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Sommaire - Afristat

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STATÉCON° 100, 2006INSEEUnité de la coopération techniqueInternationaleDivision Appuis et méthodesstatistiques pour le développementTimbre D32018, boulevard Adolphe Pinard75675 Paris Cedex 14Téléphone : (33) 1 41 17 53 13Télécopie : (33) 1 41 17 66 52DIAL4, rue d’Enghien75010 ParisTéléphone : (33) 1 53 24 14 50Télécopie : (33) 1 53 24 14 51AFRISTATBPE 1600BamakoRépublique du MaliTéléphone : (223) 221 55 00Télécopie : (223) 221 11 40Directeur de la publicationJean-Michel CharpinCo-rédacteurs en chefBlaise LeenhardtGérard OsbertPierre VerdierSecrétaire de rédactionCoryne AjavonComité de rédactionJean-Pierre Cling / INSEE, DIALBlaise Leenhardt / AFD, DIALJean-David Naudet / AFDGérard Osbert / AFRISTATFrançois Roubaud / IRD-Paris, DIALPierre Verdier / INSEETirage à 2.000 exemplaires© INSEE 2006ISSN 0224-098-X<strong>Sommaire</strong>Editorial : 100 numéros de STATECO ......................................... 3Jean-Pierre Cling, Directeur du GIE DIALBlaise Leenhardt, Co-rédacteur en chef de STATECODossier Central : Bilan et nouvelles formes de lacoopération économique et statistique avecl’AfriqueAvant Propos : Statistiques, développement et démocratie......... 15Yves FranchetAFRISTAT : 10 ans d’appui aux systèmes statistiques africainset programme stratégique de travail ............................................. 17Martin Balepa et Gérard OsbertQuelques nouvelles pistes de travail pour AFRISTAT ................ 33Jean Pierre BehmoirasPARIS21 pour le renforcement de la statistique en AfriqueInterview d’Antoine Simonpiétri....................................................... 39L’appui de DIAL à la coopération économique et statistiqueavec l’Afrique................................................................................... 45J.-P. Cling et F. RoubaudLe CESD - Paris : au service de la formation statistique............. 63Xavier Charoy et Lamine DiopDes formations internationales au CEFIL .................................... 69Michel Boeda, Catherine Meunier et Michel PéronnetL’héritage d’AMIRA ...................................................................... 81Jacques CharmesLe temps de la stratégie et du réalisme.......................................... 85Philippe Pommier


Faut-il continuer à élaborer en Afrique des modèlesquasi-comptables centrés sur les tableauxressources-emplois ?........................................................................ 91Rolf Meier et Marc RaffinotLes cadres de dépenses à moyen terme : un instrument utilepour les pays a faible revenu ? ....................................................... 105Marc Raffinot et Boris SamuelLecture des Comptes Economiques Rapides pour l’Outre-Merdu point de vue de la statistique africaine..................................... 121Thierry Cornaille, Daniel Huart, Claude Joeger, Blaise Leenhardtet Jean David NaudetRecherche économique et prise de décision publique en Afrique :quel rôle de la coopération ?........................................................... 131Elias T. Ayuk et Mohamed Ali MarouaniPeuplement et monde réel : Plaidoyer pour un nouveauparadigme de l'aide ......................................................................... 139Jean Marie CourHors dossierLes échanges entre la Chine et l’Afrique, Situation actuelle,perspectives et sources pour l’analyse ......................................... 149Jean Raphaël ChaponnièreRecettes publiques des pays en développement, Méthoded’évaluation...................................................................................... 163Jean-François Brun, Gérard Chambas et Jean-Louis CombesPrésentation du numéro spécial d’Economie et Statistique surles approches de la pauvreté à l’épreuve des comparaisonsinternationales ................................................................................. 173Daniel Verger16


Editorial100 numéros de STATECOJean-Pierre ClingBlaise Leenhardt 1En 1972 paraît le premier numéro de STATECO, « bulletin de liaison des statisticiens etéconomistes exerçant leurs activités en Afrique », à l’initiative d’André Ficatier et dequelques statisticiens économistes de l’INSEE exerçant sur le continent. La périodicité esttrimestrielle. La revue a beaucoup évolué depuis sa création et nous nous contenterons dementionner ci-après les dates-clé de son histoire.• A partir de 1976 (après une interruption d’un an de la publication), STATECO est repris parle Service de la Coopération de l’INSEE dont il devient le support officiel decommunication, Yves Franchet en étant le premier rédacteur en chef. L’éditorial du premiernuméro de la nouvelle formule (N°7, février 1976) rappelle les missions de la revue, àsavoir « être un lien, donc faire part des travaux des uns et des autres, de leurs réflexions, deleur projet ». Dans le même ordre d’idées, il énonce le souhait que « STATECO continued’être et soit de plus en plus un instrument de travail méthodologique et technique ». Cetéditorial se conclut par le souhait que STATECO puisse un jour être conçu et réalisé enAfrique même. C’est la « grande époque » de STATECO, qui de fait tient lieu de premièrerevue méthodologique de l’INSEE et constitue un lieu de grande effervescenceintellectuelle. La plupart des articles que nous citons par la suite ont d’ailleurs été publiés aucours de la décennie suivante. Au cours de ces années, STATECO diffuse les travaux duGroupe AMIRA 2 sur la statistique africaine. Mis en place par Gérard Winter (détaché del’ORSTOM à l’INSEE, où il assure la fonction de Chef du Service de Coopération), cegroupe pluridisciplinaire rassemble des économistes, des statisticiens, des anthropologues etdes sociologues ayant une expérience de l’Afrique. Il a pour objectif, selon les termes deson promoteur (cf. l’article de présentation dans ce même N°7 de 1976), de procéder à uneanalyse critique des méthodes employées pour les enquêtes, la planification et l’évaluationdes projets et de proposer des pistes pour l’organisation et les méthodes de l’investigationsocio-économique plus adaptées.• En 1990 naît un jumeau en anglais, Inter-Stat, publié par EUROSTAT (Office européen destatistiques), DFID (la Coopération britannique) et l’INSEE. Tout en possédant sa proprepolitique éditoriale, Inter-Stat a aussi souvent repris des articles de STATECO, en leurassurant ainsi une large diffusion dans les pays anglophones. Inter-Stat a disparu en 2004.• En 1996, le numéro 85 affiche une nouvelle maquette. La revue adopte un format bicolonneplus moderne, inspiré de la revue mensuelle Economie et Statistique de l’INSEE.1 Les auteurs remercient Michel Blanc, François Roubaud et Gérard Winter qui ont contribué par leursremarques constructives à enrichir cet éditorial. Ils restent seuls responsables des opinions exprimées et deserreurs éventuelles.2 AMIRA pour « Amélioration des méthodes d’investigation en milieu rural africain ».17


Mais l’évolution des modalités de la coopération technique de l’INSEE en Afrique taritprogressivement le vivier des auteurs potentiels d’articles. Ainsi, STATECO ne publie plusque deux numéros par an à partir du milieu des années 1990.• En 2004, après trois années d’interruption, STATECO paraît à nouveau, dans le cadre d’uneco-édition entre l’INSEE, AFRISTAT et DIAL. Le souhait d’africanisation de la revueaffirmé près de trente ans auparavant est ainsi au moins partiellement réalisé. L’éditorial dupremier numéro de la nouvelle formule (N°98) affirme une volonté d’élargir le champcouvert à des travaux d’analyse économique quantitative sur les PED. Par la mêmeoccasion, STATECO se dote à l’image des revues scientifiques d’un comité de rédaction etd’un système de relecture des articles par des référents. Depuis cette date, la périodicité estdevenue annuelle avec la parution de plusieurs dossiers spéciaux, dont le présent. L’intérêtsuscité par cette nouvelle formule, dont témoignent à la fois les nouvelles demandesd’abonnement et l’afflux de propositions d’articles, nous a démontré l’utilité de l’effort quenous avons accompli pour la relance de STATECO.Au cours des dernières décennies, STATECO a rempli sa mission avec humilité, ens’intéressant principalement à l’Afrique qui était le champ privilégié de la coopération menéepar l’INSEE jusqu’aux années 1990. Pendant de nombreuses années, les agents de l’INSEEécrivaient souvent un article au retour d’une mission de coopération pour en tirer desenseignements qui dépassaient le plus souvent le cadre des PED. Les auteurs africains n’ontpas été absents : avec plus de cinquante références, un numéro sur deux comporte un articlerédigé ou co-rédigé par un statisticien africain. STATECO a aussi été un lieu de débats à lafois méthodologiques mais aussi économiques avec la publication de notes de lecture, decommentaires sur les articles parus ainsi que la reprise d’articles ou de communicationséconomiques d’économistes prestigieux (parmi lesquels figure Raul Prebish sur le lien entreinterdépendance et développement), ou l’organisation de séminaires internationaux deréflexion sur des problèmes statistiques majeurs de l’économie du développement commel’informel où la lancinante inadéquation entre production et demande de statistiques 3 .Parcourir les numéros parus depuis l’origine revient à revenir sur trois décennies decoopération économique et statistique de la France avec l’Afrique, avec ses espoirs, sessuccès…et ses déceptions. Cette lecture éclaire également sur les préoccupations des auteursde la revue au cours des dernières décennies, qui tournent principalement autour de quelquessujets passés en revue brièvement ci-après, correspondant aux principaux thèmes d’activitédes services statistiques dans le monde 4 (démographie ; statistiques sociales et économiques ;comptabilité nationale, etc.). Malgré l’arbitraire qu’implique une telle méthode (nous prionstous les nombreux auteurs que nous n’avons pas la place de citer de nous en excuser), nousavons choisi de citer ici quelques auteurs qui ont particulièrement marqué l’histoire de larevue 5 . C’est en effet une caractéristique de cette revue d’avoir des auteurs aussi fidèles3 Séminaire sur les statistiques de l'emploi et du secteur non structuré (Rabat, 10-17 octobre 1984) - Rapport dessessions et communications, 2 tomes (584 pages au total), INSEE, Paris, juillet 1985. (Le séminaire étaitorganisé par l'INSEE, l'ORSTOM et la Direction de la statistique du Ministère du Plan du Maroc, et placé sousl'égide de l'AISE -Association internationale des statisticiens d'enquête-)- Actes du séminaire sur l'adéquation entre la production et la demande de données statistiques dans les pays endéveloppement (« La statistique au service des décideurs », Lomé, 11-17 octobre 1989), 2 tomes (719 pages autotal), INSEE, Paris, avril 1990.(Le séminaire était organisé par l'INSEE, l'Office statistique des communautéseuropéennes et la Direction de la statistique du Ministère du Plan et des Mines du Togo, et également placé sousl'égide de l'AISE -Association internationale des statisticiens d'enquête-)4 Thèmes qui nous ont servi à classer les articles dans le CD ROM joint à ce numéro.5 Les auteurs cités ici sont tirés, sauf exceptions, de la liste des auteurs suivants, sélectionnés en retenant ceuxqui ont écrit au moins 5 articles dans la revue depuis sa création (hors notes de lecture). Il s’agit de Philippe18


(certains ont écrit depuis 20 ans dans la revue) et aussi prolifiques, à côté de la plupart desauteurs qui ne sont intervenus qu’une seule fois. Regardons ce que ces auteurs ont écrit surquelques thèmes-clé, en cherchant à citer sur chacun de ces thèmes les travaux qui nousparaissent les plus significatifs de la production de STATECO depuis sa création. Ce faisantle lecteur verra revenir vers lui ce que l’on peut aussi appeler le questionnement post colonialdes statisticiens français et francophones de terrain : c’est une des vertus majeures deSTATECO de nous présenter humblement et sans fard la pensée de ces acteurs dudéveloppement.La démographie a été un premier domaine étudié. Rémy Clairin, administrateur INSEE etPhilippe Antoine, chercheur à l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD, ex-ORSTOM), ont promu de nouvelles méthodes d’enquêtes démographiques adaptées aux PEDtout en conduisant des analyses sur les tendances démographiques en Afrique (migrations,nuptialité, etc.) et dans les DOM-TOM. Paradoxalement, les questions de recensement depopulation ont été peu abordées par STATECO depuis ses débuts, bien qu’il s’agisse depuisles Pharaons du socle historique de la statistique officielle. Peut-être faut-il y voir la marquede la rareté des recensements en Afrique, sachant que certains pays du continent n’ont pasmené de recensement depuis plus de vingt ans, ou bien aussi modestie de la coopérationmenée par l’INSEE dans ce domaine ? L’absence « d’état civil » est bien difficilementsurmontable, d’où l’intérêt apporté par STATECO à un investissement sur ce thème.Les statistiques sociales ont été également particulièrement étudiées du fait dudéveloppement des enquêtes ménages. Jean Luc Dubois (alors assistant technique) et JacquesCharmes chercheur à l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD) ont beaucoup écritsur ce thème particulièrement dans les années 1980, suite au lancement des premièresenquêtes budget-consommation (LSMS) à l’initiative de la Banque mondiale. Le premier s’estintéressé à la fois aux techniques de sondage (recherche des unités d’observation, calcul descoefficients d’extrapolation) et d’analyse des résultats d’enquêtes (l’exemple des conditionsde logement en Côte d’Ivoire, distribution et composantes des prix des produits vivriers dansce même pays). Le second a plus particulièrement étudié le secteur non structuré à travers lesenquêtes dans le cas de la Tunisie, allant jusqu’à proposer des méthodes d’intégration de cesecteur dans les comptes nationaux. Gérard Ancey, chercheur IRD également, a quant à luiproposé dans le cadre du groupe Amira de mieux prendre en compte dans les enquêtesbudget-consommation le fonctionnement des économies rurales, en particulier leur niveau dedécision.Les statistiques économiques couvrent des domaines très divers : agriculture ; industrie,commerce ; secteur informel ; commerce extérieur ; finances publiques ; inflation, etc.Compte tenu du poids prépondérant de l’agriculture dans les économies africaines, il estnaturel que ce secteur ait suscité beaucoup d’articles consacrés à sa mesure, que ce soit àtravers les systèmes généraux d’informations, les méthodes de prévision et d’alerte précoce,les enquêtes agricoles, etc. François Roubaud, chercheur à l’IRD et à DIAL, a quant à lui écritabondamment sur la mesure du secteur informel à partir des enquêtes 1-2-3 qu’il a conçues etqui ont été mises en œuvre dans de nombreux PED d’Afrique, d’Amérique latine et d’Asie.Les articles sur ce thème portent en particulier sur les enquêtes réalisées à Yaoundé(programme DIAL/DSCN), puis dans le cadre du projet MADIO à Madagascar et enfin duprogramme PARSTAT, coordonné par AFRISTAT avec l’appui scientifique de DIAL, dansles 7 capitales de l’UEMOA.Antoine, Michel Blanc, Alain Brilleau, Jacques Charmes, Rémy Clairin, Philippe Couty, Jean-Luc Dubois, YvesFranchet, Gaston Olive, François Roubaud, Jacques Schwartz, Michel Séruzier, André Vanoli et Gérard Winter.19


La comptabilité nationale a constitué un autre domaine étudié tout au long de la période.André Vanoli, un des pères de la comptabilité nationale française, et Michel Seruzier, qui athéorisé son application dans les PED, sont les principaux auteurs dans ce domaine. Lepremier d’entre eux s’est notamment intéressé aux questions d’adaptation du Système deComptabilité Nationale (SCN) aux pays en développement et plus généralement à lasignification de cette discipline dans ces pays, ainsi qu’aux formes d’organisation appropriéesdes services statistiques dans les PED. Le second s’est posé des questions plus techniques surles comptes des ménages et des sociétés & quasi sociétés, la prise en compte de l’inflation, letraitement des stocks, le tableau entrées-sorties, l’intégration de l’informel. Autant d’étapesdans la mise au point de son célèbre manuel « Construire les comptes de la nation ». Mêmes’il demeure à notre avis toujours d’actualité, l’intérêt des auteurs pour ce domaine sembletoutefois s’être quelque peu émoussé. Ces dix dernières années ont été consacrées àl’implantation du SCN93 et du logiciel ERETES dans les pays africains ; peut-être cesinvestissements lourds expliquent-ils le manque d’articles dans le domaine méthodologiquecomme dans celui des résultats.Enfin, les questions de prévision et de planification ont été plus particulièrement étudiéesdans les années 1970 avant de revenir sur le devant de la scène dans la période récente suiteau lancement des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) et des DocumentsStratégiques de Réduction de la Pauvreté (DSRP) qui requièrent le retour d’une certaineforme de planification (même si le terme n’est pas employé car considéré trop marquépolitiquement). Gaston Olive, administrateur de l’INSEE et Gérard Winter, Chef du servicecoopération de l’INSEE (et ultérieurement Directeur Général de l’ORSTOM-IRD), ontformulé des propositions novatrices dans ce domaine, en particulier dans l’article (écrit avecFrançois Monier) sur « Mise en place d’instruments nécessaires à l’élaboration d’unepolitique économique et financière à court terme : le cas du Sénégal » dans le numéro 7 defévrier 1976 déjà cité. Près de vingt ans plus tard (numéro 79-80 de septembre-décembre1994), Blaise Leenhardt et Gaston Olive appellent, avec la présentation du modèle Tablo, àl’utilisation de modèles quasi-comptables pour la prévision de court terme. L’article de MarcRaffinot et Rolf Meier dans le présent numéro fait écho à cet appel. Mais toutes les formes demodélisation sont présentes dans STATECO : depuis le modèle MEGA élaboré par Pierre-Alain Muet pour le Gabon (et encore en usage aujourd’hui), jusqu’aux modèles d’équilibregénéral calculables en faveur desquels la Banque mondiale s’est en son temps beaucoupinvestie.Au-delà de ces articles thématiques, STATECO s’est aussi interrogé sur des questionstransversales, liées à la formation. Gaston Olive, fondateur du CEPEF (Centre dePerfectionnement Economique et Financier), intégré ensuite à l’Institut Internationald’Administration Publique après qu’il en soit devenu Directeur a eu un rôle particulièrementfécond de création de nouveaux outils de simulation pédagogique, exposés dans plusieursarticles écrits par lui-même ainsi que par des intervenants dans des formations organiséesdans le cadre du CEPEF au tournant des années 1970 et 1980. Dans ce même domaine, onrelève plusieurs articles d’Yves Franchet et un article d’Edmond Malinvaud sur la formationdes statisticiens.Au carrefour de l’assistance technique et de l’organisation des systèmes statistiques dansles PED, un numéro spécial de STATECO (N°62) paru en juin 1990 présentait les actes d’uncolloque organisé à Luxembourg par EUROSTAT (qui s’appelait à l’époque OSCE) et laBanque mondiale sur le thème du renforcement des systèmes statistiques en Afrique subsaharienneet sur le rôle de la coopération pour contribuer au renforcement de ces systèmes.Le premier article de ce numéro, rédigé par Alan Duncan (université d’Oxford), évoquait « un20


constat d’échec quasi-général du développement de ces appareils statistiques, dû aussi bien àl’incohérence d’opérations diverses liées à des projets qu’à l’absence d’une demande interneaux pays ». La création de la revue Inter-Stat est une retombée de ce colloque.Au cours des années 1990, comme le rappelle Yves Franchet dans son avant-propos, denombreux statisticiens se sont bercés de l’illusion selon laquelle la démocratisation des paysafricains allait susciter une demande pressante de statistiques pour alimenter le débatdémocratique et contribuer par là-même au renforcement des appareils statistiques dans cespays, revenant sur le délabrement provoqué par des années de crise et d’ajustement structurel.Le déclin de la statistique se poursuivant (et la démocratisation annoncée ne se produisant pasvéritablement), on a ensuite fondé de nouveaux espoirs depuis le début de cette décennie avecle lancement des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) lors du Sommet desNations Unies de New York en septembre 2000. L’adoption de ces objectifs et des nouvellesstratégies internationales de lutte contre la pauvreté accroît en effet les besoins de diagnosticsur les différentes formes de la pauvreté mais aussi de suivi et évaluation des politiquesmenées en vue d’atteindre ces objectifs. Ici encore, ces espoirs semblent relativement déçuspour l’instant, même si la multiplication des enquêtes menées à l’instigation des bailleurs defonds peut donner l’illusion d’un progrès.En fait, le diagnostic établi par STATECO en 1990 et rappelé ci-dessus nous semblemalheureusement toujours valable et nous interpelle sur le rôle de la coopération technique.Plus généralement, il est frappant de constater, à travers ce retour dans le temps sur plus detrois décennies, à quel point de nombreux anciens articles de STATECO gardent à notre avisleur pertinence et utilité, tant sur les questions méthodologiques (comment intégrer le secteurinformel dans la comptabilité nationale ? la place nécessaire de la pluridisciplinarité dans lastatistique du développement) qu’institutionnelles (en particulier les défaillances des appareilsstatistiques, l’incohérence des bailleurs de fonds, etc.). Loin de nous l’idée d’écrire qu’ « enAfrique rien ne change » mais force est de reconnaître que de nombreux problèmes identifiésdepuis longtemps ne sont toujours pas résolus, ni même en voie de résolution.** *Compte tenu de cette mission historique remplie par STATECO depuis l’origine, et del’ampleur persistante des besoins dans ce domaine, il était naturel que ce numéro anniversairesoit consacré à la coopération économique et statistique avec l’Afrique, ce qui fournitégalement l’opportunité de revisiter à travers ce prisme les différentes thématiques étudiéestraditionnellement par STATECO (cf. ci-dessus), comme le font plusieurs articles de cenuméro.Nous avons cherché à rassembler ici des auteurs venant de différents horizons 6 afin d’apporterdes éclairages différents dans le but de présenter un panorama de la coopération aujourd’hui,sans complaisance mais en mettant en évidence les succès rencontrés. Plus précisément, dansun contexte en évolution rapide marqué par l’affaiblissement des capacités en Afrique, lamodification des priorités des bailleurs (l’Afrique a reculé parmi les priorités), le caractère deplus en plus multilatéral de la coopération statistique (voir l’émergence d’AFRISTAT et en6 Nous n'avons pas sollicité d'acteurs dans les organisations internationales du système des Nations Unies(Banque mondiale, FMI, PNUD.) ni d'EUROSTAT; la présentation de leurs activités de coopération économiqueet statistique est évoquée rapidement dans l'article sur PARIS21, aller au-delà aurait alourdi excessivement lataille du numéro.21


contrepartie l’effacement des actions directes de l’INSEE depuis les années 1990, puis lacréation de PARIS21), se posent de nouvelles questions : qui sont les acteurs de cettecoopération ? Quelles sont les tendances, les nouveaux besoins, les nouvelles méthodes ?Qu’a-t-il été fait de significatif au cours des dernières années et quels enseignements en tirer ?Sur toutes ces questions, les articles présentés dans ce numéro permettent d’avancer laréflexion, sans pour autant prétendre apporter de réponses tranchées. Si les auteursappartiennent tous à des institutions internationales ou nationales qui sont des acteurs de cettecoopération, ils exercent leurs activités selon des modalités très diverses, celles-ci touchantselon le cas à la recherche, à la formation ou à l’expertise de terrain. Un seul regret demeure àl’issue du montage de ce numéro : la faible présence des auteurs africains, malgré nossollicitations.Dans les premiers articles de ce numéro, nous présentons quelques « success stories » de lacoopération. Il se dégage de ces articles l’image d’une évolution rapide du panoramainstitutionnel et d’un changement radical des acteurs de la coopération en Afrique en quelquesannées. Si on excepte le CESD-Paris, aucune des organisations présentées ici, qui sont toutesdes acteurs importants de la coopération, n’a atteint l’âge de sa majorité!Martin Balepa et Gérard Osbert dressent un premier bilan des dix premières années defonctionnement d’AFRISTAT et décrivent son programme stratégique pour lesannées 2006-2010. Cette organisation de coopération statistique au schéma original, où semêlent coopération Nord/Sud d’une part et Sud/Sud d’autre part, s’est imposée avec succèssur la scène statistique francophone. Le fait qu’il ait bénéficié d’un financement innovant (viaun fonds pluriannuel) le mettant à l’abri des humeurs des bailleurs et lui permettant detravailler dans la durée explique sans doute aussi sa réussite. Bien sûr, cette organisationinternationale ne peut à elle seule pallier toutes les déficiences des instituts nationaux destatistique sur lesquelles revient Philippe Pommier dans un article présenté ci-après. Mais, enaidant à cibler les priorités dans le cadre du Programme Statistique Minimum Commun établià son initiative et en appuyant les INS à atteindre ces priorités, AFRISTAT a contribué à ceque les statistiques de base soient au moins élaborées et diffusées dans des délais raisonnablespar la plupart des Etats-membres. Souhaitons que les cinq volets du PSTA 2006-2010(Programme Stratégique de Travail d’AFRISTAT 2006-2010) détaillés par nos auteursrencontrent la même réussite dans leur rôle de fil conducteur des Etats membres.La communication de Jean Pierre Behmoiras concerne également AFRISTAT mais se situesur un autre plan que le programme de travail stratégique et ne cherche pas l’exhaustivité :elle délivre les thèmes majeurs que cet ancien responsable des relations internationales àl’INSEE, par ailleurs à l’origine de la création d’AFRISTAT, tient à mettre en avant et àprivilégier. Pour lui deux domaines méritent qu’on s’y intéresse particulièrement, et tout desuite. Le premier c’est celui de la diffusion et de la mise à disposition de l’informationstatistique. Il y voit la cause de la notoriété de l’INSEE en France. Il invite AFRISTAT àaider les INS dans ce domaine. Le deuxième c’est la formation permanente et le recyclage desstatisticiens dont les capacités sont l’essentiel du capital des institutions statistiques. Il voit làle moyen d’envoyer rapidement aux cadres actuellement en activité un signal positif et d’aiderà leur fidélisation institutionnelle.Pour nous faire le bilan et détailler les perspectives de PARIS21 la rédaction de STATECO aopté pour l’interview du secrétaire du consortium, Antoine Simonpietri. Celui-ci nousprésente donc, dans son parler imagé, ce groupe de pression interinstitutionnel alliantstatisticiens du Nord et du Sud, responsables politiques des pays en développement et22


ailleurs de fonds, qu’il dirige depuis 2002. Ce « facilitateur », qui veut changer la perceptionde la statistiques tant des responsables des pays en développement que des institutionsmultilatérales, s’appuie sur les « SNDS » (Stratégies Nationales pour le Développement de laStatistique) pour « mettre de l’ordre » et une cohérence de bon aloi dans la cacophonie desprojets statistiques des uns et des autres et sortir la statistique des pays en développement ducercle vicieux où elle est enfermée. PARIS21 c’est beaucoup de bon sens et une conceptiontrès « moderne » du développement avec la statistique en son centre au même titre que lasanté et l’éducation. Pour définir des politiques puis mesurer leurs impacts pour mieux lesadapter il faut des statistiques fiables et rapides. Pour des statistiques fiables et rapides il fautde l’argent (d’origine tant interne qu’externe) et des statisticiens bien formés. Tel est lemessage convaincant que PARIS21 entend marteler pour le plus grand bien de la statistique etdes statisticiens !Jean-Pierre Cling et François Roubaud conduisent une analyse détaillée des travaux menésà DIAL dans le cadre de quatre programmes de coopération successifs mis en place depuis1991. Cette monumentale rétrospective d’une des structures institutionnelles les plusinnovantes de la coopération (mêlant au sein d’un laboratoire de recherche des statisticiens del’INSEE, des chercheurs de l’IRD, auxquels s’ajoutent depuis peu des experts de l’AFD)aborde bien des thèmes fondamentaux de l’économie du développement la plus moderne,depuis la liaison croissance pauvreté et inégalité et la lutte contre la pauvreté (où DIAL aprécédé la mode), à l’évaluation de l’économie informelle via la mise au point d’enquêtesspécifiques (les enquêtes 1-2-3), puis leur industrialisation avec les travaux menéssimultanément dans les 7 capitales de l’UEMOA, en passant par le projet Madio àMadagascar 7 . Tout autant que les études qui ont été conduites, c’est ce mélange intime derecherche académique, d’expertise et de terrain, de coopération et enfin de mise au point deméthodes qui fait l’originalité du travail de DIAL.Xavier Charoy et Lamine Diop nous racontent l’histoire longue du CESD, et les formessouples mais efficaces qu’ont su trouver les statisticiens français pour assurer la formationeffective des statisticiens économistes des pays francophones dans le cadre post colonial desindépendances, tout en prévoyant dés le départ l’africanisation des formations statistiques,africanisation qu’ils ont menée à bien. Il y a dans ce parcours historique une certaine grandeuret dans le décompte précis des résultats auxquels ils se livrent (410 Ingénieurs statisticienséconomistes et 221 Ingénieurs de travaux statistiques formés au CESD à Paris entre 1962 et1994) une humilité et une transparence de bon aloi. Malgré le succès historique du CESD,l’association a été une victime collatérale de la crise d’EUROSTAT intervenue en 2003. Suiteà cette crise, l’INSEE a décidé de rompre tout lien avec des associations et de prendredirectement en charge l’organisation du concours commun des écoles africaines de statistique.Le CESD se voit aujourd’hui contraint de trouver une nouvelle raison d’être ou bien dedisparaître.7 Avec Madio, projet quasi militant, mettant l’information statistique au cœur du débat démocratique àMadagascar, on touche à notre avis à une des formes les plus exemplaires de la « recherche action » en matièrede statistiques pour le développement.23


Michel Boeda, Catherine Meunier et Michel Péronnet nous présentent le CEFIL, quiconstitue la quatrième et dernière forme d’implication de l’INSEE en Afrique sub-saharienne(après l’envoi d’assistants techniques à AFRISTAT, l’appui à DIAL et l’organisation duconcours commun aux écoles africaines de statistique). Contrairement aux formations initialesde type universitaire assurées par les écoles de statistiques et l’ENSAE ou l’ENSAI enFrance, le CEFIL assure la formation permanente en matière de statistique : cette formationprofessionnelle par des professionnels prend la forme de séminaires, à destination, en France,des professionnels de l’INSEE et, à l’international, des statisticiens des pays en transition, desnouveaux adhérents à l’UE et bien sur des PED. Les auteurs nous détaillent l’offre du CEFILconcernant ces derniers : du « sur-mesure » qui a plus d’un titre incitera les lecteurs à seporter candidat à l’une de ses formations.Jacques Charmes, acteur majeur de ce groupe, nous livre enfin ses réflexions sur « l’héritaged’AMIRA », groupe pluridisciplinaire de recherche et de coopération avec l’Afrique déjàmentionné. Loin de se contenter d’une approche purement rétrospective, cet article tente defaire le lien entre les travaux d’AMIRA et les problématiques actuelles du développement etde la lutte contre la pauvreté. Le débat mené par AMIRA sur le concept de ménages et sonutilisation « faute de mieux » dans les enquêtes en Afrique sub-saharienne (où les famillesétendues sont dominantes) est maintenant intégré et assimilé sans l’illusion méthodologiquequelque peu naïve des débuts de la statistique post coloniale. Plus généralement, l’articlemontre que les progrès réalisés dans la mesure de la pauvreté, et plus généralement dans laméthodologie des enquêtes, ont une dette envers AMIRA. Cet article assure ainsi unetransition naturelle vers les articles suivants de ce numéro, qui s’interrogent sur lesproblématiques actuelles de la coopération économique et statistique avec l’Afrique.Les articles suivants se posent des questions plus spécifiques sur les nouvelles formes et lesnouveaux outils de la coopération, en liaison avec la fixation de nouveaux objectifs dans lecadre des OMD et des DSRP et la définition de nouvelles modalités de l’aide audéveloppement (en particulier accent sur l’aide budgétaire et sur la réforme des financespubliques). Malgré cette évolution, les besoins de base (comptes nationaux par exemple) nesont toujours pas satisfaits et gardent donc la même acuité. En ce qui concerne les outils onnotera le penchant affirmé de nos auteurs vers des instruments éprouvés et simples et leurcrainte d’une sophistication mal gérée et peu accordée à l’état réel des statistiques.Philippe Pommier, qui a assuré ces dernières années au Ministère des Affaires Etrangères lagestion des moyens de la Coopération française dans le domaine de la statistique, développeici une analyse que beaucoup partageront sur la situation très préoccupante des INS et sur lanécessité d’adopter une stratégie nouvelle visant à développer et fidéliser une demandesolvable. Fini le temps du discours idéologique traditionnel des statisticiens sur l’universalitédes besoins d’information statistique et leurs financement budgétaire automatique ! Lesresponsables des INS ont perdu le soutien des demandeurs d’information dans la négociationdes budgets. Philippe Pommier prône la création d’un « pseudo-marché » rassemblant tout àla fois les utilisateurs et les producteurs d’information statistique, mais aussi les responsablespolitiques et budgétaires pour faire émerger une demande solvable qu’il s’agit ensuite desatisfaire, via des programmes de production et d’investissement du « système productifstructuré » d’information statistique. Sur un tel pseudo-marché les organismes internationauxet les agences d’aide doivent changer leur pratique, ne plus financer d’opérations deproduction de statistique, mais se placer financièrement du côté de la demande, en finançantdans le budget de l’Etat une partie des dépenses exécutées une fois les résultats obtenus.Philippe Pommier explicite ici à sa manière un des thèmes majeurs de PARIS21.24


Rolf Meier et Marc Raffinot se livrent à un plaidoyer pour les modèles quasi comptablesdont ils trouvent que le fonctionnement reste plus que jamais adapté à la démarche deprévision/simulation et d’élaboration de stratégies de réduction de la pauvreté aujourd’hui enAfrique sub-saharienne. Leur argumentaire part de l’absence effective d’outils opérationnelsen Afrique dans l’élaboration et la discussion des divers cadrages macroéconomiquesnécessaires à la conduite d’une politique économique de développement. Ils constatent, poursatisfaire ce besoin, une demande importante en faveur de modèles sophistiqués conformesaux derniers développements de la théorie macroéconomique, et s’attachent à montrer que lesmodèles quasi comptables basés sur les tableaux ressources-emplois sont mieux adaptés pourun travail concret dans un environnement africain. Simple d’élaboration, cohérent avec lesméthodes de construction des comptes nationaux, modulaire, facilement aménageable pourprendre en compte l’impact des politiques macroéconomiques sur la pauvreté, ce type demodèle éprouvé et robuste leur semble la solution au problème récurrent de la faible pérennitéet de la sous-utilisation des instruments de prévision en Afrique, problème qui, de surcroît,s’avère d’autant plus marqué que les instruments sont plus sophistiqués.Thierry Cornaille, Daniel Huart, Claude Joeger, Blaise Leenhardt et David Naudetpromeuvent aussi les modèles quasi comptables, mais pour une autre utilisation,l’établissement de comptes rapides. Ils nous présentent l’opération CEROM (ComptesEconomiques Rapides pour l’Outre-Mer), menée de façon inter administrative par l’AFD,l’IEOM/DOM, l’INSEE et les INS de Polynésie Française et de Nouvelle Calédonie dans lesDOM et les TOM et consistant, entre autre, à fournir l’année n des comptes provisoires pourn-1 et n-2, sur la base des comptes définitifs établis en n-3 par les comptables nationaux.Importée d’Afrique avec le modèle Tablo de l’AFD, cette « success story » récente de lastatistique française dans l’Outre-Mer républicain, peut en retour être de quelque utilité dansle débat africain sur la construction de comptes provisoires en nous montrant que « ça peutmarcher », que les comptables peuvent aussi utiliser les instruments des prévisionnistes, etque cela accélère grandement la fourniture des comptes et favorise la discussion sur lespolitiques économiques.Marc Raffinot et Boris Samuel abordent avec les CDMT (Cadre de Dépenses à MoyenTerme) un sujet dans l’air du temps. Pour montrer qu’il s’agit d’un instrument/processus« extrêmement utile » pour combler le vide qui existe entre les politiques de développement,leurs objectifs et leur traduction budgétaire, ils en présentent les grandes lignes et lesdifficultés d’application puis évaluent les conditions permettant d’améliorer la gestion macroet budgétaire au travers de ce processus fédérateur où doivent converger réforme des financespubliques, arbitrages budgétaires, politiques sectorielles, suivi des résultats et rétroaction dusuivi sur la définition des politiques.Elias T. Ayuk et Mohamed Ali Marouani se placent quant à eux du côté de la recherche enAfrique. Après avoir rappelé les différents liens envisageables entre recherche et prise dedécision publique, et les contributions possibles de la recherche à l’élaboration de politiques(apport d’idées neuves, amélioration de la compréhension des phénomènes complexes,réduction d’incertitude, amélioration des capacités nationales et du débat public), ils étudientles difficiles relations en chercheurs et décideurs, puis entre bailleurs chercheurs et décideurs.Ils détaillent finalement trois institutions dont le mandat explicite consiste à favoriser lerenforcement de capacités et le tissage de liens entre réflexion et prise de décision (ACBF,AERC et SISERA) pour conclure sur l’opportunité d’un système d’incitations issu d’uneconcertation entre bailleurs nationaux et internationaux permettant aux centres de rechercheafricains de retenir leurs meilleurs éléments et de ne pas se réduire à des structures de25


formation de consultants de haut niveau pour qui la recherche n’est qu’une carte de visitepermettant d’obtenir de meilleurs contratsNotre dossier se termine par un plaidoyer de Jean Marie Cour pour ce qu’il appelle unnouveau paradigme de l’Aide, et qui consiste à placer la dynamique démographique au cœurdu développement. Si l’importance du problème démographique est admis depuis fortlongtemps, ce « grand redresseur de comptes » (auquel on doit dans les années 1990 ladénonciation des sous évaluations massives des comptes nationaux de certains pays dues à lanon prise en compte de l’activité et de l’investissement urbain informels), montre queparadoxalement des variables démographiques essentielles sont bien peu renseignées dans lesbases de données mondiales, et que la dynamique du peuplement est bien peu présente dansles préoccupations actuelles du nouveau millénaire. Un autre cadre conceptuel est pour luidepuis longtemps concevable, le cadre démo-économique et spatial, dont les lignes directricessont à la source du modèle éponyme que l’auteur incite à étudier afin que chacun resitue lefacteur « peuplement » dans le cadre de son travail et de son action pour le développement.Hors Dossier Central un article de Jean Raphaël Chaponnière sur « Les échanges entre laChine et l’Afrique » nous ramène à la statistique descriptive et éclaire l’impact de la soudainerenaissance chinoise sur le commerce mondial et africain. Un des intérêts de l’article de cespécialiste du commerce international est la manière dont il utilise les diverses sources dans ledomaine pour nous fournir des informations longues et actualisées. Dont il ressort que dès2005, à l’origine de près de 10% des importations du continent, la Chine est le premierfournisseur de l’Afrique sub-saharienne devant (dans l’ordre) l’Union Sud Africaine,l’Allemagne et la France. On y apprend incidemment via ce détour en Chine que l’Allemagneaussi vient de doubler la France sur le marché de l’Afrique sub-saharienne.Deuxième article hors dossier, celui de Jean-François Brun, Bernard Chambas etJean-Louis Combes traite des recettes publiques dans les PED, des divers pièges techniquesassociés à leur évaluation de façon comparable entre les Etats et de l’effort fiscal des Etats.On est frappé par la grande stabilité depuis 20 ans des résultats auxquels ils arrivent (20 % duPIB, quels que soient les regroupements géographiques, sauf les pays les moins avancés et àfaible revenu, 17-18 %). Par contre en terme d’instabilité les auteurs mettent bien en avant laparticularité de l’Afrique, plus affectée que les autres régions. En ce qui concerne l’effortfiscal des pays, une fois contrôlé des éléments structurels (niveau de développement,ouverture commerciale, poids de l’agriculture, des mines ou du pétrole) ils montrent l’effortpositif des pays africains dans les années 1985-2000 (et donc la difficulté à mobiliser desressources publiques supplémentaires), et son épuisement sur la période récente,caractéristique selon les auteurs de ressources publiques sous exploitées.Ce numéro se clôt par la présentation par Daniel Verger d’un numéro spécial de la revueEconomie et Statistique, consacré aux approches de la pauvreté à l’épreuve des comparaisonsinternationales. Ce numéro cherche, en s’appuyant sur des méthodologies similaires, à fournirdes images comparées de la pauvreté dans plusieurs pays de niveau de développement trèsdifférent, situés pour certains dans l’Union européenne (Espagne, France, Portugal, Royaume-Uni) des nouveaux membres (Pologne) ou accédants (Roumanie) auxquels s’ajoutentplusieurs pays en développement (Brésil, Madagascar) et la Russie. Ce numéro poursuit unedémarche engagée par la revue Economie et Statistique en 1997 avec la publication d’unpremier numéro spécial consacré à la pauvreté, dont il approfondit les méthodologiesprésentées à l’époque, tout en les appliquant de manière comparative à un grand nombre depays.26


