CultureDominique Godon : J'espère que vousvoyez maint<strong>en</strong>ant, après ma réponse précéd<strong>en</strong>te,que ce que l'on peut percevoircomme des limites, constitue pour nousune évolution ess<strong>en</strong>tielle. Je ne dis évidemm<strong>en</strong>tpas que tout est merveilleux surinternet ! Je dis simplem<strong>en</strong>t que des chosesont changé, et ce, de manière incontournableet irrévocable. Maint<strong>en</strong>ant, concernantla résistance, c'est un sujet qui meti<strong>en</strong>t particulièrem<strong>en</strong>t à cœur, et je ne voispas bi<strong>en</strong> <strong>en</strong> quoi la m<strong>en</strong>tion de la résistanceconstitue une déclaration ambiguë.Pour nous, résister, ce n'est pas uniquem<strong>en</strong>trefuser l'uniformisation de la culture.Résister, c'est créer, et créer, c'est résister.Voilà <strong>en</strong> quoi nous nous réclamons de larésistance…Sil<strong>en</strong>ce : La résistance et le docum<strong>en</strong>tjoint à votre dossier de presse n'est pas larésistance ou les résistances, c'est unepériode historique et un contexte politiquebi<strong>en</strong> précis.Dominique Godon : Je ne suis pasd'accord avec toi sur ce point. C'est à mons<strong>en</strong>s toute la portée de l'appel à la commémorationdu programme du Conseilnational de la Résistance que nous avonsmis dans notre dossier de prés<strong>en</strong>tation etsur le site. La Résistance telle qu'expriméedans ce docum<strong>en</strong>t est une chose détachéede tout contexte politique, social ousocio-culturel. Il s'agit de favoriser leshommes et leurs conditions, plutôt queles idéologies et leurs réalisations. C'estdans les petites choses et les petits actesde création au quotidi<strong>en</strong> que nous voulonsexprimer notre solidarité avec, c'estle moins que l'on puisse faire, ceux etcelles qui ont lutté, et, pour beaucoup,sont tombés, pour que nous puissionscontinuer.Nous assistons depuis quelque tempsà une t<strong>en</strong>tative de prise de contrôle et depouvoir par les grands arg<strong>en</strong>tiers etgrands industriels, dans tous les domaines.Je p<strong>en</strong>se que nous avons depuislongtemps dépassé le fait de savoir sinotre position ou nos déclarations sontambiguës ou non. L'urg<strong>en</strong>ce est simplem<strong>en</strong>tde continuer de créer, et donc, derésister. A-politique, car nous préféronsnous <strong>en</strong> t<strong>en</strong>ir strictem<strong>en</strong>t à l'esprit de laRésistance, qui n'est ni à gauche ni à droite,ni au c<strong>en</strong>tre, d'ailleurs. Cet esprit-là,qu'on le veuille ou non, puisqu'il s'attacheà la condition des hommes et des femmesplutôt qu'aux idéologies et à leurs réalisations,se situe au-delà des clivages politiquestraditionnels. Même si, historiquem<strong>en</strong>t,la plupart des courants politiquesque nous connaissons aujourd'hui étai<strong>en</strong>tplus ou moins représ<strong>en</strong>tés dans laRésistance. Quoiqu'il <strong>en</strong> soit, malgré deAudrey A.nombreuses t<strong>en</strong>tatives, celle-ci n'a jamaispu être récupérée d'un côté ou de l'autre.Et n'est toujours pas récupérée.… Ou avec public ?Sil<strong>en</strong>ce : Le dualisme créé pour laréception de votre musique pose problèmepuisque, comme vous le m<strong>en</strong>tionnez (etd'ailleurs y invitez le public) sur votre siteinternet : " acheter permet de diffuserlibrem<strong>en</strong>t la zique". Mais qui achète ?Celui qui a l'ordinateur adéquat et accès àinternet ou celle qui veut vous sout<strong>en</strong>ir etpermettre un accès libre à vos œuvres…via internet ?Dominique Godon : Nous assistons<strong>en</strong> ce mom<strong>en</strong>t à une situation paradoxale,bi<strong>en</strong> que prévue depuis assez longtempspar nombre d'auteurs. La production desordinateurs s'est accélérée de manièrefantastique, ces dernières années, etparallèlem<strong>en</strong>t, les connections à l'internetdevi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t de plus <strong>en</strong> plus abordables. Lasituation est la suivante : il est de moins<strong>en</strong> moins rare de