— 258 —siens, et qui se servent de l'assistance donnée à ceux-ci commed'un levier qui force son repentir et obtient son relèvement.D'un autre côté, pour les enfants eux-mêmes n'y a-t-il pasquelque inconvénient à réunir dans un même lieu les descendantsdes criminels, à leur faciliter, si l'œuvre d'éducationéchoue, de pernicieuses camaraderies, et, si même elle réussit,à jeter sur la vie de l'enfant, en rappelant par l'endroit de sonéducation et sa filiation et le crime paternel, une note de déshonneurdont il se débarrassera difficilement? Enfin, lorsqu'ily a tant d'autres misères à secourir, il est peut-être mauvaisde songer d'abord, pour des entreprises forcément coûteuses,aux enfants des délinquants. On amène en quelque sortel'ouvrier, chargé de famille et demeurant honnête, malgré lestentatives qui l'assaillent, à murmurer que pour être secouruil faut d'abord devenir malfaiteur ! La charité perd sa vertubienfaisante quand elle permet ces murmures; elle devientcriminelle, si elle fait naître ces calculs!En somme, nous proposerons au Congrès les thèses suivantes.Pour alléger le plus possible les conséquences économiquesqui résultent pour les familles de Vemprisonnement de leurschefs, il y a lieu:1° d'éviter avant tout l'abus de l'emprisonnement ;2° de prohiber l'emprisonnement simultané des deux époux,condamnés en même temps, même pour des délits différents;3° d'attribuer aux tribunaux, lorsqu'il y a des enfants enbas-âge, le pouvoir de surseoir pendant une année au plusà Vexécution de la peine d'emprisonnement ;4° d'inviter les sociétés de patronage de libérés à étendreleur sollicitude sur la famille du condamné pendant qu'ilest en prison;5° et enfin, dans les pays où l'assistance à l'égard desfamilles ouvrières est complètement organisée, de conseiller,mais avec une extrême prudence, la création d'établissementsd'éducation pour les fils de condamnés.<strong>TROISIÈME</strong> <strong>SECTION</strong><strong>TROISIÈME</strong> QUESTIONDe quelle manière pourrait-on alléger le plus possible lasituation économique difficile qui résulte pour les familles del'emprisonnement de leurs chefs, en organisant et en appliquantmieux le traitement correctionnel de ces derniers, etc.?RAPPORTPRÉSENTÉ PARM. le D R PAUL ANGYAL DE SIKABONY,Professeur agrégé de l'Université, professeur à la faculté de droit de Pécs,membre correspondant de l'Académie hongroise des sciences.L'ère de la renaissance du droit pénal tombe dans lapériode comprise entre les dernières décades du XVIII E siècleet les premières du XIX E siècle, époque à laquelle les idéesde rétorsion durent céder la place aux sentiments plus noblesde l'humanisme. Les instances pressantes des écrivains eurentenfin pour résultat de créer une louable émulation entre lesdivers corps législatifs introduisant dans les codes des peinesqui, sans ignorer l'homme qui se trouve dans chaque criminel,satisfirent cependant aux exigences de la répression aussi bien
- 260 —qu'à celles de plus en plus accentuées de la prévention. L'écoleclassique, devenue prépondérante, rompt là avec le systèmede la responsabilité collective, enraciné depuis des siècles(v. Makarevics « Einfuhrung in die Philosophie des Strafrechtes»,Stuttgart, 1906, p. 305), et dont le principe fondamentalfut que la responsabilité surgissant à la suite d'un acte punissableincombe non seulement à l'auteur de cet acte, mais aussià sa famille, à ses proches et à sa tribu; de sorte que lapeine infligée au fauteur devait s'étendre non seulement àcelui-ci, mais encore à tous ceux qui vivaient en une sorted'organisation sociale avec lui. Le principe de l'autonomieindividuelle se fraie un passage et transforme l'éthique (Kant),l'économie politique (Adam Smith) et les sciences de droit.Dès lors, la peine frappant les innocents avec le coupable nepouvait subsister dans le domaine du droit pénal non plus,la responsabilité individuelle ayant été reconnue, il fut déclaréque, étant donné que l'acte punissable est le propre fait del'auteur envisagé comme individu indépendant, il s'ensuit quetoutes les conséquences, la peine y comprise, doivent frapperle seul auteur. Cette fusion des principes humanitaires avecceux de la responsabilité individuelle fut extrêmement favorableau développement des peines privatives de la liberté. De cettefaçon, ce développement s'orienta peu à peu vers le centrede gravité du système pénal, et cela avec d'autant plus deraisons que l'exécution juste et de plus en ptus opportune dela peine permit d'espérer aussi (la correction, l'habitude dutravail, la défense, etc.) la réalisation des autres buts poursuivis.Pour la forme, l'école classique a parfaitement raison;car, en demandant au criminel, et rien qu'au criminel, comptede l'acte punissable par lui accompli, et en le privant de saliberté, elle ne se retourne que contre le seul infracteur deslois pénales de l'Etat. Or, il est excessivement rare que, defait, l'individu frappé directement par la peine subisse seul lesconséquences qui en découlent; et cela parce que, dans la plupartdes cas, cet individu ne vit pas. seul ou seulement pourlui, mais fait partie d'un groupement plus ou moins importantde ses prochains, auxquels il est attaché par divers liens morauxou économiques, et qui tantôt attendent, tantôt exigent— 261 -de lui de plein droit certains services tantôt provisoires, tantôtfixes et directs. Or, si l'Etat prive cet individu par punitionde sa liberté et l'arrache, pour un temps plus ou moins considérable,à sa position sociale et à son activité ordinaire, dansle cadre desquelles cet homme peut rendre ces services attendusou exigés, il est évident que c'est l'Etat qui rend impossible,ou tout au moins plus difficile, la réalisation de l'attente oudes droits de tierces personnes qui, en conséquence, subissentun tort réel. Cela autorise à dire et à établir que la peine,mais surtout la peine privative de la liberté, touche fréquemmentdans ses effets à des personnes qui n'ont aucune partdans la perpétration du méfait accompli, c'est-à-dire qui sontparfaitement innocentes. Il se produit alors, concurremmentavec la peine, un surplus dont la disparition, ou tout au moinsla diminution, doit être souhaitée, en certains cas, non seulementen vertu du principe de la justice, mais aussi par simpleraison d'opportunité. L'idée de la responsabilité individuelleétroitement reliée à celle de la justice, ne se contente pas dela réalisation du principe de forme, ne frappant d'une peinedirecte que l'auteur personnellement responsable de l'actecommis. Elle demande encore à être réalisée de fait, c'est-à-direqu'elle ne tolère pas que les conséquences défavorables inhérentesà la peine, frappent du même coup des personnes innocentes,et n'approuve la peine privative de la liberté quedans le cas où les circonstances s'opposent à ce que ces suitesdésavantageuses se produisent à l'égard de tierces personnesinnocentes. En d'autres termes, elle ne l'approuve qu'à la conditionexpresse que le poids de ces conséquences soit neutraliséou, si cela ne peut se faire, tout au moins atténué. Etne serait-ce qu'au point de vue de l'opportunité, il faut absolumentque l'on s'efforce à ne pas faire peser les conséquencesnuisibles de la peine, sinon sur le coupable lui-même; car, dansle cas contraire, l'on ouvre la porte à la ruine morale, fréquemmentà celle de la ruine matérielle des personnes quisouffrent sans qu'il y ait de leur faute; ce qui revient à direque, bien qu'indirectement, l'on augmente le nombre de ceuxqui, trop faibles pour résister, trébuchent facilement et glissentsur la pente fatale du crime.