Le CD-Rom inclus dans ce numéro contient tous les articles de tous les numéros parus depuisla création de STATECO (soit 1 à 100). Il est d’usage facile, grâce à une indexation basée surcelle établie par le numéro 94 de 1999 qui classait tous les numéros de 1 à 93. Le numéro 94considérait d’ailleurs que le prochain chantier consisterait en la réalisation de ce CD-Rompour améliorer l’accès aux numéros déjà parus. Ce vœu est ainsi exaucé aujourd’hui grâce àl’initiative d’Antoine Simonpiétri, manager de PARIS21 et à l’enthousiasme de SamuelBlazyk, senior officer dans cet organisme. L’utilisateur peut ainsi très facilement consulter cesarticles à partir de l’utilisation de trois critères possibles : chronologique (numéro) ; nom del’auteur ; thème de l’article (regroupés selon une typologie comprenant 12 catégories).Nous ne pouvons terminer cet éditorial sans rendre hommage aux rédacteurs en chef qui ontporté cette revue depuis l’origine, à savoir : André Ficatier, Yves Franchet, Gérard Winter,Pierre Martel, Michel Blanc, Philippe Brion, Christophe Lefranc et la troïka actuelle, à savoirBlaise Leenhardt, Gérard Osbert et Pierre Verdier. Le comité de rédaction, constitué des troisrédacteurs en chef et de Jean-Pierre Cling, Jean-David Naudet et François Roubaud, joueégalement un rôle indispensable pour l’animation de la revue, ainsi que tous ceux qui ontaccepté de jouer le rôle ingrat de référents anonymes pour ce numéro et pour les précédents,que nous remercions tout particulièrement.27


Statistique, développement etdémocratieYves Franchet 11 Ancien Directeur Général d’EUROSTAT.28


Il y a à peu près trois décennies, le service de coopération de l’INSEE décidait de lancer une nouvelle revueappelée STATECO. Son objectif était de promouvoir les échanges d’expériences entre producteurs et utilisateursde statistiques des pays du Tiers Monde, et s’adressait à tous les économistes, statisticiens, chercheurs intéresséspar ce sujet.STATECO atteint aujourd’hui son 100 e numéro, ce qui est l’occasion de faire le point sur l’objet de son activité.Au cours de ces trois décennies, le monde s’est profondément transformé. D’un certain côté il s’est unifié sousl’influence d’un capitalisme de marché dominant et amplifié par la progression fulgurante des technologies del’information.D’un autre côté, il s’est diversifié, les pays ne bénéficiant ni d’économies de marché ni de technologies del’information prenant un retard accru par rapport aux autres, et l’écart entre riches et pauvres s’accroissant aussifortement dans certains pays en évolution rapide.L’intégration européenne s’est fortement accélérée au cours de la période, à la fois pour le champ des secteursconcernés et le nombre de pays impliqués. La création d’une monnaie unique pour 11 pays membres acertainement été l’élément le plus marquant de cette accélération.La relation entre statistique, développement et démocratie est biunivoque : la mise en œuvre et le suivi de plansde développement sont de grands utilisateurs de statistiques, et conduisent à leur expansion, et le débatdémocratique engendre une demande de statistiques crédibles et indépendantes pour assurer son bondéroulement.Inversement l’existence de statistiques est une précondition du développement et de la démocratie. Comme l’adit le physicien Niels Boehr « Rien n’existe tant qu’il n’a pas été mesuré ». L’existence de statistiques permetd’envisager quel type de développement est nécessaire, et ses priorités. Elle assure qu’un début de dialoguesocial et de démocratie puisse exister.Les évolutions rapides du monde au cours des trois dernières décennies se sont traduites par une fortemodification dans la demande statistique, en raison notamment de la relation entre statistiques, développement etdémocratie.C’est en Europe que la statistique s’est le plus fortement modifiée. En raison de l’intégration et de l’expansion del’Union Européenne, une forte demande de statistiques strictement comparables s’est rapidement développée àpartir du début des années 80 dans les secteurs économique, financier, social et environnemental Cette demandea concerné les pays membres de l’Union européenne, les pays candidats à cette Union, les grands pays ougroupes de pays partenaires –tels que Chine, Russie, pays méditerranéens, pays du Mercosur.Dans chaque négociation entre l’Union Européenne et des pays tiers, la statistique fait toujours partie dessecteurs prioritaires de coopération. Les partenaires de la négociation en attendent une information indépendanteet fiable sur laquelle fonder leurs négociations politiques.Cette demande a conduit les systèmes statistiques des pays membres de l’Union Européenne à se constituer enréseau -« le Système statistique européen »-, et à une forte croissance des activités de coopération entre ce réseauet les pays tiers associés.L’existence d’une zone euro comparable à la zone dollar a donne lieu également à une révolution dans laproduction de statistiques infraannuelles de la zone euro, qui ont dû s’aligner sur les fréquences et la rapidité desstatistiques américaines afin de permettre un fonctionnement adéquat de la politique monétaire de la zone et desmarchés financiers.


4Enfin, le bon fonctionnement du marché européen et du débat démocratique dans les 25 pays membres a conduità transférer la majorité des publications statistiques sur internet, seul moyen permettant d’assurer rapidité dediffusion et égalité de traitement pour tous les utilisateurs.Cette évolution a trouvé un écho au niveau mondial où les travaux statistiques européens ont joué un rôlecatalyseur important dans la progression des normes statistiques internationales. Il faut noter à ce niveaul’importance accrue attachée à la qualité des statistiques pour les nouveaux membres de l’Organisation Mondialedu Commerce –e.g. la Chine -, et le lancement de « standards de qualité » pour les statistiques par le FMI, reprispar l’OCDE.Un autre volet important concerne les pays et les secteurs qui n’ont pas été au centre des transformations rapidesdes dernières décennies, et où les systèmes statistiques ne peuvent s’accrocher ni a une demande du marché, niau bon fonctionnement de régimes démocratiques. Cette situation concerne malheureusement beaucoup de paysafricains.Des efforts particuliers ont été réalisés pour assurer un développement minimum d’un appareil statistique qui neserve pas seulement les besoins des organisations internationales et des pays créanciers, mais réponde auxbesoins des acteurs économiques et sociaux nationaux.Parmi les actions essentielles entreprises au cours de ces décennies, quatre me paraissent à la fois significativeset importantes :- la création d’AFRISTAT à Bamako, centre de coordination régional pour la coopération statistique. Sous ladirection de Lamine Diop à partir de sa création puis de Martin Balepa depuis 2004, ce centre a réussi le parid’améliorer la qualité des méthodes et des données statistiques dans de nombreux secteurs et de nombreuxpays ;- la création de PARIS21, où un consortium de pays donateurs aide les pays les plus démunis àSTATECO N° 100, 2006


5se doter d’un appareil statistique permanent et servant à la fois les besoins des décideurs locaux etinternationaux ;- la création de DIAL, centre de recherche pour améliorer la connaissance du fonctionnement du secteurinformel et de son rôle dans l’économie, ainsi que des méthodes statistiques permettant une mesure plus rapideet légère des niveaux de pauvreté – e.g. enquêtes 1-2-3.- le lancement par les Nations Unies de l’Initiative Globale de développement pour le millénaire avec ladéfinition des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD).Il faut malheureusement noter aussi les difficultés rencontrées dans les écoles de statistique africaines en raisonde guerres civiles, notamment au Ruanda et en Côte d’Ivoire, alors que la formation de statisticiens à tous lesniveaux demeure une activité essentielle pour assurer le développement de la statistique.Que vont nous apporter les prochaines décennies dans le domaine statistique ? Il est probable que l’intégrationmondiale va continuer à progresser sous l’influence des technologies de l’information. Nous ne voyonsaujourd’hui que le début de leur influence sur la restructuration mondiale de la production et des échanges.Ces technologies sont pour la statistique une immense opportunité, et en même temps une forte menace si laproduction et la diffusion des statistiques ne se remet pas en cause radicalement pour répondre aux besoins d’unmonde en changement rapide et constant.Parmi les opportunités, je citerai la possibilité croissante de rendre compte d’une façon indépendante etuniverselle de l’état de santé de nos sociétés à partir d’indicateurs disponibles pour tous et permettant un débatdémocratique plus intense.STATECO a pendant toute son existence été très actif pour promouvoir l’échange d’expériences, entrechercheurs, statisticiens et praticiens du développement, du Nord et du Sud, remplissant ainsi le mandat qui luiavait été confié initialement. Dans notre monde en mouvement, le champ à explorer reste vaste.Je lui souhaite de longues années de succès dans ce domaine essentiel au bon fonctionnement des sociétésconcernéSTATECO N° 100, 2006


AFRISTAT : 10 ans d’appui auxsystèmes statistiques africains etprogramme stratégique de travailMartin BalepaGérard Osbert 8AFRISTAT, Observatoire économique et statistique d’Afrique subsaharienne, assuredepuis 1996 la mission de contribuer au développement des statistiques économiques,sociales et de l’environnement dans les Etats membres et de renforcer leurs compétencesdans ces domaines. AFRISTAT compte aujourd’hui 18 pays membres et a connu uneforte croissance de ses effectifs. Au cours de sa première décennie d’existence,AFRISTAT a fait ses preuves en concentrant ses actions selon six axes prioritaires :coordination statistique ; comptabilité nationale ; conjoncture ; diffusion ; statistiquespour le suivi des conditions de vie des ménages ; statistiques agricoles. Au cours de lapériode 2006-2010, le programme stratégique de travail d’AFRISTAT a pour ambitionde doter l’organisation d’un outil de gestion stratégique et d’offrir aux systèmesstatistiques des Etats membres un cadre pour les aider à bâtir leurs stratégiesstatistiques nationales. Le programme s’articule autour de six volets : renforcement descapacités institutionnelles ; appui pour le développement de systèmes d’information enrelation avec les stratégies de réduction de la pauvreté et des OMD ; appui pour lerenforcement des capacités de production statistique et d’analyse ; appui pour lerenforcement des capacités de diffusion ; recherche appliquée ; renforcement desmoyens de travail d’AFRISTAT.8 Martin Balepa est Directeur Général d’AFRISTAT et Gérard Osbert est expert dans cette organisation.


18Après une décennie d’existence marquéepar des performances confirmées,AFRISTAT entame son deuxième cycle defonctionnement à partir de janvier 2006.Cette deuxième phase de sondéveloppement correspond aussi à celle dela reconstitution du Fonds AFRISTAT quiassurera l’essentiel du financement de sesactivités pour la période 2006-2015.Le bilan des dix premières annéesd’activité d’AFRISTAT (1996-2005),présenté suivant les six domaines duProgramme Statistique Minimum Commun(PROSMIC), démontre qu’AFRISTATévolue dans un environnementd'organismes foisonnant et complexe,intervenant dans tous secteurséconomiques et sociaux et en particuliercelui du suivi de la pauvreté. Cecinécessite pour l’Observatoire de renforcerencore plus le cadre de programmation àmoyen terme de ses futures activités.Au vu des défis à relever, l’action d’AFRISTATdevra être renforcée pour permettre de mieuxaccompagner les Etats membres et améliorer lesconditions de travail de leurs systèmes statistiquesnationaux. Ces efforts porteront tant sur le planméthodologique qu’au niveau de l’organisation dela production afin de répondre de façon régulière etdurable à la demande de données et synthèsesstatistiques et d’anticiper sur les exigences desutilisateurs publics et privés en besoinsd’information statistique.Conçu pour donner une plus grande cohérencetechnique et financière aux interventionsd’AFRISTAT et d’en permettre un meilleur suivi,le Programme stratégique de travail d’AFRISTAT(PSTA) se veut être un cadre rigoureux de travail etune source d’inspiration pour les Etats membres etleurs partenaires techniques et financiers au coursde la période 2006-2010. Il fixe les choixstratégiques d’AFRISTAT en matière d’assistancetechnique aux Etats pour renforcer leurs capacitésde production statistique.Le PSTA vise aussi le renforcement du partenariatavec les institutions d’intégration sous-régionalesvers l’harmonisation des méthodes nécessaires auxpolitiques de convergence, ainsi qu’avec lesorganisations internationales et les organismesnationaux des pays qui œuvrent pour l’améliorationdes systèmes d’information dans la sous-région.Les Systèmes statistiques nationaux (SSN) restent àla fois les principaux bénéficiaires de l’actiond’AFRISTAT et ses partenaires privilégiés. Aucœur même de son activité, ils doivent contribuer àl’élaboration des plans d’action annuelsd’AFRISTAT.Historique et bilan de 10 années defonctionnement d’AFRISTATLa création de l’Observatoire économique etstatistique d’Afrique subsaharienne (AFRISTAT),le 21 septembre 1993 par les ministres del’Economie et des Finances des quatorze Etatsafricains qui formaient la Zone Franc 9 à l’époque, amarqué un tournant à la fois pour ces Etats et pourles pays d’Afrique centrale, d’Afrique de l’ouest etde l’océan indien qui ont plus tard rejointAFRISTAT, dans la formulation des politiquespour le développement de la statistique. Cette miseen place a coïncidé, au début des années 1990, avecle démarrage du processus de démocratisation quiimplique la nécessité pour tous les acteurs de la vieéconomique et sociale de disposer d’uneinformation statistique fiable et crédible pour labonne gouvernance des Etats. Depuis lors,AFRISTAT, dont les activités ont démarré enjanvier 1996, a apporté sa contribution positive auxproblèmes qui freinent la mise à dispositionrégulière d’une information statistiqueindispensable à la prise de décision.AFRISTAT est né dans un environnement de criseéconomique et financière marquée par la mise enœuvre des programmes d’ajustement structurelappuyés par la communauté internationale quisuscitaient une demande accrue de donnéesstatistiques à laquelle les Instituts nationaux destatistique (INS) avaient du mal à répondre.S’agissant des Etats de la Zone Franc, ladévaluation du Franc CFA en début 1994 a misencore en lumière la faiblesse des Systèmesstatistiques nationaux (SSN) à réagir à une telleexigence.Pendant la même période, la création desinstitutions d’intégration économique sousrégionalesétait confrontée à la difficulté dedisposer de données harmonisées et comparablespour la formulation des politiques d’intégration.Face à cette situation, l’action d’AFRISTAT devaitpermettre à ses Etats membres d’améliorer laproduction de données statistiques fiables et utiles9 AFRISTAT compte aujourd’hui 18 Etats membres :14 Etats fondateurs (Bénin, Burkina Faso, Cameroun,Centrafrique, Comores, Congo, Côte d’Ivoire, Gabon,Guinée Equatoriale, Mali, Niger, Sénégal, Tchad etTogo) et 4 Etats ayant adhéré depuis le démarrage desactivités (Cap-Vert, Guinée, Guinée-Bissau etMauritanie).STATECO N°100, 2006


19tant aux administrations publiques qu’au secteurprivé et à la société civile.C’est dans cette perspective qu’en septembre 2000,le Conseil des Ministres d’AFRISTAT adoptait leProgramme statistique minimum commun(PROSMIC), cadre de référence pour ledéveloppement de la statistique dans les Etatsmembres pour la période 2001-2005. Structuréautour de six domaines prioritaires (coordinationstatistique, comptabilité nationale, conjonctureéconomique et sociale, diffusion de l’informationstatistique, statistiques pour le suivi des conditionsde vie des ménages et de la pauvreté, et statistiquesagricoles), le PROSMIC définissait le socle surlequel les SSN devaient se construire pour sortir dela léthargie dans laquelle la plupart d’entre euxétaient installés.Bilan des dix premières années d’activitéd’AFRISTATCe bilan est présenté, de façon synthétique, pourchacun des six domaines du PROSMIC pourlesquels les principes de l’action sont d’abordrappelés avant de passer en revue les principalesactivités réalisées durant la période ou toujours encours.Domaine 1 : Coordination statistiqueUne des raisons des faibles performances dessystèmes statistiques nationaux est l’absence decoordination qui se traduit par une couvertureinsuffisante des statistiques, l’incohérence desdonnées et leur manque de comparabilité suite àl’emploi de concepts, de nomenclatures et deméthodes statistiques souvent incompatibles, et desdoubles emplois, sources de gaspillage deressources. Le rapport Propositions pour unprogramme statistique commun (décembre 1997)mettait en exergue la coordination, point clé pour lacrédibilité et l’efficacité de tout système statistique.La plupart des États membres d’AFRISTAT se sontefforcés depuis une dizaine d’années de mettre àjour leurs lois ou réglementations statistiquessouvent très anciennes, afin de les rendreopérationnelles.Activités réalisées ou en cours- Mise en place d’outils statistiques harmonisés :Les travaux ont commencé dès 1997 par desmissions exploratoires dans les pays membresau cours desquelles le travail sur lesnomenclatures d’activités et de produits a étéconsidéré comme prioritaire. Plusieursséminaires sous-régionaux ont été tenus sur lesujet entre 1998 et 2000. Les nomenclaturesont été adoptées en septembre 2000 : unvolume et un CD-Rom intitulés« Nomenclatures d’activités et de produits desEtats membres d’AFRISTAT » ont été publiés.Par ailleurs, la révision des nomenclatures deprofessions et de métiers est en cours. Diversespublications méthodologiques concernant ceséléments, dont le volume « Concepts etindicateurs du marché du travail et du secteurinformel » ont été publiées. La prochaine étapeest de s’assurer que les nomenclaturesd’activités et de produits sont réellementutilisées par tout le SSN.- Élaboration ou mise à jour des textes régissantle cadre légal de la coordination : AFRISTAT aorganisé des séminaires à l’intention desdirecteurs d’INS sur deux thèmes : (i) stratégie,gestion des ressources et pilotage d’unINS (Bamako, mai 1998) et (ii) problèmesinstitutionnels (Bamako, juin 2002). Parailleurs, des experts ou des consultantsd’AFRISTAT ont effectué des missions sur cesthèmes dans une douzaine d’Etats membres.Domaine 2 : Comptabilité nationaleLa comptabilité nationale fournit un cadresynthétique, cohérent et harmonisé pour l’analysemacroéconomique. Les agrégats de la comptabiliténationale jouent un rôle important dans lasurveillance multilatérale des politiqueséconomiques mises en place par les organismesd’intégration régionale d’où le projet « PIB pluscomparable » lancé pour les pays membres de laCommunauté économique des Etats de l’Afrique del’Ouest (CEDEAO) 10 .Activités réalisées ou en coursAmélioration des comptes nationaux :Ce domaine a bénéficié d’importantes contributionsde la Commission européenne et de la Coopérationfrançaise pour la conception et la mise au point dusystème ERETES 11 , logiciel d’aide à l’élaborationdes comptes nationaux, dans le cadre du projetPARSTAT (Programme d’Appui RégionalStatistique à la Surveillance Multilatérale) couvrantles pays de l’Union économique et monétaireOuest-africaine (UEMOA) 12 . Les objectifs étaientde :• mettre en place, au sein des INS, une unitéexclusivement chargée de l’élaboration descomptes nationaux ;10 CEDEAO : Communauté économique des Etats del’Afrique de l’Ouest (Gambie, Ghana, Liberia, Nigeria,Sierra Leone et pays de l’UEMOA).11 Le sigle ERETES a été choisi parce que ERE évoquel’équilibre ressources-emplois et TES évoque le tableauentrées-sorties.12 UEMOA : Union économique et monétaire Ouestafricaine(Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sénégal et Togo).STATECO N°100, 2006


20• structurer l’organisation des travaux decomptabilité nationale autour du systèmeERETES : ceci a été réalisé dans la douzainede pays suivant le calendrier ci-après(Tableau 1) ;• collecter et exploiter des sources statistiquespertinentes en vue d’améliorer lesestimations de comptabilité nationale :AFRISTAT a pu organiser et financer unatelier sur les statistiques d’entreprises(Bamako, mai 2003).- Poursuite des travaux d’harmonisationrégionale des méthodes d’élaboration descomptes dans le cadre du SCN 93 :L’harmonisation des méthodes d’élaborationdes comptes définitifs se fait dans le cadre del’implantation d’ERETES ; en mars 2001 le« Guide méthodologique pour l’élaboration descomptes nationaux dans les Etats membresd’AFRISTAT » a été publié.des retards accumulés dans la production descomptes définitifs et les conditions d’élaborationdes comptes provisoires ont été identifiés. TroisUn séminaire, portant sur l’élaboration des comptesprovisoires, a été organisé à Bamako en septembre2005 à l’intention des comptables nationaux de tousles Etats membres. Les pistes en vue du rattrapageSTATECO N°100, 2006


21pays pilotes (Cameroun, Burkina Faso etMauritanie) ont été retenus pour tester lesdifférentes méthodes préconisées.Tableau 1Calendrier de mise en place d’ERETESPays version début Année de base Années courantesBénin 2.0 Avril 2001 1999 2000 et 2001 en coursBurkina Faso 3.2 Avril 2001 1999 2001 et 2002 en coursCameroun 3.2 1994 1993 2003 et 2004 en coursCap Vert 3.2 Avril 2003 2002 En coursCentrafrique 2.0 1995 1988 1989-1996Côte d’Ivoire 2.0 1995 1996 2002 et 2003 en coursGabon 3.2 Décembre 2001 2002 et 2003 en cours2002Mali 2.0 1999 1997 1998-1999Mauritanie 2.0 1999 1998 2000 et 2001 en coursNiger 3.2 Novembre 2000 20012001Togo 3.2 Octobre 2002 2000 2001 en coursDomaine 3 : Conjoncture économique et socialeLe suivi des performances des programmesd’ajustement structurel et l’exercice de lasurveillance multilatérale nécessitent uneinformation conjoncturelle de qualité : prix,échanges extérieurs, finances publiques, productionindustrielle et agricole, environnementinternational, monnaie et crédit, etc. Les principauxfinanceurs de ce domaine ont été la Commissioneuropéenne à travers le projet PARSTAT et laCoopération française (FSP) pour l’indice des prixà la consommation et l’analyse conjoncturelle.Activités réalisées ou en cours- Élaborer ou améliorer les indices de laproduction industrielle : L’élaboration del’Indice de la Production Industrielle (IPI)devait bénéficier du projet PARSTAT etconcerner les Etats membres de l’UEMOA. Leprojet comporte la conception et l’implantationde l’indice rénové et l’élaboration d’un logicielde gestion de l’indice ; la phase de conceptiona été réalisée et validée en juin 2003.Actuellement, tous les Etats membres del’UEMOA, sauf la Guinée-Bissau, sontengagés dans le processus de rénovation del’IPI, dans le cadre de programmes nationauxou régionaux.- Élaborer ou améliorer l’indice des prix à laconsommation finale des ménages :AFRISTAT a pris la suite du projet communCoopération française/Union européenneexécuté par l’INSEE et Eurostat au bénéficedes pays de l’UEMOA. Ce projet avait permisde réaliser en 1996 une enquête sur lesdépenses des ménages dans toutes les capitalesdes pays concernés, d’établir les pondérationsde l’indice rénové, d’élaborer et d’installerdans les INS le logiciel CHAPO de traitementdes données et de former les agents des INS,assurant les premiers mois de collecte. Leprojet PARSTAT a permis d’installer l’indiceselon les mêmes méthodes en Guinée-Bissau,tandis qu’un projet de l’Union européenne leréalisait en Mauritanie.- Mettre en place ou améliorer un systèmeefficient de collecte des donnéesconjoncturelles : ces données sont rassembléesau sein des INS à l’occasion des séminairessemestriels sur la conjoncture au coursdesquels elles ont été analysées. Elles sontpubliées sur le site des INS. Ce dispositif resteencore dans la plupart des cas expérimental, larégularité restant un problème. La mise enplace des bases de données conjoncturelles esten cours.- Prévision et préparation des formats du bulletinet de la note de conjoncture : Deux séminairesde formation en modélisation macroéconomiqueont été organisés (Bamako 2001 et2003) et appliqués en Mauritanie et au Togo.Le format standard du bulletin de conjoncture aSTATECO N°100, 2006


22été défini et est utilisé par le Mali et par laMauritanie. AFRISTAT prépare les élémentssur l’environnement international et les faitparvenir aux pays qui les adaptent à leursconditions propres.- Former les cadres à l’analyse conjoncturelle :AFRISTAT a organisé deux séries deséminaires (par groupes de pays) afin d’amenerles prévisionnistes et statisticiens à échangerdes idées, des données, des expériences. Ceci adébouché sur une amélioration desprésentations faites des donnéesconjoncturelles. Des formations spécifiques àl’analyse conjoncturelle ont été montées enCôte d’Ivoire et au Sénégal à l’attention descadres de la Direction de la Prévision.Domaine 4 : DiffusionLa diffusion de l’information statistique est l’un desmaillons décisifs du processus qui permet desatisfaire les besoins des utilisateurs. Elle constituele meilleur moyen de juger de l’efficacité d’unsystème statistique national. Il s’agit de mettre enplace une politique de diffusion tenant compte desnouvelles exigences des utilisateurs utilisant lesnouvelles technologies disponibles. Un séminaireateliersur le thème « Stratégies de diffusion et decommunication » a été organisé à l’attention desdirecteurs d’INS (Bamako, mai 1999).Activités réalisées ou en cours- Créer ou dynamiser les centres dedocumentation des INS des pays membresd’AFRISTAT : Pour des raisons de coût,l’accès permanent et durable à Internet reste unproblème dans la plupart des pays. Afin demettre en place le réseau des centres dedocumentation, AFRISTAT organisera desséminaires destinés aux responsables.- Élaborer le cadre organisationnel et lescaractéristiques techniques des bases dedonnées centralisées : Certaines des activitésprévues sont menées dans le cadre d’un projetpilote de la Banque mondiale (Live Data Base)qu’AFRISTAT exécute depuis la mi-2004.- Mettre en place un site Internet au sein dechaque INS pour la diffusion des donnéesstatistiques : AFRISTAT, grâce au FSP de laCoopération française, mis en place en juin2002, s’est impliqué fortement : des missionsd’appui ont été réalisées dans tous les payspour démarrer les travaux, puis deuxséminaires ont été organisés (mai 2003 et juin2004), à Bamako ; la mise en ligne provisoireest suivie de deux mois de test et d’une missionconclusive d’un expert d’AFRISTAT. A la finde 2004, tous les pays (sauf les Comores)avaient leur site Internet opérationnel.- Définir le format standard des publicationsrégulières : Le format du bulletin de l’indicedes prix a été défini (pour les pays del’UEMOA, mais d’autres pays ont adopté lemême), de même que celui du bulletin deconjoncture.- Améliorer les relations avec les utilisateurs, lesrépondants et les médias : AFRISTATs’efforce, à l’occasion des missions techniquesde ses experts, d’être aussi présent que possibleà la Journée Africaine de la Statistique. Deuxséminaires sur le sujet ont été montés avec laBanque mondiale, à Bamako (mai 1999 etmars 2003).Domaine 5 : Statistiques pour le suivi desconditions de vie des ménagesLa lutte contre la pauvreté constitue un sujet depréoccupation majeure pour les gouvernements etles partenaires au développement. Pour évaluerl’impact des stratégies de lutte contre la pauvreté, lesuivi des conditions de vie des ménages est unimpératif absolu. Il convient donc de doter les Étatsmembres d'AFRISTAT des capacités statistiquesrequises. Parmi les projets ou autres contributionsqui ont permis à AFRISTAT d’avancer notablementdans ces réalisations figurent :- le PARSTAT, à travers les volets « emploi » et« secteur informel », qui s’est traduit par laréalisation d’enquêtes 1-2-3 dans 7 capitales del’UEMOA avec l’appui de DIAL (voir StatécoN°99 pour une présentation détaillée) ;- le programme PNUD de suivi des DSRP et desObjectifs du Millénaire pour le développement,qui concerne plus de 20 pays d’Afrique au suddu Sahara qui a démarré en 2004 ;- le FSP « renforcement des capacitésstatistiques » (Coopération française juin2002) ;- le projet pilote de l’ACBF (African CapacityBuilding Foundation) sur l’« amélioration de laqualité des statistiques sur l’emploi et lagestion des systèmes d’information du marchédu travail ».Activités réalisées ou en cours- L’objectif du programme PNUD est de doterles pays de systèmes d’information appropriés,cohérents et efficients permettant de répondreaux besoins de production et d’analyse, àintervalles réguliers, d’indicateurs pertinentspour le suivi-évaluation des DSRP et des OMDen :- concevant/améliorant au plan régional d’uncadre de référence pour le suivi des conditionsde vie des ménages à adapter aux conditionsspécifiques de chaque pays (ou groupes depays) ;STATECO N°100, 2006


23- définissant un socle minimum commun (enmatière d’information) du contenu desenquêtes permettant l’analyse de la pauvreté ;- développant des méthodes harmonisées decalcul des indicateurs de bien-être et dedétermination de seuils de pauvreté et organiserdes séminaires pour les adopter ;- Fondant les théories et techniques empiriquesde l’analyse de la pauvreté et des conditions devie des ménages.Par ailleurs, les autres contributions ont permis deconcevoir des modules de formation et d’organiserdes séminaires dans les domaines suivants :- Les ateliers organisés avec DIAL dans le cadredu volet « secteur informel » du projetPARSTAT (enquête 1-2-3) avaient déjàcontribué à atteindre l’objectif ;- Les fonds FSP ont permis d’organiser deuxséminaires sur les techniques de microsimulationspour l’évaluation des politiques dedéveloppement (en juin 2003 et octobre2004) ;- Élaborer des modules de formation à lastatistique et à l’informatique, destinés auxcadres des structures nationales et régionales del’éducation et de la santé : reste à faire.Domaine 6 : Statistiques AgricolesL’agriculture est le secteur qui occupe la majeurepartie des populations dans les États africains. Ellecontribue pour une part importante au produitintérieur brut et à la satisfaction des besoinsalimentaires. Enfin, la réduction de la pauvretépasse nécessairement par le développement del’agriculture, le secteur rural abritant la majeurepartie des pauvres.Activités réalisées ou en cours- Conception de méthodologies pour lesestimations annuelles de la productionmaraîchère (publication en 2004), de laproduction fruitière (publiée en 2001).Concernant le cheptel, un important séminairea été co-organisé avec la FAO (Bamako,mars 2001).- Élaboration et diffusion chaque année du bilanalimentaire à partir des disponibilités/utilisations des principaux produits de chaquepays : AFRISTAT est intervenu sur ce thèmelors d’un atelier co-organisé par la FAO etAFRISTAT (Bamako, avril 1999).- Harmonisation des méthodologies de toutes lesenquêtes exécutées par les différents servicesou organismes et portant sur les mêmesdomaines (production végétale, élevage, pêche)en vue d’assurer l’intégration et lacomplémentarité des sources de données- Archivage sur CD-ROM des fichiers, lesrésultats et les documents techniques desenquêtes et recensements sur l’agriculture,l’élevage et la pêche : Les recensements del’agriculture du Sénégal et du Togo et lerecensement du cheptel du Mali ont étéarchivés sur CD-Rom dans le cadre de projetspilotés par la FAO.Principal enseignement de l’évaluationd’une décennie d’activité : nécessitéd’un cadre de programmation renforcéAFRISTAT doit trouver sa place dans unenvironnement d'organismes foisonnant etcomplexe. Foisonnant parce que nombreux sontceux qui interviennent dans certains domaines(citons en premier lieu celui du suivi de lapauvreté). Complexe parce que chaque organismeintervient avec ses objectifs, ses règles defonctionnement, ses moyens d'intervention. Dans cecontexte, AFRISTAT, compte tenu de ses moyenslimités 13 , ne peut jouer que le rôle de« réconciliateur » des approches et desinterventions de ces organismes, consistant à êtrecomplémentaire avec dans les domaines qui sont desa spécialité et dans lesquels il a acquis uneexpertise forte et parfois unique.Dès sa création, AFRISTAT a repris certainesactivités déjà entamées dans le cadre descoopérations européenne et française (indices desprix, comptabilité nationale) et les spécialitésretenues pour les experts à recruter ont donné lespremières grandes orientations. Avec l'arrivéeprogressive des experts (dont le nombre est passéde 2 à 18 pendant la décennie) et la préparation deprogrammes généraux (PROSMIC) ou spécifiques(PARSTAT, programme biennal pour les paysd’Afrique centrale), les thèmes de l'activitéd'AFRISTAT se sont structurés.AFRISTAT établit depuis sa création unprogramme de travail annuel, prenant en compte à13 En 2005, AFRISTAT disposait d’une équipe de dix neufexperts dont six assistants techniques et un volontaireinternational de la Coopération française. En plus duDirecteur Général et du Directeur Général Adjoint,l’équipe technique était composée de trois comptablesnationaux, deux macro-économistes, d’un expert chargédu secteur productif, d’un expert en statistiquesagricoles, d’un expert en analyse de la pauvreté, d’unexpert en enquêtes auprès des ménages, d’un expert enstatistiques sociales, de trois statisticiens informaticiens,d’un chercheur en démographie, de deux experts ensystèmes d’information pour le suivi et évaluation desDSRP et des OMD et d’un expert en systèmed’information pour le suivi du marché du travail et del’emploi. L’équipe technique était assistée par lepersonnel d’appui administratif et technique composéd’une douzaine d’agents.STATECO N°100, 2006