trouver un ordinateurconnecté à l'internet dans les foyers, ycompris les plus modestes, ceux pour lesquels,justem<strong>en</strong>t, l'achat d'un CD n'estpas une dép<strong>en</strong>se négligeable ! On peutt<strong>en</strong>ter de s'élever devant cette situation,on pourrait vouloir se dém<strong>en</strong>er <strong>en</strong> touss<strong>en</strong>s pour que cela soit autrem<strong>en</strong>t... Envain, à mon avis. Qu'on se souvi<strong>en</strong>ne del'arrivée du téléphone (ou de l'électr<strong>ici</strong>té!) dans les campagnes dans les annéestr<strong>en</strong>te... D'aucun s'élevai<strong>en</strong>t contre cettediablerie, qui allait bousculer les bonnesvieilles habitudes ! Pour ma part, j'ai t<strong>en</strong>danceà p<strong>en</strong>ser que si les "bonnes vieilleshabitudes" des uns et des autres se trouv<strong>en</strong>tun peu bousculées par l'internet, c<strong>en</strong>'est pas forcém<strong>en</strong>t une mauvaise chose...Mais ceux qui achèt<strong>en</strong>t nos CD nesont pas forcém<strong>en</strong>t branchés sur le net.Ce peut être lors d'un concert, ou toutsimplem<strong>en</strong>t dans un magasin.Sil<strong>en</strong>ce : Votre démarche d'autoproductionet d'accès libre ne se trouv<strong>en</strong>t-ellespas <strong>en</strong> contradiction avec ce que vous mettezfinalem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> avant sur votre siteweb : France Inter (infestée de publ<strong>ici</strong>téset au conformisme culturel affligeant) -Avez-vous ou préservez-vous un possibleli<strong>en</strong> promo avec Inter ? - parmi une flopéede radios plus commerciales qu'associativesà côté d'une rubrique média étonnamm<strong>en</strong>tmaigre (Le Monde Diplomatiqueet le site de Mermet) sans un seul titre dela presse alternative pourtant intéressée etparfois active sur les questions affér<strong>en</strong>tesau copyleft, à la marchandisation dumonde, à l'autonomie…?Dominique Godon : Si nous affichonssur notre site godon.org les opérations decommunication que nous m<strong>en</strong>ons à bi<strong>en</strong>,c'est parce qu'il est crucial pour nous defaire savoir. Depuis le début, noussommes persuadés que c'est <strong>en</strong> utilisantles outils modernes de communication, etles médias, que nous arriverons à montrerque notre musique ti<strong>en</strong>t la route, qu'ellepeut nourrir nos familles, et donc, s'inscriredans la durée. Concernant FranceInter, nous avons fait bi<strong>en</strong> pire, avecEurope 2 ! Mais à chaque fois, je n'ai pasr<strong>en</strong>contré un monstre infesté cherchant àme dévorer, mais des humains, euxmêmesplus ou moins informés, dontpour certains, nous nous sommes fait desamis. Concernant la démarche <strong>en</strong> général,je suis plus s<strong>en</strong>sible aux actes, si petitssoi<strong>en</strong>t-ils, plutôt qu'aux déclarations d'int<strong>en</strong>tion.Chez nous, nous pratiquons le trisélectif depuis longtemps, alors que notredépartem<strong>en</strong>t songe à peine à s'y mettre,nous utilisons avec grand bonheur les toilettessèches et donc, pratiquons le compostage,nous allons bi<strong>en</strong>tôt mettre <strong>en</strong>route une station d'épuration domestiqueà plantes macrophytes, bref. Point besoind'afficher, nécessité de pratiquer. Sur lesite du groupe, nous avons vraim<strong>en</strong>t ungros travail de mise à jour à effectuer, etnous sommes une toute petite équipe,avec des priorités incontournables. Mais,promis, je vais <strong>en</strong>richir la rubrique desli<strong>en</strong>s alternatifs. Concernant les radios,à côté de grosses radios commerciales,nous avons quand même pas mal d'amisdans le monde des radios et web radiosassociatives, comme Diverg<strong>en</strong>ces FM àMontpellier, Digital Broadcast Channel <strong>en</strong>Suisse, Radio 666 <strong>en</strong> Normandie, etc.Propos de Dominique Godonrecueillis par Matt Mahl<strong>en</strong> nSILENCE N°32240Avril 2005
