illettrismeLa prévention de l'illettrismeen question14Pour son p<strong>la</strong>n de luttecontre l'illettrisme, leministère a édité un documentspécifique sur <strong>la</strong>question de l'apprentissagedu lexique en <strong>maternelle</strong>,« Ressources pourenseigner le vocabu<strong>la</strong>ire ».Linguiste, spécialiste del'école <strong>maternelle</strong>, MireilleBrigaudiot se penche sur <strong>la</strong>question et nous livre sesréflexions.Dans le domaine <strong>la</strong>ngagier, l’école <strong>maternelle</strong> a plusieursdéfis à relever, et mieux vaut les distinguer, nonpas en termes de catégories linguistiques (vocabu<strong>la</strong>ire,syntaxe…) mais en fonction de ce que l’Ecoledevrait vouloir pour les enfants, parce que c’est le soclede leur réussite sco<strong>la</strong>ire et sociale à terme.L’« illettrisme » renvoie au dés-apprentissage de <strong>la</strong> lecture.Dans « Ressources pour enseigner le vocabu<strong>la</strong>ire» du ministère, on s’attend à trouver <strong>des</strong> pistesde travail sur l’entrée dans l’écrit. Or le titre est accoléà « prévention de l’illettrisme » comme s’il s’agissaitd’une synonymie. D’où vient l’axiome illettrisme =déficit de vocabu<strong>la</strong>ire ? Peut-être un hommage àSaint-Augustin qui évoquait sa propre acquisitiondu <strong>la</strong>ngage par imitation (répéter) et accumu<strong>la</strong>tion(ajouter <strong>des</strong> mots)…Puisqu’il s’agit de conseils pour l’oral, pourquoi isoler<strong>la</strong> composante « lexique » dans les activités <strong>des</strong>enfants ? On n’a jamais intérêt à considérer que ce quise passe en milieu naturel peut résulter d’un enseignementprogrammé, comme le conseille cette circu<strong>la</strong>ire(progressions de mots).Mireille BRIGAUDIOTlinguiste, ancienne maître de conférences àl'IUFM de VersaillesAlors que faire ?1- pour tous les enfants, et donc surtout pour ceuxque j’appelle prioritaires (en retrait, sur le p<strong>la</strong>n de <strong>la</strong>participation <strong>la</strong>ngagière et / ou en déca<strong>la</strong>ge sur le p<strong>la</strong>nlinguistique), de manière individualisée, avoir l’obsessiondu renvoi <strong>des</strong> formes canoniques du françaisoral (« oui, le garçon il est tombé dans l’eau »), arrêterde poser <strong>des</strong> questions pour obtenir le bon mot,s’intéresser à ce qui intéresse les enfants en leurexpliquant les choses « difficiles » pour eux, ne pas lesfaire répéter, éviter d’évaluer avec <strong>des</strong> outils formelscar les enseignants savent très bien juger de cedomaine sans ça.Ici, on est dans l’oral du quotidien. Plus on avance dansle cursus <strong>maternelle</strong>, plus il y a urgence à aider lesenfants prioritaires qui ont besoin de <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue françaisepour ne pas décrocher du sco<strong>la</strong>ire.2- pour tous les enfants et grâce au collectif c<strong>la</strong>sse,les encourager peu à peu, sur les 4 années, d’une partà prendre <strong>la</strong> parole, seuls, devant les autres, pourproduire un texte autonome (qui est oral), et d’autrepart à commencer à dialoguer réellement en complétant,confrontant <strong>des</strong> points de vue.Ici, l’objectif relève <strong>des</strong> discours. On veut que lesenfants soient autonomes intellectuellement.3- « apprivoiser» les enfants à <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue françaisede l’écrit, dès <strong>la</strong> petite section, et aller vers une habitudede son maniement, en réception, et, de tempsen temps, en production lorsqu’ils participent à <strong>la</strong>transformation d’un texte oral en texte écrit, lorsqu’ilsassistent à l’effet d’un écrit sur un <strong>des</strong>tinataire.On est dans <strong>la</strong> culture écrite. Les livres sont <strong>des</strong> outilsprivilégiés mais on n’oublie pas les écrits « ordinaires »qui sont proches <strong>des</strong> enfants. On les arme d’unecompréhension du monde de l’écrit.4- préparer les enfants à l’apprentissage systématiquedu code en leur montrant-expliquant commentça marche (<strong>des</strong> bruits codés abstraitement par<strong>des</strong> lettres) et en les incitant à essayer d’écrire ce qu’ilsentendent.Il s’agit de <strong>la</strong> découverte de <strong>la</strong> technique du code écrit.Sans ça, ils seront noyés dès le CP.Tout ça étant d’une grande confusion dans le textecité, il est difficile de s’y retrouver.Il serait plus c<strong>la</strong>ir de considérer que le vocabu<strong>la</strong>ire est« pris/appris » par les enfants, soit dans les situationsquotidiennes et dans ce cas, il est « actif » c’està-direproduit, soit dans <strong>des</strong> situations culturellesplus éloignées d’eux et il est alors en réception. Dansle premier cas c’est <strong>la</strong> fréquence qui joue. Dans lesecond c’est l’intérêt <strong>des</strong> enfants pour le contexted’emploi.Langage :une boussolebienvenueLe ministère et le Scérén-CNDP ont publiéune brochure "Le <strong>la</strong>ngage à l’école <strong>maternelle</strong>"mise en ligne sur Eduscol*. Cettepublication est <strong>la</strong>rgement inspirée <strong>des</strong>travaux de <strong>la</strong> recherche. Elle apporte<strong>des</strong> informations précises sur <strong>la</strong> posturede l’enseignant, « maître de <strong>la</strong>ngage ». Unparagraphe est même consacré à <strong>la</strong>parole de l'enseignant dans l'apprentissagedu lexique. De nombreuses propositionsde situations d’enseignement sontdécrites, globales et stimu<strong>la</strong>ntes pour lesenfants.Ce texte est bienvenu car il reconnaît letravail réalisé à l’école <strong>maternelle</strong> quiexige de véritables compétences professionnelles.Pour le ministère cette brochure« constitue une aide » : ce<strong>la</strong> ne sauraitsuffire. Ce document fait <strong>la</strong>démonstration qu’une vraie formationest nécessaire. Il constitue aussi un pointd'appui pour demander notamment dutemps pour l'équipe et <strong>des</strong> marges demanœuvres pour travailler en petitsgroupes.*eduscol.education.fr