24la fois les activités liées au fonctionnement internede l’observatoire et celles qui découlent de projetsexécutés par lui. Ce n'est qu'avec l’adoption duprogramme minimum commun (PROSMIC) qu'ona pu disposer d'un cadre global, qui a été au centredes travaux de ces huit dernières années, répondantaux attentes des pays membres et des partenaires audéveloppement.L’esprit du PROSMIC était de sortir les INS de lacrise qu’ils traversaient par le renforcementstatistique des Etats membres pour permettre auxstratégies de développement de reposer sur desinformations permettant de mesurer les progrèsaccomplis. Cependant, la mise en œuvre duPROSMIC a connu un certain nombre de limitesliées en partie aux difficultés de mobilisation desfinancements pour l’ensemble des Etats(Charoy, 2004). Outre les constats faits sur lesforces d’AFRISTAT, le bilan-évaluation de sesactivités, réalisé à mi-parcours de sa premièrepériode de fonctionnement (Watson et alii, 2003),avait recommandé un cadre plus rigoureuxd’activités « afin de donner une plus grandecohérence technique et financière à sesinterventions et d’en permettre un meilleur suivi ».Le Programme stratégique de travail d’AFRISTATpour la période 2006-2010 (PSTA) constitue cecadre ; il a pour ambition une meilleure adhésiondes Etats et répond à un double but :- doter AFRISTAT d’un outil de gestion,d’anticipation, de coordination et demobilisation de ressources pour la période sousrevue ;- offrir aux Systèmes statistiques nationaux desEtats membres un cadre dont ils devraients’inspirer pour bâtir leurs stratégies nationalesde développement de la statistique.Ce programme donne un contenu à ce que seral’action d’AFRISTAT au cours des cinq prochainesannées en vue du renforcement des capacitésstatistiques de ses Etats membres dans le contexte,d’une part, du suivi et évaluation des stratégies deréduction de la pauvreté ainsi que des Objectifs dumillénaire pour le développement (OMD), etd’autre part, de l’élaboration de systèmesd’information pour la gestion du développementaxée sur les résultats.Le Contexte général et la vision àlong terme d’AFRISTATAperçu de l’environnement statistiquedans la zone d’intervention d’AFRISTATLes pays africains subsahariens en général, et ceuxrelevant de l’aire géographique d’interventiond’AFRISTAT en particulier, traversent depuisbientôt trois décennies une période de criseéconomique et de mutations socio-politiques quiont des répercussions sur le développement de lastatistique dans cette zone et dont l’influence sur lademande en données statistiques est déterminante.En effet, les années 80 ont été marquées parl’aggravation de la crise économique et financièreet par la généralisation dans ces pays del’application des Programmes d’ajustementstructurel (PAS) suivis de leurs volets « Dimensionsociale de l’ajustement » impulsés par lesinstitutions de Bretton-Woods. Ces PAS avaientcréé une forte demande de données statistiquespertinentes à laquelle les SSN ne s’étaient pastoujours préparés à répondre efficacement.L’orientation des politiques vers le rétablissementdes grands équilibres macroéconomiques a eu pourcorollaire la concentration des rares moyensdisponibles pour l’élaboration de comptesnationaux, de statistiques des finances publiques etde balance des paiements au détriment desstatistiques sociales ou sectorielles (agriculture,santé, éducation, emploi, etc.). La priorité a étéaccordée aux statistiques économiques au détrimentdes statistiques sociales. Par ailleurs, il convient deremarquer que la production statistique nerencontrait pas toujours les mêmes problèmes, enparticulier institutionnels et budgétaires, selonqu’elle était assurée par tel ou tel organisme,notamment les banques centrales pour ce qui est desstatistiques monétaires et de la balance despaiements 14 .Après deux décennies de mise en œuvre des PAS,les résultats des réformes structurelles engagées ontété contrastés avec de bonnes performances macroéconomiqueset des faibles niveaux dedéveloppement social traduisant l’aggravation desinégalités et la faiblesse persistante du niveau de viedes populations. Face à ces résultats mitigés, lacommunauté internationale a tenu d’importantesréunions au sommet (Développement social àCopenhague en 1995, Développement à Librevilleen 1999, Objectifs du millénaire pour ledéveloppement à New York en 2000, etc.) en vuede redéfinir de nouvelles stratégies dedéveloppement axées sur :- la nécessité de réorienter les politiques deDéveloppement vers les stratégies de réductionde la pauvreté (SRP), avec la mise en place del’initiative «Pays pauvres très endettés»(PPTE) ;14 Dans les Etats de l’UEMOA et de la CEMAC, lesbalances de paiement sont confectionnées par la banquecentrale sauf au Cameroun où elle est du ressort duministère de l’Economie et des Finances.STATECO N°100, 2006


25- la mobilisation des moyens pour atteindre lesObjectifs du millénaire pour le développement(OMD) à l’horizon 2015.Plus récemment, la Table ronde internationale deMarrakech, tenue en février 2004, a mis l’accent surla nécessité d’assurer le suivi et la gestion dudéveloppement axée sur les résultats 15 . La mise enœuvre de toutes ces initiatives requiert uneimportante masse d’informations statistiques queles SSN doivent pouvoir fournir dans les conditionsadéquates, notamment dans le respect des principesfondamentaux de la statistique publique, desrecommandations du Système général de diffusiondes données (SGDD) du FMI et des exigencesénoncées par la rencontre de Marrakech.Ainsi, le retour à une pratique de la planification dudéveloppement, pour la mise en œuvre de stratégiesde lutte contre la pauvreté, réhabilite le rôle desservices d’aide à la décision. L’élaboration duDSRP, sa mise en œuvre et la nécessité d’évaluerses résultats apparaissent comme une opportunité,mais comportent aussi des risques pour les SSN.Opportunité car toutes les parties prenantes dans leprocessus DSRP ont besoin d’informationsstatistiques fiables et sont disposées à assurer lefinancement de leur production. Risques car lesutilisateurs souhaitent obtenir un grand nombred’indicateurs complexes qui ne peuvent êtrecalculés que si l’on dispose de données statistiquespertinentes dont la production demande à la foisplus de temps, des bases appropriées et desarbitrages émanant de plusieurs échelons dedécision.Sur le plan socio-politique, au début des années 90,le processus de démocratisation, avec sescorollaires de décentralisation et dedéconcentration, a fait prendre conscience par tousles acteurs du développement socio-économique etculturel de la nécessité de disposer d’uneinformation fiable pour alimenter la bonnegouvernance prônée par le Nouveau partenariatpour le développement de l’Afrique (NEPAD) et àtravers le Mécanisme africain d’évaluation par lespairs (MAEP). Le contexte actuel de libéralisationdes économies et de mondialisation a suscité lebesoin et la nécessité d’une intégration économiqueplus poussée des pays de la région. C’est dans cetteoptique qu’ont vu le jour en 1994, l’Unionéconomique et monétaire ouest-africaine (UEMOA)et la Communauté économique et monétaired’Afrique centrale (CEMAC) 16 qui regroupentquatorze des dix sept Etats membres d’AFRISTAT.15Cf. www.worlbank.org/data/results.html et lenuméro 28 de La Lettre d’AFRISTAT.16CEMAC : Communauté économique et monétaired’Afrique centrale (Cameroun, Centrafrique, Congo,Gabon, Guinée Equatoriale et Tchad).Ces efforts d’intégration exigent des donnéesstatistiques comparables élaborées selon desméthodologies harmonisées.A la veille du démarrage du deuxième cycle defonctionnement d’AFRISTAT, malgré unecroissance honorable de 5% des économies de lasous-région et l’accroissement de 2,7% du PIB partête en 2004, les inégalités sociales et la pauvretépersistent, et l’espoir de voir la pauvreté se réduirede moitié d’ici à 2015 s’amenuise. Les stratégies dedéveloppement des prochaines années devront doncreposer sur des données plus abondantes et desévaluations pertinentes afin de guider les décideursavec plus d’objectivité. AFRISTAT a tenu comptede ces évolutions dans la conception de sonprogramme stratégique de travail 2006-2010.Analyse du mécanisme d’appui aux SSNdes Etats membresLa finalité du système statistique : satisfaire lademande finançable de données statistiquesPour apporter un appui efficace aux SSN de sesEtats membres ainsi qu’au processusd’harmonisation régionale, AFRISTAT et lesInstituts nationaux de statistique (INS) doiventavoir une vision commune des problèmes et dessolutions à leur apporter. Cette vision consisted’abord à bien distinguer le « système statistique »qui est un système productif associant les INS et lesservices statistiques sectoriels, du « systèmed’information statistique » qui organise les donnéesproduites en un système d’information cohérent.La donnée statistique est le matériau utilisé dans leprocessus d’aide à la décision, qui permet d’étayerune évaluation, une étude, une simulation d’effetsde politiques, etc. Ce sont les services etorganismes chargés de ce type de travaux pour lesadministrations, les grandes entreprises, lesorganisations patronales, les centrales syndicales, lasociété civile, etc., qui sont les véritablesdemandeurs de données statistiques, influençant dece fait la définition de la demande. C’est pourquoile moteur de la statistique réside dans ces servicesd’aide à la décision : planification, prévision,stratégie de développement et de lutte contre lapauvreté, etc.Problèmes spécifiques des SSN : desfinancements insuffisants et des capacitésinstitution-nelles peu adaptéesDans bon nombre de pays, les capacités statistiquesn’ont pu être maintenues et sont devenues si faiblesque les systèmes statistiques nationaux ne sont plusen état de répondre à un réveil de la demande. Ilfaut, en effet, un effort soutenu pendant plusieursannées pour restaurer la qualité des répertoires etSTATECO N°100, 2006


26bases de sondage ou pour reconstituer des équipesde professionnels compétents. Pendant la périodedes programmes d’ajustement structurel, laproduction statistique est devenue très faible car lesministères du Plan ont vu se réduire leur influence ;les INS n’ont produit les statistiquesmacroéconomiques qu’avec beaucoup de difficultéset de retard. Aujourd’hui, une demande plusstructurée semble se construire autour des besoinsde suivi et évaluation des DSRP et des OMD.Non soumis à une pression des utilisateursnationaux, les décideurs politiques n’ont plusaccordé au SSN les moyens indispensables pourassurer la production statistique, et encore moinsceux pour maintenir sa capacité de production. Enréaction, la tendance actuelle est souvent deconsidérer que, puisque les partenaires techniqueset financiers sont les seuls à accorder del’importance à l’information statistique, il leurrevient de la financer. Enfin, la faiblesse de laculture statistique et le mauvais fonctionnement desinstances de concertation permanente, comme leConseil national de la statistique, constituent lesprincipaux freins du développement de la statistiquedans ces Etats.Vision à long terme d’AFRISTATLa vision d’AFRISTAT est de faire de la statistiqueune réalité quotidienne dans les Etats membres entant qu’instrument d’intégration économique et unoutil incontournable pour la formulation, la mise enœuvre et le suivi et évaluation des programmes etprojets mis à la portée de tous, politiques, décideurspublics, secteur privé et société civile. Ceci exigerad’AFRISTAT, d’ici dix ans, de bénéficier toujoursplus de la confiance de ses Etats membres, desorganisations sous-régionales auxquelles ilsappartiennent et de leurs partenaires techniques etfinanciers. L’institution sera renforcée dans sonsavoir-faire et ses compétences pour mieux servir ledéveloppement en Afrique subsaharienne endynamisant les SSN dans leurs rôles essentiels deprincipaux fournisseurs de données statistiques.Pour ce faire, AFRISTAT s’attachera à assurerl’expansion de son action dans tous les domaines dela statistique sociale, économique etdémographique.AFRISTAT est ainsi devenu un lien indispensableentre les SSN, prouvant une réelle appropriation del’institution par ses États membres. Bon nombred’organisations internationales, régionales et sousrégionalesont su tirer parti d’une collaborationétroite avec AFRISTAT confirmant ainsi saréputation de pôle de compétence en Afriquesubsaharienne en matière de renforcement descapacités statistiques. Cependant, de nombreuxdéfis en matière d’information statistique restent àrelever pour permettre d’accompagner plusefficacement les Etats membres dans leur recherchede solutions.Encadré 1 : Demande finançableLa demande finançable de données statistiquesEn tant que système productif, le système statistique doit satisfaire les besoins des utilisateurs grâce à uneproduction régulière et durable.La demande est qualifiée de « finançable » lorsque la production est régulièrement et efficacement prise encharge pour couvrir les besoins exprimés par les utilisateurs. Une telle demande ne couvre que les besoins quisont accompagnés de financement.Les données statistiques constituent un bien public qui doit être mis à la disposition de tous. Leur productiondoit être financée majoritairement par la puissance publique selon les capacités de production de l’INS et desservices sectoriels. La production statistique est donc le résultat d’une négociation entre trois parties : lesfinanceurs, notamment la puissance publique, les utilisateurs (actionnés par des initiatives internationales) et lesproducteurs.Défis en matière d’informationL’information et le savoir émergent aujourd’huicomme de nouvelles ressources économiques et desfacteurs de compétitivité internationale.L’émergence d’une la société de l’informationreprésente l’un des moyens puissants de sortirl’Afrique de la pauvreté. Ainsi, l’informationconstitue-t-elle une ressource économique 10 que les10 Cf. les travaux de la quatrième réunion du CODI(Comité de l’information pour le développement de laCEA) sur le thème « Information comme ressourceéconomique », Addis-Abeba (Ethiopie), 25-28 avril 2005.STATECO N°100, 2006


27Etats devraient développer. Dans ce contexte,la donnée statistique représente une part importantede l’information dont la diffusion doit être assuréepar des outils appropriés, notamment les nouvellestechnologies de l’information et de lacommunication. Les activités d’AFRISTAT, enparticulier ses études et recherche appliquée,devront désormais être organisées sous cettenouvelle dynamique pour aider les décideurs àgérer au quotidien et à anticiper leurs actionsfutures sur la base d’une information fiable etrendue régulièrement disponible.Encadré 2Données et informationIl faut faire la distinction entre « donnée » et « information » (ECA, 2005). Les données ne sont que des élémentsd’information élémentaires qui, sans interprétation et/ou analyse, ont peu de signification et de valeur. Ainsi, cequ’on appelle la pyramide du savoir se présente de gauche à droite de la manière suivante (Arkoff, 1989) :Données ⇒ Information ⇒ Connaissances ⇒ SavoirDans un de ses rapports sur le développementhumain en Afrique (PNUD, 2000), le PNUD faitune synthèse des défis majeurs des pays africains ence début du XXI ème siècle :- les défis économiques (croissance économiqueet lutte contre la pauvreté, financement dudéveloppement, mondialisation etdéveloppement) ;- les défis politiques et institutionnels(gouvernance et démocratisation, paix etstabilité politique, vision et planification dudéveloppement humain) ;- les défis sociaux (sécurité alimentaire, santé,éducation, emploi) ;- les défis de l’environnement et ceux du genre.Ainsi, AFRISTAT devra étendre son appui àd’autres domaines encore non couverts. Ainsi,l’institution élargira, au cours des prochainesannées, ses compétences sur l’étude de lapopulation. Aux côtés des institutions comme laDivision de statistique des Nations unies et leUNFPA, AFRISTAT s’impliquera dans les travauxde la série des recensements de 2010. De même, ilse donne pour ambition de s’ouvrir à l’ensembledes statistiques sociales, notamment à l’état civildont le bon fonctionnement conditionne l’existencemême d’un Etat. En plus des compétences acquisesdans le domaine des statistiques économiques etdont le développement sera poursuivi, AFRISTATdéveloppera sa fonction « statistiques sociales » parla mise en place d’une expertise pour satisfaire lademande des Etats membres et des institutionsd’intégration économique sous-régionales.En matière d’environnement, de démocratie, dedroits de l’homme et de gouvernance, il n’existepas encore de cadre statistique bien défini dans lesEtatsmembres. Compte tenu de l’impact de ces conceptssur la gestion du développement, il importe d’enfixer le contenu dans les prochaines années.AFRISTAT s’associera aux partenaires qui œuvrentd’ores et déjà dans ces domaines. La période 2006-2010 sera marquée largement par la lutte contre lapauvreté et la poursuite de l’atteinte des OMD en2015. Les Etats membres d’AFRISTAT sontpleinement conscients de l’importance de lamesure et de l’évaluation régulière des progrèsaccomplis dans le cadre du suivi et évaluation desstratégies mises en œuvre. Dès lors, la disponibilitéd’une l’information « chiffrée » devientincontournable pour assurer une gestion optimaledu développement. Les missions d’AFRISTATdevront s’adapter à cette nouvelle planification pluscontraignante car elle :- est fondée sur une redéfinition du rôle desacteurs du développement (Etat, collectivitésterritoriales, secteur privé, société civile) ;- s’appuie sur la concertation, la consultation etla participation de tous les acteurs concernés,dans le cadre d’un système politiquedémocratique et pluraliste ;- s’inscrit dans la gestion du développement despays membres et assure une cohérence entre leshorizons temporels de long, moyen et courttermes ;- prend en compte le processus dedécentralisation afin d’assurer la cohérencespatiale du développement et la placeessentielle de la dimension environnementale ;- accorde une grande importance audéveloppement des ressources humaines avecune attention particulière au rôle de la femme ;- prend en compte le processus d’intégrationrégionale et sous-régionale.STATECO N°100, 2006


28Stratégie d’intervention : objectifset contenu du programme straté–giquePrenant en compte l’ensemble des besoins présentésci-dessus, le Programme Stratégique de Travaild’AFRISTAT (PSTA) se veut être le socle del’ensemble des plans d’intervention annuels del’organisation. Ce programme baliseral’établissement des programmes de travail de sesexperts en précisant dans quel domaine, sous quelleforme et sur quel financement ils pourrontintervenir au cours de la période 2006-2010. Cefaisant, il oriente aussi le programmed’investissement qu’AFRISTAT se propose deréaliser pour développer sa capacité d’intervention.Le PSTA servira de fil conducteur aux Etatsmembres pour l’élaboration de leurs stratégiesnationales de développement de la statistique : basede référence pour le choix des orientationsstratégiques, le PSTA constituera une plate-formede compétences techniques mise à la dispositiondes Etats. Afin de prolonger et rendre plus efficacel’initiative d’AFRISTAT de se doter d’unprogramme stratégique de travail, il convient queles Etats membres se dotent aussi d’une stratégiepour, à la fois, susciter une demande durablementfinançable et créer la capacité de la satisfaire.Enfin, le PSTA sera un cadre fédérateur desinitiatives de développement de la statistique dansles Etats membres. A ce titre, son exécution éviterales doubles emplois et renforcera une utilisationrationnelle des ressources en contribuant à larecherche de synergies entre les différentsintervenants (Etats membres, PTF tant aux niveauxinternational, régional que sous-régional, etc.). Lesplans d’action, qui en découleront, seront flexibleset glissants afin de permettre au Comité de directionde les approuver chaque année en tenant compte del’évolution de la situation dans les Etats membres.Objectif global du programmeL’objectif global visé par le PSTA estd’accompagner chacun des Etats membres dans laformulation, la mise en œuvre et le suivi etévaluation d’une stratégie nationale dedéveloppement de la statistique (SNDS) enharmonie avec les autres stratégies nationales dedéveloppement. Au regard de l’objectif global,l’activité d’AFRISTAT sera, au cours dela période 2006-2010, centrée sur les cinqaxes 17 suivants :1. apporter un soutien et une assistance techniqueaux systèmes statistiques nationaux des Etatsen matière d’organisation pour ledéveloppement de la statistique ainsi que dansle domaine de la formation ;2. contribuer au développement des systèmesd’information pour la conception, la mise enœuvre et le suivi et évaluation des stratégies deréduction de la pauvreté ainsi que pour la miseen œuvre des Objectifs du millénaire pour ledéveloppement ;3. apporter un appui aux Etats d’Afriquesubsaharienne pour le renforcement descapacités de collecte, de traitement et d’analysedes données statistiques, et d’élaboration desynthèses statistiques et économiques ;4. développer et contribuer à développer les basesde données dans les Etats et renforcer lescapacités de diffusion des données statistiques ;5. contribuer à la recherche appliquée en vue dedévelopper des méthodologies adaptées auxcapacités des systèmes statistiques nationauxdes Etats.De façon complémentaire, la mise en œuvre de lastratégie suppose le renforcement des moyens detravail d’AFRISTAT, basée sur la revue et larestructuration de la Direction générale pour faireface aux nouveaux défis. Le volet investissementd’AFRISTAT comprendra non seulement lesactions de recherche appliquée, mais également unrenforcement des capacités propres d’AFRISTAT.Articulation et cadre logique du PSTApour 2006-2010Pour atteindre l’objectif global, le PSTA s’articuledonc autour des six volets suivants pour lesquels,un objectif général et des objectifs spécifiques ontété fixés et les résultats attendus et activitéscorrespondantes ont été identifiés.Volet I : Renforcement des capacitésinstitutionnelles des Etats membres et desinstitutions d’intégration économique sousrégionalesen matière d’organisation dessystèmes statistiquesL’objectif général de ce volet est d’apporter unsoutien et une assistance technique aux SSN enmatière d'organisation institutionnelle, d'élaborationde stratégies de développement de la statistique etde formation statistique. Les actions entreprises en17 Cf. Compte rendu de la 14 ème session du Conseil desMinistres d’AFRISTAT tenue le 6 avril 2005 à Cotonou(Bénin).STATECO N°100, 2006


29faveur des Etats membres seront complémentaires àcelles des institutions d’intégration économiquesous-régionales dans ce domaine. AFRISTATrenforcera ainsi son assistance aux Etats dans lesdomaines suivants :- la révision et/ou l’élaboration de projets detexte relatifs à l’organisation de l’activitéstatistique ;- l’élaboration ou la révision de stratégiesnationales pour le développement de lastatistique ;- l’élaboration d’outils de gestion des servicesstatistiques ;- la recherche des opportunités de financementextérieures des activités statistiques.Les principales activités seront de veiller à informerrégulièrement les SSN sur les cadresméthodologiques et des logiciels existants enmatière de collecte et de traitement des donnéesstatistiques et d’organiser, aussi souvent quepossible, des séminaires d’information et de mise àniveau sur ces outils en collaboration avec lespartenaires.AFRISTAT développera sa participation auxactivités des écoles de formation statistiqued’Abidjan, Dakar et Yaoundé qui formentactuellement l’essentiel des cadres statisticiens desSSN ; ce partenariat portera sur la prise en chargede certains enseignements et/ou la co-organisationde séminaires et l’accueil des stagiaires. Dans lemême ordre d’idées, les relations entre AFRISTATet les institutions d’intégration sous-régionalesseront plus suivies. Le produit final de cepartenariat AFRISTAT/écoles/institutions d’inté–gration sous-régionales devrait être l’élaboration etla mise en œuvre d’une politique régionale deformation statistique, notamment de formationcontinue.Volet II : Appui pour le développement desystèmes d’information pour la mise en œuvre etle suivi et évaluation des stratégies de réductionde la pauvreté et des OMDL’objectif général consiste à appuyer les États dansle développement des systèmes d’information pourla mise en œuvre, le suivi et évaluation desstratégies de réduction de la pauvreté et desObjectifs du millénaire pour le développement.Trois objectifs spécifiques sont visés dans ce volet :- participer à l’élaboration des méthodologiespeu coûteuses de collecte et de traitement dedonnées démographiques par des enquêtes etrecensements, y compris l’état civil, et aider lesEtats membres à les mettre en œuvre ;- apporter un appui aux SSN dans l'élaborationde systèmes d'information de suivi desstratégies sectorielles (emploi, éducation, santéet développement rural, etc.) ;- assister les États membres dans ledéveloppement des systèmes d’informationopérationnels pour le suivi et évaluation desDSRP et des OMD.Volet III : Appui pour le renforcement descapacités de collecte, de traitement et d’analysedes données statistiques et d’élaboration desynthèses statistiques et économiquesSous cet objectif général, deux objectifs spécifiquesont été identifiés : (i) renforcer les capacités desÉtats membres en matière de collecte et detraitement des données statistiques économiques et(ii) renforcer les capacités d’élaboration desynthèses statistiques et d'analyses économiques.Ceci impliquera, entre autres, que :- des cadres méthodologiques et outils communspour la collecte, le traitement et l’analyse desdonnées statistiques économiques soientélaborés avec la participation des Étatsmembres et des institutions d'intégration sousrégionaledans les secteurs moderne et informel(agriculture, entreprises, commerce, artisanat,tourisme, etc.) ;- des appuis à la production et à l'analyse desdonnées de conjoncture économique et socialeainsi qu’à la prévision et à la modélisationmacroéconomique soient régulièrement apportéaux États membres ;- des appuis à la production des comptesnationaux conformes au SCN93.Volet IV : Appui pour le renforcement descapacités de diffusion de l’informationstatistiqueL’objectif général poursuivi est d’apporter uneassistance technique aux systèmes statistiquesnationaux selon deux objectifs spécifiques :1. Apporter un appui aux États pourl’appropriation des nomenclatures et la maîtrisede l’utilisation des logiciels courants enmatière statistique.2. Apporter un appui aux SSN pour mettre enplace des bases de données socioéconomiquescentralisées, assurer l'archivage des données etdévelopper des systèmes d'information pourune meilleure diffusion des résultats produits.Volet V : Recherche appliquée en vue dudéveloppement des méthodologies adaptées auxSSN des Etats membresLa création du Centre de recherche appliquéed’AFRISTAT (CERA) répond à la demandeexprimée par les États membres d’AFRISTATd’accroître ses missions d’analyse et de valorisationdes informations statistiques. Les approchesrégionales et comparatives sont encouragées Ellerépond également à une demande de formationSTATECO N°100, 2006


30continue des personnels des INS, des Écoles destatistiques et d’économie et d’AFRISTAT.L’essentiel des activités du CERA, au cours descinq prochaines années, se réalisera dans le cadrede la convention de partenariat entre AFRISTAT etDIAL 18 (à travers l’Institut de Recherche pour leDéveloppement), par une contribution en ressourceshumaines des deux organismes partenaires.Le programme de travail, fixé par DIAL etAFRISTAT, a pour objectif général de « contribuerà la recherche appliquée en vue du développementdes méthodologies adaptées aux capacités dessystèmes statistiques nationaux des États membresainsi que pour la formulation et le suivi etévaluation des politiques de développement ». Troisobjectifs spécifiques sont visés :1. poursuivre l’investissement méthodologiquedans le domaine statistique afin de valoriser lestravaux d’enquêtes des États ayant bénéficiéd’un appui d’AFRISTAT et de pérenniser lesdifférents dispositifs nationaux ;2. mener des activités d’analyse et de rechercheappliquée centrées sur les enquêtes ménages,avec des élargissements dans le domaine desprévisions ;3. procéder à des échanges et à une valorisationdes résultats obtenus à travers des publications,des communications, l’accueil de chercheurs,etc. dans un but d’insertion dans lacommunauté scientifique (économique etstatistique).Volet VI : Renforcement des moyens de travaild’AFRISTATL’objectif général de ce volet est de compléter leprogramme d’investissement d’AFRISTAT en ledotant de moyens de travail permettant la mise enœuvre des cinq précédents volets en :- renforçant les ressources humaines, matérielleset financières d'AFRISTAT ;- faisant mieux connaître l’organisation (sonstatut, ses missions, ses activités, ses réussites,etc.) à travers des actions de sensibilisation etde communication bien ciblées.Cadre logique des activités du PSTA etplans d’action annuelsLe PSTA constitue le document de référence pourla programmation des activités d’AFRISTAT pourla période 2006-2010. Cette programmation seradéclinée annuellement de façon glissante, lesactivités programmées pour une année qui18 DIAL (Développement, Institutions et Analyses de Longterme) est une unité de recherche de l’IRD et ungroupement constitué par l’IRD et l’AFD avec le soutiende l’INSEE et du ministère français des Affairesétrangères.n’auraient pas exécutées devant pouvoir êtrereprogrammées pour l’année suivante. L’inscriptiond’une activité au plan d’action annuel répondra auxcritères suivants :- niveau élevé de préparation technique del’activité ou du projet ;- disponibilité de ressources financières pour laréalisation de l’activité ;- existence au niveau d’AFRISTAT del’expertise requise pour la réalisation del’activité ou l’assurance de pouvoir fairerecours à l’expertise extérieure le cas échéant ;- le respect du principe de subsidiarité.La mise en œuvre du PSTA incombe à la Directiongénérale d’AFRISTAT, qui tient compte desapports des Etats bénéficiaires et des appuis despartenaires techniques et financiers. Le suivirégulier est assuré par la Direction générale et parles différentes instances statutaires d’AFRISTAT.Modalités de mise en œuvre du PSTALa Direction générale préparera des plans d’actionchaque année, qui seront approuvés et adoptésconformément aux dispositions du Traité portantcréation d’AFRISTAT. Des programmes de travailindividuels des experts à usage interne pour le suiviquotidien de l’exécution des activités sont alorsélaborés.La bonne exécution du PSTA est fonction d’unecollaboration suivie des SSN ou des institutionsbénéficiaires, qui sont impliqués selon l’approcheparticipative à la programmation effective de cettemise en œuvre. Dans cette perspective, chaque SSNet chaque institution d’intégration économiquesous-régionale doivent disposer d’un plan d’actionannuel de ses activités statistiques, issu de sastratégie nationale statistique, pour donner plus devisibilité à l’action d’AFRISTAT.Intervenants et partenariatLe PSTA est exécuté par les experts d’AFRISTATen partenariat avec les SSN, les institutionsd’intégration économique sous-régionales et lespartenaires techniques et financiers. Des consultantspeuvent aussi être sollicités pour renforcer l’équiped’experts.Le PSTA vise aussi le renforcement du partenariatavec les institutions d’intégration sous-régionalesen vue de favoriser l’harmonisation des méthodesde traitement et d’analyse des données nécessaires àleurs politiques de convergence, et les organisationsinternationales et des organismes nationaux despays qui œuvrent pour l’amélioration des systèmesd’information dans la sous-région.STATECO N°100, 2006


31Avec les organisations d’intégration économiquesous-régionale et les banques centrales des Etats,AFRISTAT développe des relations de travail dansle domaine de l’harmonisation des méthodes et desconcepts tout en leur apportant l’appui techniquenécessaire dans leurs travaux statistiques. Cerenforcement de partenariat reste cependantindissociable du principe de subsidiarité, c’est-àdirele partage des rôles respectifs entre AFRISTATet les partenaires sous-régionaux.Des partenariats techniques avec les organisationsinternationales et les organismes nationaux d’autrespays sont recherchés pour bénéficier de leursexpériences et savoir-faire et partager l’ensembledes travaux réalisés par AFRISTAT. Au cours de lapériode 2006-2010, AFRISTAT cherchera à nouerou renforcera ses relations de travail avec la Banquemondiale, le FMI, la BAD, l’OMS, l’UNICEF,l’UNESCO, la FAO, le FNUAP, le PNUD, lesdépartements techniques du Secrétariat général desNations unies, la CEA, ACBF, etc. AFRISTATpoursuivra avec l’appui de l’INSEE, de l’AFD,d’EUROSTAT, de la BAD, la recherche desméthodes harmonisées pour la rénovation descomptes nationaux avec l’utilisation du systèmeERETES.Suivi et évaluationLe programme fera l’objet de suivi et d’évaluationsur la base d’instruments appropriés. Tout d’abord,le plan d’action annuel sera traduit en programmesde travail individuels d’experts, suivistrimestriellement. A la fin de chaque année, unrapport sur l’état d’exécution du plan d’actionannuel sera élaboré et soumis au Conseilscientifique et au Comité de direction pour examenet adoption.Au cours de la troisième année d’exécution duPSTA, un rapport sur l’état d’exécution à miparcourssera élaboré et le PSTA ajusté enconséquence. Une évaluation finale marqueral’achèvement du programme. Une évaluationexterne pourra aussi être réalisée dans le but demener une étude indépendante pour relever lesinsuffisances et dysfonctionnements en vue deformuler des recommandations pour la suite desactivités d’AFRISTAT. Le cadre logique desactivités et les rapports d’étape seront lesprincipaux outils de base pour réaliser cetteévaluation.Conclusions : les conditions de laréussiteLes principes qui ont présidé au fonctionnementd’AFRISTAT avant 2006 doivent être maintenus etrenforcés, ce sont :- le statut d’organisation internationale deservice public selon lequel AFRISTAT œuvresans but lucratif au profit de ses Etatsmembres ;- le principe de subsidiarité qui permet unebonne répartition des responsabilités entreAFRISTAT et les bénéficiaires de son action ;- la vocation d’AFRISTAT d’organisationrégionale œuvrant pour l’intégration sousrégionaleet pouvant étendre son action endirection d’autres Etats d’Afriquesubsaharienne ;- l’appropriation d’AFRISTAT par ses Etatsmembres et leur solidarité qui assurent lapérennité des actions de l’organisation etcontribuent à l’atténuation des disparités entreeux en matière de développement de lastatistique ;- le partenariat qui vise à développer dessynergies entre AFRISTAT et les Etatsmembres, d’une part, et entre AFRISTAT et lesinstitutions et organismes œuvrant pour ledéveloppement de la statistique en Afrique,d’autre part, pour un meilleur partage des fruitsde coopération ;- le principe de sécurisation du financement desactivités d’AFRISTAT à travers un fonds decapitalisation qui permet plus grande visibilitéet plus d’assurance pour l’exécution des plansd’action annuels.La réalisation des activités qui seront développéesdans chaque volet implique un renforcementaccéléré des capacités statistiques dans la plupartdes domaines tant au sein d’AFRISTAT que dansles Etats bénéficiaires. Les demandes d’assistanceadressées à AFRISTAT pour l’ingénierie et lamaîtrise d’œuvre de programmes de renforcementdes capacités statistiques seront à préciserprogressivement lors de l’élaboration de plansd’action annuels, d’une part, et de l’élaboration oude la révision de stratégies nationales dedéveloppement de la statistique, d’autre part.Au niveau d’AFRISTAT, les attentes sont fortes etportent surtout sur la mobilisation des ressourceshumaines nécessaires, notamment par lerecrutement d’experts permanents et d’expertstemporaires, consultants sur Fonds AFRISTAT oupris en charge par les programmes ou projetsfinancés par les partenaires techniques et financiers.La réussite de la mise en œuvre du PSTA dépendrades relations qu’AFRISTAT saura créer avec lesSTATECO N°100, 2006


32Etats membres et en collaboration avec lespartenaires techniques et financiers. Elle est ainsiliée à la réalisation des conditions suivantes :- l’engagement des Etats à atténuer un certainnombre de difficultés structurelles que les SSNrencontrent (organisation institutionnelle,faiblesse ou insuffisance des ressources, etc.) ;- la disponibilité dans chaque Etat membre d’unestratégie nationale pour le développement de lastatistique et des plans annuels de sa mise enœuvre ainsi que les ressourcescorrespondantes ;- un partenariat suivi avec les SSN pour mettreen cohérence leurs stratégies nationales pour ledéveloppement de la statistique ou leurs plansannuels de travail avec le programmestratégique de travail d’AFRISTAT ;- un partenariat suivi et renforcé avec lespartenaires techniques et financiers œuvrantpour le développement de la statistique enAfrique.Enfin, il importe de rappeler que la périodecouverte par le PSTA coïncide avec la premièrepériode quinquennale du nouveau FondsAFRISTAT. Le contenu des plans d’action annuelssera fixé en fonction du volume du Fonds. Ceci faitde la reconstitution des ressources propresd’AFRISTAT, grâce notamment à la contributiondes Etats membres, la principale contrainte à lamise en œuvre du PSTA. Le rôle joué par cetteorganisation et les défis qu’elle est appelée à releverinterpellent donc l’ensemble des bénéficiaires deson action à la soutenir.Références bibliographiquesAFRISTAT (2002), Programme statistique minimum commun. Cadre de référence pour le développement àmoyen terme de la statistique dans les Etats membres d’AFRISTAT : 2001-2005. Série Etudes n° 6. AFRISTAT.__________ (2002-2004), Divers rapports de l’étude « AFRISTAT après 2005 ».__________ (2002-2005), Comptes rendus de réunion du Conseil des Ministres, et relevés de conclusions duComité de direction et du Conseil scientifique.AFRISTAT/PNUD/DAES-NU (2005), Cadre de référence et support méthodologique minimum commun pourle suivi des DSRP et des OMD.Arkoff RL. (1989), « From Data to Wisdom », Journal of Applied Systems Analysis, Volume 16.Bodin J-L. (1999), Etats de réflexions sur les Principes fondamentaux de la statistique publique. Série Etudesn° 2. AFRISTAT.Bureau statistique des Nations Unies (1980), Handbook of Statistical Organisation – A Study of theOrganization of National Statistical Services and Related Issues.Charoy X. (2004), Évaluation du Programme statistique minimum commun (PROSMIC), rapport deconsultationCommission économique pour l’Afrique (2005), Communication à la quatrième réunion du Comité del’information pour le développement (CODI IV) L’information comme ressource économique, Documentn° E/ECA/CODI/4/7.Dakam-Ngatchou R. (2000), Indicateurs de programme de population. FNUAP, EAT/Dakar.PNUD (2000), Rapport régional sur le développement humain en Afrique occidentale et centrale. Pour unelecture africaine sur le développement humain, pp. 29-42.Watson J. P., White G., Spanneut C., Emprou J-M. (2003), Bilan-évaluation d’AFRISTAT, The EuropeanCommission EUROSTAT Unit C-3.Divers rapports d’activités des INS, rapports d’évaluation des SSN et schémas directeurs de la statistique desEtats membres d’AFRISTAT ont également été utilisés pour la rédaction de cet artSTATECO N°100, 2006


Quelques nouvelles pistes de travailpour AFRISTATJean-Pierre Behmoiras 19Durant ses dix premières années d’activité, AFRISTAT a accompli des performancesremarquables dans un contexte difficile, mais de nouveaux défis se posent aujourd’hui àla statistique africaine. Deux domaines méritent qu’on s’y intéresse particulièrement, ettout de suite. Le premier c’est celui de la diffusion et de la mise à disposition del’information statistique. C’est sa maîtrise qui fut la cause de la notoriété de l’INSEE enFrance. AFRISTAT se doit d’aider les INS dans ce domaine. Le deuxième c’est laformation permanente et le recyclage des statisticiens dont les capacités sont l’essentieldu capital des institutions statistiques. Il y a là le moyen d’envoyer rapidement auxcadres actuellement en activité dans les INS un signal positif tout en œuvrant à leurfidélisation institutionnelle et en améliorant leur niveau technique. Au delà de cesactions prioritaires on peut évoquer la mise sur pied de programmes statistiques« régionaux » et l’expérimentation de nouvelles méthodes d’enquêtes propres auxspécificités africaines.19 Jean-Pierre Behmoiras a été Directeur du CEFIL et de la Coordination Statistique et des Relations Internationales àl’INSEE. Ce texte reprend une communication présentée lors du séminaire sur l’avenir d’AFRISTAT le 11 avril 2006 àLibreville.