CourrierComm<strong>en</strong>t se bloque un train ?En tant que bloqueurs du train de déchets nucléaires, nous sommestrès surpris à la lecture du "reportage photo" intitulé "Comm<strong>en</strong>tse bloque un train ?" (n°320), reportage qui décrit notre actiondu 7 novembre 2004 à Laneuveville-devant-Nancy.S!l<strong>en</strong>ce a choisi de publier une série de huit photos accompagnées decourtes lég<strong>en</strong>des, sans aucun article de fond pour l’étayer, sans aucunélém<strong>en</strong>t contextuel (pas de date, pas d’indication sur le lieu de l’action)permettant au lecteur de faire le li<strong>en</strong> <strong>en</strong>tre ces images et la questiondes transports de déchets nucléaires (à l’exception de la courte lég<strong>en</strong>dede la photo n°5). Ce choix, largem<strong>en</strong>t contestable puisque le fonddu problème n’est pas abordé, apparti<strong>en</strong>t à la rédaction et nous<strong>en</strong> pr<strong>en</strong>ons acte.Mais quel était l’objectif de la rédaction <strong>en</strong> isolant ce reportagephoto <strong>en</strong> page 35 de la revue ? En tant que part<strong>ici</strong>pants à l’action etlecteurs de S!l<strong>en</strong>ce, nous att<strong>en</strong>dons la réponse. S’il s’agissait de parler,d’informer sur les transports de déchets radioactifs, c’est malheureusem<strong>en</strong>traté.Quelques personnes nous ont fait part de leur étonnem<strong>en</strong>t par rapportau ton choisi par la revue pour traiter de cette action de désobéissanceface aux transports de matières nucléaires. "On dirait que c’est un jeu",voilà l’expression qui est ressortie plusieurs fois. Est-il sérieux de prés<strong>en</strong>ternotre démarche de cette façon, avec un titre digne de la une duParisi<strong>en</strong> ou de France soir ? Croyez-vous que nous ayons bloqué cetrain parce que c’est "cool", dans une ambiance de colonie de vacances— car c’est l’ambiance qui ressort du reportage ?D’autre part, malgré ce choix de ne pas traiter le fond du problème,vous auriez néanmoins dû être précis sur les faits relatés.Comm<strong>en</strong>çons par le titre. Il ne s’agit pas de n’importe quel train, maisd’un convoi transportant des matières hautem<strong>en</strong>t radioactives <strong>en</strong>tre laFrance et l’Allemagne (déchets allemands "retraités" à La Hague quifaisai<strong>en</strong>t le voyage du retour vers Gorleb<strong>en</strong>).Ensuite, à la photo 2 : nous ne sommes pas <strong>en</strong> train d’installer le tube.Nous le déterrons, celui-ci ayant été placé sous le rail bi<strong>en</strong> au préalable.Le comble de l’imprécision est atteint avec la photo 3. A la lecture desa lég<strong>en</strong>de, on croirait vraim<strong>en</strong>t qu’il suffit de se mettre sur la voie avecun panneau d’explication pour que le train s’arrête ! Or la procédureest bi<strong>en</strong> plus complexe. Du coup, <strong>en</strong> nous faisant ainsi passer pourdes inconsci<strong>en</strong>ts, vous ne faites qu’apporter de l’eau au moulindu lobby nucléaire…Enfin, la lég<strong>en</strong>de de la photo 4 nous semble égalem<strong>en</strong>t très choquante,voire pot<strong>en</strong>tiellem<strong>en</strong>t dangereuse, car bi<strong>en</strong> trop imprécise au regard ducaractère spectaculaire de l’image. La lég<strong>en</strong>de appropriée (puisque l’onest contraint par le format) aurait été : "Quand le train s’arrête, que lespol<strong>ici</strong>ers sont desc<strong>en</strong>dus sur la voie et qu’ils sont à proximité des militants,m<strong>en</strong>ottage des poignets dans le tuyau".Il est vraim<strong>en</strong>t très dommage qu’une revue telle que S!l<strong>en</strong>ce – dont,faut-il le rappeler, le secrétaire de rédaction a jeûné récemm<strong>en</strong>t p<strong>en</strong>dantun mois pour alerter sur la relance du nucléaire – ait fait preuve d’autantde légèreté pour traiter d’un sujet qui mérite quelques articlesde fond.Quel a été le degré de concertation <strong>en</strong>tre S!l<strong>en</strong>ce, les auteurs de cetteaction et le photographe D. Sterboul dans la mise <strong>en</strong> forme de ce reportagephoto ?Nous nous permettons <strong>en</strong>fin de rappeler un extrait du communiquéque nous avons publié le 7 novembre :"Un groupe d'individus concernés