez fous pour être déclarés telspar aucune juridiction, mais irresponsables à un degré important.La classification suivante, d'après l'état mental, donneune idée de la situation à cet égard.Classification selon l'état mental1. Fous: Personnes qui, depuis leur admissiondans un réformatoire, ont été certifiéesatteintes de folie et envoyées2. Anormaux à un haut degré : Personnesqui, après leur admission dans un réformatoire,sont reconnues plus ou moinsidiotes de naissance, ou dégénérées et3. Anormaux : Personnes excentriques, stupides,peu douées, séniles, ou sujettesà des paroxysmes périodiques d'humeurintraitableNombredanschaqueclasse633771487Proportionquant aunombre totaldes personnesadmises danslesréformatoires14.5149.044. Capacités mentales ordinaires, à l'admissionou après six mois de détention 1105 36.45Total des admissions 3032 lOO.ooIl est certain que la plupart des personnes comprises dansles deux premières catégories du tableau ci-dessus ont étéaliénées durant la dernière partie de leur histoire de courcorrectionnelle, ou tout au moins dans un état voisin de l'insanité;les infirmités mentales de ces sujets étaient masquées
— 280 —par leurs habitudes d'alcoolisme. Evidemment, ni les amendesni les courtes sentences d'emprisonnement, souvent renouveléesne sont des remèdes appropriés, encore bien moins humainspour une condition semblable; et cependant, combien souventces moyens ne sont-ils pas appliqués!Les détenus de la quatrième catégorie (capacités mentalesordinaires) sont tout simplement des ivrognes récidivistes, tranquillesquand ils n'ont pas bu, se soumettant au traitement etsans complications mentales apparentes. Le fait qu'ils se sontlaissé dominer par l'impérieuse passion de la boisson, aupoint d'en devenir esclaves, dénote chez eux un défaut dupouvoir de jugement et du contrôle de la volonté sur les impulsions; mais, cependant, ils restent suffisamment sains d'espritpour mener une vie régulière après avoir été dégoûtés deleurs excès et amenés à considérer comme, fatal à leur bonheurfutur l'usage de l'alcool sous toutes ses formes. Les défectuositésintellectuelles qu'il peuvent présenter sont susceptiblesd'être modifiées ou guéries, et, dans la majorité de ces cas,on peut arriver à produire un état normal, si l'on dispose dutemps nécessaire à son développement. L'avantage que possèdentces détenus-là sur ceux des premières catégories estdû au fait qu'ils ont été envoyés plus tôt au réformatoireavant que la détérioration provenant de plusieurs annéesd'excès ait causé un dommage permanent aux tissus cérébraux,et avant qu'une vie de va-et-vient entre la prison etla rue ait duré assez longtemps pour y ajouter sa quote-partde dégradation morale.La régénération ou son insuccès.Les promoteurs de la loi avaient deux buts en vue enréclamant une législation pour les ivrognes: la régénération,quand elle est possible, et, dans les cas où elle est reconnueimpossible, la détention des incorrigibles pour le bien de lacommunauté. Il est nécessaire de considérer à ce double pointde vue la réussite ou l'insuccès de la loi, durant ses dix annéesd'application. Voyons d'abord la régénération. La classificationque nous venons de donner des détenus selon leur— 281 —état mental, forme un prélude approprié à toutes remarquesconcernant la possibilité de la régénération. Quiconque a pufaire des expériences avec les alcooliques comprend bien lalutte qui doit être soutenue entre la volonté et l'inclination,avant que la victime de l'ivrognerie puisse se délivrer de sesliens, et ce combat, dans certains cas, dure toute la vie pourmaintenir la sobriété reconquise. Il est bien évident qu'unesprit modérément sain est requis pour soutenir efficacementcette lutte essentielle au succès, et, inversement, que les sujetsmentalement incapables de la pratiquer aboutiront presquecertainement à un échec. La majorité des sujets compris dansles trois premiers groupes de la classification précédente ensont tout à fait incapables. Les deux premières catégories lesont absolument, la troisième l'est à un degré atténué, c'est-àdireque les 10 à 15% de ces derniers recouvrent un assezjoli degré de stabilité mentale, après une détention et un traitementprolongés. Mais, à l'exception de cette faible proportion,toutes les personnes comprises dans ces trois catégoriessont trop atteintes mentalement pour reconnaître même qu'ellessont alcooliques, ou pour sentir la nécessité de l'amendement;elles sont trop démoralisées pour tenter aucune résistance àleur penchant désordonné pour la boisson et incapables defaire un effort pour stimuler en activité le peu de force devolonté latente qu'elles peuvent encore posséder.Il est donc évident, au point de vue mental, que notreprobabilité d'obtenir de bons résultats a été limitée aux détenusde la quatrième catégorie (ceux de capacités mentales ordinaires)auxquels il faut ajouter peut-être les 10 ou 15 °/o de latroisième catégorie. Cette estimation, fondée sur des basesscientifiques, a été amplement confirmée par l'expérience pratiquede ces dix dernières années; les efforts tentés pour régénérerles sujets de mentalité anormale sont restés inutiles,tandis que tous les buveurs qui se sont amendés ont été aunombre des individus doués d'un esprit assez bien équilibré.Les 40 °/o seulement de tous les cas envoyés dans les réformatoiresétaient susceptibles de régénération. Il est extrêmementdifficile de donner des chiffres précis, mais il y a de bonnesraisons pour admettre que le 20 «/o du nombre total des bu-