35IntroductionQuand on analyse le parcours et l’actiond’AFRISTAT, au cours de cette décennie, pourtantsi difficile pour l’Afrique, on ne peut qu’êtrepleinement satisfait des résultats. Les espoirsentretenus et la confiance faite à cette nouvelleorganisation régionale, créée pour stimuler uneactivité statistique, difficile, fragile et quelquefoispeu appréciée par les décideurs, ont été justifiés etles crédits accordés utilement et convenablementutilisés. C’est un challenge réussi et de tels succèsadministratifs ne sont pas si nombreux à recenserdans la région et même ailleurs. Il s’agit à coup sûrd’une belle performance.Des performances notables durantces dix premières années d’activitéJe n’ai pas l’intention de dresser ici une évaluationprécise, je n’en ai pas la compétence, mais pouravoir fréquenté récemment plusieurs servicesstatistiques nationaux de la région, je peux apporterun témoignage positif vérifié sur le terrain. Toutd’abord, AFRISTAT a été mis en place dans desdélais brefs, une équipe technique de bon niveau arapidement été constituée. Celle-ci s’est mise autravail aussitôt pour apporter aux services nationauxun complément d’expertise et d’appui, utile,précieux et opérationnel.En répondant de façon rapide et efficace auxdemandes des Etats membres, dans des secteursvariés de l’activité statistique, comptes nationaux,enquêtes, traitements informatiques, AFRISTAT apermis de créer une synergie, stimulant les effortsdes Etats et encourageant les bailleurs de fonds àintervenir davantage. En outre, une cohésionstatistique régionale s’est développée, avec un plusgrand respect des normes, des concepts et desméthodes communes. Cette homogénéité permet deréaliser des études comparatives de qualité,indispensables à une meilleure compréhension de lasituation économique et sociale de la région. Ilfallait un organisme compétent, actif et très présentsur le terrain pour arriver à des résultats effectifs etprobants. L’utilisation d’Internet et le passagesporadique et rapides de quelques expertsinternationaux, n’auraient pas suffit à maintenir unetelle cohésion statistique régionale. Elle se seraitpeu à peu effritée pour finir par disparaître, chaqueservice aurait été condamné à un isolementpénalisant pour leur standing et leur crédibilitévoire leur survie.La performance réalisée par AFRISTAT est tout àfait remarquable, si l’on observe par ailleurs lesdifficultés de tous ordres survenus dans la région,au cours de la période. L’appauvrissement financiergénéral de l’Etat a eu pour résultat d’induire unaffaiblissement des structures administratives. Lacoordination statistique régionale a certainementpermis de consolider le dispositif d’ensemble, enessayant de favoriser un système de productionhomogène et compatible, dont chaque servicenational a certainement profité.C’est ce qui s’est également produit en Europe oùl’animation et la coordination conduites parEurostat ont contribué à préserver le systèmestatistique des Etats membres, d’un risque de déclinimposé par la crise économique persistante. Lesservices statistiques nationaux sont trop faibles etfragiles, ils ne doivent pas rester isolés, car ils sesituent dans un contexte administratif difficile etaustère, où leur action n’est pas jugée prioritaire parles décideurs. Participer à un dispositif régional debonne envergure, donne une plus grande notoriété,tout en stimulant la fiabilité, l’émulation, et encatalysant le progrès technique et scientifique.Pour faire face aux nouveaux défis qui se posent àla statistique africaine, il faut qu’AFRISTATcontinue son action d’aiguillon fédérateur dusystème statistique de la région. Nous n’avons doncplus de question à nous poser sur le pourquoi d’uneorganisation utile et bien intégrée dans la région. Enrevanche nous pouvons essayer de réfléchir surcomment faire plus et mieux et comment s’adapteraux défis d’un avenir prometteur, mais complexe àaffronter par la statistique publique. D’autant plusdifficile, que notre métier de statisticien est l’un deceux qui évolue le plus vite, du fait de lamodernisation rapide des techniques utilisées. Enoutre, il se transforme parce que la demanded’informations se modifie et s’accroît avec lesnouveaux besoins de la société. Les exigencesaugmentent pour une meilleure compréhension, parexemple des situations sociales et de la précarité del’emploi, ou bien, plus récemment, sur lesproblématiques du développement durable et de laréduction de la pauvreté. Cet essor doit s’effectuer,nous le savons bien hélas, l’expérience de cesdernières années est à cet égard particulièrementédifiante, avec des moyens comparables, pour nepas dire constants. En effet, la rareté des moyensadministratifs dédiés à l’activité statistique a pourrésultat une difficulté d’adaptation à la demande etune grande rigidité structurelle.Il va falloir adapter l’action d’AFRISTAT à unmonde changeant et à un métier plus difficile àpratiquer, tout en faisant des gains de productivitépour réduire les coûts de production. En outre,quelques domaines prennent désormais uneimportance stratégique pour les institutionsstatistiques alors qu’ils semblent avoir été négligésjusqu’à maintenant. Cela finira par poser desproblèmes difficilement solubles, si on ne tente pasSTATECO N°100, 2006


36rapidement de leur apporter dès maintenant, undébut de solution pour inverser la tendancedéfavorable.Deux thèmes d’actions méritent qu’ons’y intéresse particulièrement, et tout desuiteLe premier c’est celui de la mise à disposition del’information statistiqueLa diffusion est devenue un domaine clé,contribuant fortement à étayer la notoriété et laréputation des services producteurs. C’est unreproche qui nous est fait souvent, à nousstatisticiens, de nous préoccuper uniquement de laproduction des chiffres et de négliger la mise àdisposition du public, dans des conditions rapides etfacilement accessibles. C’est un reproche souvententendu dans la région : ils travaillent beaucoupmais on ne voit rien sortir, les publications sontrares et trop tardives. C’est un reproche injustequelquefois, car les enquêtes sont longues etdifficiles à réaliser, mais cela dénote les difficultésvécues par les utilisateurs pour satisfaire leursbesoins. Il faut, à tout prix, corriger cette déficiencedans des délais brefs, sous peine de voir lesdécideurs rechigner de plus en plus à accorder descrédits à une activité dont ils perçoivent mal lesrésultats. Certains même, n’aiment pas les résultats,car en période de crise économique, ils montrentsouvent le peu d’effets positifs des politiquesaffichées, ce qui est médiocrement apprécié desresponsables.A l’INSEE nous avons beaucoup souffert desfaiblesses de notre diffusion peu lisible des années1950 et même 1960. L’opinion publique nousignorait totalement, les médias nous brocardaient.Jusqu’à ce que nous mettions la politique dediffusion de l’information produite au centre de nospréoccupations stratégiques. Nous l’avons faitcollectivement puis individuellement, c’est devenule souci majeur de chacun. Alors les résultatsobtenus ont été édifiants et notre notoriété aprogressé sensiblement. Ainsi les commentaires denos enquêtes sont systématiquement repris dans lesmédias et particulièrement à la télévision. Noussommes devenus peu à peu une référencestatistique, peu contestée sur un champ dépassantlargement l’indice des prix à la consommation.L’INSEE est maintenant bien intégré dans lacollectivité nationale.Il serait intéressant qu’AFRISTAT développe uneactivité de promotion dans ce domaine, en aidantles Etats membres à publier rapidement, desanalyses brèves de résultats d’enquêtes ou decompte nationaux. Cela peut se faire par desmissions d’experts ou par des ateliers communs àplusieurs Etats, pour améliorer les capacités derédaction. Les relations avec les médias doivent êtrefacilitées et enseignées aux statisticiens afinqu’elles s’intéressent davantage aux étudesréalisées par les services et qu’elles les diffusent.Les enquêtes 1-2-3 auprès des ménages,généralement parfaitement réalisées dans la région,peuvent être l’objet d’une mine de commentairessur la situation économique et sociale en milieuurbain. Elles pourraient faire l’objet de plans depublication avec un échéancier. Il faut organiser desrencontres de rédacteurs, confronter lescommentaires dans le cadre régional d’AFRISTAT.On peut même envisager un prix pour la publicationla plus réussie de l’année, qui pourrait stimuler lesrédacteurs nationaux. Il me semble qu’il s’agit làd’un nouveau domaine, pour lequel AFRISTATdoit développer rapidement une action pédagogiqueinnovante afin de stimuler les publicationsd’articles, qui font actuellement largement défaut.Cela permettra de consolider davantage lesinstitutions statistiques nationales, car c’est à ellesque revient la mission d’améliorer la politique dediffusion de leurs productions. Elles le feront si onles aide à affronter cette nouvelle mission difficilemais peu coûteuse.Le second domaine d’action : la formationpermanente des statisticiensIl devient essentiel, pour préserver l’avenir del’activité statistique de la région, de développer laformation permanente et le recyclage desstatisticiens. L’unique capital des institutionsstatistiques, ce sont les hommes et les femmes quiles composent. Ils ont obtenu des diplômes devaleur, durement acquis, en y consacrant beaucoupde temps et de travail et après des parcours trèssélectifs. Or travailler dans des conditionsd’environnement difficile, souvent de façon isolée,conduit peu à peu à une usure technique etprofessionnelle. Il est indispensable de corrigercette tendance fâcheuse, d’autant plus que notremétier évolue très vite. Il suffit, à cet égard de voircomment travaillaient les statisticiens sans microordinateurs,il y a encore une quinzaine d’années,pour s’en persuader.Il est nécessaire de multiplier les initiatives deformation permanente pour maintenir le personnel àun bon niveau technique, ne serait-ce d’ailleurs quepour mieux le fidéliser au service. Faute de quoi lescadres essayent, avec succès, de quitter lastatistique pour rejoindre une autre administration,plus attrayante ou plus facile. Il faut donc offrir plusd’opportunités de stages de perfectionnement, qu’iln’en existe actuellement et y envoyer fréquemmentles cadres actifs. La consultation d’informations surInternet au bureau n’est pas suffisante pourSTATECO N°100, 2006


37maintenir le niveau technique. Il est clair que l’offrede formation, même si elle s’est améliorée au coursdes dernières années, dans la région comme àl’étranger, reste très insuffisante au regard desbesoins potentiels exigés par les effectifs destatisticiens travaillant dans les services.Pour stimuler le développement des actions deformation, AFRISTAT doit jouer un rôled’incitateur et de coordonnateur. Il peut en premierlieu, aider les Etats à se doter d’une politique deformation, à concevoir des programmes d’actions età les mettre en oeuvre. En second lieu, il peutsusciter un tronc commun régional de stages. Il peutégalement faciliter l’accession à des financementsinternationaux en proposant des modules communsde formation aux pays de la région, ce qui permetune économie d’échelle. Un programme pluriannuelde formation continue pour les statisticiens des étatsmembres d’AFRISTAT, peut intéresser desbailleurs de fonds tel que l’Union européenne, trèssoucieuse de meilleure gestion des ressourceshumaines.Il me semble qu’il faudrait réfléchir à l’instaurationde seuils minima obligatoires de formationpermanente, indispensables à la protection du bonniveau technique des personnels des services. Parexemple, tous les cadres ayant passé cinq à six ansdans un service statistique, devraient avoir droit àune formation permettant une bonne remise àniveau des connaissances sur les techniquesstatistiques et informatiques. Par ailleurs tout cadreaccédant à un poste de responsabilités devraitassister à une formation au management et à lagestion, qui le préparerait à ses nouvelles fonctions.Ce serait préférable que de tout découvrir par soimême,lentement et dans l’isolement, de façontoujours imparfaite. Cela aboutit inéluctablement àune perte d’efficacité, de temps et à des retards dansla réalisation des programmes.Il ne faut pas craindre de s’engager hardiment dansune politique de formation continue qui garantira àla fois la stabilité et la qualité technique despersonnels. En effet, il existe déjà dans la région debonnes structures de travail, notamment les écolesde statistiques qui sont expérimentées sur le planpédagogique, elles sont aptes et prêtes à relever lesdéfis de la formation permanente, elles disposentd’enseignants mobilisables. Certaines d’entre ellesont déjà commencé à organiser des sessions qui ontbien fonctionné. De nombreux enseignants qualifiéspeuvent être recrutés dans les universités ouadministrations voisines, pour des formations decourte durée. Ils ont l’expérience du terrain, qualitéprimordiale à transmettre à des statisticiens, et lamotivation nécessaire pour intéresser des stagiaires.Les financements nécessaires à ces formations sontsans doute plus faciles à obtenir que ceux destinés àla réalisation d’enquêtes, car les montantsconcernés sont moins élevés, s’agissant surtout deformations réalisées dans la région qui nécessitentpeu de déplacements. Par ailleurs, il s’agit deformation de courte durée n’excédant pas deuxsemaines.AFRISTAT est le lieu approprié pour relever un telchallenge et le réussir et il n’y a pas d’autresalternatives crédibles à part quelques stagessporadiques proposés ici ou là. Il est au carrefourdes institutions nationales et des écoles. Il a uneconnaissance approfondie de l’activité statistiquedans la région et de ses besoins. Il garde un contactpermanent, avec les institutions financières et lespays plus développés qui mettent en œuvre despolitiques de formation continue et qui sontsusceptibles d’apporter leurs concours. Sonintervention pour des actions régionalesd’envergure est crédible et pertinente. Il aura leconsensus des Etats membres, trop heureux de voirstimuler un domaine négligé.AFRISTAT peut être à l’écoute des besoins,percevoir et pressentir les évolutions et aprèsconcertation avec ses partenaires, faire despropositions d’actions concrètes adaptées auxbesoins les plus pressants des services nationaux. Ilest capable ensuite de faciliter la réalisation desmodules par des formateurs préalablementsélectionnés. Il est suggéré d’organiser assezrapidement un séminaire de réflexion et depropositions sur ce thème si crucial. Il a été un peunégligé, alors qu’il concerne l’ensemble desstatisticiens actifs et qu’il a une influenceprimordiale sur la qualité du service rendu.Explorer de nouvelles pistescomplémentairesCes deux domaines d’actions, mise à disposition del’information et formation continue, doivent êtreprivilégiés parmi les programmes futursd’AFRISTAT. Ils sont importants, car ilsconditionnent l’image et l’efficacité de l’activitéstatistique. Les améliorations induites auront deseffets immédiats, perceptibles par les décideurs.Leur mise en œuvre ne nécessite pas des moyensdisproportionnés, car les acteurs et les structuresd’accueil peuvent être en grande partie mobiliséslocalement. On n’a même pas besoin d’avoir, dès ledébut, des experts permanents, résidents à pleintemps à AFRISTAT, pour démarrer des initiatives.Un consultant à temps partiel peu amorcer lespremières actions. Par ailleurs les opérateurscompétents existent, dans la région avec notammentles écoles de statistique, mais également àSTATECO N°100, 2006


38l’extérieur, dans le réseau des amis, à l’INSEE ouailleurs en Europe. Ce qu’il faut c’est d’abord fairepreuve de détermination et organiser la concertationrégionale initiale pour agir utilement et rapidement.Ce serait un signal pour les cadres actuellement enactivité, qui indiquerait que l’on va s’occuper d’euxà brève échéance.Au-delà de ces domaines qui deviennent maintenantprioritaires, d’autres voies peuvent être exploréespour diversifier, enrichir et consolider AFRISTAT.Mais avant de les évoquer brièvement, il faut êtreconscient des limites de la capacité de travail del’organisation, qu’il convient de ne pas dépasser.L’équipe d’intervention a un effectif faible et il fautveiller à ne pas trop charger la barque pour ne paschavirer. En effet les moyens disponibles risquentde ne pas progresser et trop d’actions diversespeuvent aboutir à l’émiettement et à la paralysie.Elle peut surtout conduire à une baisse de lafiabilité des interventions, ce qui serait vraimentdommage et nuirait à l’excellente réputationd’AFRISTAT.conditions de vie dans la région exige desdispositifs d’observation adaptés au terrain trèsspécifique, notamment en milieu urbain. Cetteadaptation des systèmes d’enquêtes doit s’étudieren permanence localement, cela parait inéluctable.Personne ne s’occupe, ailleurs dans le monde, derapprocher les modes d’observations desparticularités géographiques ou sociales,notamment pour l’Afrique.C’est le cas notamment pour l’observation de lapauvreté, domaine mal couvert par les enquêtesOn peut toutefois citer deux nouvelles pistes àamorcer prudemment. La première concerne lesrecherches de financement pour un projet communà plusieurs pays. On peut imaginer que plusieurspays se mettent d’accord pour réaliser une enquêtecommune de consommation en simultané. Ce projetcommun est plus attrayant pour un financeur, car ilpermettra ensuite de faire des études comparativessur une vaste région. En outre il peut induire deséconomies d’échelle. AFRISTAT pourrait fédérerla requête commune et se charger du suivi de lanégociation qui prend toujours beaucoup de temps,impossible à réaliser par un statisticien isolé.Si pour une opération statistique, la démarche esttrop complexe, on peut alors penser à un tronccommun de formation continue pour plusieursEtats. Dans ce cas précis on évite toutes lesspécificités techniques et les particularitésnationales. Le problème à résoudre est plus simple :il s’agit de proposer des stages communs à desstatisticiens de formation, de niveau et d’anciennetécomparables. Il devient alors plus aisé de rédigerune requête décrivant un programme pluriannuelpour la région. Mais il est possible qu’AFRISTATait déjà pratiqué ce genre d’exercice, il doit doncpersévérer parce qu’il y a un créneau financier pourdes opérations régionales. Cette méthode doit êtreutilisée pour financer les programmes évoquésprécédemment, et c’est la seule qui peut donner desrésultats rapides.Enfin un dernier thème d’enrichissement de l’actiond’AFRISTAT à ne pas oublier, c’est celuiconcernant la recherche et l’expérimentation denouvelles méthodes statistiques. L’observation desSTATECO N°100, 2006


39actuelles et qui intéresse beaucoup les décideurs.On pourrait par exemple prolonger l’enquête 1-2-3par un quatrième volet qui serait un petit panelsurune centaine de ménages dans un quartierdéfavorisé d’une capitale. Les services nationauxsont mal équipés pour expérimenter une rechercheméthodologique, mais une collaboration deplusieurs pays soutenus par l’aiguillon catalyseurd’AFRISTAT, peut procéder à une expérimentationintéressante. Cet exemple, à propos de la pauvreté,peut être étendu à d’autres domaines tels lesstatistiques de l’environnement qui seront l’objet,les prochaines années, d’un développementaccéléré, ou encore pour l’analyse des emploisprécaires.ConclusionEn conclusion, dix ans après sa création,AFRISTAT a largement répondu aux attentes et ajoué un rôle majeur dans le développementharmonisé de l’information statistique régionale. Ilen est un partenaire à part entière, bien intégré dansle système statistique subsaharien. Il est unaiguillon fédérateur actif et son équipe apporte unappui permanent et efficace aux actions statistiqueslocales. Son activité permet de rompre l’isolementpréoccupant des échelons nationaux. Lesproductions nationales restent ainsi plus homogèneset donc facilement comparables. Il est indispensablede continuer ces efforts en les amplifiant pour lesdix prochaines années. Les services nationauxafricains ne peuvent que profiter du travail communavec AFRISTAT, de même que les institutionsstatistiques européennes ont été renforcées parEUROSTAT et par les politiques communautaires.Nous espérons que les décideurs nationaux,régionaux et internationaux feront en sortequ’AFRISTAT soit consolidé et son action élargie,car, nous le savons bien, pour la statistiquepublique, il reste encore beaucoup de pain sur laplanche. Il convient donc de l’aider d’assurer samission si nécessaire à une bonne gouvernance.STATECO N°100, 2006


PARIS21 pour le renforcement de lastatistique en AfriqueInterview d’Antoine Simonpiétri 20Cette interview réalisée par la rédaction de Statéco spécialement pour ce numéro a pourbut de présenter PARIS21, consortium international dont le Secrétariat est hébergé parl’OCDE à Paris, chargé de la promotion de la statistique pour le développement. Lapremière partie explique la genèse de PARIS21, né en 1999 du constat de l’incapacitédes appareils statistiques des pays en développement à répondre aux demandes suscitéespar ce qui allait devenir les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) etdes nouvelles stratégies de réduction de la pauvreté (SRP). La deuxième partie présenteles missions du Secrétariat de PARIS21 qui a pour objectif d’améliorer la formulation etle suivi des politiques de développement à travers la disponibilité de meilleuresstatistiques. La troisième partie présente quelques éléments de bilan de l’action dePARIS21 depuis sa création.20 Chef du secrétariat de PARIS21.


41STATECO : Quelle est la genèsede PARIS21 et pour quelle raisona-t-on jugé utile de créer unenouvelle structure de coop–ération ?PARIS21 (Partenariat Statistique au Service duDéveloppement à l’aube du XXIème siècle) a étécréé en 1999 et son Secrétariat a développé sesactivités en 2002 lorsque j’en ai été nommésecrétaire général. Je venais de la Banque mondialeoù je m’occupais depuis plusieurs années de l’appuià la statistique aux pays d’Afrique francophone, ausein du Département Afrique de la Banque.Les 5 « pères fondateurs » de PARIS21 ont étél’OCDE (Comité d’Aide au Développement), laBanque mondiale (Development Group), le FMI(Division Statistique), les Nations Unies(Commission Statistique) et la Commissioneuropéenne (EUROSTAT). Dès le début, PARIS21a été ouvert aux pays intéressés, et la France, laGrande Bretagne, la Suède, la Suisse, ontimmédiatement appuyé cette initiative. Au sein del’OCDE, je souhaite rendre hommage à BrianHammond, alors chef de la Division statistique etsuivi à la Direction de la Coopération pour leDéveloppement (DCD) qui a d’ailleurs égalementjoué un rôle moteur dans la définition des ObjectifsInternationaux de Développement, devenusObjectifs du Millénaire pour le développement(OMD) lors du Sommet des Nations Unies pour ledéveloppement qui s’est tenu à New York enseptembre 2000.Ce n’est évidemment pas un hasard si la création dePARIS21 est intervenue la même année que lelancement des nouvelles stratégies internationalesde lutte contre la pauvreté et a répondu à l’adoptiondes Objectifs de développement. Ces deuxévénements (auxquels on pourrait ajouter lesnouvelles méthodes de gestion du développementpar les résultats) ont produit une véritablerévolution en termes de demande de statistiques quiest soudainement devenue beaucoup plus explicite.Or, d’une part les systèmes statistiques des pays endéveloppement (africains surtout) n’étaient pascapables de répondre à cette nouvelle demandesociale en produisant les statistiques de base,d’autre part les partenaires intervenant dans ledomaine statistique ne savaient pas travaillerensemble. Deux illustrations à ce sujet : je connaisde nombreux cas de ministères des finances,interlocuteurs privilégiés des bailleurs, quin’entretenaient aucune relation avec l’InstitutNational de la Statistique de leur pays (qui pourtantdépendait souvent d’eux !) et préféraient mêmealler chercher les données dont ils avaient besoinauprès des institutions internationales plutôt que des’adresser à leur INS ; seconde illustration, lamarginalisation des INS de la part des bailleurs defonds cette fois-ci, qui avaient l’habitude soitd’adresser des demandes ponctuelles aux INS(comptes nationaux, prix, etc.) sans vision globale,soit même de compiler les données existantes et deles extrapoler sans intervention de l’INS.Je vous renvoie à ce propos à plusieurs travaux deDIAL mettant en évidence les lacunes béantes del’information statistique en Afrique. Naudet (2000)montrait avec humour que dans de nombreux paysafricains, on ne sait même pas si le niveau de vieaugmente ou baisse en longue période, sil’agriculture est en crise ou au contraire en progrès,s’il existe un déficit ou un excès d’épargne, etc.Dans le même ordre d’idées, Brilleau (2004)rappelait que dans beaucoup de ces pays aucunrecensement de population n’a été effectué depuisSTATECO N°100, 2006


42plus de 20 ans, donc on ne connaît même pas lataille de la population autrement qu’à partir deprojections ! Le Rapport mondial sur ledéveloppement humain 2003 du PNUD montreainsi que dans de nombreux pays il n’existe encoreaucune donnée concernant certains des principauxindicateurs correspondant aux OMD (tableau 1).Par exemple, 55 pays (pour la plupart africains) nedisposent pas d’informations sur la part de leurpopulation qui vit avec moins d’un dollar par jour(seuil international de définition de la pauvretéextrême) et 100 pays n’ont aucune donnée surl’évolution de la pauvreté, ce qui interdit un suivides progrès accomplis vers le premier des OMD(Scott, 2005).Tableau 1D’importantes lacunes statistiques, même pour les indicateurs essentiels dudéveloppement humain : pays dépourvus de données, 1990-2001PourcentagePays dépourvusde données entendancePaysdépourvus detoutes donnéesIndicateursEnfants souffrant d’insuffisance pondérale 100 22Taux net de scolarisation primaire 46 17Enfants atteignant la cinquième année d’école 96 46Naissances assistées par du personnel de santé100 19qualifiéPart des femmes dans l’emploi salarié non agricole 51 41Prévalence du VIH parmi les femmes enceintes âgéesde 15 à 24 ans dans les principales zones urbaines 100 91Population ayant un accès régulier à des points d’eau 62 18aménagésPopulation vivant avec moins d’un dollar par jour 100 55Note : ces données se réfèrent aux pays en développement (137) et aux pays d’Europe centrale et orientale et de la CEI (27).On considère qu’un pays possède des données en tendance si au moins deux points des données sont disponibles leconcernant – un sur la période 1990-95 et l’autre sur la période 1996-2001 – et que ces deux points sont séparés d’au moinstrois ans.Source : PNUD (2003).La création de PARIS21 est née de l’insatisfactionface à cette situation. Il s’agissait donc de sortir ducercle vicieux où la production statistiquen’intéresse personne et ne reçoit donc pas definancements, ce qui dégrade sa qualité et réduitencore l’intérêt de la société pour ce typed’informations et d’enclencher un « cerclevertueux » en sens inverse : stimulation de lademande sociale en statistiques ; investissementdans le renforcement des systèmes statistiques ;amélioration de la qualité et de la visibilité desinformations statistiques ; accroissement de lademande, et la boucle est bouclée ! Donc le premierobjectif était de favoriser le dialogue entrestatisticiens et décideurs politiques.Ceci étant, PARIS21 n’est pas une nouvellestructure d’assistance qui se superposerait auxstructures de coopération existantes, qu’elles soientmultilatérales ou bilatérales. L’innovation dePARIS21 est l’association étroite entre utilisateursde données statistiques qu’ils soient nationaux ouinternationaux, et les producteurs nationaux destatistiques. Il fallait également renforcer le lienentre les ceux qui financent le développement et lesstatisticiens. Même si nous sommes hébergés parl’OCDE à Paris, la co-présidence est exercée par leprésident du Comité d’Aide au Développement del’OCDE et par l’un des membres du Bureau de laCommission de Statistique des Nations unies quireprésente les pays en développement, avec uneforte participation des PED à la prise de décisions.STATECO N°100, 2006


43STATECO : Quelles sont lesmissions de PARIS21 ?PARIS21 a pour but de renforcer les capacitésstatistiques dans les pays en développement, enfavorisant tant une culture faisant de l’observationdes faits la base de l’élaboration et du suivi despolitiques, qu’une bonne gestion de systèmesstatistiques utilisant les ressources disponibles de lafaçon la plus efficace possible. PARIS21 cherche àfaire travailler ensemble dans ce but 4 groupes departenaires intervenant dans ce domaine : lesstatisticiens des PED ; les décideurs politiques deces pays ; les bailleurs de fonds ; enfin, lesstatisticiens des pays développés qui interviennentdans le domaine de la coopération.Concrètement, PARIS21 mène quatre typesd’actions :- plaidoyer ; l’activité de plaidoyer (advocacy enanglais) consiste à promouvoir l’idée selonlaquelle de bonnes statistiques sont importantespour le développement ; « les statistiques sontles yeux des décideurs politiques » commel’affirmait un haut fonctionnaire ougandais ;entre janvier 2004 et février 2006, 15 ateliersréunissant statisticiens et décideurs politiquesont ainsi été organisés dans le monde entier,avec un large retentissement médiatique pourchacun d’entre eux ;- travail méthodologique ; ce travail vise enparticulier à aider les PED à définir et mettre enœuvre une stratégie nationale de développementde la statistique (SNDS) ; plusieurs documentsméthodologiques ont ainsi été élaborés, dans lebut de proposer des bonnes pratiques dans cedomaine, débouchant sur une intégration desSNDS dans les documents stratégiques deréduction de la pauvreté (DSRP) ;- coordination ; rien qu’en Afrique,56 partenaires techniques et financiersinterviennent dans la coopération statistique ;souvent, ceux-ci financent leur propre enquêtesans se préoccuper du programme de travail del’Institut National de la Statistique et interfèrentavec le fonctionnement de cette institution etavec son travail courant ; PARIS21 cherche àprogresser dans le sens d’une meilleureharmonisation des soutiens des partenaires et àune moindre duplication de leurs interventions ;la mobilisation autour des SNDS joue un rôleimportant dans ce sens ;- appui pour le renforcement des capacités ;ceci constitue le dernier axe d’intervention dePARIS21 ; ici encore, les SNDS constituent uncadre favorisant l’évaluation des financementsnécessaires pour la statistique ; PARIS21intervient par ailleurs directement dans ledomaine de l’assistance technique, de laformation et du renforcement des ressourceshumaines en général.PARIS21 aide les PED à définir une stratégienationale de développement de la statistique(SNDS) fondée sur un engagement politique desgouvernements dans ce domaine et visant desobjectifs réalistes et dont le coût de réalisation estchiffré. Dans notre optique, les SNDS doiventrespecter au moins 4 principes, qui correspondentd’ailleurs aux nouveaux principes mis en œuvredans le cadre des stratégies de réduction de lapauvreté. Les SNDS doivent ainsi être :- intégrées dans les politiques nationales dedéveloppement, bénéficier d’un soutienpolitique et être ciblées sur la demande ;- développées de manière inclusive c’est à direavec la participation de toutes les partiesprenantes ;- globales, cohérentes et soutenables ;- et doivent évaluer clairement la situation dusystème statistique et dans quelle direction etcomment il doit d’être développé.A l’heure actuelle, la plupart des pays africains sonten train de concevoir, ou déjà de mettre en œuvreleur SNDS (graphique). Comme on s’en rendcompte, ces stratégies se veulent radicalementdifférentes des plans statistiques qui étaient établisprécédemment, qui étaient déconnectés de lapolitique économique nationale, et en particulier dela programmation budgétaire. La phase suivante,que quelques pays (Sénégal, Ouganda, etc.) ont déjàentamée, consistera à intégrer la statistique dans lesDocuments Stratégiques de Réduction de laPauvreté (DSRP) : pas seulement du point de vuedes indicateurs pour le diagnostic et le suivi despolitiques mais aussi en ce qui concerne ledéveloppement du système statistique lui-même.STATECO N°100, 2006


44Encadré 1Etat d’avancement de la préparation et de la mise en œuvre des SNDSen Afrique4291548Pays sans stratégie enpréparation ou déjà en placePays avec une stratégie enpréparationPays avec une stratégie élaboréeet / ou en cours de mise œuvreTotal des pays d’AfriqueSubsaharienne8 %61 %31 %100 %Source : PARIS21 (2004) ; Plaidoyer pour une Stratégie Nationale de Développement de la Statistique (SNDS), Secrétariatde PARIS21, novembre. Site.STATECO : Peut-on déjà dresserun premier bilan de PARIS21 etesquisser quelques perspectives ?Il est clair que le développement de la statistique etl’utilisation des statistiques ont fait un bond enavant ces dernières années. De plus en plus leStratégies nationales de réduction de la pauvretéincluent à la fois une plus grande utilisation desstatistiques et un appui au développement descapacités des systèmes nationaux de statistiques. Deplus le développement de la statistique est à l’ordredu jour des nombreuses réunions internationalesportant sur les politiques de développement : parexemple la troisième table ronde sur la gestion dudéveloppement par les résultats qui se tiendra àHanoi en février prochain portera en grande partiesur le développement des capacités statistiques despays en développement. Je veux croire quePARIS21 a participé à cette prise de conscience àtravers les actions suivantes que PARIS21 a réaliséau cours des trois dernières années (2004-2006),- organisation de 19 ateliers régionaux enAfrique, en Amérique latine, en Asie et auMoyen-Orient, regroupant au total desparticipants venant de plus de 77 pays ;STATECO N°100, 2006


45- organisation de 3 sessions de formation (Addis-Ababa, Dakar, Paris) permettant la formation de62 consultants africains et européens pourl’assistance à la définition des SNDS ;- co-organisation de deux forums sur leDéveloppement de la Statistique en Afrique,rassemblant tous les pays africains et leurspartenaires techniques et financiers ;- réalisation de 26 missions de terrain pour aiderles équipes pays à la définition de leur SNDS ;- participation et présentation du programme dePARIS21 dans le cadre de 32 séminaires avecles partenaires ;- production d’une dizaine de documentsméthodologiques (en général traduits en arabe,anglais, français, portugais, espagnol, russe) surles SNDS et sur l’importance des statistiquespour le développement ;- élaboration d’une base de connaissances, miseen ligne et rassemblant environ 650 documentssur le développement de la statistique ;- en collaboration avec les équipes de projet,rédaction d’un rapport présentant 6 études decas sur la coopération statistique (contenant enparticulier des propositions pour l’élaborationd’une SNDS et l’évaluation de son coût) et d’unrapport proposant des indicateurs derenforcement des capacités statistiques ;- production de deux vidéos sur ledéveloppement de la statistique en général etune sur les statistiques de l’agriculture ;- rédaction du Rapport Review of Support toStatistical Capacity Building in Sub-SaharanAfrica : From Reporting To Collaboration,présentant en détail les programmes de soutien àla statistique mis en œuvre par 54 partenairestechniques et financiers en Afrique ;- rédaction du Rapport DéveloppementStatistique en Afrique, Statistical Developmentin Africa : Progress Report on NationalStrategies for the Development of Statistics(NSDS) in Sub-Saharan Africa Countries ;- mise en place de deux programmes satellites ausein du secrétariat, le Réseau International desEnquêtes Ménages (International HouseholdSurvey Network) et le Programme Accéléré deDonnées (Accelerated Data Programme) mis enœuvre dans quelques pays pilotes ;- enfin, accueil depuis 2004 du projetMETAGORA, projet pilote centré sur lesméthodes, les outils et les cadres pour la mesurede la démocratie, des droits de l’homme et de lagouvernance et auxquels participent des institutsde la statistiques, des ONG et des centres derecherche d’une dizaine de pays d’Afrique,d’Amérique latine, d’Asie et d’Europe.Si on songe que le secrétariat de PARIS21 compte àpeine 10 experts (yc le personnel temporaire) plusune petite équipe administrative, on mesure laproductivité de notre équipe. En très peu de temps,PARIS21 est devenu un « nom ». Quand seprésente un problème statistique, on pensespontanément à PARIS21 pour s’en occuper.Ceci étant, la tâche qui demeure à accomplir resteimmense car la situation des administrationsstatistiques en Afrique sub-saharienne, à quelquesexceptions près (Afrique du Sud par exemple) n’esttoujours pas brillante. Je ferai trois remarques à cesujet.En premier lieu, on a coutume de comparer lespays francophones aux anglophones. Certainsaffirment que ces derniers disposeraient desystèmes statistiques de meilleure qualité ou aucontraire que le système des écoles de statistiquesconfèrerait un avantage aux pays francophones. Amon avis, il n’existe aucune différence significativeentre les deux groupes de pays, à niveau égal dedéveloppement. D’une manière générale, ledéveloppement statistique est corrélé audéveloppement tout court. Les pays francophonesdisposent a priori de statisticiens mieux formés,grâce à l’existence d’écoles de statistiques : cesécoles, soutenues depuis l’indépendance de cespays par la France et par la Commissioneuropéenne (voir l’article sur le CESD-Paris dansce numéro), constituent la « success story » de lacoopération statistique. Malheureusement, très peude statisticiens économistes diplômés de ces écolesrestent très longtemps dans les INS (à l’exceptionnotable des DG). Passé la trentaine, on les retrouvetous dans le secteur privé (banques, assurances,etc.) ou dans les grandes institutions internationalesde développement.En second lieu, la situation des institutionsstatistiques doit être évaluée en comparaison decelle des autres administrations publiques maisaussi en évolution dans le temps. Toutes lesadministrations africaines se sont gravementdétériorées au cours des dernières décennies, dansun contexte de crise durable conduisant à despolitiques d’ajustement structurel qui se sonttraduites par une réduction drastique des dépensespubliques. Les INS ont souffert comme les autres.En ce qui concerne maintenant les tendancesrécentes, nous avons interrogé tout récemment lesmembres africains de PARIS21 à ce sujet. Laplupart d’entre eux considèrent que leursgouvernements ont augmenté l’intérêt qu’ilsaccordent à leurs institutions statistiques depuis2000, cet intérêt accru se traduisant en pratique parde nouveaux recrutements (après le gel del’ajustement structurel), par une réforme de leurstatut leur accordant plus d’autonomie, par unehausse de leur budget, etc. Ceci étant, il vaévidemment falloir du temps, après une sclérose deplusieurs décennies, avant que cette amélioration seSTATECO N°100, 2006


46traduise par l’amélioration en quantité, qualité etrapidité de la production statistique.Enfin, l’action de PARIS21 doit être replacée ausein de la coopération statistique internationale.Paradoxalement, l’accroissement de la demande destatistiques à partir de 2000 consécutif aulancement des OMD et des nouvelles stratégies delutte contre la pauvreté a coïncidé, pour des raisonsdiverses, avec un affaiblissement des structures decoopération statistique au sein des organisationsinternationales : c’est en particulier le cas au sein dela Banque mondiale, de la Commission des NationsUnies pour l’Afrique et du secrétariat des NationsUnies. Une nouvelle organisation multilatérale quise consacre entièrement à la coopération statistiqueest apparue en Afrique : AFRISTAT. Ce projet a puréussir parce qu’il existait une volonté politique, dufait de l’intégration régionale dans le cadre de lazone franc. Au total, PARIS21 joue un rôle defacilitation dans ce domaine mais ne cherche pas àapparaître au premier plan. Au contraire, noussouhaitons être un intermédiaire et que lacoopération puisse fonctionner le plus possible sansnous.PARIS21 est à un tournant de son histoire.Initialement créé pour 3 ans, le Partenariat vientd’être reconduit en 2006 pour 2 annéessupplémentaires.Le Secrétariat de PARIS21 n’a pas vocation àdevenir une structure permanente. Elle pourradisparaître quand une culture statistique aura étécréée chez les différents pays partenaires. Au coursdes prochaines années, nous allons poursuivre notreaction en formulant 4 vœux : que les statisticiensnationaux soient plus ouverts à la demande ; que leshommes politiques estiment devoir mesurer etmontrer les résultats de leur action ; que lesbailleurs aident les politiques de développement dela statistique et non la production des statistiquesseulement; enfin, que les statisticiens des paysdéveloppés et ceux des institutions internationalescomprennent mieux les besoins des systèmesstatistiques des PED. En somme il faut faire dudéveloppement de la statistique une question dedéveloppement plus qu’une question technique, etde là faire de la production de statistiques de qualitéet de leur utilisation un élément crucial dudéveloppement.STATECO : Quelques mots deconclusion ?Références bibliographiquesBrilleau A. (2003), Les indicateurs lies à la mise en oeuvre des Cadres Stratégiques de la Lutte contre laPauvreté, DGCID, Série rapports d’étude, ministère des Affaires étrangères, avril.Edmunds R. (2006), Developing a Policy-based National Strategy for the Development of Statistics, PARIS21,juin.Naudet J.-D. (2000), « Les guignols de l’info ; réflexions sur la fragilité de l’information statistique », inJ-P. Jacob (dir.), « Sciences sociales et coopération en Afrique : les rendez-vous manqués », Nouveaux Cahiersde l’IUED N°10, Presses Universitaires de France, Collection Enjeux, Paris/Genève, pp. 31-35.Scott (2005), Prendre la mesure du problème de la mesure ; Rôle des statistiques dans la prise de décisionfondée sur l’observation des faits, PARIS21, mars.PNUD (2003), Les Objectifs du Millénaire pour le développement : Un pacte entre les pays pour vaincre lapauvreté humain, Rapport mondial sur le développement humain, Economica, Paris, p. 35.Willoughby C., Thomson A., Charoy X. et Munoz J. (2003), An evaluation of PARIS21, An Initiative toImprove the Contribution of Statistical Services to Development, Final Report, Oxford Policy Management, août.Tous les documents de PARIS21 cités ici sont consultables sur le site : www.PARIS21.orgSTATECO N°100, 2006