par les dangers du nucléaire a décidéd'<strong>en</strong>trepr<strong>en</strong>dre le blocage du train de déchets ultimes à destination deGorleb<strong>en</strong>. Pas moins de 26 personnes, v<strong>en</strong>ant des quatre coins de laFrance, ont part<strong>ici</strong>pé a l'action, avec <strong>en</strong> commun la motivation d'agir demanière non-viol<strong>en</strong>te et radicale. L’abs<strong>en</strong>ce d’information de la populationau sujet du transport de déchets nucléaires r<strong>en</strong>force notre volontéde m<strong>en</strong>er une action forte et symbolique qui puisse être largem<strong>en</strong>trelayée par les médias locaux et nationaux.En parallèle, une manifestation d'information a été organisée <strong>en</strong> garede Nancy (54), lieu de passage du train. C'est 10 km plus loin que nousnous sommes postés. La traversée d'une usine de produits chimiques,prévue dans l'itinéraire, a été un élém<strong>en</strong>t de plus pour déterminer lechoix du lieu de notre action. Y faire passer un tel convoi est une aberration,au vu de l'évid<strong>en</strong>ce des risques <strong>en</strong>courus : c’est pourquoi nousavons choisi ce lieu pour r<strong>en</strong>dre publique la vulnérabilité de ce trafic.Après une nuit d'att<strong>en</strong>te, nous avons réussi à stopper le trainDavid SterboulDavid SterboulPhoto 2.Photo 3.<strong>en</strong> prés<strong>en</strong>ce de manifestants et de journalistes, sans haine, sans armeet sans viol<strong>en</strong>ce. Il a fallu près de 2h30 aux forces de l'ordre pourdégager la voie, sans heurt et sans t<strong>en</strong>sion.(…) »En espérant que la question de la désobéissance civique face au diktatnucléaire soit abordée de manière plus approfondie lors de prochainsnuméros !Le groupe de Laneuveville nComm<strong>en</strong>t se bloque un train ? (2)En tant qu’auteur des images retraçant le blocage du convoi atomiquede Laneuveville, je regrette que les huit photos publiées dans le n°320de S!l<strong>en</strong>ce ne soi<strong>en</strong>t accompagnées d’aucune véritable description ducontexte de l’action. Ce sujet s<strong>en</strong>sible a été traité – il me semble – defaçon très approximative, alors qu’il mériterait au contraire des explicationsdétaillées. Ce choix étant celui de la rédaction, je me trouve obligéde décliner toute responsabilité sur la manière dont ces photosont été prés<strong>en</strong>tées.En accompagnant ces activistes, mon int<strong>en</strong>tion était de montrer comm<strong>en</strong>tils parv<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t à placer l’Etat devant ses responsabilités au moy<strong>en</strong>de l’action directe non-viol<strong>en</strong>te. Par le simple fait qu’ils ai<strong>en</strong>t étécapables de paralyser l’un de ces convois de mort p<strong>en</strong>dant plus de deuxheures, ce groupe de citoy<strong>en</strong>s a démontré qu’il est impossible de sécuriserles transports de matières radioactives. Ce qui suffit, du coup, à discréditertoute la logique du système nucléaire.J’espère que la rédaction de S!l<strong>en</strong>ce donnera à ses lecteurs toutes lesinformations indisp<strong>en</strong>sables à la compréh<strong>en</strong>sion de la philosophie etde la finalité de ces actions de blocage, ainsi que les rev<strong>en</strong>dicationsqui y sont associées.David Sterboul nParis.Sil<strong>en</strong>ce : cette action a eu lieu juste <strong>en</strong> amont de celle qui a coûté la vieà Sébasti<strong>en</strong> Briat. Nous avons de fait discuté surtout de comm<strong>en</strong>t faire<strong>en</strong> sorte que ce g<strong>en</strong>re d'actions ne soi<strong>en</strong>t pas discréditées comme le fontles grands médias… et initialem<strong>en</strong>t, ces photos étai<strong>en</strong>t face à l'articled'André Larivière (deux pages avant).Ceci dit, <strong>en</strong> privilégiant l'aspect photos et <strong>en</strong> nous contraignantà des lég<strong>en</strong>des courtes, nous avons effectivem<strong>en</strong>t écrit de grossesinexactitudes que vous rectifiez utilem<strong>en</strong>t.SILENCE N°32241Avril 2005