en chiffres3732une écolemise à mal9 %4 14Depuis 2000, ce sont au moins 150 000 enfants de moins de trois ansqui sont restés aux portes <strong>des</strong> écoles. Le taux de sco<strong>la</strong>risation à cet âgepasse de 34,5 % à <strong>la</strong> rentrée 2000 à 13,6 % à <strong>la</strong> rentrée 2010*. On relèveen 2010 de très fortes disparités sur le territoire : encore 42,2 % pourl'académie de Lille, <strong>la</strong> plus accueil<strong>la</strong>nte pour les deux ans, contre 4,3 %pour l'académie de Paris. Ces chiffres sont le résultat d'une politiquede réduction de postes qui impose de ne plus prendre en compte lesdeman<strong>des</strong> d'inscription d'enfants de moins de 3 ans dans les décisionsde fermetures et ouvertures de c<strong>la</strong>sses. On connait pourtant l'impactbénéfique d'une sco<strong>la</strong>risation précoce, notamment pour assurer <strong>la</strong> réussitede tous les élèves, y compris les plus fragiles.Ce sont aussi plus de 2000 écoles <strong>maternelle</strong>s publiques en dix ans quimanquent à l'appel (18448 en 2001/2002 contre 16056 en 2010/2011),conséquence de fusions entre <strong>maternelle</strong>s et élémentaires souvent imposéesaux équipes. Pour l'administration, ces opérations permettent <strong>des</strong>économies (direction unique et globalisation <strong>des</strong> effectifs). Dans <strong>la</strong> pratique,les fusions réduisent souvent <strong>la</strong> prise en compte de <strong>la</strong> spécificitéde <strong>la</strong> <strong>maternelle</strong> et freinent l'organisation de dispositifs adaptés aux plusjeunes élèves : conditions de récréation, de rentrée...Les dispositifs type "c<strong>la</strong>sses passerelles", existent dans 2/3 <strong>des</strong> départementsmais restent très peu nombreux. Ils favorisent pourtant <strong>la</strong> réussitede <strong>la</strong> première sco<strong>la</strong>risation, permettent de développer le lienécole/famille et d'améliorer <strong>la</strong> fréquentation dès <strong>la</strong> petite section.Dans <strong>la</strong> quasi totalité <strong>des</strong> départements, le remp<strong>la</strong>cement <strong>des</strong> enseignantsen <strong>maternelle</strong> n'est pas prioritaire et passe après celui <strong>des</strong>c<strong>la</strong>sses élémentaires. Cette situation pèse lourd dans un contexte oùles conditions d'exercice du métier se sont sensiblement dégradées.Parce que l'école <strong>maternelle</strong> joue un rôle fondateur dans l'avenir <strong>des</strong>élèves et de notre société, elle ne doit plus être utilisée comme variabled'ajustement mais doit bénéficier de moyens à hauteur <strong>des</strong> besoins.* Note DEPP 11-09ocde<strong>la</strong> <strong>maternelle</strong> plébiscitéeÀ l'échelle internationale l’éducation présco<strong>la</strong>ire* est un domaine en pleineexpansion.Alors qu’en 1998, en moyenne dans l’ensemble <strong>des</strong> pays de l’OCDE, 40%seulement <strong>des</strong> 3/4 ans étaient accueillis dans <strong>des</strong> structures pré primaires,en 2007 <strong>la</strong> proportion était de 71%. En Allemagne, en Corée, en Norvège,au Mexique, en Pologne, en Suède et en Turquie cette proportion a en faitplus que doublé au cours de <strong>la</strong> période considérée. Dans <strong>la</strong> moitié <strong>des</strong> paysde l’OCDE, le taux de pré sco<strong>la</strong>risation est aujourd’hui de 80% ou plus.Bernard Hugonnier, responsable de l’OCDE, soutient que <strong>la</strong> <strong>maternelle</strong>est un <strong>des</strong> points forts du système. Les résultats aux évaluations internationalesPISA montrent que l’accès à l’enseignement préprimaire* influe sur<strong>la</strong> performance mais aussi sur le caractère égalitaire <strong>des</strong> systèmes éducatifs.Par exemple, en Belgique, en France et en Israël, les élèves ayant suiviun enseignement pré-primaire obtiennent un score supérieur à celui <strong>des</strong>autres. Au Japon, en Corée, Estonie, Is<strong>la</strong>nde et à Hong-Kong (Chine),lorsque <strong>des</strong> enfants de milieux socio économiques défavorisés ont suivi unenseignement pré primaire, l’écart de leurs performances avec celles <strong>des</strong>autres diminue. L'amélioration <strong>des</strong> performances n'est visible que lorsqueles activités visent à renforcer le développement cognitif, émotionnel et social<strong>des</strong> enfants dans <strong>des</strong> structures adaptées (écoles <strong>maternelle</strong>s, crèches etgarderies).* Pour l’OCDE, les termes “présco<strong>la</strong>ire” et “préprimaire” renvoient aux différentes structureséducatives avant 6 ou 7 ans.15