46L’appui de DIAL à la coopérationéconomique et statistique françaiseavec l’AfriqueJean-Pierre Clinget François Roubaud 21DIAL a été créé en 1990 pour contribuer à la définition et à la mise en œuvre despolitiques de développement. Le groupement, qui est composé pour l’essentiel dechercheurs de l’IRD et de statisticiens de l’INSEE, assure plus précisément troismissions qui viennent toutes en appui à la coopération économique et statistiquefrançaise avec l’Afrique : l’articulation entre recherche et politiques de développement ;le renforcement des capacités au Sud ; enfin, le développement d’outilsméthodologiques. Conformément à ces missions, l’appui de DIAL a été apporté dans lecadre de quatre programmes successifs. Les deux premiers ont porté sur un paysdéterminé : Cameroun (études macro-économiques et enquêtes statistiques), puisMadagascar, où DIAL a joué un rôle d’opérateur pour le renforcement des capacitésd’analyse économique et de production statistique. Les deux suivants ont eu une natureplus thématique : études macro-économiques et sectorielles (compétitivité, projectionsmacro-économiques et analyse critique des nouvelles politiques de lutte contre lapauvreté) puis élaboration d’outils et méthodes pour les stratégies de développement etde lutte contre la pauvreté. DIAL a en particulier appuyé le lancement d’enquêtes 1-2-3(emploi, secteur informel et conditions de vie des ménages) dans plusieurs pays africains,dans le but d’aider au suivi des stratégies de lutte contre la pauvreté.21 Jean-Pierre Cling est administrateur de l’INSEE et directeur du GIE DIAL. François Roubaud est directeur de rechercheà l’IRD ; en poste à DIAL depuis sa création en 1990, il a été directeur de l’Unité de Recherche de 2001 à 2004. Les auteursremercient Philippe Bocquier, Blaise Leenhardt, Philippe Pommier, Anne-Sophie Robilliard et Gérard Winter pour leurscommentaires constructifs sur une première version de ce papier et restent seuls responsables des opinions exprimées et deserreurs éventuelles.Statéco n° 95-96-97, 200046


45Le groupement DIAL (Développement, Institutions& Analyses de Long terme) a été créé en 1990 parl’Institut de Recherche pour le Développement(IRD, qui s’appelait alors l’ORSTOM), l’Institut dela Statistique et des Etudes Economiques (INSEE)et la Commission européenne, avec pour objectifprincipal de « mener des recherches, des études etdes travaux statistiques relatifs à la définition, ausuivi et à l’évaluation des politiques économiquesdans les pays en développement, ceci afind’éclairer la conception et la mise en œuvre de cespolitiques par les agences de coopération et par lespays en développement ».A la différence d’un laboratoire de rechercheacadémique classique, DIAL a donc eu dès sonorigine pour mission d’appuyer l’action de lacoopération française en Afrique dans ses domainesde compétence, en assurant une complémentaritéentre les travaux scientifiques et techniques et lesrecommandations et conseils en matière depolitique économique 2 . Le souci initial desfondateurs de DIAL était également de construiredes méthodologies et analyses à destination desadministrations africaines et des bailleurs de fonds,qui prennent en compte la nécessaire articulationentre les besoins d’une gestion économique decourt terme et les préoccupations de développementde plus long terme (Gabas et Géronimi, 2002).Cet article dresse un bilan des activités menées parDIAL dans le domaine de la coopérationéconomique et statistique avec l’Afrique au coursdes 15 dernières années (1991-2006). Du fait de sonobjet, cet article n’évoque pas d’autres travauxmenés à DIAL dans d’autres régions du monde(Pérou, Vietnam à partir de 2006, etc.) ou surd’autres thèmes hors FSP, tels que le programme derecherche sur l’impact de la colonisation et desinstitutions sur le développement africain (2003-2007). Ces activités ont été menées pour le comptede la Coopération française dans le cadre de quatreprogrammes de subvention (FAC-Fonds d’Aide etde Coopération pour les trois premiers, FSP-Fondsde Solidarité Prioritaire pour le quatrième etdernier) portés par DIAL et, pour ce qui est duprojet Madio à Madagascar, d’un programmefranco-européen (IRD / Coopération française /Commission européenne).Nous regroupons ici les travaux de DIAL en quatregrandes phases qui se suivent chronologiquement(avec des recouvrements temporels), quicorrespondent aux quatre parties de cet article :- dans une première phase, qui correspond àl’époque pionnière de DIAL, les travaux dugroupement se sont centrés sur les marges demanœuvre de la politique économique auCameroun dans un contexte d’ajustementstructurel (perspectives économiques, emploi etsecteur informel, insertion régionale) ;- dans une deuxième phase, DIAL a joué un rôled’opérateur sur un ambitieux projet de terrain àMadagascar lancé à son initiative, visant aurenforcement des capacités de productionstatistique et d’analyse de l’INSTAT ;STATECO N°100, 2006


46- dans une troisième phase, l’approche d’étudespaysmenée antérieurement a été élargie sousforme d’études macro-économiques etsectorielles couvrant l’ensemble de l’Afriquesub-saharienne (compétitivité, perspectivesmacro-économiques et pauvreté) ;- enfin, la quatrième phase correspond audernier FSP qui est en voie d’achèvement aumoment de la rédaction de cet article, visant àl’élaboration d’outils et méthodes pour lesstratégies de développement et de lutte contrela pauvreté.Tableau 1Les principaux résultats des 4 programmes de coopération menés par DIAL (1991-2006)Les programmes FAC/FSP sont classés par ordre chronologique1. Cameroun• Diagnostic sur l’ajustement structurel et les perspectives macro-économiques• Evaluation d’impact sur la dévaluation du franc CFA (yc suivi des échangestransfrontaliers)• Analyse de l’emploi et du secteur informel (enquête 1-2-3)2. Madagascar• Développement des études économiques et de l’appareil d’enquêtes statistiques• Renforcement de l’utilisation des statistiques et des études économiques dans le débatdémocratique• Formation d’économistes et de statisticiens3. Analyses macro-économiques et sectorielles• Analyse critique des nouvelles stratégies internationales de lutte contre la pauvreté et desOMD• Veille macro-économique sur les pays clé (cf. en particulier l’analyse des crises ivoirienneet malgache)• Diagnostic sur les perspectives d’insertion internationale des pays africains4. Outils et méthodes pour les DSRP• Analyse du lien entre croissance, équité et inégalités et pauvreté pour atteindre les OMD• Mise au point d’indicateurs sur l’emploi, le secteur informel et la pauvreté (enquêtes 1-2-3)• Mise au point d’indicateurs sur la gouvernance et la démocratie (enquêtes ménagesspécifiques)2 Depuis 2001, suite à la restructuration de l’IRD, DIAL est aussi le nom de l’unité de recherche de l’IRD dontl’implantation principale est à Paris auprès du groupement, et qui comprend des implantations secondaires dirigées par deschercheurs de l’IRD au Mali (<strong>Afristat</strong>) au Sénégal (Université de Dakar), ainsi qu’au Vietnam depuis la mi-2006 (Centre deRecherche statistique). La Commission européenne (à travers Eurostat) s’est retirée de DIAL en 2000 simultanément à sonretrait de tous les organismes auxquels elle participait.STATECO N°100, 2006


47L’étude-pays sur le CamerounLes travaux d’étude sur ce pays se sont étalés sur lapériode 1991-1996. La période initiale a été la plusactive avec la mise en œuvre d’un FAC entre 1991et 1994 qui a mobilisé à plein temps l’ensemble del’équipe de chercheurs de DIAL de l’époque(3 chercheurs IRD), suivie de travaux plusponctuels (impact de la dévaluation du Franc CFA,poursuite du travail sur les observatoires frontaliers,etc.). Ces travaux ont débouché entre autres sur lapublication de plusieurs articles scientifiques etd’un numéro spécial de Statéco en 1994 présentantles résultats de l’enquête 1-2-3 menée à Yaoundé,puis sur celle d’un ouvrage de synthèse consacré àl’économie camerounaise (Aerts et al., 2000).Ce programme correspond à une demande adresséeà DIAL en 1991 par le ministère français de laCoopération, pour le compte du ministère du Planet de l’Aménagement du Territoire camerounais.L’objectif était d’analyser la dynamiquemacroéconomique du Cameroun, sur le passé et demanière prospective, afin d’évaluer l’impact de lapolitique d’ajustement structurel et la perspectivede sortie de crise. Du point de vue de la coopérationfrançaise, cet objectif correspondait à unejustification initiale de la création de DIAL, àsavoir la constitution d’une expertise capable depositionner la France sur les politiques dedéveloppement, au-delà d’un simple alignement surles politiques d’ajustement structurel promues parles Institutions de Bretton-Woods (Banquemondiale et FMI).Il est toutefois vite apparu que cet exercicenécessitait la mobilisation d’informationsadéquates, que les données statistiques existantes nepouvaient procurer. En effet, analyser la crise del’économie camerounaise, mais aussi prévoir sonévolution supposait que l’on puisse disposer d’unebonne représentation statistique de l’économie àl’échelle macroéconomique (comptabilité nationale,matrice de comptabilité sociale, etc.) et d’unemeilleure compréhension du comportement desacteurs – ménages, entreprises – au niveaumicroéconomique qui permettent d’expliciter desmécanismes pas seulement théoriques maisvalidables empiriquement.Pour pouvoir mener à bien ce programme, DIALs’est donc engagé en partenariat avec la Directionde la Statistique du Cameroun (DCSN) dans unvaste chantier d’enquêtes statistiques, sur desthèmes stratégiques au centre des mécanismesd’ajustement en cours, mettant en œuvre desméthodologies originales. Ces travaux de terrainont abordé principalement l’emploi, le secteurinformel, la consommation, l’industrie (les résultatsde l’enquête industrielle ont été notammentanalysés par Cogneau, 1993), les prix, les échangestransfrontaliers avec le Nigeria et les marchésparallèles des changes. Ce détour par le terrain,assez peu commun chez les macro-économistes, adessiné dès l’origine du groupement les linéamentsd’une « méthode DIAL » novatrice, basée surl’association entre trois phases de la recherchesouvent déconnectées : la production de statistiquessur des domaines prioritaires ; l’analyseapprofondie des données ; le suivi & évaluation despolitiques.La dynamique macro-économique et ladévaluation du franc CFAConformément à l’objectif initial du programme,les travaux se sont centrés dans un premier tempssur les perspectives macro-économiques de moyenterme du Cameroun (de Monchy et Roubaud,1991), cet exercice se prolongeant par l’étude del’impact de la dévaluation du franc CFA.Un exercice de projections macro-économiques aété finalisé dès 1991, décrivant l’évolutionéconomique du Cameroun et proposant quelquesscénarios macro-économiques à moyen terme(1995), réalisés à l’aide du modèle Tablo del’Agence Française de Développement (à l’époqueappelée Caisse Française de Développement). Cetteétude a abouti au constat selon lequel aucunscénario (mesures de politiques économiques,environnement international) ne permettaitd’envisager une reprise de la croissanceéconomique à l’horizon de la prévision (unedévaluation du Franc CFA n’était pas retenue parmiles hypothèses de politique économique). Il a doncété proposé d’analyser plus finement lesperspectives de développement des différentesfilières productives, des marges de manœuvreprocurées aux finances publiques par lesrestructurations des entreprises publiques, ainsiqu’une meilleure appréciation de l’impact del’économie nigériane sur le Cameroun (voir ciaprès).Cet exercice a également permis de dresserun bilan de l’ajustement structurel du point de vuemacro-économique (complété par l’analyse del’emploi et du secteur informel), qui a été élargiensuite dans le cadre d’une étude comparativeAfrique/Asie sur les résultats de ces politiques(Trotignon, 1993).Un exercice de simulations a ensuite été effectuédans le but d’évaluer l’impact de la dévaluation dufranc CFA sur le Cameroun. Les simulations sesont appuyées sur un modèle d’équilibre généralcalculable de l’économie camerounaise, dontl’élaboration a nécessité la construction préalabled’une matrice de comptabilité sociale (Cogneau etRoubaud, 1993). Les simulations ont été effectuéesà la fois ex ante et ex post, autrement dit avant etaprès la dévaluation. Les premières d’entre elles ontSTATECO N°100, 2006


48été menées de manière confidentielle fin 1993 à lademande du ministère de la Coopération ; elles ontconclu que la dévaluation était nécessaire pouraméliorer la compétitivité de l’économie etretrouver le chemin de la croissance. La dévaluationayant finalement été mise en œuvre début 1994(avec une dévaluation de 50% du franc CFA).Conformément aux résultats des autres études quiont cherché a évaluer l’impact de la dévaluation,toutes les simulations effectuées ex post (qui ontaussi porté sur la Côte d’Ivoire et le Sénégal) ontmontré que celle-ci a eu un impact expansionnistesur l’économie et que, tout en ayant un impact trèsnégatif sur les revenus urbains, elle a sensiblementaccru le pouvoir d’achat rural.L’emploi et le secteur informel àYaoundéA l’occasion des exercices de projection macroéconomiques’est posée la question déjà anciennedu rôle du secteur informel dans la crise et plusgénéralement dans le contexte économique futurdes pays africains. Ce secteur, dont ledéveloppement est visible a-t-il été, ou peut-il être,un facteur atténuateur de la crise ? Ceci supposequ’il soit en mesure de créer de la richesse, mêmedans un contexte où le secteur moderne est endéclin. Or, si la comptabilité nationale procure unevision relativement actualisée du secteur formel, lesecteur informel, particulièrement en milieu urbain,ne fait l’objet d’aucune mesure statistique directe.De ce fait, il est impossible, sans nouvellesinvestigations statistiques, d’en donner unereprésentation utilisable pour la construction descénarios d’évolution à moyen terme de l’ensemblede l’économie camerounaise.Pour tenter de répondre à cette question, et par làmême déboucher sur une représentation formaliséedu rôle du secteur informel dans une économieafricaine, DIAL a proposé à la DSCN de mettre surpied une méthode d’investigation du secteurinformel urbain, en commençant à titreexpérimental par l’étude de la ville de Yaoundé.Les résultats de cette enquête ont fait l’objet d’unnuméro spécial de la revue Statéco (Roubaud,1994).La DSCN a marqué son intérêt pour expérimenterune méthode d’approche de ce secteur, utilisablepour le développement de la réflexionmacroéconomique recherché par DIAL, etrépondant aux deux contraintes suivantes : fournirune mesure statistiquement représentative d’unsecteur trop souvent étudié soit par des méthodesnon extrapolables parce que procédant avant toutd’une démarche socio-anthropologique soit par desenquêtes fondées sur des répertoires d’entreprises,non adaptées à la mesure de ce secteur ; fournir uneimage économiquement « bouclée » de ce secteur,en le mesurant tant du côté de l’offre (salocalisation dans le système productif, lesdéterminants de son développement et sesmodalités d’ajustement à son environnement, etc.)que du côté de la demande (origine de la demande,modalités de choix des ménages pour les produitsélaborés ou distribués par ce secteur), aspect engénéral peu ou pas du tout exploré.C’est dans cette perspective que DIAL a proposé lamise en œuvre en collaboration avec la DSCNd’une enquête sur ce thème appelée enquête 1-2-3.C’était la première fois qu’une telle enquête étaitmenée en Afrique (dans le prolongement de travauxde ce type menés au Mexique au milieu des années1980). La réussite de cette opération peut êtremesurée à l’aune de son faible coût, de la qualitédes résultats obtenus et de la rapidité de sortie deces résultats. Décidée à l’été 1992, l’enquête a étémenée en 1993 et les résultats diffusés la mêmeannée. Ils ont été présentés publiquement lors d’unséminaire sur l’emploi et le secteur informel quis’est tenu à Yaoundé en novembre 1993.L’enquête 1-2-3 a ainsi fourni pour la première foisune mesure précise du poids du secteur informeldans l’emploi total (57 % de l’emploi à Yaoundé).Elle a aussi mis en évidence le fait que le secteurinformel est depuis le début de la crise le principalmoteur de la création d’emplois.Face au succès et aux retombées de cette opérationpilote, l’enquête a été reconduite à Yaoundé en1994. Elle a permis d’apprécier l’impact de courtterme de la dévaluation sur le marché du travailurbain (ainsi que des mesures d’ajustement réel dessalaires publics), avec une réduction substantielledu taux de chômage (de 24 % à 18 %),accompagnée d’une très forte poussée du secteurinformel (de 57 % à 66 %), dans un contexted’effondrement des revenus réels (- 45 %). Dix ansaprès, l’enquête a été élargie au niveau national parla DSCN en 2005, avec l’appui d’AFRISTAT, deDIAL et de la Coopération française (voirquatrième partie ci-après).Les échanges transfrontaliers avec leNigeriaCe volet du programme s’inscrivait dans le cadred’un objectif d’étude de l’insertion internationale del’économie camerounaise, et plus particulièrementde son intégration régionale, sachant que lespolitiques d’ajustement structurel comportaient desmesures visant à développer cette intégration. Alorsque les pays africains sont considérés comme peuouverts sur leurs voisins, l’étude partait du constatqu’une forte partie des échanges avec le Nigerialimitrophe – qui est aussi la grande puissancerégionale – s’effectuaient de manière informelle (encontrebande). L’objectif était donc de fournir unéclairage sur l’ampleur réelle de la pénétration desSTATECO N°100, 2006


49produits nigérians et sur ses conséquences sur lesbiens et services produits au Cameroun (quellesubstitution sur quels produits, où vont les margesdégagées, impact sur les transports, la demande demonnaie, etc.). La dévaluation du franc CFAintervenue en janvier 1994 a accru par la suitel’intérêt pour ce thème. Cette étude a été menéedans le cadre d’un séjour sur le terrain pendantdeux ans d’un chercheur de l’IRD et de DIAL(J. Herrera) en 1991-1993, prolongé par denombreuses missions de chercheurs de DIAL.Ce programme de terrain a rempli ses objectifs enaboutissant notamment à une évaluation plusréaliste de l’intégration commerciale Cameroun-Nigeria. Alors que les statistiques douanièresofficielles confèrent un poids marginal auxéchanges avec le Nigeria dans le commerceextérieur total du Cameroun, l’étude a ainsi montréque 8 % de la consommation des ménages et 15 %des importations totales correspondaient à desproduits introduits en fraude en provenance duNigeria (carburants, riz, coton, etc.). Lesmodélisations économétriques ont mis en lumière lefait que le taux parallèle naira/franc CFA étaitdéterminé au Nigeria, essentiellement par desfacteurs liés aux déséquilibres macro-économiquesdans ce pays. Ces travaux ont débouché sur uneanalyse plus générale du lien entre échangestransfrontaliers et intégration régionale en Afrique(Egg et Herrera, 1998).Le projet Madio à Madagascar 23Le projet Madio (Madagascar-Dial-Instat-Orstom) aété mis en place à Madagascar en 1994. Les deuxpartenaires scientifiques du projet étaient l’Institutnational de la statistique malgache (INSTAT) etl’Institut de recherche pour le développementfrançais (IRD, ex-ORSTOM), à travers DIAL.Parmi tous les projets lancés par DIAL, celui-ci estle plus important et celui qui a mobilisé le plus demoyens humains et financiers. Une équipe de3 chercheurs IRD a été basée sur place de 1994 à1999 (sous la direction de F. Roubaud) et a recrutéplusieurs économistes-statisticiens malgaches touten recevant un appui de DIAL sous forme demissions, d’accueil de stagiaires à Paris. Le projet apar ailleurs bénéficié de financements de laCoopération française et de l’Union européenne. De1999 à 2003, suite au départ des chercheurs IRD,Madio a continué à recevoir un appui à distance dela part de DIAL et à bénéficier de financementsfrançais et européens, avant d’être intégrétotalement dans l’INSTAT à cette date (lacollaboration DIAL-INSTAT se poursuivant sousd’autres formes).23Cette partie est largement inspirée de Roubaud(2000a) dont elle constitue une synthèse actualisée.Localisé au sein de l’INSTAT, le projet Madioavait pour objectif de promouvoir l’analyseéconomique à Madagascar et d’aider aurenforcement de l’appareil statistique national. Onpeut regrouper les actions menées dans le cadre deMadio autour de 5 fonctions principales :réalisation d’enquêtes statistiques ; mise en place demodèles macro-économiques ; réalisation d’étudeséconomiques ; mise en place d’une politique devalorisation et de diffusion des résultats ;participation à la formation. Nous présentons ciaprèsles résultats obtenus selon ces différentesdimensions.Enquêtes statistiquesMadio a réalisé un investissement lourd en matièrede collecte d’information statistique. La philosophiede cet investissement statistique était de fournir desinformations statistiques fiables et actualisées surles questions clés liées à la transition économiqueen cours, là où les lacunes étaient les plus criantes.Par la construction de séries chronologiques,instrument privilégié de l’analyse de la dynamiquetemporelle généralement inexistant en Afrique, ils’agissait d’instaurer une série de rendez-vouspériodiques à travers lesquels sont diffusés lesrésultats sur les principales caractéristiques del’économie malgache (prix, commerce extérieur,emploi, croissance, etc.).Le projet Madio a mis en place plusieurs systèmesd’enquêtes touchant des secteurs clés de l’économiemalgache. Ceux-ci sont brièvement présentés ici.Deux systèmes d’enquêtes lancées dans le cadre deMadio ont été intégrés dans le dispositif d’enquêtesofficielles et le sont restés à ce jour.• L’enquête 1-2-3 est réalisée à Antananarivodepuis 1995. La phase 1 (enquête emploi),conduite annuellement depuis cette date,fournit des informations rapides sur la situationet l’évolution du marché du travail dans lacapitale et permet d’analyser son mode defonctionnement. En 2000, elle a été menéedans les 7 plus grandes villes du pays. Il s’agitde la seule source d’information disponible àMadagascar permettant d’établir un diagnosticen temps réel des retombées des politiqueséconomiques sur la population (emploi,chômage, revenus, etc.). L’enquête fournit enparticulier une information sur la Zone franche,qui a acquis une importance majeure dansl’emploi privé. L’enquête emploi a servi desupport à des modules d’enquêtes spécifiquesdonnant lieu à des études thématiques(gouvernance et démocratie, éducation, etc.).Parallèlement, des enquêtes sur le secteurinformel (phase 2 des enquêtes 1-2-3) et sur lesconditions de vie des ménages (phase 3) ont étéconduites dans la capitale avec une périodicitéSTATECO N°100, 2006


50triennale (1995, 1998, 2001 et 2004). Elles ontnotamment permis de quantifier pour lapremière fois le rôle économique du secteurinformel, à la fois du côté de l’offre(production du secteur) et de la demande (poidsdu secteur dans la consommation desménages).• Les observatoires ruraux se proposentd’étudier l’impact des réformes économiquessur le monde rural à Madagascar. Dès 1995,4 observatoires ruraux ont été mis en place,portant chacun sur une zone géographiquedistincte correspondant à une problématiqueéconomique spécifique de l’agriculturemalgache ; dans chaque observatoire un panelde plusieurs centaines de ménages est suivichaque année ; après avoir été élargi depuis1999 avec l’aide de l’Union européenne, ledispositif est géré désormais par le Réseau desObservatoires Ruraux et suit 17 observatoires.Bien que non représentatifs, les observatoiresruraux constituent la seule sourced’information continue à Madagascar poursuivre l’évolution des zones rurales.D’autres dispositifs d’enquêtes ont été mis en placede manière plus ponctuelle ou ont été abandonnésau bout de quelques années par l’INSTAT.L’enquête sur les trajectoires biographiquesréalisée en 1998 dans la capitale permet dereconstituer des parcours biographiques pouranalyser les interactions entre trois types detrajectoires (familiale, migratoire, scolaire etprofessionnelle). L’enquête est la quatrièmeréalisation de ce type d’enquêtes en Afrique (aprèsles enquêtes menées à Dakar, Bamako et Yaoundépar d’autres chercheurs de DIAL) et aussi la plusachevée. L’enquête annuelle dans l’industrie a étéeffectuée de 1995 à 1999 avant d’être abandonnéepar l’INSTAT. Cette enquête avait pour vocation defournir des informations annuelles et rapides sur lastructure du secteur industriel malgache. Ils’agissait de la seule source d’informationquantitative sur les entreprises à Madagascar. Enfin,Madio a contribué à la rénovation de l’indice desprix à la consommation et au lancement d’enquêtesde conjoncture dans l’industrie à l’aide d’expertsd’AFRISTAT et de l’INSEE.Modélisation macroéconomiqueLa modélisation macroéconomique constituait unobjectif initial clairement affiché dans leprogramme du projet Madio. L’importanceaccordée à ces outils se justifiait par deux raisons :en premier lieu, parce que les modèles imposent demettre en cohérence les principaux agrégats etassurent donc la synthèse et la remontée desinformations économiques ; en second lieu, parceque les modèles et leurs débouchés (projections,simulations) constituent un instrument pédagogiquestimulant la réflexion et les débats sur l’économiedans son ensemble et sur l’impact des mesures depolitique économique.Suite à la construction du modèle macro-financierde court terme Prestomad en 1995 sur la base dumodèle utilisé par l’AFD pour ses projections sur lazone franc, un exercice annuel de projectionsmacro-économiques a été présenté chaque annéejusqu’en 2002. Ces travaux ont été largementdiffusés et ont constitué une référence sur lesenjeux et les résultats de la politiquemacroéconomique à Madagascar. Suite à la créationdu CREAM (Centre de Recherches, d’Etudes etd’Appui à l’Analyse Economique à Madagascar)avec l’appui des bailleurs de fonds, l’activité demodélisation macroéconomique a été transférée del’INSTAT à cet organisme. Un modèle d’équilibregénéral calculable (EGC) construit dans le cadre duprojet Madio a également été utilisé pourl’évaluation d’impact des politiques.Etudes économiquesLa réalisation d’études économiques a constitué lecœur du projet Madio. Ce champ d’activité avaitdeux fonctions principales : répondre à un certainnombre de questions économiques pourcomprendre les enjeux et les contraintes duprocessus de transition en cours à Madagascar, etétayer la prise de décision en matière de politiqueéconomique. De ce point de vue, Madagascar, àl’instar de nombreux pays africains, ne bénéficiaitd’aucune tradition dans ce domaine. Il s’agissaitaussi de former un capital de compétencesnationales susceptibles d’entreprendre et de mener àbien ce genre d’études.Il convient de noter qu’au commencement du projetMadio, la production scientifique dans la disciplineéconomique à Madagascar (ouvrages, articles,études, etc.) était quasiment inexistante. Dans cecontexte, la tâche de Madio était particulièrementdifficile. Deux séries de documents ont été créées :« études », pour les analyses thématiquesproprement dites ; « documents techniques », pourles développements méthodologiques. Ces deuxcollections ont été maintenues jusqu’à la fin duprojet Madio, même si le rythme de productions’est ralenti au cours de la seconde phase du projetde 1999 à 2002. Sur l’ensemble de la période 1995-2002 près de 400 études ont été publiées (voir lasérie des 238 études et 154 documents de travaildisponibles sur le site de l’Instat :http://www.instat.mg/Prod/Result/madio.htm). Laréalisation de ces études a constitué le socle d’unvéritable programme de recherche sur la transitionéconomique et politique, qui a débouché sur lapublication de plusieurs ouvrages et de nombreuxSTATECO N°100, 2006


51articles scientifiques qui se poursuit jusqu’àaujourd’hui.Les études et recherches strictement économiquesont constitué le gros de la production : perspectivesmacroéconomiques ; dynamique des prix et destaux de change ; politiques monétaire, fiscale oucommerciale ; dette extérieure ; désengagement del’Etat ; investissements étrangers et dynamique dela Zone franche, etc. Madio a également investi deschamps plus microéconomiques (travail desenfants, demande d’éducation et de santé, durée duchômage, discriminations salariales), d’autres à lafrontière de la démographie et de l’économie(fécondité, transition démographique, transfertsintergénérationnels) ou encore relevant plusdirectement de la sociologie (géographie etsociologie électorales, sociologie religieuse,politique, etc. ; Roubaud, 2000b).Valorisation et diffusion des résultatsLa valorisation des résultats obtenus par Madioconstitue sans aucun doute le point le plus originalet le plus novateur du projet. Cette politique activeet délibérée avait une double ambition : diffuserauprès du plus grand nombre des analyses sur desthèmes sensibles afin d’enrichir le débatdémocratique, dans un pays où l’accès àl’information a toujours été le privilège d’uneminorité ; susciter l’intérêt d’acteurs clés et desdécideurs (notamment l’administration et lesbailleurs de fonds), afin de les inciter à continuer àfinancer ce type de recherches.De nombreux canaux ont été mobilisés pour menerà bien cette politique :- large diffusion des travaux écrits ; ces travauxont été systématiquement distribués à unetrentaine d’intermédiaires stratégiques -administrations économiques, bailleurs defonds, organisations de la société civile etmedias ; Madio a acquis très rapidement lareconnaissance de la presse et cette confiancene s’est jamais démentie (plus de 500 articlespubliés entre 1995 et 1999) ;- conférences de presse ; à l’instigation deMadio, l’Instat a mis en place dès 1995 unpoint de presse intitulé « Instat PointInformation » qui continue d’être organisé aumoment de la rédaction de cet article ; cespoints de presse ont renforcé la visibilité et lacrédibilité de l’Instat au plan national ;- création de la revue Economie deMadagascar ; à l’instigation du projet Madio,la Banque centrale de Madagascar et l’Instatont cofondé en 1996 une revue scientifique quia publié 4 numéros et qui n’a malheureusementpas survécu au départ des responsablesétrangers du projet ;- publication dans des revues scientifiquesétrangères et participation à des colloquesinternationaux ; pour pousser plus loin lavalorisation de ses travaux, le projet Madio aenfin cherché à s’insérer dans les réseauxinternationaux et la communauté scientifiqueen économie et statistique.FormationLa formation a constitué un axe essentiel desactivités de Madio. La formation du personnel deMadio a constitué la priorité essentielle selon cetaxe. Les membres malgaches de Madio ont pubénéficier de formations aux techniques statistiqueset à l’analyse économique, de la part à la fois deschercheurs expatriés de l’IRD en place sur leterrain, et de missionnaires de DIAL envoyés àMadagascar.Il convient d’insister sur le fait que la grandemajorité des membres malgaches de Madion’avaient aucune expérience professionnelle à leurentrée dans le projet. Un des rôles essentiels deschercheurs de l’IRD a donc été de transformer cescadres bien formés, en de véritables professionnelsde l’analyse et de la recherche en économie. Suiteau recrutement par le projet de 4 jeunesstatisticiens-économistes issus de l’Ensead’Abidjan, les économistes malgaches ont pris encharge la formation de leurs cadets. Le processus decapitalisation des savoirs sur une base endogène aainsi été enclenché.Les membres de Madio ont aussi dispensé desformations extérieures (notamment à travers unecoopération Sud-Sud d’appui à la mise en place desenquêtes 1-2-3 en Afrique de l’Ouest dans le cadredu projet). Certaines de ces formations se sontopérées de manière informelle, telles que letransfert des opérations statistiques de Madio auxcadres de l’INSTAT. De plus, des modules deformation au traitement et à l’analyse des donnéesont été organisés par les membres de Madio. Leschercheurs sont enfin intervenus à différentsniveaux dans les cycles universitaires del’université d’Antananarivo.Que reste-t-il de Madio ?Dans un temps très bref, le projet Madio est devenuprogressivement incontournable dans le paysagemalgache, alimentant à jet continu l’Etat et lesacteurs sociaux en résultats d’enquêtes, étudeséconomiques et évaluations de politiques et ens’inscrivant à part entière dans les débats.L’essentiel des retombées du projet a donc étéobservable pendant cette période. Quelques annéesaprès son achèvement, les acquis du projetdemeurent considérables et sont principalement dequatre ordres (cf. en particulier le rapportd’évaluation de Charlot et Gié, 2004) :STATECO N°100, 2006


52- un corpus extrêmement riche d’enquêtesstatistiques et d’études économiques réaliséespendant la durée du projet, qui ont améliorédans de très nombreuses directions laconnaissance de la société malgache dans desdomaines jusqu’alors totalement méconnus(emploi, secteur informel, dimensions de lapauvreté, structure de l’appareil industriel,gouvernance et démocratie, etc.) ; lacollaboration entre DIAL et l’Instat se poursuitaujourd’hui dans le cadre des enquêtes 1-2-3 etd’enquêtes diverses ;- une fonction d’innovation méthodologique(enquêtes de panels, exploration de nouvellesthématiques, dispositif d’évaluation d’impact)qui a diffusé largement au-delà du projet, àMadagascar mais aussi dans d’autres pays.L’exemple des modules sur les Multiplesdimensions de la pauvreté, la Gouvernance etla Démocratie est emblématique à ce propos.Après avoir été progressivement rodés àMadagascar, ils ont été proposés et appliquéspar les INS de plus d’une dizaine de paysd’Afrique de l’Ouest et d’Amérique latine ;- une nouvelle approche de la productionstatistique et d’études, contribuant directementau débat démocratique dans le pays ; en necantonnant pas l’Institut de statistiques à laseule production de données (comme c’estgénéralement le cas dans la plupart des PED)mais en liant systématiquement productionstatistique et analyse des données tout endiffusant les résultats le plus largementpossible (notamment à travers des conférencesde presse), le projet Madio a participé de pleinpied au processus de la démocratisation deMadagascar opéré durant les années 1990,instaurant des pratiques qui sont toujourssuivies actuellement ;- enfin, la formation de cadres malgaches, dansun pays où le manque de qualification pèselourdement sur l’administration ; même sicompte tenu de la fuite des cerveaux qui affectetous les INS africains, la plupart des jeunesstatisticiens et économistes qui ont été formésdans le cadre du projet ont essaimé dansdifférentes institutions impliquées dans lagestion économique du pays (administrationmalgache, programmes conduits par lesbailleurs de fonds), l’investissement effectuépour leur formation a donc été utile au pays et acontribué à l’amélioration du capital humaindans ce domaine. Ici encore, le travail deformation se poursuit, dans le cadre deplusieurs thèses de doctorat en préparation.Les analyses macro-économiqueset sectoriellesA partir de 1995, parallèlement à la conduite duprojet Madio, DIAL a élargi son champ d’activitéau-delà de l’approche pays telle qu’elle a étépratiquée au Cameroun et à Madagascar, en menantdes études macro-économiques et sectorielles surl’Afrique. Entre 1995 et 2002, les travaux menésdans le cadre de 2 Fonds d’Action Concertée(regroupés dans le programme N°3 du tableau p.2)ont étudié trois axes : la compétitivité africaine ; lesperspectives macro-économique des pays africains ;les politiques de lutte contre la pauvreté.La compétitivité africaineL’objectif central de l’étude de la compétitivité despays africains était de mieux appréhender lepotentiel de croissance et d’insertion internationalede ces pays à long terme, suite à la dévaluation dufranc CFA. Ce travail s’est effectué successivementdans trois directions complémentaires que nousprésentons dans l’ordre chronologique.• Un premier travail a porté sur le lien entremarché du travail et compétitivité en Afriquesub-saharienne. Il a débouché sur la publicationd’un ouvrage collectif (Cogneau, Marniesse etMoisseron, 2000). L’objectif était d’analyserl’impact de la crise sur le marché du travail etd’examiner les conséquences de l’interventionde l’Etat sur la régulation du marché du travail,ainsi que l’impact des programmesd’ajustement structurel. Il s’agissait enfin des’interroger sur les liens entre le marché dutravail et la productivité, à travers descomparaisons internationales de salaires et decoûts de production. L’étude a passé en revueles changements intervenus durant les dernièresdécennies sur les marchés du travail africainsen mettant en évidence le développementmassif du secteur informel. Toutefois, l’essorde ce secteur ne constitue pas selon l’étude laréaction spontanée du secteur privé face aucarcan d’un Etat bureaucratique, mais est plutôtla conséquence à la fois de la crise et dudéveloppement d’emplois tertiaires. Enfin,l’étude met en évidence l’enfermement despays africains dans une spécialisation fondéesur les ressources naturelles à faible contenu enemplois et à salaires élevés et la difficultéd’envisager le développement d’industries demain-d’œuvre orientées vers l’exportation. Ceproblème se pose avec une acuité particulièredans la zone franc, même après la dévaluationdu franc CFA (période sous étude), comptetenu du coût élevé du travail.STATECO N°100, 2006


53• L’étude sur les performances commerciales despays africains a été publiée sous forme derapport d’étude DGCID (Gros, Letilly etMartinet, 2002). Elle adopte une approche entermes de filières productives à un niveau trèsfin et utilise des bases de données de commerceinternational établies par les Nations Unies.L’étude analyse les performancescommerciales des principaux pays africainsdurant les années 1990, en décomposantcomptablement la variation des parts de marchéen deux facteurs : un effet de spécialisationsectorielle ; un effet de compétitivité. Laplupart des pays étudiés souffrent d’unespécialisation sectorielle défavorable, tandisque l’effet compétitivité est positif pourquelques pays seulement (Afrique du Sud,Ghana, Madagascar). Si on excepte le cas trèsparticulier de l’Afrique du Sud, le Ghana etMadagascar constituent les seuls exemples depays dont les exportations ont réussi àprogresser au-delà d’un pur effet de demande :dans le cas du Ghana, on a observé unediversification accrue des exportations et unessor des ventes de cacao ; dans celui deMadagascar, l’essor des exportations a reposéen quasi-totalité sur le textile-habillement dansle cadre des zones franches d’exportation(dispositifs fiscaux dérogatoires destinés àfavoriser l’investissement pour l’exportation deproduits intensifs en main-d’œuvre).• Enfin, une analyse du rôle des zones franchesd’exportation (ZFE) en Afrique a été menée(Cling et Letilly, 2001). Un diagnostic sur lamultiplication des ZFE au plan mondial aucours des dernières décennies a montréqu’aucun pays africain n’a réussi à développerde tels dispositifs avec succès au cours desdernières années 24 , à l’exception deMadagascar depuis les années 1990 (et duKenya dans la période toute récente). Les ZFEont eu une contribution importante à la repriseéconomique observée à Madagascar depuis lemilieu des années 1990, et ont permis laformation d’une base industrielle. Grâce auxdonnées individuelles d’enquêtes 1-2-3 à notredisposition (conduites à Madagascar dans lecadre du projet Madio), nous avons puprocéder à des estimations qui ont montré queles salaires dans les ZFE étaient équivalents,toutes choses égales par ailleurs, à ceux versésdans les autres entreprises industrielles (maissupérieurs à ceux du secteur informel). Alorsque les ZFE sont souvent critiquées pour les24 L’Ile Maurice a instauré des dispositifs de ZFE avecsuccès à partir des années 1960, ce qui lui a permis dedevenir un important exportateur de textile-habillementet ce qui a favorisé son développement économique. Cesdispositifs sont en crise depuis les années 1990.conditions de travail qui y règnent, nous avonsmontré que l’impact social négatif des ZFEobservé dans les pays à revenu intermédiairepourrait ne pas jouer dans les pays plus pauvrestels que Madagascar, où ce dispositif a joué aucontraire un rôle positif du point de vue desnormes de travail. Nous avons conclu que lesZFE ne pouvaient plus être placées au centred’une stratégie de développement dans lenouveau cadre commercial international, enparticulier à cause de la concurrence chinoise(Razafindrakoto et Roubaud, 1997 et 2002 ;Cling, Razafindrakoto et Roubaud, 2005).Etude des perspectives macroéconomiquesL’étude des perspectives économiques des paysafricains s’inscrivait dans le prolongement destravaux effectués sur le Cameroun dès la créationde DIAL, puis de ceux réalisés dans le cadre duprojet Madio à Madagascar. Il s’agissait d’aider laCoopération française à définir ses stratégies pays(notamment lors de la préparation des commissionsmixtes ou de ce qui s’appelait à l’époque les« orientations à moyen terme »), en prenant encompte les perspectives économiques des pays oùelle intervient. Suite à des missions de terrain, desrapports pays ont été réalisés sur le Cameroun, laCôte d’Ivoire, le Ghana, Madagascar, le Nigeria etle Sénégal.Il était par ailleurs prévu d’établir un cadreméthodologique utilisable par les services duministère, dans le but d’adopter ensuite uneapproche uniformisée des travaux d’analyses-pays.Deux notes ont été établies, prenant en comptel’expérience acquise lors des opérations menées parDIAL pour la DGCID, et proposant deux optionsméthodologiques plus ou moins ambitieuses (àsuivre éventuellement conjointement) : réalisationd’un cadrage macro-économique léger, comportantdes projections à 2-3 ans mettant en évidence lasensibilité de l’économie à l’évolution de quelquesparamètres stratégiques ; de manière plusambitieuse, analyse de la structure et desdynamiques internes de l’économie afin de dégagerles contraintes structurelles auxquelles doit faireface l’économie, ainsi que sa trajectoire potentielle.Cette dernière approche, nécessairement plus lourdeet plus ambitieuse, reposait sur la construction d’unmodèle d’équilibre général de l’économie étudiée.La réorganisation de la Coopération française, et laréduction des moyens consacrés aux études-paysn’a pas permis que celle-ci s’approprie cesméthodes de prévisions pour son usage personnel.Même si ce travail d’établissement de perspectivesmacro-économiques a été globalement peu utilisépar la DGCID (de même que par les pays étudiés),l’expertise macro-économique accumulée sur laSTATECO N°100, 2006


54Côte d’Ivoire a trouvé un débouché important suiteà la crise politique intervenue dans ce pays à partirde 2002. A la demande de la Coopération française,DIAL a ainsi participé à un exercice collectifcherchant à analyser les facteurs économiques etsociaux de la crise. Cet exercice a dressé un premierbilan des politiques d’ajustement menées dans lesannées quatre-vingt-dix et évalué la portée réelle dela dévaluation du franc CFA sur l’économieivoirienne. Il a fait ainsi apparaître que celle-ci n’apas eu un effet positif durable sur la croissance et laréduction de la pauvreté. Suite à cet exercice, leschercheurs de DIAL ont coordonné un numérospécial de la revue Afrique contemporaine consacréà la crise en Côte d’Ivoire (Cogneau,Mesplé-Somps et Roubaud, 2003). Parallèlement,prenant appui sur les travaux réalisés dans le cadredu projet Madio un autre numéro spécial de larevue a été consacré aux fondements économiqueset politiques de la crise malgache, ainsi qu’auxperspectives de sortie par le haut (Roubaud, 2002).La veille macro-économique assurée par DIAL aégalement débouché quelques années après ce FSPsur la mise à disposition à DIAL en 2004 deB. Leenhardt, ancien responsable des projectionsmacro-économiques sur la zone Franc à l’AFD(avec qui des échanges réguliers d’informationsavaient été organisés au fil des années). Ce derniera continué à contribuer (avec l’aide d’autreschercheurs de DIAL) à l’élaboration de cesprojections devenues un exercice commun AFD-DIAL.Analyse des politiques de lutte contre lapauvretéDès le milieu des années 1990, DIAL a commencéà étudier le thème de la lutte contre la pauvreté, àune époque où la Coopération française neconsidérait pas encore ce thème comme unepriorité. On peut notamment mentionner laparticipation à une étude menée par différentsinstituts européens sous la coordination de l’ODIsur les politiques suivies dans ce domaine par lesinstitutions d’aide européennes, l’étude pour lePNUD de l’articulation des stratégies macroéconomiqueset de réduction de la pauvreté dansplusieurs pays africains, l’analyse également pourle PNUD des systèmes existants de mesure de lapauvreté dans l’ensemble des PED, enfin l’analysede la pauvreté et de la distribution des revenus enmilieu urbain dans trois pays d’Afrique de l’Ouest(Côte d’Ivoire, Mali et Sénégal) pour le compte dela Banque mondiale 25 .25 Cette dernière étude a été menée en collaboration avecAFRISTAT, l’Institut de la Statistique de Côte d’Ivoire, laDirection de la Prévision et de la Statistique du Sénégalet l’Ecole Nationale de la Statistique et d’EconomieAppliquée (ENSEA) d’Abidjan (DIAL, 2000).Il a donc été suggéré à la Coopération françaised’ajouter ce thème dans le programme mené parDIAL, où il a pris une importance croissante suite àl’adoption par l’ensemble de la Communautéinternationale – dont la France – des nouvellesstratégies internationales de lutte contre la pauvretédéfinies par les Institutions de Bretton-Woods en1999 et à la fixation des Objectifs du Millénairepour le Développement (OMD) dans le cadre desNations Unies en 2000. Les travaux de DIAL sur cethème se sont intéressés aux trois volets quicomposent les nouvelles politiques de lutte contrela pauvreté.• Avec l’adoption des DSRP (DocumentStratégique de Réduction de la Pauvreté, PRSPen anglais) et l’abandon des politiquesd’ajustement structurel, l’objectif central despolitiques de développement est devenu la luttecontre la pauvreté. DIAL a analysé la portée etles limites du discours de la Banque mondialedans ce domaine (Cling, 2003) et a cherché àapprofondir le diagnostic sur la pauvreté dansses différentes dimensions. Nous avons montréque les DSRP reconduisent toutefois pourl’essentiel sous un habillage différent lesorientations antérieures des politiquesd’ajustement avec seulement des changementsà la marge. En particulier, l’articulation entre lecadrage macro-économique et les politiquessectorielles n’est pas vraiment effectuée ;l’environnement international est négligé ; lesconflits d’intérêts et la nécessité d’arbitragesn’est pas vraiment prise en compte ; la questionde la soutenabilité de ces politiques n’est pasposée, etc. Au total, le contenu des nouvellesstratégies est porteur d’innovations àencourager mais il doit être amélioré pourmaximiser leur impact sur la réduction de lapauvreté.• La nouvelle démarche préconisée dans le cadredes DSRP prévoit la mise en œuvre d’unprocessus participatif pour la définition despolitiques de lutte contre la pauvreté, enrupture avec les pratiques antérieures, quiconsistaient pour l’essentiel à définir del’extérieur des politiques que les pays étaientensuite chargés d’appliquer. DIAL a cherché àévaluer les conditions concrètes de mise enœuvre de ces processus participatifs, à traversen particulier une étude de cas portant sur leMali (Dante, Marouani et Raffinot, 2003) et àétudier dans quelle mesure cette innovationétait susceptible de renforcer la démocratie etd’améliorer l’efficacité des politiques. Leséminaire international sur les stratégies delutte contre la pauvreté organisé à Madagascaren Février 2001 avec l’appui de la DGCIDs’est inscrit dans le cadre du processusSTATECO N°100, 2006


55participatif mené dans ce pays. Il a vu sesrecommandations opérationnelles intégréesdans le DSRP final malgache complété fin2001.• L’intégration des dispositifs de suivi &évaluation comme composante à part entièredes DSRP est une innovation. Toutefois, cesdispositifs constituent le maillon le plus faiblede ces nouvelles politiques, comme l’ontmontré plusieurs travaux de DIAL (Brilleau,2002 ; Gubert et Robilliard, 2002 ;Razafindrakoto et Roubaud, 2003), le premierd’entre eux , qui dressait un état des lieux etproposait des indicateurs pour le suivi desDSRP, ayant été diffusé par la DGCID sousforme de Rapport d’étude. L’étude montrait enparticulier que les indicateurs ne sont pasdéfinis de manière détaillée, que les indicateursde moyens et de résultats devraient êtredavantage explicités, et que les ressourcesfinancières et humaines nécessaires pour lacollecte des statistiques et le calcul desindicateurs devraient être prises en comptedans le suivi. Une étude spécifique desindicateurs de suivi dans le domaine rural aégalement été réalisée, qui aboutissait à desconclusions équivalentes.L’étude des nouvelles stratégies internationales delutte contre la pauvreté a débouché sur lapublication d’un ouvrage collectif analysant cestrois dimensions (Cling, Razafindrakoto, Roubaud,2003). Il s’agissait du premier ouvrage critiqueconsacré à ce sujet dans le monde, si on excepte lespublications d’ONG, surtout consacrées auxquestions de processus participatifs. L’ouvragecombine une analyse des raisons qui président àl’importance accordée à ce thème par lesinstitutions financières internationales à l’origine duconcept de DSRP, une évaluation des chances desuccès de ces politiques, ainsi qu’une revue de leurapport et de leurs limites, et présente un certainnombre de propositions dans ce domaine, enparticulier en matière de dispositif de suivi à mettreen place.Cet ouvrage préfacé par le Directeur Général de laDGCID a donné lieu à de nombreuses présentationsen Europe (France, Grande-Bretagne, Belgique,Norvège à la conférence ABCDE-Europe de laBanque mondiale) et en Afrique (Burkina Faso,Gabon, Mali). Plusieurs présentations ont étéeffectuées à la DGCID, dont l’une en présence duDirecteur Général et des agents de l’administrationcentrale, ainsi qu’à l’AFD. Des copies ont étéenvoyées à tous les Services de coopération etd’action culturelle (SCAC) afin de les aider dansl’appui aux efforts engagés dans leur pays derésidence pour la définition et la mise en œuvre desDSRP.L’élaboration d'outils et méthodespour les stratégies de dévelop–pement et de lutte contre lapauvretéNous présentons dans cette dernière partie lestravaux les plus récents effectués par DIAL sur lethème « Elaboration d'outils et méthodes pour lesstratégies de développement et de lutte contre lapauvreté » pour le compte de la Coopérationfrançaise, dans le cadre d’un FSP couvrant lapériode 2003-2006. Ces travaux sont en coursd’achèvement au moment de la rédaction de cetarticle et cette présentation a donc encore uncaractère provisoire. D’une manière générale, ceprogramme marque trois inflexions importantes parrapport aux deux FSP antérieurs présentés dans lapartie précédente :- avec la montée en puissance de la lutte contrela pauvreté dans les politiques dedéveloppement et de l’aide publiqueinternationale, ce thème qui avait étéinitialement intégré à la marge du programmeprécédent est devenu progressivementl’ancrage de la collaboration entre DIAL et laDGCID ;- à la demande de la DGCID, ce FSP a uneorientation beaucoup plus méthodologique etstatistique que les précédents, la plus grandepartie du programme correspondant à la miseen place et à l’analyse d’indicateurs (pauvreté,gouvernance, etc.) à partir d’enquêtesménages ;- enfin, une caractéristique majeure de ce dernierprogramme consiste dans l’élargissement despartenariats établis pour sa mise en œuvre, quece soit avec AFRISTAT, avec l’AgenceFrançaise de Développement (AFD, entréedans le GIE DIAL en 2003), la Banquemondiale, l’OCDE, ou encore avec le Pôle deDakar soutenu par la Coopération française.Ce programme s’est déroulé selon quatre axes :analyse du lien croissance-pauvreté-inégalités ;suivi & évaluation des cadres stratégiques de luttecontre la pauvreté ; participation et mesure de lagouvernance ; appui au centre de rechercheappliquée d’AFRISTAT.Analyse macro-économique du liencroissance-pauvreté-inégalitésLe lancement des nouvelles stratégiesinternationales de lutte contre la pauvreté a suscitéun important débat concernant le contenu concretSTATECO N°100, 2006


56de ces politiques, et plus particulièrement surl’importance à accorder au soutien à la croissanceéconomique pour la réduction de la pauvreté, parrapport à d’autres politiques relatives aux inégalitésau sens large (politiques sociales en particulier).DIAL a cherché à approfondir cette question enétudiant d’une part les arbitrages entre croissance etinégalités du point de vue macro-économique etd’autre part en élargissant l’analyse aux questionsd’équité en général (yc l’égalité des chances), dansle but d’intégrer ces questions dans les politiquesinscrites dans les DSRP. Les outils développés surce thème se sont appuyés sur des travaux derecherche menés en collaboration avec AFD et avecla Banque mondiale qui mène le même type deréflexions.• Un travail empirique a cherché à quantifieranalytiquement la relation entre croissance,pauvreté et inégalités, ce qui a permis desimuler l’évolution de la pauvreté mondiale àl’horizon 2015 selon plusieurs scénarios. Cettequantification répondait à deux objectifs :évaluer dans quelle mesure le premier desOMD (la division par deux de la pauvreté entre1990 et 2015) pouvait être atteint, sachant quenos simulations ont confirmé le fait quequasiment aucun pays africain (à l’exceptionpeut-être du Sénégal) n’est susceptibled’atteindre cet objectif (Cling et al., 2004,Cogneau et al., 2003) ; il s’agissait aussi des’interroger sur les politiques de réduction de lapauvreté telles qu’elles sont menéesactuellement et telles qu’elles pourraient l’êtreet en particulier sur l’arbitrage inégalités /croissance. Nous avons conclu que lacroissance est nécessaire mais non suffisantepour la réduction de la pauvreté (deux pays àmême niveau de revenu peuvent avoir uneincidence de la pauvreté très différente); enbref, la question de l’arbitrage inégalités /croissance est centrale, d’où importanced’intégrer les questions d’inégalités dans lesDSRP. Il a été proposé aux Services de laDGCID d’utiliser cet outil pour aider à ladéfinition des stratégies pays, proposition quin’a pas débouché. L’approche de la croissance« pro-pauvres » a aussi été poursuivie dans lecadre de la participation à un programmeinternational mené par l’AFD, la Banquemondiale, la BMZ et le DFID.• Parallèlement à l’étude de la relationcroissance-pauvreté-inégalités, DIAL apoursuivi des travaux originaux visant àintégrer l’équité au sens large parmi lesobjectifs de développement, ce thème ayant étémis au devant de la scène par les deuxRapports annuels du PNUD (Rapport sur ledéveloppement humain) et de la Banquemondiale (Rapport sur le développement dansle monde) parus en 2005. Les chercheurs deDIAL ont suivi de près l’ensemble de la chaînede publication et de valorisation de ce dernierRapport, en participant dès le départ auséminaire de brain storming organisé par lesauteurs, puis en jouant le rôle de discutant lorsde plusieurs présentations publiques duRapport en Europe, enfin en se livrant à unexercice de bilan critique largement diffusé,tentant de tirer les implications en termes depolitiques de la prise en compte de cettenouvelle dimension (Cling et al., 2005). Dansle prolongement d’une réflexion conceptuellesur ce sujet, un travail empirique a étudié lacontribution des inégalités des chances auxinégalités globales de revenus en Afrique (Côted’Ivoire, Ghana, Guinée, Madagascar,Ouganda), qui était jusqu’alors totalementméconnue (Cogneau et al., 2006). S’inscrivantdans la même problématique, une étude surl’évolution de la pauvreté en fonction dedifférents critères d’allocation de l’aide audéveloppement a mis en évidence l’intérêtd’une approche en termes d’ « équité » del’aide, opposé à une approche purement entermes d’ « efficacité » (Cogneau et Naudet,2004).Suivi & évaluation des cadresstratégiques de lutte contre la pauvretéCette composante consiste à améliorerl’information sur les évolutions de la pauvreté surses dimensions géographiques et temporelles dansun contexte de faiblesse générale à la fois del’information statistique mais aussi des outilsanalytiques de mesure de la pauvreté et de sesfacteurs. L’essentiel du travail sur ce thème a portésur l’investissement méthodologique pour améliorerle suivi et évaluation des DSRP en Afrique à l’aided’enquêtes ménages. Les enquêtes 1-2-3 constituentun instrument précieux de suivi et évaluation desDSRP dans les pays où elles ont été mises en place.• A l’initiative de DIAL et avec son appuiscientifique, des enquêtes 1-2-3 ont été menéesentre 2001 et 2003 dans 7 capitales d’Afriquede l’Ouest (Abidjan, Bamako, Cotonou, Dakar,Lomé, Niamey, Ouagadougou) par les INSsous la coordination d’AFRISTAT. Unepremière collaboration sur ce thème avait étéengagée entre DIAL et AFRISTAT dans lecadre d’un séminaire sur le secteur informelorganisé à Bamako en 1997 aussitôt après lacréation de cette organisation (AFRISTAT,1997). La conduite de ces enquêtes a bénéficiépour l’essentiel d’un financement européendans le cadre du programme Parstat(Programme d’Appui Statistique à laSurveillance Multilatérale) conduit parSTATECO N°100, 2006


57l’UEMOA, sachant que la France a financé laphase 3 (consommation) des enquêtes (qui nes’inscrivait pas dans le programme initial).L’assistance technique apportée par DIAL a étémassive et multiforme (animation deséminaires régionaux à AFRISTAT; missionsd’appui sur le terrain ; coopération permanenteà distance pendant plusieurs années lors desdifférentes phases des enquêtes, jusqu’àl’analyse des résultats). Ce programme régionala fourni pour la première fois des informationssur l’emploi et le secteur informel (qui plus estsous forme harmonisée) dans ces pays, qui ontconnu une large diffusion. Les résultats de ceprogramme ont été publiés par la Commissionde l’UEMOA et ont donné lieu à la publicationd’un numéro spécial de Statéco (Brilleau,Ouedraogo et Roubaud, 2005).• Le lancement d’enquêtes 1-2-3 nationales dansplusieurs pays africains a élargi au milieu ruralles méthodes et outils appliqués jusque làuniquement en milieu urbain et a validé lesméthodes statistiques (échantillonnage,questionnaires, traitement et analyse) au niveaunational. Le but ultime est d’intégrer cesenquêtes dans le dispositif statistique national.DIAL a appuyé en collaboration avecAFRISTAT le lancement et l’analyse desenquêtes au Cameroun et en RépubliqueDémocratique du Congo. La réalisation d’uneenquête 1-2-3 au Cameroun un peu plus de dixans après la première enquête de ce type (àYaoundé seulement) offre la perspective d’uneétude de l’évolution temporelle de l’emploi etdu secteur informel sur cette période (marquéepar la dévaluation du franc CFA, lesannulations de dette, le lancement despolitiques de lutte contre la pauvreté, etc.)potentiellement extrêmement riched’enseignements. Le lancement d’uneenquête 1-2-3 au niveau national en RDC, dansun pays sortant de la guerre civile a constituéune prouesse majeure, sachant qu’aucuneenquête nationale auprès des ménages n’y avaitjamais été réalisée et que le dernierrecensement de population y date de plus dedeux décennies ; les résultats del’enquête 1-2-3 ont été intégrés dans le DSRPfinalisé au premier semestre 2006. Desmissions ont également été réalisées au Gabonet en Mauritanie à la demande de ces pays pourétudier la mise en place d’enquêtes.• Un partenariat a été établi avec le pôle deDakar (MAE/UNESCO) sur les politiquesd’éducation en Afrique de l’Ouest, qui s’appuiesur la valorisation des résultats desenquêtes 1-2-3. Un séminaire sur lesinteractions entre économie et éducation a étéorganisé en commun en 2005 dans les locauxd’AFRISTAT à Bamako à destination decadres des ministères de l’éducation et desfinances des pays de la zone. Ce séminaireavait pour objectif de favoriser l’appropriationdes outils de projection et de planification parles ministères concernés et d’associer lesstatisticiens et les chercheurs pour mettre enévidence les retombées économiques etsociales des investissements dans le secteuréducatif. Les analyses réalisées en commun surl’analyse de l’efficacité externe de l’éducationdans le cadre de ce partenariat doivent êtreintégrées à la publication en 2006 du rapportrégional sur Le Développement de l’EducationPour Tous en Afrique (confié par l’UNESCO-BREDA au Pôle de Dakar).Mesure de la gouvernance démocratiqueLes DSRP partent du diagnostic que les politiquesd’aide ne peuvent réussir que si certaines conditionsrequises en matière de gouvernance dans les paysconcernés sont satisfaites. Le travail mené sur cethème a porté à la fois sur le diagnostic desinstruments de mesure existants dans ce domaine etsur la construction d’indicateurs quantitatifs etqualitatifs. Les enquêtes auprès des ménages(module sur « la gouvernance et la démocratie »)lancées dans les capitales d’Afrique de l’Ouest(Abidjan, Bamako, Cotonou, Dakar, Lomé,Niamey, Ouagadougou) et à Madagascars’inscrivent dans une perspective de mise au pointd’indicateurs originaux de mesure de lagouvernance. En relayant les expériences et lesopinions de la population sur l’état de lagouvernance, ces enquêtes contribuent àl’instauration du principe de démocratieparticipative dans l’élaboration et le suivi despolitiques.Le projet a permis de mettre au point desindicateurs subjectifs (jugement qualitatif descitoyens) et objectifs (incidence de la corruption,participation politique, etc.). L’approchecomparative sur plusieurs pays a fourni les moyensd’identifier les problèmes spécifiques à chaque paysou communs à tous en termes de gouvernance etleur impact sur les économies. L’activité menée surce thème a bénéficié aussi d’un financementinternational dans le cadre du programmeMETAGORA coordonné par Paris21 au sein del’OCDE. L’analyse des résultats a été menée encollaboration avec les Instituts nationaux destatistique et AFRISTAT. Un des avantagesmajeurs de ces modules par rapport aux enquêtes dumême genre menées par d’autres organismes résidedans le fait qu’elles ont été couplées à des enquêtesquantitatives traditionnelles menées simultanémentdans le cadre du programme PARSTAT. Ondispose donc d’informations extrêmement richesSTATECO N°100, 2006


58permettant de mieux analyser les comportements etla perception des ménages sur ces questions degouvernance et de démocratie.Après des années d’investissement de terrain lourdet l’analyse des premiers résultats en 2005, la phasede valorisation des enquêtes gouvernance a étéengagée : diffusion des publications nationales parles INS dans les 8 pays africains qui ont mené cesenquêtes ; animation de présentations publiques desrésultats au Mali et à Madagascar ; présentation enfévrier 2006 à l’attention des agents de la DGCID ;publication du rapport régional de résultats par laDGCID dans sa collection de Rapports d’étude(Herrera, Razafindrakoto et Roubaud, 2006), etc.Des analyses thématiques approfondies vont êtremenées, privilégiant l’approche comparative entreles pays africains d’une part et entre les pays andinsde l’autre (ainsi qu’entre les deux continentsAfrique-Amérique latine). Ces outils ont donc étélargement validés et offrent la perspective d’êtreintégrés dans les dispositifs de suivi des politiquesde développement.Appui au CEntre de RechercheAppliquée d’AFRISTAT (CERA)DIAL a formalisé et renforcé la collaborationétablie depuis plusieurs années avec AFRISTAT, àtravers l’appui à la création d’un centre derecherche appliquée auprès d’AFRISTAT (CERA),faisant appel à des moyens mis en commun. Lesmissions du centre couvrent plusieurs domaines :méthodologie d’enquêtes ; analyse d’enquêtesménages (en particulier, valorisation des résultatsdes enquêtes 1-2-3 menées dans le cadre duprogramme Parstat), et projections ; formation etrenforcement des capacités ; échanges etvalorisation. Ce projet ajouté en cours de routes’intègre pleinement dans le programme du FSP,qu’il contribue à mettre en œuvre et à enrichir.Le CERA a démarré en septembre 2005 avecl’affectation à plein temps d’un chercheur de DIAL(P. Bocquier, dans le cadre de l’IRD). Un expertd’AFRISTAT (S. Coulibaly) y a été affecté à pleintemps à partir du début de 2006. DIAL appuieégalement le CERA par des missions de longuedurée de chercheurs et en facilitant l’affectation devolontaires civils internationaux ainsi que l’accueilde stagiaires étudiants, sachant que le CERA a aussipour vocation d’accueillir des stagiaires africains.Au cours de sa première année pleine defonctionnement, le CERA a centré ses activités surl’évaluation des politiques publiques, qui constitueun domaine essentiel encore largement inexploré etoù DIAL dispose de compétences (en particulier enmatière d’enquêtes statistiques et de modélisationmacro-économique) et d’une longue expérience(étude d’impact de dispositifs de micro-crédit àMadagascar, modèles de micro-simulationappliqués à Madagascar et en Indonésie, etc.). Lespremiers résultats d’une étude menée avec l’appuide DIAL pour évaluer l’impact d’un soutiennutritionnel aux malades du SIDA sous traitementanti-rétroviral en Afrique (Bénin, Burundi,Djibouti, Mali et Sénégal) ont donné lieu à desprésentations publiques dans les pays concernés etont été présentés lors d’une conférenceinternationale d’une journée organisée à Paris enjanvier 2006 sous les auspices du ministère desAffaires étrangères au Centre de ConférencesInternationales (CCI).ConclusionLa présentation effectuée ici des travaux menés parDIAL pour le compte de la Coopération françaisemet en évidence l’enrichissement et l’élargissementprogressif des thématiques au fur et à mesure de lamontée en puissance de DIAL du point de vue de sataille 26 et de l’expérience acquise. Au total, on peutconsidérer que les trois objectifs de départ ont étélargement atteints.• L’articulation entre recherche et politiques dedéveloppement a constitué le fil directeur destravaux menés par DIAL d’abord sur leCameroun, puis sur Madagascar (Madio), etplus récemment avec l’accent mis sur lesquestions de lutte contre la pauvreté. Depuis ledébut des années 1990, DIAL est intervenupour analyser les fondements des grandescrises qui ont secoué les pays les plusimportants de la ZSP (Côte d’Ivoire,Madagascar) et pour éclairer les positions de laCoopération française dans tous les grandsdébats sur les politiques de développement :politiques d’ajustement structurel ; dévaluationdu franc CFA ; allocation de l’aide ; mesuredes indicateurs de gouvernance démocratiquepris en compte dans le document de Stratégiesur la Gouvernance de la DGCID ; stratégies delutte contre la pauvreté ; dans ce dernierdomaine, les travaux de DIAL ont joué un rôlepionnier d’analyse des nouvelles stratégiespromues par les Institutions de Bretton Woods(DSRP) et les Nations Unies (OMD), etc.DIAL a aussi contribué à la formation dechercheurs et d’experts de la coopération(1 ancien de DIAL est en poste à la DGCID ;3 sont à l’AFD, dont 1 passé par la DGCID).• Le développement d’outils méthodologiques aaussi été poursuivi depuis l’origine, sachant262 chercheurs à l’origine, 15 en 2006, auxquelss’ajoutent 3 agents de l’INSEE (1 seulement en 1990),1 de l’AFD, plusieurs chercheurs associés, desdoctorants, et du personnel administratif.STATECO N°100, 2006


59que cet aspect a été mis au centre du dernierFSP. Les travaux menés selon cet axe se sontnotamment centrés sur l’amélioration desinformations statistiques dans le domaineéconomique et social, dont les lacunesconstituent un obstacle essentiel à laconnaissance des pays africains et à ladéfinition de politiques de développementappropriées. Ces travaux ont consisté enpremier lieu dans l’appui aux enquêtes 1-2-3conçues par DIAL pour la mesure de l’emploi,du secteur informel et des conditions de vie desménages (enquêtes menées avec l’appui deDIAL dans toutes les capitales d’Afrique del’Ouest dans le cadre du programme Parstat, etau niveau national au Cameroun et en RDC en2005). Ces enquêtes sont utilisées pourl’élaboration et le suivi des DSRP. Des travauxinnovants de modélisation pour la réalisationde projections macro-économiques etd’évaluation de politiques économiques ontégalement été réalisés.• Enfin, le renforcement des capacités au Sud aconstitué une troisième priorité. Des effortsimportants ont aussi été consacrés à l’appui auxINS africains (Cameroun, Madagascar – leprojet Madio est exemplaire de ce point de vue,etc.), principalement mais non exclusivementen collaboration avec AFRISTAT depuis lacréation de cette organisation ; les nombreusesformations de cadres africains dans le cadre duCEFIL, de l’ENSEA d’Abidjan, d’InWent (ex-CDG Munich) sont aussi à mentionner demême que l’accueil à DIAL de nombreuxéconomistes ou statisticiens africains dans lecadre de thèses ou de stages de courte durée.Plusieurs enseignements peuvent être tirés de cetteexpérience au bout d’une quinzaine d’années.• Du point de vue institutionnel, le bilan présentéici fait ressortir le succès d’un partenariatoriginal constitué dans le cadre de DIAL entrela Coopération française (DGCID à laquelles’est jointe l’AFD depuis 2003), l’IRD etl’INSEE. La relation établie entre lacoopération française et DIAL 27 a été le soclequi a permis à ce dernier de recueillir l’appuid’autres institutions publiques françaises (IRD,INSEE, AFD) tout en attirant d’autres27 Les financements ont été apportés à DIAL dans lecadre des FSP/FAC suivants : 450 000 € pour le premier(1991-1994) et le deuxième (1995-1997) ; 686 000 € pourle troisième (2000-2002) ; 850 000 € pour le quatrième(2003-2006). On n’inclut pas ici les commandes diverses,ni les deux FSP Madio gérés par l’INSTAT. Cecicorrespond à un financement de l’ordre de 150 000 € paran (soit le coût salarial annuel total d’un assistanttechnique senior) au cours des quinze dernières années.financements de la part de la Commissioneuropéenne, de l’OCDE, de la Banquemondiale, etc. La Coopération française a ainsicontribué à la constitution d’une équipe derecherche reconnue au plan international,composée pour l’essentiel de chercheurs del’IRD (qui a accru progressivement sonimplication avec un nombre de chercheurspassé de 1 à 12) et de statisticiens de l’INSEE.• Par ailleurs, il est légitime de considérer que cebilan valide une méthode de travail, basée surun travail de terrain associant recherche etanalyse des données, production de statistiqueset suivi & évaluation des politiques. Ici encore,le lien avec l’IRD a joué un rôle essentiel danscette approche, en particulier du fait de lapossibilité d’affectations de terrain deschercheurs de DIAL, qui a été pratiquée danstous les principaux pays d’intervention(Cameroun, Madagascar, Mali dans le cadred’AFRISTAT et Sénégal). Cette méthode noussemble particulièrement justifiée dans lecontexte africain, compte tenu du caractèrelacunaire et de la médiocrité des informationsstatistiques disponibles, et de la faiblesse desinstitutions nationales qui rend encore plusnécessaire une présence sur place. Malgré lesefforts effectués, les difficultés rencontrées parDIAL pour établir des partenariats solides avecdes institutions africaines ne doivent pas êtresous-estimées. Il est significatif à cet égard quele partenariat le plus réussi ait été établi avecune institution internationale (AFRISTAT), quiéchappe en partie aux maux habituels desinstitutions nationales sur le continent.• Enfin, à travers l’appui à la coopérationfrançaise qui est l’objet de cet article, le travailde recherche et d’étude mené par DIAL depuissa création a permis la création d’une expertiseéconomique collective sur l’Afrique, à unmoment où les économistes françaisafricanistes sont de moins en moins nombreuxet de plus en plus dispersés. Ainsi que lesouligne Berg (2000) dans son rapportd’évaluation de DIAL, l’appui au Groupementa permis le renforcement de la crédibilité et dela visibilité des analyses francophones autourdes politiques de développement. Commel’écrit le rapport d’évaluation sur la convention1999-2002 (Gabas et Géronimi, 2002), laCoopération française n’aurait probablementjamais pu constituer en interne une équipe telleque DIAL et accumuler autant d’expériencessur l’économie de son domaine, surtout aucours d’une période où l’Etat a démantelébeaucoup de structures d’études dans lesSTATECO N°100, 2006


60ministères. Faute de postes et de personnelcompétent, le capital existant de connaissancessur l’économie africaine aurait vieilli, puis seserait étiolé, pour finir par disparaître.Suite aux réformes récentes du dispositif françaisde coopération et à l’émergence de nouvellesproblématiques sur le développement, il estprématuré de chercher à définir ici les perspectivesd’avenir de l’appui apporté par DIAL à lacoopération économique et statistique françaiseavec l’Afrique au cours des prochaines années. Ceciétant, on peut d’ores et déjà affirmer que l’Afriqueva rester la priorité du programme de travail deDIAL, malgré l’élargissement des travaux àl’Amérique latine depuis quelques années et auVietnam à partir de 2006 ; la poursuite des actionssuivies au cours des dernières années est doncassurée, sachant que l’élargissement du champd’investigation va autoriser au cas par casl’adoption d’une perspective comparative Afrique-Asie-Amérique latine. Du point de vue thématique,tout au plus peut-on esquisser quelques pistes detravail. L’analyse de la soutenabilité des politiquesde lutte contre la pauvreté et des OMD est appelée àrester prioritaire, avec en particulier la poursuite del’appui au lancement d’enquêtes 1-2-3 comme outilde suivi & évaluation des DSRP. D’autres thèmes(migrations internationales, aide publique audéveloppement, etc.) vont aussi probablementprendre de l’ampleur, répondant à une demanded’appui de la Coopération française.Références bibliographiquesAerts J.-J., Cogneau D., Herrera J., de Monchy G. et Roubaud F. (2000), L’économiecamerounaise ; un espoir évanoui, Karthala, Paris.Berg E. (2000), « Evaluation scientifique » in Berg E., Pittet M. et Senhaji O., Rapportd’évaluation de DIAL, mimeo DIAL, Paris, juin, 89 pages.Brilleau A. (2003), « Les indicateurs liés à la mise en œuvre des Cadres Stratégiques de laLutte contre la Pauvreté », Série Rapports d’étude, DGCID, Ministère des Affaires étrangères,Paris, avril, 82 pages.Brilleau A., Ouedraogo E. et Roubaud F. (dir.) (2005), « L’enquête 1-2-3 dans les pays del’UEMOA », Stateco N°99.Charlot H. et Gié G. (2004), Evaluation du projet N°98-0134, Appui à l’information et àl’analyse économique à Madagascar, In numeri, Paris, juin.Cling J.-P., Cogneau D., Loup J., Naudet J.-D., Razafindrakoto M. et Roubaud F.(2005), « Le développement, une question de chances ? A propos du Rapport sur leDéveloppement dans le monde 2006 « Equité et Développement » », Document de travailN°DT/2005-15, DIAL, Paris, 38 p.Cling J.-P., De Vreyer P., Razafindrakoto M. et Roubaud F. (2004), « La croissance nesuffit pas pour réduire les inégalités », Revue Française d’Economie, n°3, Vol. XVIII, janvier,pp. 137-187.Cling J.-P. et Letilly G. (2001), « Export processing zones: A threatened instrument forglobal economy insertion ? », Document de travail N°DT/2001-17, DIAL, Paris, 39 pages.Cling J.-P., Razafindrakoto M., Roubaud F. (2005), « Export Processing Zones in Madagascar: a SuccessStory under Threat? », World development, Vol. 33, n°5, pp. 785-803.Cling J.-P., Razafindrakoto M. et Roubaud F. (dir.) (2003), Les nouvelles stratégiesinternationales de lutte contre la pauvreté, Economica, Paris.STATECO N°100, 2006


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65Gubert F. et Robilliard A.-S. (2002), Synthèse des besoins en statistiques et informationssur le secteur rural en appui aux CSLP, mimeo DIAL, août.Herrera J., Razafindrakoto M. et Roubaud F. (2006), « Gouvernance, démocratie et luttecontre la pauvreté : enseignements tirés des enquêtes ménages en Afrique sub-saharienne eten Amérique latine », Série Rapports d’étude, DGCID, Ministère des Affaires étrangères,Paris.Loup J., Mesplé-Somps S. et Razafindrakoto M. (2000), Concepts, mesures et suivis de lapauvreté, mimeo DIAL, mars.Razafindrakoto M. et Roubaud F. (1997), « Les entreprises franches à Madagascar :économie d’enclave ou promesse d’une nouvelle prospérité ? » Economie de Madagascar,N°2, BCM/INSTAT, Madagascar, p. 217-248._____________________________ (2002), « Les entreprises franches à Madagascar : Atoutset contraintes d’une insertion mondiale réussie », Afrique contemporaine, N°202-203, avrilseptembre,p. 147-163.Roubaud F. (dir.) (2002), « Madagascar après la tourmente : regards sur dix ans detransitions politique et économique », Afrique contemporaine, N°202-203, avril-septembre,numéro spécial.__________ (dir.) (2000a), « Le projet Madio à Madagascar : l’information statistique auservice du débat démocratique sur la politique économique », Statéco N°95-96-97.__________ (dir.) (1994), « L’enquête 1-2-3 sur l’emploi et le secteur informel à Yaoundé »,Statéco, N°78, numéro spécial, juin.__________ (2000b), Identités et transition démocratique : l’exception malgache ?,L’Harmattan/Tsipika, Paris, Antananarivo, 256 pages.Trotignon J. (1993), « Pourquoi les politiques d’ajustement ont-elles généralement mieuxréussi en Asie du Sud-Est qu’en Afrique ? » Economie et Statistique, N°264, p. 33-51.STATECO N° 100, 200665


66Le CESD – Paris : au service de laformation statistiqueXavier CharoyLamine Diop 1Le CESD-Paris a été créé en 1962 avec l'appui de l'INSEE et de la Communautéeuropéenne pour former les statisticiens-économistes des nouveaux pays indépendantsd'Afrique francophone. Il a formé des centaines de statisticiens africains dans les locauxde l'ENSAE à Paris avant que la formation soit progressivement transférée en Afriqueentre 1975 et 1994 dans le cadre des écoles créées à Abidjan (ENSEA), Yaoundé (ISSEA)et Dakar (ENEA), l'école de statistique de Kigali (IAMSEA) ayant disparu suite augénocide rwandais. Le CESD-Paris a toutefois continué jusqu'en 2004 à gérer leconcours commun d'entrée dans les trois écoles africaines de statistique. Depuis cettedate, en accord avec les écoles africaines de statistique, l'INSEE a chargé le Groupe desÉcoles Nationales d'Économie et de Statistique de reprendre les attributions du CESD-Paris, qui se trouve donc à un tournant de son histoire et cherche à redéfinir sesmissions.Créé en 1962, le CESD-Paris 2 peut s’enorgueillir d’une histoire longue de près d’un demisiècle.Cette histoire n’a pas été rectiligne, elle a connu plusieurs changements de cap,souvent programmés de longue date, parfois plus circonstanciels et improvisés. Aujourd’hui,alors que plusieurs des données constituant son cadre d’existence et d’activité viennent dechanger, il vaut la peine de se retourner sur le passé et de faire un bilan des actions qui ont étéentreprises. Ce survol sera peut-être aussi l’occasion pour ceux qui ont un jour ou l’autrecroisé le CESD de se remémorer ce qu’il fut et d’apprendre ce qu’il est devenu.1 Xavier Charoy et Lamine Diop sont respectivement ancien président et président du CESD-Paris.2 A sa création, l’association avait pour sigle CESD. Elle est devenue CESD-Paris en 1989 après que le CESD Communautaireet d’autres CESD nationaux aient été créés (voir ci-dessous : L’insertion internationale). Par commodité, on l’appellera CESDtout au long de cette note, sauf lorsqu’il y a risque de confusion avec le CESD Communautaire qui, lui, sera toujours désignépar son nom complet.66STATECO N° 100, 2006


Les origines du CESD70A la fin des années 1950, le contexte politique évoluait rapidement dans les territoiresadministrés par la France, tant en Afrique qu’en Asie. La guerre d’Indochine s’était achevéeen 1954, le Maroc et la Tunisie devenaient indépendants, une loi-cadre – dite loi Deferre -prévoyait l’autonomie des territoires d’Afrique subsaharienne. Leur complète indépendancesurvenait en 1960, précédée par celle de la Guinée en 1958 et suivie de très peu par celle del’Algérie en 1962 à l’issue d’un long conflit.Statéco n° 95-96-97, 200070


71L’éclosion de ces nombreux nouveaux pays impliquait pour eux la mise en place d’uneadministration complète, dont celle qui existait dans le cadre colonial n’était qu’une ébauche.En particulier, il leur fallait se doter d’un système statistique apte à collecter et mettre enforme les statistiques courantes, à réaliser recensements et enquêtes de base et à élaborer descomptes nationaux.Certes, les « territoires » coloniaux étaient tous pourvus d’un service statistique, mais celui-ci, dirigé par unstatisticien français, ne faisait guère que gérer les statistiques courantes (statistiques d’origine administrative,dont celles du commerce extérieur, et indices de prix). Les quelques opérations statistiques spécifiques (enquêtesou recensements), souvent expérimentales ou localisées, qui ont été menées au cours de la décennie 1950, l’ontété essentiellement par des statisticiens en mission, car les services territoriaux n’avaient pas les capacitéshumaines et matérielles de les mener par eux-mêmes.Les statisticiens originaires des nouveaux pays étaient encore très peu nombreux ; quelques uns, cependant,avaient pu bénéficier, timidement dès le début des années 50 et plus intensément à partir de 1958/59, de boursespour être formés dans les deux divisions de ce qui s’appelait alors l’ « École d’application de l’INSEE ».L’Union européenne, qu’on appelait alors Communauté Économique Européenne (CEE) et qui ne rassemblaitencore que ses six pays fondateurs, était désireuse d’appuyer les jeunes pays nouvellement indépendants associésà la Communauté européenne, notamment en favorisant la formation de leurs futurs cadres et en particulier desstatisticiens. L’École Nationale de la Statistique et de l’Administration Économique (ENSAE), qui avait succédéen 1961 à l’École d’application de l’INSEE, constituait un cadre technique très solide et éprouvé, mais présentaittrois inconvénients importants : a) le contenu des cours ne correspondait pas toujours aux besoins des paysconcernés, b) le concours d’entrée était souvent inaccessible aux étudiants de ces pays, c) l’ENSAE, faisantpartie de l’administration française, n’était pas en mesure de recevoir une aide financière extérieure pour formeret gérer des étudiants étrangers. Ces trois facteurs ont conduit à envisager la création d’un établissementjuridiquement indépendant de l’ENSAE, c’est-à-dire possédant la personnalité juridique alliée à une souplesse degestion lui permettant, notamment, de recevoir des subventions européennes.Ainsi, d’une convergence des objectifs de la CEE, de l’INSEE et aussi de la Coopération française, naquit le« Centre Européen de Formation des Statisticiens-Économistes des Pays en voie de Développement », qui allaitêtre plus connu sous le sigle CESD. Les formations étaient dispensées aux deux niveaux Ingénieurs StatisticiensÉconomistes (ISE) et Ingénieurs des Travaux Statistiques (ITS) et devaient partir des formations équivalentesdispensées par l’ENSAE 27 en les adaptant aux besoins spécifiques des pays bénéficiaires. Le CESD était hébergépar l’ENSAE et ses élèves suivaient près de 80 % des cours de l’ENSAE, le reste de la scolarité étant constituépar des cours spécifiques tels que ceux d’économie du développement. Créé officiellement en 1962, le CESDcommença ses activités d’enseignement dès la rentrée d’octobre de la même année.Les appuis de la CEE et de la France se sont traduits en particulier par l’octroi de bourses, le paiement de frais descolarité, la mise à disposition de personnel, des dotations en matériel.Pour des raisons juridiques et pratiques, le CESD prit la forme d’une association sans but lucratif (loi de 1901)disposant d’un établissement de formation portant le même nom. Les Directeurs Généraux des instituts destatistique des six pays européens étaient membres de droit de l’association. Le premier président en fut leDirecteur général de l’Office Statistique des Communautés Européennes (OSCE), plus connu maintenant sous lenom d’EUROSTAT. Beaucoup d’anciens élèves du CESD se souviennent de son successeur, Vittorio Paretti,lui-même directeur à EUROSTAT, qui l’a présidé avec fougue et passion pendant 23 ans, longtemps même aprèsavoir pris sa retraite.Les premiers concours spécifiques organisés par le CESD pour le recrutement de ses étudiants se sont déroulésen 1963. Ils ont eu lieu ensuite tous les ans, à Paris et surtout dans tous les pays qui le souhaitaient (Afriquesubsaharienne et Madagascar, Maghreb, Haïti), ce qui supposait une logistique importante et de bonnes relationsavec les organisateurs locaux. Le centre de concours de Paris a été fermé, peu après l’ouverture de la section ISE27 La division Ingénieurs Statisticiens Économistes (ISE) correspondait à la première division de l’ENSAE, celle desStatisticiens Économistes et des Administrateurs de l’INSEE (SEA) ; la division Ingénieurs des Travaux Statistiques (ITS)correspondait à la deuxième division de l’ENSAE, celle des Cadres de Gestion Statistique et des Attachés de l’INSEE(CGSA), maintenant autonome sous l’appellation « École Nationale de la Statistique et de l’Analyse de l’Information(ENSAI).71Statéco n° 95-96-97, 2000


72à Abidjan, faute de candidats (voir plus loin : L’africanisation des formations statistiques). Les épreuves étaientcorrigées à Paris où se réunissait également le jury décidant des admissions.Un bilan des activités de formationLe tableau ci-après se passe de longs commentaires : on y voit une concentration des diplômés sur quelques pays(Cameroun, Madagascar, Sénégal, Mali), reflet de l’état de l’enseignement de base dans ces pays et, dans unemoindre mesure, de l’intérêt montré par les gouvernements pour la statistique. D’autres facteurs interviennent,comme l’existence d’une école nationale (filière ITS en Côte d’Ivoire dès 1964). Par ailleurs une analysetemporelle montrerait que les succès de certains pays ont fortement décliné avec le temps.Tableau 1Nombre d’élèves ISE et ITS diplômés par le CESD (1962-1994)Pays ISE ITSAlgérie 18 1Bénin 24 11Burkina-Faso 13 4Burundi 2Cambodge 9 12Cameroun 65 56Centrafrique 7 1Chili 1Congo 8 3Comores 4Côte d’Ivoire 25 2Ethiopie 1France 3Gabon 2 1Guinée 8 1Haïti 1Ile Maurice 3Liban 8Madagascar 34 43Mali 23 37Maroc 36 1Mauritanie 8Mexique 1Niger 3Rwanda 6 2Sénégal 45 16Somalie 2Tchad 4 4Togo 12 19Tunisie 31 2Vietnam 1Zaïre 6 1Au total ce sont donc :410 Ingénieurs Statisticiens Économistes221 Ingénieurs des Travaux Statistiquesqui ont été formés au CESD à Paris.L’africanisation des formations statistiquesDès sa création, il était entendu que le CESD n’avait pas vocation à former indéfiniment des statisticiens pour lespays en voie de développement, mais qu’il devait assurer une transition jusqu’à ce qu’il soit possible que cetteformation soit assurée sur le sol africain. En plus de sa fonction d’enseignement, le CESD devait donc aider àmettre sur pied ou à se développer un ou plusieurs établissements intégrant les cycles de formation de niveauxingénieurs.Statéco n° 95-96-97, 200072


73Deux centres de formation de cadres moyens de la statistique (agents techniques et adjoints techniques) avaientété créés peu après les indépendances :- l’École de Statistique d’Abidjan (ESA)- soutenue par la France et la CEE- en 1961,- le Centre international de Formation Statistique (CIFS) de Yaoundé – soutenu par la CommissionÉconomique pour l’Afrique (CEA) des Nations-Unies - en 1961 également.Ces deux établissements étaient tout désignés pour accueillir, le moment venu, les formations de niveausupérieur. Et en effet, des sections ITS ont été ouvertes à l’ESA (dès 1964) et au CIFS (1976). En 1976,précisément, le CIFS changeait de nom pour s’appeler Institut de Statistique, de Planification et d’ÉconomieAppliquée (ISPEA) et en 1982 l’ESA devenait École Nationale de Statistique et d’Économie Appliquée(ENSEA) ; l’ISPEA a ensuite pris le nom d’Institut Sous-régional de Statistique et d’Économie Appliquée(ISSEA) en devenant une institution relevant de ce qui s’appelle maintenant la Communauté Économique etMonétaire d’Afrique Centrale (CEMAC). Une troisième école a vu le jour en 1976, l’Institut Africain etMauricien de Statistique et d’Économie Appliquée (IAMSEA), créé à Kigali en 1976 sous l’égide del’Organisation Commune Africaine et Mauricienne (OCAM).C’est ainsi que les élèves ITS recrutés par le premier concours commun aux écoles de statistique d’Abidjan, deKigali et de Yaoundé ont commencé leur scolarité au mois d’octobre 1976 et que, après la sortie en décembre1977 de la promotion entrée en 1975, le CESD a fermé la division ITS à Paris. Plus tard, l’IAMSEA a dû fermerses portes en 1994 à la suite des dramatiques événements du Rwanda. L’école de Dakar, département statistiquede l’École Nationale d’Économie Appliquée (ENEA), qui formait déjà des ITS en dehors du système communaux autres écoles, a pris la relève en rejoignant le réseau existant aux côtés de l’ENSEA et de l’ISSEA,notamment en élargissant la base géographique de son recrutement et en devenant partie au concours communorganisé par le CESD.L’africanisation de la filière ISE allait prendre plus de temps. C’est finalement en octobre 1987 qu’une premièrepromotion a commencé ses études d’ISE à l’ENSEA d’Abidjan. Après une période de rodage de cette filièrependant laquelle les étudiants reçus au concours étaient répartis entre Abidjan et Paris, une dernière promotionest entrée au CESD en 1991 et en est sortie en 1994. Le CESD a alors cessé d’exister en tant qu’établissementd’enseignement. Ce n’est que bien plus tard, en octobre 2003, que la première promotion ISE de l’ISSEA deYaoundé entame sa scolarité, à l’issue du premier concours ISE commun à l’ENSEA d’Abidjan et à l’ISSEA deYaoundé, concours organisé lui aussi par le CESD.La transition que devait assurer le CESD lors de sa création en 1962 a donc duré plus longtemps qu’envisagéinitialement mais, commencée il y a trente ans, achevée il y a plus de dix ans, elle a été pleinement réussiepuisque les écoles africaines qui ont pris le relais fonctionnent et forment des statisticiens appréciés.Bien avant que soit achevé le transfert des formations vers des écoles africaines, la volonté d’africanisations’était traduite par la nomination, dès 1970, d’un directeur-adjoint ou d’un assistant au directeur originaire d’unpays africain. En 1980, c’est un directeur africain qui a été nommé ; il a occupé ce poste jusqu’à la fin desactivités de formation en 1994 ; il s’agit de Lamine Diop, co-auteur de cet article.L’insertion internationaleOn a déjà mentionné le rôle capital joué par l’Union européenne dans la naissance, le développement et la vie duCESD. Dans le même cadre euro-africain, c’est sur une initiative de la Commission européenne et, cette fois, duGouvernement allemand qu’a été créé en 1972 le Centre de recyclage de Munich, avec l’appui et la participationdu CESD. Le Centre de Munich était complémentaire, et non pas concurrent du CESD en ce sens qu’il proposaitdes cycles de formation permanente sur des thèmes précis par le biais de stages d’une durée de 4 mois. Nombred’anciens du CESD ont ainsi reçu, depuis 1973, une formation complémentaire spécialisée au Centre de Munich.Bien plus tard, à la toute fin des années 80, des associations similaires au CESD-Paris étaient créées à Lisbonne,Madrid et Rome. L’esprit en était le même, c’est-à-dire qu’il s’agissait aussi d’associations fonctionnant à lapériphérie des instituts de statistique des pays concernés, les directeurs généraux de tous les instituts nationauxde statistique européens étant membres de droit de leurs instances dirigeantes. Du fait de la référence queconstituait le CESD-Paris, ces associations adoptèrent toutes le sigle CESD, suivi du nom de la capitale où ilsétaient implantés. Ces quatre CESD nationaux étaient censés se coordonner sous l’égide d’une cinquièmeassociation similaire, le CESD Communautaire, placé, lui, auprès d’EUROSTAT (voir ci-après : Les autresactivités du CESD, Gestion de projets). Ce fut ce qu’on a appelé le « réseau des CESD ». Concrètement, ce73Statéco n° 95-96-97, 2000


74réseau s’est avéré exister plus dans les mots que dans les faits, les activités menées par ses membres étant assezdifférentes. Il a néanmoins permis un certain nombre d’échanges fructueux.Mais l’Union européenne et la France n’étaient pas seules à s’intéresser à la formation des statisticiens. LaCommission Économique pour l’Afrique des Nations-Unies (CEA) y prêtait aussi attention. C’est ainsi qu’elle amonté le Programme de Formation Statistique pour l’Afrique (PFSA) avec un financement du Programme desNations-Unies pour le Développement (PNUD). Les bénéficiaires en étaient les institutions africaines(francophones et anglophones) qui dispensaient des formations en statistique. Le PFSA a notamment permisl’adoption de programmes-types de base communs à toutes ces institutions et pour tous les niveaux de formation.Le CESD a longtemps été la seule institution non africaine à faire partie du PFSA.Le rôle du CESD après l’africanisation des formationsLe « transfert » des formations en Afrique n’a cependant pas signifié la fin du rôle joué par le CESD. En effet,bien que distinctes en droit et ne possédant entre elles aucun lien organique, les trois écoles africaines qui ontpris la relève, ont dès le début, recruté leurs étudiants sur la base d’un concours commun dont l’organisation et lacorrection étaient assurées, d’un commun accord, par le CESD. Il assurait en même temps la coordinationpédagogique de l’ensemble.Ces activités étaient fondées sur une convention qui liait le CESD et les trois écoles. Leur financement a étéassuré dès le début par la Commission européenne grâce à divers projets successifs ; des appuis de laCoopération française s’y sont ajoutés, mais ils étaient fournis directement aux écoles par le biais des Missionsde coopération, sans transiter par le CESD. La fermeture de l’IAMSEA de Kigali en 1994 et l’entrée de l’ENEAde Dakar dans le groupe des écoles bénéficiaires de ces financements n’ont pas changé l’esprit des activitésmenées par le CESD dans ce domaine.Rôle discret donc que celui tenu par le CESD depuis 1994. Mais rôle capital en ce que, par le biais des concourscommuns, la transparence du recrutement et l’homogénéité des niveaux d’entrée étaient assurées. Grâce auCESD relayant l’appui de l’ENSAE (puis du GENES lorsque celui-ci est apparu), il a été possible aux écoles demaintenir des cursus comparables donnant une équivalence de droit et de fait entre les diplômes qu’ellesdélivraient : sortir de l’ENSEA, de l’ISSEA, de l’IAMSEA ou, maintenant, de l’ENEA donne accès aux mêmesdébouchés et aux mêmes carrières.Les autres activités du CESDGestion de projetsDès la fin des années 70, la Commission européenne a confié au CESD la gestion de plusieurs importants projetsdans le domaine statistique (comparaisons de prix internationaux, sécurité alimentaire, statistiques douanières,etc.) concernant les pays ACP, associés à l’Union européenne par les conventions de Lomé. Il s’agissait pour laCommission de disposer d’un organisme pouvant mener des activités d’études, recherche et développement(ERD) et constituer un support administratif et financier doté de l’autonomie juridique et de la souplesse defonctionnement nécessaires pour assurer la mise en œuvre de ces projets. Le premier motif justifiait le choixd’un établissement d’enseignement supérieur. Quant au second, le CESD, très dépendant de la Commission, etd’EUROSTAT en particulier, avait donné des preuves de fidélité et de bonne et saine gestion. Il constituait doncun support idéal pour les actions de coopération de la Commission. Dans la pratique, les activités de type ERDont été pratiquement nulles et l’intervention du CESD s’est limitée à la mise en œuvre de projets dans lesquels iln’a joué aucun rôle technique. Ceux-ci ont été progressivement repris par le CESD Communautaire après sacréation en 1989 et, lorsque, à partir de 1991, la Commission européenne a voulu organiser la coopérationstatistique avec les pays d’Europe Centrale et Orientale (Phare) puis de la CEI (Tacis), elle l’a fait en utilisantcomme support administratif et financier le CESD Communautaire.La création du CESD Communautaire n’a toutefois pas mis un terme aux activités de gestion de projet pour leCESD. En effet, pour des raisons pratiques, le CESD a servi de relais du CESD Communautaire en France pourla gestion de la partie des projets qui était exécutée par des statisticiens français. Par la suite, certains projets ont,toujours pour leur partie exécutée par des statisticiens français, été mis directement en gestion au CESD.De 1998 à 2002, le CESD a également géré deux volets du programme Medstat, financé par l’Union européenne,les volets « formation » et « comptes nationaux ». Par rapport aux programmes Phare et Tacis, la principaleStatéco n° 95-96-97, 200074


75différence était que le CESD était l’attributaire direct des fonds de l’Union européenne. L’essentiel des actionsétait mené par d’autres pays européens ou méditerranéens ou d’autres institutions qui recevaient du CESD lesressources nécessaires.Par ailleurs, la Coopération française a confié au CESD la gestion de quelques projets (concernantessentiellement des pays non-africains) et a également fait transiter par lui son soutien aux activités d’un groupeinter-institutions dont l’INSEE hébergeait le secrétariat : « Amélioration des Méthodes d’Investigation en MilieuRural Africain », connu sous le sigle AMIRA.Mais en 2002, l’Assemblée Générale du CESD a décidé de désengager l’Association de la gestion des contratspour des projets de développement statistique, activité pour laquelle elle n’était pas correctement outillée,juridiquement et matériellement, et de recentrer ses activités sur la formation et notamment la formationpermanente.Formation permanenteDans la répartition plus ou moins tacite des tâches entre le CESD et le Centre de Munich, le premier s’occupaitde la formation fondamentale et initiale, le second de recyclage et de formation permanente. Toutefois, il estapparu que le mode de fonctionnement du Centre de Munich ne lui permettait pas d’aborder certains thèmes oude s’adresser à certains publics. Aussi le CESD a-t-il été amené à organiser des stages ou séminaires s’adressantsoit à des statisticiens en poste (informatique, micro-informatique, économétrie), soit aux cadres des écolesafricaines (journées pédagogiques, séminaires pour les enseignants). Certaines de ces manifestations se sontdéroulées en Afrique.Par ailleurs, depuis 1996, l’INSEE organise, notamment au Centre de Formation de l’INSEE à Libourne(CEFIL), des stages et séminaires à l’intention des pays d’Europe centrale et de la CEI en complément desactions financées par les projets Phare et Tacis, et d’autres à l’intention des statisticiens africains sur financementde la Coopération française. Plus de quinze stages et séminaires de deux à trois semaines chacun ont été ainsiorganisés, le CESD intervenant d’une façon ou d’une autre dans leur financement ou dans leur mise en œuvre.DIALEn 1990, l’ORSTOM 28 , EUROSTAT et le CESD-Paris, créaient le Groupement d’Intérêt Scientifique (GIS)DIAL (Développement, Institutions et Analyses de Long terme). Jusqu’à sa transformation en Groupementd’Intérêt Économique (GIE) en 2003, le CESD en a été le support juridique et financier, un GIS, au contraired’un GIE, n’ayant pas de personnalité morale ; si dans les faits, le Groupement assurait lui-même sa gestion àpartir de ses ressources propres (en particulier concernant son personnel propre) et établissait sa proprecomptabilité séparément de celle du CESD, tout était fait sous la couverture officielle et sous la responsabilitéjuridique du CESD. Les deux entités sont maintenant totalement distinctes sur tous les plans.Les années récentesLes activités de gestion de projets ayant progressivement disparu, le CESD a continué jusqu’en 2004 à organiserles concours d’entrée aux écoles d’Abidjan (ISE et ITS), Dakar (ITS) et Yaoundé (ITS et, depuis 2003, ISE) et àcontribuer aux activités de soutien pédagogique. Il n’a pu le faire que parce que l’INSEE, conscient del’importance de l’Association et de ses activités, avait mis à sa disposition les moyens nécessaires à son action :un directeur, un adjoint et une secrétaire, des locaux ainsi que de nombreuses facilités matérielles. Cesdispositions, d’autant plus nécessaires que, comme on l’a vu, le CESD se relançait dans la gestion de projets,avaient été matérialisées en 1998 par des conventions entre l’INSEE et l’Association, conventions qui précisaientaussi les modalités de la collaboration entre les deux institutions.En juillet 2004, l’INSEE a décidé de ne pas renouveler les conventions régissant les relations entre l’Institut et leCESD, de retirer le personnel qu’il avait mis à sa disposition et de mettre fin à toutes les facilités qu’il luiaccordait. A la fin de la même année, l’INSEE a mis en place, au sein du Groupe des Écoles Nationalesd’Économie et de Statistique (GENES), le CAPESA (Centre d’Appui aux Écoles de Statistique Africaines)chargé de28 Devenu depuis Institut de Recherche pour le Développement (IRD)75Statéco n° 95-96-97, 2000


76poursuivre l’organisation des concours communs de recrutement et l’appui pédagogique aux trois écoles.L’Assemblée générale de juillet 2004, prenant acte de cette décision, a modifié les statuts de l’Association pourtenir compte de la nouvelle situation ; il fallait en particulier acter le désengagement non seulement de l’INSEE,mais aussi de tous les directeurs des instituts nationaux de statistique des pays de l’Union européenne.L’Assemblée a cependant affirmé la volonté de poursuivre les activités de l’Association sous une autre forme àdéfinir. Cette définition n’est pas achevée à l’heure où cet article est rédigé, mais on peut dire d’ores et déjà quela proposition de recentrer l'action du CESD sur l'appui à la formation continue des cadres des systèmesstatistiques nationaux est très largement approuvée mais ne devrait pas être exclusive. Il est aussi souhaité que leCESD soutienne la création, le renforcement et les actions d'associations africaines, nationales ouinternationales, qu'elles soient d'anciens élèves des écoles ou de statisticiens en activité. Le soutien à desexpériences visant à désenclaver les économistes et statisticiens innovateurs ou chercheurs pourrait aussi être unobjectif du futur CESD.ConclusionC’est une conclusion provisoire, puisque le CESD continue, mais c’est la conclusion de près de cinq décenniesau service direct de la formation statistique dans les pays en voie de développement.Les grandes étapes de la vie du CESD ont été retracées dans cet article, ses diverses activités mentionnées. Siune page est maintenant tournée, il reste une double satisfaction. Celle d’abord de constater que nombred’anciens du CESD ont fait une carrière brillante dans leurs administrations nationales, dans l’industrie ou lesservices (banques centrales ou commerciales en particulier), dans les institutions internationales, et aussi, pourquelques uns, en politique. Celle ensuite de voir que les trois écoles africaines, petites sœurs du CESD, sontmaintenant sur les rails, qu’elles se développent et s’adaptent, qu’elles ont à leur tour formé des centaines destatisticiens dont tous ceux qui sont en contact avec eux peuvent apprécier la qualité et qui font les mêmesbrillantes carrières que leurs aînés formés à Paris.Statéco n° 95-96-97, 200076


77Des formations internationales auCEFILMichel BoëdaCatherine MeunierMichel Perronnet 29Dix ans après la création du CEFIL en 1996, le contexte a changé en Afrique comme enEurope. Les besoins en formation statistique ont évolué et le CEFIL a su s’y adapter,parfois anticiper, toujours persévérer en dépit du caractère fragile des financements desformations internationales. L’africanisation des statistiques publiques a été réalisée pourla production des données et la formation initiale des statisticiens. Elle n’est pas encoreen place pour les formations permanentes, et le CEFIL, dans ce domaine, apporte sacontribution, en partenariat avec AFRISTAT et DIAL et avec le soutien de laCoopération française. En Europe, le développement de l’harmonisation statistiquenécessite un alignement sur des « standards » négociés, ceci pour tous les pays membres,anciens, nouveaux et futurs. Le CEFIL, en accord avec EUROSTAT, propose desformations basées sur une approche de benchmarking. Les pays méditerranéens, ouceux de la CEI, se voient aussi proposer des séminaires de formation, adaptés aucontexte de chacun. Au delà des formations sur mesure, c’est aussi la démarchepédagogique du CEFIL - une formation dispensée par des professionnels pour desprofessionnels - qui retient l’attention des instituts de statistiques étrangers.29 Michel Boëda est ancien Directeur adjoint du CEFIL, Catherine Meunier est Directrice adjointe, Michel Perronnet estDirecteur du CEFIL.77Statéco n° 95-96-97, 2000


78Le Centre de formation de l’INSEE à Libourne(CEFIL) est né de la rencontre de besoins enformation statistique jusqu’alors imparfaitementsatisfaits et d’une volonté politique dedélocalisation des services de l’Etat. Le projet s’estconcrétisé grâce aux atouts de la région choisie,dans le sud-ouest de la France, et à l’opiniâtreté deses promoteurs.D’emblée, le CEFIL a été conçu pour former à lastatistique non seulement les cadres ou futurscadres de niveau intermédiaire de l’INSEE maisaussi des statisticiens étrangers impliqués dans lastatistique publique.Le point commun entre les formations nationales etinternationales réside dans le fait que ce sont toutesdeux des formations par et pour des professionnelstravaillant dans la statistique publique. A ladifférence des formations de type universitaireassurant la formation initiale des attachés et desadministrateurs de l’INSEE –respectivement parl’ENSAI (École Nationale de la Statistique et del’Analyse de l’Information) et par l’ENSAE (ÉcoleNationale de la Statistique et de l’AdministrationÉconomique)–, le CEFIL vise pour les contrôleursune formation aux métiers de la statistique àl’INSEE, avec une vocation professionnelleclairement affichée. Cette ambition ayant fait sespreuves, elle fut progressivement étendue auxformations d’agents promus de C en B et de B enA.L’ouverture du CEFIL a eu lieu en mars 1996 et lespremiers stagiaires internationaux ont été accueillisà l’été 1996. La direction du centre de formation alogiquement été confiée aux promoteurs du projet :Jean-Pierre Behmoiras en a été le Directeurjusqu’en 2002, Michel Péronnet lui succédant ; cedernier avait été Directeur-adjoint chargé desformations internationales à l’ouverture du CEFILen 1996 ; Michel Boëda a repris cette fonction de1999 à 2005 et c’est à présent Catherine Meunierqui lui succède.Cet article, signé par les trois responsablessuccessifs des formations internationales, est centrésur cette mission, en insistant sur la formation pourles pays en développement mais il faut parfoisappréhender le CEFIL comme un tout pour préciserson positionnement.Comprendre les enjeux pourrépondre aux demandesEn tant qu’établissement de l’INSEE, le CEFILcontribue à travers ses formations internationales àla politique de coopération de l’INSEE. Cettedernière s'exerce aussi par bien d’autres voies quela formation : visites, missions, mise à dispositionde statisticiens.Existent clairement deux priorités en termes depublic, d’une part les statisticiens des pays endéveloppement et d’autre part les statisticiens despays appelés à entrer dans l’Union Européenne.Ceci n’interdit pas des actions vers desregroupements de pays pour lesquels desformations communes ont du sens : pays dupourtour méditerranéen, pays russophones, payshispanophones d’Amérique latine ou même un seulpays comme la Chine. L’idée est alors quel’homogénéité du contexte culturel, linguistique etstatistique permet des économies d’échelle dansSTATECO N°100, 2006


79l’approfondissement d’un domaine statistique. Lesformations internationales montées au CEFIL ontun coût significatif et il s’agit de se donner a prioriles meilleures garanties d’efficacité des échanges desavoir-faire et de viser la progression desparticipantsAu début de l’activité du CEFIL, la formationstatistique s’adossait aux domaines où l’INSEEsavait avoir quelque chose à dire, y compris leséchecs ou les espoirs déçus, qui sont toujoursinstructifs. Puis, progressivement, notre offre s’estadaptée aux besoins de nos publics. Cela a pu sefaire grâce au partenariat avec AFRISTAT, né lamême année que le CEFIL, pour l’Afriquefrancophone et à travers la construction de l’Europestatistique : les règlements européens combinés àl’élargissement de l’Europe vers l’Est.Dans un tout autre ordre d’idées, les formationsnationales du CEFIL constituent une expérienceoriginale, une référence dans le domaine desformations statistiques à caractère professionnel. Cequi intéresse beaucoup de pays, car c’est beaucoupplus rare que les formations à caractère académiquedestinées à l’encadrement supérieur. Il est doncprobable que les activités de conseil en formation(pédagogie, programme) ou d’audit d’organismesétrangers, sont appelées à tenir une place plusgrande à l’avenir.Le CEFIL a reçu des délégations de responsablesdes ressources humaines de différents InstitutsNationaux de Statistique, intéressés à comprendresa démarche et son expérience des formationsstatistiques professionnelles. Parmi ces visites, troisdonnent lieu à des développements impliquant leCEFIL: des formations de formateurs à travers desmodules déjà rodés (Vietnam), une participation àla refonte des programmes de formation statistique(Vietnam), un appui à la conception d’un centre deformation statistique commun aux pays andins.Afrique : la longue marche statistiqueLes besoins émanant des pays en développements’inscrivent dans une longue histoire.Il y a dix ans, en 1996, la même année que leCEFIL, était créé AFRISTAT 31 , observatoirestatistique aujourd’hui fédérateur de 18 InstitutsNationaux de Statistique de l’Afrique subsaharienne.L’appui français réparti sur cesdifférents instituts s’est alors recentré sur le soutienà AFRISTAT, pour promouvoir une masse critiqueet des économies d’échelle en méthodologiestatistique. Le CEFIL s’inscrit dans ce mouvementet a établi un partenariat étroit avec AFRISTAT et31 AFRISTAT : Observatoire Économique et Statistiqued’Afrique Subsaharienne.DIAL pour définir les thèmes et le public desséminaires qu’il organise.Auparavant, la formation initiale des cadresstatistiques était passée progressivement de laFrance aux Ecoles de statistique africaines ouvertesaux étudiants francophones des diversesnationalités. Les écoles d’Abidjan, de Dakar et deYaoundé 32 sont pleinement opérationnelles, ce quine veut pas dire que leur vie soit un long fleuvetranquille : destruction de l’Ecole de Kigali en1994, restructuration majeure et réussie à Yaoundé,troubles politiques actuels en Côte d’Ivoire.Après la formation initiale et avec la maturation dessystèmes statistiques, se pose la question del’organisation des formations permanentes. Cesdernières nécessitent bien davantage d’échangesd’expériences et de savoir-faire que lors del’acquisition d’un socle de connaissances. LeCEFIL se positionne sur ce créneau : desformations à caractère professionnel, entreprofessionnels, sur des thèmes intéressant la plupartdes pays en développement. Ce positionnements’est en réalité précisé avec le temps et nous yreviendrons plus loin. Il est ouvert à d’autresformes d’organisation et notamment à despartenariats avec des acteurs africains. On peutpenser naturellement aux écoles de statistiqueafricaines. Une première tentative de séminaire enAfrique, en 2004, avec l’ENSEA d’Abidjan aavorté avec la crise politique ivoirienne.Beaucoup d'Instituts Nationaux de Statistiquesafricains présentent une taille modeste. Lesstatisticiens y sont généralement plus polyvalentsqu’experts. Ils sont aussi souvent isolés,demandeurs de contacts enrichissants avec leurshomologues. Bien entendu, tous les Institutsnationaux de statistiques ne sont pas logés à lamême enseigne et la situation évolue plutôt dans lebon sens : l’internet relativise l’isolementgéographique tandis que la coordination assurée parAFRISTAT multiplie les occasions d’échanges. Ildemeure cependant un besoin de contactsprofessionnels stimulants, de formation permanenteau cours d’une carrière statistique et c’est undomaine où le CEFIL peut être efficace. Un de sesatouts est certainement la possibilité de mobiliseren France, plus facilement qu'en Afrique, une largepalette d'experts sur un thème donné.Les participants aux séminaires peuvent venir des18 pays membres d'AFRISTAT, des cinq autresÉtats africains francophones, d’Haïti,32 DSD-ENEA à Dakar : École Nationale d’ÉconomieAppliquée Département de la Statistique ; ENSEA àAbidjan : École nationale Supérieure de Statistique etd’Économie Appliquée ; ISSEA à Yaoundé : Institut Sousrégionalde Statistique et d’Économie Appliquée.STATECO N°100, 2006


80éventuellement de Maurice et des trois écoles destatistique. Cela fait le plein d'un séminaire duCEFIL sous l’hypothèse d'un seul participant parorganisme. Ceci plaide pour une politique deréédition des séminaires, une moyenne de deuxparticipants par organisme n'étant pas de trop. Et s'ilfaut aller au delà, il y a lieu d'africaniser laformation en étant bien adossé à une solideexpérience : le mouvement de fond vers uneafricanisation des formations permanentes est àaccompagner en s’appuyant sur des basesconcrètes.Les pays en transition…vers l’UnionEuropéenneLa coopération avec les pays d’Europe est née autournant des années 1990, avec la dislocation dubloc soviétique et la transformation rapide deséconomies européennes qui y étaient liées.Pratiquement, les besoins en formation statistiquedes pays dont l’économie est passée d’un moded’organisation centralisée et planifiée à uneéconomie de marché – que l’on appelle plusbrièvement les économies ou pays en transition -ont crû considérablement en raison de leursperspectives d’adhésion à l’Union Européenne.L'entrée dans l'Union Européenne en 2004 de dixnouveaux États, principalement de la zone PECO(Pays d’Europe Centrale et Orientale), ouvre unepériode nouvelle pour la coopération statistiqueplus en rapport avec la maturité de leurs systèmesstatistiques. Il est probable que la formationpermanente de statisticiens professionnels sera enquelque sorte intégrée au fonctionnement courantdes états membres.Pour autant, au début du fonctionnement du CEFIL,des formations ont été conçues pour favoriserl’intégration des pays ayant vocation à rejoindrel’Union Européenne à une échéance prévisible.Depuis leur adhésion, il reste des besoinsimportants en formation à la statistique pour les dixnouveaux pays membres et ces pays continuentd’envoyer leurs statisticiens en formation auCEFIL. L'effort porte aussi sur les pays des Balkansfaisant potentiellement partie du nouveau cycled'élargissement de l'UE : les cinq candidatsreconnus (Bulgarie, Croatie, Macédoine, Roumanieet Turquie) et les autres pays des Balkans.L’objectif de ces formations est explicite ; il s’agitde se conformer aux règlements européensprécisant l’art et la manière de produire desstatistiques comparables entre les différents pays.Cette contrainte est omniprésente, plus ou moinsforte selon les domaines statistiques, et acceptée parles pays en faisant table rase des pratiques héritéesdu système communiste. Ainsi, l’essence même dela statistique (l’estimation par sondage) succède-telleà une pratique quasi comptable par totalisationsupposée exhaustive. De même, l’organisationtripolaire, avec un centre de recherche pour lesconcepteurs, un centre informatique pour lesmoyens de traitement et un centre statistique quifait ce qu’il peut entre les deux, cède-t-elle la placeaux structures intégrées de type occidental. Ladémarche de ces pays est donc une démarche debenchmarking pour arriver au moindre coût auxstandards exigés par l’Europe.Les pays de la CEI, far-east européenLes statisticiens de la CEI 33 (pays de l’ex URSS)ont été initialement mêlés aux statisticiens des payseuropéens ; en fait, leur objectif n’était pas l’entréedans l’Union Européenne. Cela étant, dans lesannées 1996-2000, il s’agissait d’abord d’ouvrir lesvolets, de s'aérer pour voir comment faisaient lesautres, sans incitation contraignante à changer unsystème implanté de longue date. Les relations avecces pays se sont espacées et, avec le tarissement desfinancements, il n’y a plus de séminaire deformation en vue au CEFIL pour ces pays ; même siaujourd’hui la question de leur intégration àl’Union Européenne pourrait se reposer pourcertains d’entre eux.La Méditerranée : mare nostrumLe rapport à l'Europe reste très présent sur le flancméditerranéen. Avec nos voisins du sud de laMéditerranée se conjuguent deux approches : uneapproche globale et une approche bilatérale.L’approche européenne dans le cadre de Medstat 34vise à l’origine 12 pays (Medstat I). Depuis 2004,Malte et Chypre ont rejoint l’Union Européenne.De son côté la Turquie est officiellement candidateà l’entrée dans l’Union Européenne depuisnovembre 2005 et bénéficie d’un programmespécifique. Medstat II concerne aujourd’hui despays arabes, les trois pays du Maghreb, l’Egypte, laJordanie, le Liban, la Syrie ainsi qu’Israël et lesTerritoires palestiniens. Il peut être plus efficace deregrouper les participants francophones d’une part,les participants anglophones d’autre part,notamment quand il s’agit de formation.L’approche française traditionnelle de lacoopération, plutôt bilatérale à l’origine, s’efforcede rassembler les pays méditerranéensfrancophones quand c’est possible. La formation33CEI : Communauté d’États indépendants nés del’éclatement de l’ex-URSS.34 Medstat est le volet statistique du programme MEDA,principal instrument financier de l'Union européennepour la mise en œuvre du partenariat euroméditerranéen.A l’origine, les pays partenaires sont aunombre de douze : Algérie, Chypre, Égypte, Israël,Jordanie, Liban, Malte, Maroc, Territoires autonomes dePalestine, Syrie, Tunisie et Turquie. L’appel d’offres pourle programme Medstat II, après avoir été longtempssuspendu, a finalement été attribué en novembre 2005.STATECO N°100, 2006


81statistique s’y prête et on retrouve là l’idée qu’uneaction en étoile peut valablement s’inspirer de latoile d’araignée avec de solides liaisonstransversales. Le CEFIL organise donc desformations dans le cadre de la coopération françaiseaussi bien que dans le cadre européen de Medstat.Après la crise d’EUROSTAT, le programmeMedstat a été retardé et sera réalisé au cours de lapériode 2006-2008.L'approche Medstat se place d’abord dans laperspective d'une zone de co-développement de partet d'autre de la Méditerranée ; il faut donc pouvoiren préciser les règles à partir de statistiques fiablesdans les domaines prioritaires : statistiqueséconomiques, douanières et migratoires ;statistiques sur le tourisme et l'environnement. Lacoopération française est plus attentive aux thèmesdemandés par les pays du sud.Les financements : toujourss’adapter ...et viteSur le plan financier, le CEFIL émarge au budgetde l’INSEE pour son fonctionnement courant. Mais,faisant partie des actions de coopération française,les coûts directement imputables à un séminaireinternational doivent être couverts par un budgetspécifique, alimenté le plus souvent par desbailleurs extérieurs à l’INSEE. Il existe quelqueslignes directrices et beaucoup d’adaptations…Dans le sillage de la coopérationfrançaise, l’AfriqueS’agissant des participants originaires de paysfrancophones d'Afrique subsaharienne, le Ministèrefrançais des affaires étrangères (MAE) est enpremière ligne des financeurs.Les difficultés financières sont très prégnantes. Lefinancement hésite entre un mode centralisé auMAE et un mode décentralisé via les Services decoopération et d’action culturelle (SCAC) desambassades de France.Pour le séminaire réalisé en 2003 - la cartographieet la statistique - l'option pour un financementcentralisé par le MAE visait à offrir uneparticipation à chaque pays sur une base égalitaire.Un financement du CESD-Paris 35 a permis deboucler le tour de table. Mais, en 2004, il a étéimpossible de renouveler l'opération comme prévu,en raison notamment des contraintes financières duMAE. Ainsi, pour la première fois depuis sa35CESD-Paris : Centre européen de formation desstatisticiens économistes des pays en voie dedéveloppement ; Voir l’article de Charoy et Diop dans cemême numéro.création, le CEFIL n'a pu monter de formationciblée sur ce public cette année là. C'est pourquoi lefinancement du séminaire de 2005 – le suivistatistique de l’impact des politiques de réductionde la pauvreté - est revenu comme précédemment àun financement décentralisé, essentiellement assurépar les ambassades.Le schéma dominant est donc un financement ducoût comprenant le voyage, les per diem et unforfait de frais de formation demandé aux servicesde coopération et d’action culturelle (SCAC) desambassades de France dans les pays concernés, engénéral pour un ou deux statisticiens du pays. Il y ainévitablement une part d’aléa liée à la capacité definancement de chaque SCAC, à sa programmationet à son intérêt pour la statistique. Statistiquementparlant, ce mode de financement assure toujours unnombre de participants suffisant pour que leséminaire ait bien lieu. Quelques organismesinternationaux, PNUD 36 notamment, financent àl’occasion les participants de certains pays et ilarrive, il est vrai exceptionnellement, que les paysfinancent par eux-mêmes leurs statisticiensnationaux. En outre, afin d’éviter de possiblesdérives, les inscriptions proposées sont validées parAFRISTAT (pour les pays membres), lescandidatures retenues devant être en rapport avec lethème du séminaire.Côté français, par le passé, le CESD-Paris a assuréla gestion de la trésorerie, et a contribué aufinancement des formations internationales duCEFIL. La crise qu’a connue EUROSTAT dans lesannées 2003-2005 a conduit à recourir, commenous le verrons plus loin, à l’ADETEF 37 commesupport financier.Par ailleurs, afin d’assurer un financement plusdiversifié, le CEFIL a négocié, pour 2006, un appuifinancier auprès de la Banque mondiale, avecsuccès puisque cette dernière a accordé unesubvention permettant ainsi de prendre en chargedes stagiaires. Cette possibilité est en train de semettre en place dans un cadre contractuel.Dans le sillage de l’Europe pour lesautres paysPour les participants venant des anciens payscandidats, aujourd’hui majoritairement adhérents àl’Union Européenne, des pays candidats nonadhérents et des pays potentiellement candidats, lesformations du CEFIL sont inscrites sur une listeeuropéenne et sont éligibles à un fonds PHARE 38 ,36 PNUD : Programme des Nations Unions pour ledéveloppement.37 ADETEF : Association pour le Développement desEchanges en Technologies Economiques et Financières.38PHARE : Poland and Hungary: Action forRestructuring of the Economy. D’abord destiné àSTATECO N°100, 2006


82pour les pays d’Europe centrale, ou CARDS 39 pourles pays des Balkans occidentaux. Ces fondspermettent à chaque pays de financer les voyages etles per diem de ses statisticiens. Cette situation deconcurrence de l’offre du CEFIL avec d’autresactions européennes éligibles sur la même ligne definancement est très saine et les inscriptions onttoujours témoigné d’un intérêt soutenu pour lespropositions de séminaires organisés au CEFIL. Lefonds PHARE est arrivé à son terme et a changé denature. De même, une nouvelle vague de fondsCARDS pour les pays des Balkans occidentaux surla période 2006-2008 vient d’être décidée…mais,trop tard pour le séminaire du mois de mars 2006 sibien que d’autres solutions ont dû être trouvées. Cetype de contretemps est fréquent sur l’un ou l’autredes circuits de financement. Enfin, les coûtsengagés pour la formation proprement dite ainsique l’accueil des stagiaires à Libourne sont à lacharge de l’INSEE dans le cadre d’un accord avecEUROSTAT. L’interprétation simultanée (françaisanglais)et la traduction représentent plus de lamoitié de ces coûts.Enfin, le fait marquant de ces dernières années estla remise en cause, et en ordre, du moded’organisation et de fonctionnement d’EUROSTATdans les années 2003-2005. Ces turbulences qui ontsecoué EUROSTAT ont conduit à la liquidation dudispositif européen de formation TES (Training ofEuropean Statisticians). La crise a égalemententraîné la fermeture ou la marginalisation desCESD européens. Le CESD-Paris, qui a été le relaisadministratif et financier dans la gestion duprogramme de coopération technique, a été mishors jeu. Dans son rôle de trésorier, il a étéremplacé par l'ADETEF. L'ADETEF est ungroupement d'intérêt public sur lequel s'adosse lapolitique de coopération technique internationale duMinistère de l'Economie des Finances et du Budget.Cet organisme offre un support juridique adaptétout en autorisant la souplesse de gestion nécessaireau montage des séminaires de formation.Les formations européennes post-TES ont été enquelque sorte renationalisées et le CEFIL est amenéà participer à des projets conduits par l'INSEE surdes bases nouvelles (séminaires courts, en anglais,pour les participants de l'Union Européenne) en susfavoriser le processus d’ouverture de la Pologne et de laHongrie, puis de l’ensemble des pays d’Europe centraleet orientale, à l’économie de marché, le programmePHARE est devenu le principal instrument du soutienfinancier pour la Bulgarie, l’Estonie, la Hongrie, laLettonie, la Lituanie, la Pologne, la République tchèque,la Roumanie, la Slovaquie et la Slovénie.39 CARDS : Community Assistance for Reconstruction,Development and Stabilisation, programme destiné àsupporter l’effort vers l’intégration des pays des balkansoccidentaux : Albanie, Bosnie-Herzégovine, Croatie,Serbie, Monténégro et Macédoine.de ses formules bien rodées visant plutôt les payscandidats.La crise d'EUROSTAT a également affecté laprogrammation de Medstat II, deux appels d'offreayant été sans suite; le troisième est le bon. Leprogramme s'enclenche en 2006, sur la base dedeux lots : le premier est horizontal et comprendnotamment la valorisation des compétences et laformation du personnel ; le second – remporté parun consortium mené par l’ADETEF et quicomprend l’INSEE - est thématique et porte sur lesstatistiques sectorielles, y compris le transfert desavoir-faire. La formation risque donc de connaîtredes difficultés d’organisation car située à lacharnière des deux lots.La rançon du succèsLes créneaux aujourd’hui disponibles pour lesformations internationales se trouvent fin mars(deux semaines), début juillet (deux ou troissemaines), septembre (une ou deux semaines). Lacontrainte porte moins sur les locaux, agrandisrécemment et qui pourraient permettre desformations nationales et internationales en parallèle,que sur les capacités d’hébergement limitées àsoixante-dix logements. Une solution permettant deloger davantage de stagiaires (et aussi lesintervenants de passage) devrait voir le jour, sansdoute, en 2007. En attendant, il reste possibled’accueillir à toute période de l’année des petitsgroupes sur la base d’un hébergement hôtelier.L’offre du CEFIL : du sur-mesureTout est mis en œuvre pour faire progresser lesgroupes de statisticiens passant au CEFIL et, audelà, les organisations dont ils dépendent. Il nes’agit pas de « vendre » le modèle français maisd’échanger des expériences, chacun étant amené àretenir ce qui peut être valable dans son contexte.Chaque contexte statistique nécessite une approchedistincte.L’« offre socle »Le positionnement du CEFIL s'est précisé après lespremières années de fonctionnement, suite à desexpériences variées de séminaires de tous formats :depuis des séminaires relativement peu spécialisésjusqu’à un ciblage des thèmes très précis.De ces premières années, est née l’« offre socle »du CEFIL. Elle consiste en l’organisation de deuxséminaires annuels, chacun d’une durée de deux àtrois semaines. L’un s’adresse prioritairement auxpays francophones de la zone AFRISTAT. Peuventégalement y être accueillis, dès lors qu’ilsmaîtrisentSTATECO N°100, 2006


83le français, des stagiaires venant d’autres pays endéveloppement. L’autre (bilingue : français /anglais), monté en concertation avec EUROSTAT,et toujours en ligne avec la politique de coopérationstatistique européenne de l’INSEE, se veutprioritairement tourné vers des pays ayant vocationà rejoindre l’Union Européenne. Tous deuxaccueillent 25 participants environ.Sur chacun des domaines choisis, et pour chacundes deux séminaires de base, il s’agit d’échanger àpartir d’études de cas. Une bonne moitié duséminaire destiné aux statisticiens européens eststructurée à partir d’exposés d’experts de l’INSEEou de la statistique publique. L’objectif est bien dedébattre en allant au fond des choses, y comprisdans les zones d’ombre, bien au-delà del’information calibrée habituellement apportée lorsde colloques.Une seconde partie du séminaire, permet d'autreséchanges d’expériences, et d’abord entre lesparticipants. Il est bon que les participants soientdes professionnels du même domaine, mais unecertaine diversité des points de vue peut êtreenrichissante (méthodologie/informatique/diffusionpar exemple, ou encore niveau hiérarchiqued’implication sur le domaine), ce qui estgénéralement le cas. Les participants ont un objectifcommun, des points de départ similaires et toutbalisage du cheminement leur est utile.Pour les séminaires européens, deux ou troisexperts d’un Institut National de Statistiqueeuropéen ayant des cultures statistiques différenteset/ou d’EUROSTAT viennent aussi compléter lepanorama des options envisageables. Enfin, il esthabituel d’achever un séminaire sur une table rondepermettant de répondre à partir d’expériencesvariées aux interrogations des participants. Ildemeure que pour tous les pays concernés nil’anglais, ni le français n’est la langue maternelledes statisticiens.S’agissant des séminaires destinés aux statisticiensafricains, les échanges sont facilités par l’unité de lalangue. Le déroulement d’un séminaire est grossomodo identique à celui destiné aux statisticienseuropéens : approfondissement de cas à partird’exposés d’experts, échanges d’expériences etapports d’autres points de vue, notamment ceux desbailleurs, et enfin une table ronde finale. Mais, lerecours à des experts extérieurs à la statistiquepublique est de plus en plus nécessaire comme nousle verrons plus loin.L’offre en 2005 et 2006Afrique : de l’échec des politiques d’ajustementstructurel aux dispositifs de lutte contre lapauvretéLors du sommet du Millénaire organisé par lesNations Unies en septembre 2000, a été engagé unambitieux programme pour réduire la pauvreté ainsique ses causes et manifestations. Parmi les huitObjectifs du Millénaire pour le Développement,figure la réduction de moitié de la proportion de lapopulation dont le revenu est inférieur à un dollarpar jour, d’ici à 2015. Ces objectifs et cibles sontassortis d’indicateurs statistiques.C’est dans ce cadre, et avec l’appui d’AFRISTATet de DIAL, que le CEFIL a organisé en 2005 unséminaire sur le suivi statistique de la pauvreté. En2005, toutes les demandes de participations auséminaire n’ont pu être satisfaites. C’est pourquoi leCEFIL, en accord avec AFRISTAT et le Ministèredes affaires étrangères, programme à nouveau ceséminaire en 2006.Pour cette réédition, une contribution importante dela Banque mondiale est acquise. Un troisièmeséminaire sur le thème de la mesure statistique de lapauvreté se tiendrait en 2007, éventuellement enAfrique, avec comme objectif la synthèse desexpériences ou des réalisations menées sur leterrain.On peut penser que le chantier ouvert avec le suivistatistique de l’impact des politiques de réductionde la pauvreté doit pouvoir être décliné dans sesdimensions multiples comme les domaines del’agro-alimentaire, de l’emploi, de l’éducation, dela santé, des liens sociaux. Il y a là matière à unrapprochement ou à un partenariat avec PARIS21 40 ,particulièrement impliqué dans l’appui auxstratégies de développement statistique des pays.Enfin, permettre à la statistique africaine de prendretoute la place qui lui revient auprès des décideurspublics est un enjeu très actuel. La culturestatistique française, pour sa part, intègre les étudeséconomiques (les deux « e » de l’INSEE). Nonseulement, les résultats collectés sont largementdiffusés – ce que l’on appelle aussi le faire-savoiraprès le savoir-faire - mais aussi, ils font l’objet, ausein même de l’institut, d’études approfondies. Il nesemble pas que la statistique africaine ait développécette articulation entre producteurs et utilisateurs dedonnées. Le CEFIL pourrait promouvoir ce « plus »culturel.40 PARIS21 : Partnership in Statistics for development inthe 21 st century. Voir l’interview de A. Simonpietri dansle présent numéro.STATECO N°100, 2006


84Europe : la quête de statistiques européennesissues de données nationalesEn 2005, le sujet du séminaire était « Aspects etapproches de la qualité des statistiquesd’entreprises ». Il s’inscrivait dans le droit fil despriorités européennes après un premier colloqueorganisé à Mayence en 2004 pour sensibiliser lahiérarchie statistique aux besoins et aux pratiquesde l’Union Européenne dans ce domaine. Ils’agissait au CEFIL d’approfondir les démarchesopérationnelles pour ceux qui ont à les mettre enœuvre sous leurs différents aspects.Certes, la qualité est une préoccupation majeure etancienne des statisticiens. L’appréciation correctede l’incertitude due à l’échantillonnage et,inversement, l’estimation de la taille del’échantillon, et donc du budget, nécessaire pouratteindre une précision adaptée aux besoins, fontpartie du cœur de métier du statisticien. L’état del’art est déjà moins assuré quand il s’agit d’intégrerles aléas et notamment la non réponse partielle outotale et d’imaginer les redressements. On touche làun domaine où la culture d’ingénieur chargé de laproduction statistique est fondamentale et occupepresque toute la scène.Mais, au tournant des années 1990, c’est la prise encompte, par les Instituts Nationaux de Statistiques,des besoins des utilisateurs qui a modifié laconception de la qualité : pertinence et disponibilitédes données, métadonnées, délais, etc. Lesspécialistes préconisent un rapport qualité intégrantcette nouvelle culture qui donne toute sa place aurésultat pour l’utilisateur et pas seulement auprocessus d’élaboration vu par le producteur.Bien évidemment chaque pays a une histoire, uncontexte institutionnel, une organisation statistique,etc., qui lui est propre. Il serait illusoire de fixer unmodèle unique pour gérer la qualité des statistiques.C’est en décortiquant des expériences, en étudiantdes réalisations concrètes que l’on peut progresserpar une démarche de benchmarking. Il faut doncs’appuyer sur des exemples, en variant lesdomaines statistiques, en parcourant les différentsaspects de la qualité, en explorant plusieurscontextes nationaux.L’importance grandissante du thème de la qualité,avec la sortie officielle du code de bonne pratiqueeuropéen, justifie que ce thème soit repris pour leséminaire de 2006. Mais, cette fois, l’appréhensionde la qualité portera sur les statistiques sociales etnon plus les statistiques d’entreprises, car il estessentiel de viser une certaine homogénéitéd’intérêts parmi les participants.Les moyens : des ressourceshumaines et des installations adhocLes hommes motivés par un projetL’équipe du CEFILL’équipe du CEFIL s’efforce de décharger lesstagiaires de tous soucis matériels : prise en chargeou facilitation des transits lors des voyages aller etretour ; maintien d’un contact avec leur bureau (ouleurs proches) grâce à internet et accès à leurmessagerie ; écoute des attentes des stagiaires ; toutest mis en œuvre pour relativiser l’éloignementprofessionnel, familial et géographique.Pour cela, l’organisation logistique des séminairesinternationaux du CEFIL - au centre comme à larésidence - est particulièrement soignée. Ellerepose, depuis l’origine, très largement sur lesépaules d’Evelyne Coutant. C’est donc peu dire qued’affirmer que c’est rodé. Evelyne est peut-êtrel’agent de l’INSEE le plus connu hors de France.Il s’agit clairement de créer au plus vite un esprit degroupe, d’abord pour favoriser les échanges entreles participants au cours du séminaire, et aussi pourconstituer, autour d’un thème professionnel, unecommunauté de collègues qui n’hésiteront pas,après le stage, à maintenir des contacts. Bienentendu, à la fin de chaque séminaire internationalles participants disposent de toutes les coordonnéesde leurs collègues comme de celles desintervenants. Une prochaine étape devrait êtrel’élaboration d’un annuaire des anciens stagiairesinternationaux passés par le CEFIL. Ils sont déjàenviron 550 fin 2005.Un partenariat étroit avec AFRISTAT enAfriquePour le CEFIL, lors de la définition des séminairesdestinés aux statisticiens d’Afrique sub-saharienne,AFRISTAT est le partenaire privilégié, étant luimêmeanimateur d’actions statistiques transversalesaux pays-membres. C’est le meilleur connaisseurdes besoins des INS africains quand il s’agit depréciser un thème d'intérêt général. C’est aussi unfournisseur d’experts sur des domaines spécifiquesà l’Afrique et souvent mal couverts par lastatistique publique française. Tout en valorisantses atouts spécifiques, le CEFIL se coordonne avecAFRISTAT et veille à une bonne complémentarité.Le champ géographique d'AFRISTAT ne coïncidequ’approximativement avec celui des pays d'originedes statisticiens accueillis au CEFIL, ouvert auxstatisticiens francophones des pays endéveloppement, ce qui élargit et enrichit leséchanges d'expériences. Le CEFIL a eu l'occasionSTATECO N°100, 2006


85d'accueillir les très rares statisticiens francophonesde l'ex-Indochine, quelques Mauriciens, plussystématiquement des Haïtiens et des Malgaches,ou encore des ressortissants du Congo, du Burundiou du Rwanda. Inversement, AFRISTAT comptedes pays lusophones (Cap Vert, Guinée-Bissau) ouhispanophone (Guinée Equatoriale) dont lesparticipants viennent au CEFIL dès lors que leurconnaissance du français le permet ; sous la mêmecondition linguistique, quelques statisticiensd'Angola et de Sao Tomé ont pu participer auxséminaires du CEFIL. Enfin, lors des derniersséminaires, les Ecoles africaines de statistique ontété invitées à envoyer un enseignant et desorganismes régionaux comme l'UEMOA 41 et laCEMAC 42 ont pu inscrire des participants.Les intervenants et le carnet d’adressesLes formations internationales se doivent derespecter les contextes étrangers, avec leurs sourceset en mettant en œuvre des techniques parfoisspécifiques, propres au secteur informelnotamment, ceci en ayant recours à des expertsvenant d’horizons variés.Pour les séminaires destinés aux statisticienseuropéens la ressource est assez largementdisponible à l'INSEE et dans le système statistiquepublic, avec l’appui de collègues européens. Cen'est plus le cas, et de moins en moins le cas, pourles séminaires destinés aux statisticiens africains.D'où l'importance du carnet d'adresses pour trouverdes experts appropriés au thème et au public.Pour les séminaires destinés aux statisticiensd’Afrique francophone, le CEFIL a recours auxexperts d'AFRISTAT en charge du thème traité etqui viennent pour la durée du séminaire ; ils yapportent un point de vue synthétique et se chargentaussi de structurer les échanges d'expériences entreles participants. C'est aussi pour eux l'occasiond'élargir leurs compétences et d'apprécier l'état del'art dans les pays africains représentés.Les experts de DIAL 43 sont largement sollicitéségalement ; leurs points forts sont variés :statisticiens, démographes, modélisateurs,économistes, etc., car DIAL héberge de nombreuxcadres provenant d’organismes très divers (INSEE,IRD 44 , AFD, Universités, etc.), tous confrontés à la41 UEMOA : Union Économique et Monétaire OuestAfricaine.42 CEMAC : Communauté Économique et Monétaire del’Afrique Centrale.43 DIAL (Développement, Institutions & Analyses de Long terme) DIAL est un.laboratoire de recherche en économie du développement constitué par l'IRD enpartenariat avec l'A gence F rançaise de D éveloppement .44 IRD : Institut de recherche pour le développement (ex-ORSTOM ) spécialisé sur les projets en zone intertropicale.mise en œuvre de leurs travaux sur le terrain. Cequi n'interdit nullement de faire appel à des agencesspécialisées ou à des experts indépendants sur desthèmes pointus. Les universitaires sont égalementsollicités par le CEFIL, dès lors que leurs travauxsont susceptibles de transfert de savoir-faire.Les personnalités les plus en vue de la statistiqueafricaine comme Lamine Diop puis Martin Balepa,directeurs généraux successifs d’AFRISTAT, onteu l'occasion d'honorer de leur participation lesséminaires du CEFIL lors des tables rondes finales.Les formations internationalesréalisées au CEFILRappelons que les formations nationales quiconstituent la mission principale du CEFIL ontconsidérablement progressé : une promotion de40 contrôleurs en 1996 ; 160 agents formés en 2005- contrôleurs et agents promus au choix. Cequadruplement n’a pas empêché un développementharmonieux des formations internationales qui sontl’objet de cet article.Le baptême du feu : de 1996 à 1998Le premier séminaire international organisé par leCEFIL s’est tenu en juillet 1996, trois mois aprèsl’inauguration des locaux. Consacré à lacomptabilité nationale, il a réuni dix participantsprovenant des pays du Maghreb.Suivront en 1997 deux nouveaux séminaires. Lepremier, centré sur les statistiques sociales, a réunipendant trois semaines, vingt-huit participantsprovenant des pays en transition (Europe centrale etorientale et CEI, dix-sept pays représentés au total,et trois langues de travail : français, anglais, russe).Le second, dédié aux techniques de sondage etcouplé à une réunion de l’AISE 45 , a rassemblé,vingt-deux participants représentant autant de paysfrancophones.L’année 1998, particulièrement chargée, anotamment été marquée par l’organisation, àl’intention de neuf stagiaires provenant de six paysméditerranéens, d’un séminaire de longue durée surla statistique publique qui s’est étalé sur près detrois mois, du 6 avril au 26 juin. Deux autresséminaires ont été organisés pendant cette mêmepériode. Le premier, centré sur les enquêtes auprèsdes ménages et lui aussi destiné à des statisticiensméditerranéens a réuni quinze stagiairesreprésentant sept pays. Le second, à destination despays en transition et, consacré aux statistiques45 AISE : Association Internationale des Statisticiensd’Enquêtes. Le CEFIL assure le secrétariat de cetteassociation, partie intégrante de l’Institut Internationalde Statistique.STATECO N°100, 2006


86d’entreprises, était le pendant du séminaire sur lesstatistiques sociales qui avait été organisé l’annéeprécédente à l’intention de ce même public.L’audience a été à peu près identique, avec ànouveau vingt-huit participants représentant cettefois seize pays. Enfin, le stage de longue duréestatistique publique n’était pas encore terminéquand a débuté un quatrième séminaire, à nouveaucentré sur les enquêtes auprès des ménages mais àl’intention cette fois d’un public africain. Cequatrième stage de 1998, spécifiquement tournévers l’Afrique subsaharienne, a rassemblé vingt etun statisticiens provenant de quatorze pays.L’« offre socle » du CEFIL et les autresformationsEn 2000, à l’« offre socle » du CEFIL (Tableau 1)se sont ajoutés deux séminaires supplémentaires. Lepremier, consacré aux statistiques d’entreprises, aréuni vingt participants provenant de dix paysméditerranéens. Le second, centré sur lesrépertoires d’entreprises, a rassemblé dix-huitparticipants représentant dix pays de la CEI.par exemple pour ce qui concerne les statisticiensfrancophones.Au total, sur la période allant de 1996 à 2005, cesont 550 stagiaires en provenance de 70 pays quiont bénéficié d’une formation aux métiers de lastatistique publique lors de l’un des 25 séminairesorganisés par le CEFIL.Un gros tiers de ces stagiaires provient d’un paysd’Afrique subsaharienne et pour la plupart d’entreeux d’un pays membre d’AFRISTAT. Un secondtiers provient d’un pays d’Europe centrale etorientale (PECO) ou d’un pays des Balkans. Cen’est guère surprenant puisque ces deux groupes depays constituent le public cible de l’« offre socle »du CEFIL. Les autres grandes zones dont sontoriginaires les stagiaires sont le pourtourméditerranéen, notamment le Maghreb, et laCommunauté des États indépendants (CEI). Ne sontpas comptés ici les participants aux séminairestenus dans les locaux du CEFIL mais sans sonimplication pédagogique.En 2001, le CEFIL a réuni vingt participantschinois lors d'un séminaire de formation auxtechniques quantitatives de la macroéconomie. Ence qui concerne ERETES 46 , le CEFIL a accueilli,par deux fois en 2001 et 2004, un atelier deformateurs en comptabilité nationale assistée parordinateur autour de la nouvelle version du logicielERETES. En 2004, le second atelier a réuni desreprésentants d’Afrique subsaharienne francophoneet anglophone, du Maghreb, de la Communautéandine et du Brésil, et des départements françaisd'outre-mer pour faire le point sur l'utilisation del'outil et sur ses développements.En 2004 également, les conjoncturistes du Liban etdes trois pays de Maghreb ont pu, au CEFIL,confronter leurs expériences des enquêtes d’opinionet s’imprégner de l’art de la prévision raisonnée àcourt terme.Pour compléter ces exemples variés, rappelons quele CEFIL a mis volontiers ses installations auservice de formations européennes organisées parTES (Training of European Statisticians), puis decelles qui ont suivi, dans la mesure où l’agenda lepermettait.Enfin, le CEFIL n’ayant pas pour objectif deproposer un catalogue de formations, il peut êtreamené à aiguiller des demandeurs vers desorganismes disposant de tels catalogues, le CEPE 2046 ERETES : Logiciel d’aide à l’élaboration des comptesnationaux (ERE = équilibres ressources-emploi, TES =tableaux entrées-sorties).STATECO N°100, 2006


Tableau 1L’« offre socle » du CEFIL (1999-2006)Afrique subsahariennePECO12-30 avrilStatistiques d’entreprises19 participants représentant 13 pays15-31 maiEmploi, revenu, secteur informel21 participants représentant 16 pays11-22 juinStatistiques agricoles28 participants représentant 17 pays10-25 juilletEnquêtes auprès des ménages25 participants représentant 15 pays8-23 juilletCartographie et systèmes d’informationgéographique30 participants représentant 24 pays--27 juin-8 juilletSuivi statistique de la pauvreté28 participants représentant 15 pays199920002001200220032004200517 mai-4 juinStatistiques sur l’emploi et les salaires19 participants représentant 12 pays13-23 juinRecensements de population21 participants représentant 11 pays9-23 maiStatistiques et analyse conjoncturelle25 participants représentant 13 pays18-28 marsPratique des statistiques locales :pourquoi et comment ?25 participants représentant 10 pays31 mars-11 avrilUtilisation des données administratives :emploi, chômage, salaires,18 participants représentant 11 pays22 mars-2 avrilUtilisation des données administratives :Statistiques d’entreprises,22 participants représentant 12 pays21 mars-1 avrilAspects et approches de la qualitédes statistiques d’entreprises,22 participants représentant 14 paysPour 2006, les sujets programmés sont, de nouveau le thème de la qualité mais pour les statistiques sociodémographiques(PEC, Balkans et Turquie, en mars) et la réédition du séminaire sur la pauvreté pour les paysd’Afrique subsaharienne qui n’ont pu participer au séminaire de 2005 (en juillet).20CEPE : Centre d’Étude des programmesÉconomiques. Le CEPE fait partie de la Direction desenseignements supérieurs et de la Recherche à l’INSEE.


82Tableau 2L’origine des participants aux séminaires du CEFIL (pays ayant envoyé au moins 6 participants aux stages duCEFIL, 1996-2005)PECO Zone AFRISTAT Autres paysBulgarie 12 Bénin 7 Albanie 10Estonie 11 Burkina Faso 12 Angola 8Hongrie 15 Cameroun 17 Chine 20Lettonie 11 Cap-Vert 7 Haïti 14Lituanie 18 Côte d’Ivoire 11 Macédoine 11Pologne 21 Gabon 10 Madagascar 9République tchèque 15 Guinée Conakry 6 Rwanda 9Roumanie 22 Mali 14 Sao Tomé et Principe 6Slovaquie 14 Mauritanie 14Slovénie 17 Niger 6République6CentrafricaineSénégal 8Tchad 8Togo 12CEIPays méditerranéensBiélorussie Algérie 14Russie 6 Égypte 6Ukraine 7 Liban 86 Maroc 14Tunisie 19Turquie 9STATECO N° 100, 200682


83AnnexeL’accueil au CEFILAccueillir des statisticiens étrangers ne se conçoit pas sans un minimum de découverte locale, d’autant que larégion s’y prête (Bordeaux et Saint-Emilion notamment) ; et que les séminaires du CEFIL comportent assezsystématiquement un week-end. Ceux qui sont déjà venus en France ne connaissent en général que Paris. Deplus, afin de faire rapidement connaissance, le CEFIL organise en principe un buffet d’accueil à la résidence aucours de la soirée précédant le séminaire, puis un dîner « officiel » dans les premiers jours.La convivialité libournaise se manifeste aussi à travers l’association Libourne-Accueil dont les membres mettentun point d’honneur à recevoir chez eux à dîner tous les statisticiens étrangers par groupes de deux ou trois.Construire un centre de formation à Paris aurait été très coûteux ; l’hébergement hôtelier en région parisienneest particulièrement onéreux et ne peut convenir pour des durées un peu longues ; enfin, il serait bien difficile de« souder » un groupe dans un contexte parisien.A contrario, Libourne s’est avéré une bonne localisation pour implanter le CEFIL, à trois heures de Paris parTGV et à 40 km de l’aéroport international de Bordeaux Mérignac (trois quarts d’heure en voiture). DansLibourne, bastide portuaire dessinée au 13ème siècle, tout peut se faire à pied. Le CEFIL est à dix minutes àpied non seulement de la résidence, mais aussi du restaurant inter-administratif et de la gare.La logistique implantée au CEFIL lui assure une bonne adaptation à ses missions de formation.Le bâtiment proprement dit est agréable et fonctionnel. Toutes sortes de locaux permettent de travailler dans desconditions variées : depuis les petits groupes jusqu’à des groupes importants dans un amphithéâtre de quatrevingtsplaces. Certaines salles sont équipées d’ordinateurs en réseau pour les travaux pratiques informatiques.Une salle et l’amphithéâtre sont équipés pour permettre les échanges en deux (ou trois) langues avecinterprétation simultanée en cabine.Un centre de documentation offre une palette particulièrement large d’ouvrages de base, de livres d’actualitéainsi que de revues. La documentaliste du CEFIL met, par ailleurs, beaucoup d’énergie à aider les stagiaires, enparticulier ceux venant des pays en développement, en les guidant dans leurs recherches, voire en obtenant,avant leur départ et au meilleur prix, des ouvrages plus difficiles à acquérir dans leurs pays d’origine.Parallèlement à la construction du centre, la municipalité libournaise, de son côté, s’était engagée à mettre àdisposition des stagiaires un centre d’hébergement au cœur de la bastide, à deux pas des commerces, etc. Et lepari fut tenu : l’inauguration des deux locaux a eu lieu le même jour.La résidence Pierre Bérégovoy est gérée par une association et elle accueille, parmi d’autres résidents, lesstagiaires du CEFIL, nationaux ou étrangers, et les intervenants. On y trouve des studios et des duplex équipéspour y vivre commodément (jusqu’à six mois pour des stagiaires nationaux), y compris avec la possibilité d’ypréparer des repas, mais sans services hôteliers ; ce qui permet de proposer un coût de logement très compétitif(facturé 100 euros la semaine aux participants étrangers pour un studio). En outre, l’accès au restaurant interadministratifle midi limite les dépenses de nourriture des stagiaires; ce qui est non négligeable pour lesstagiaires dont les per diem sont parfois mesurés.83STATECO N° 100, 2006


84L’héritage d’AMIRAJacques Charmes 46A l’origine les travaux d’AMIRA se placent dans une logique pluridisciplinaire etutilisent les connaissances anthropologiques pour adapter au contexte africain lesconcepts et instruments de mesure statistique forgés au Nord. Il en résultera desenquêtes sur le secteur informel et la conception d’enquêtes auprès des ménages,d’enquêtes démographiques et d’enquêtes agricoles originales. On peut considérer queles progrès réalisés dans la mesure de la pauvreté, et plus généralement dans laméthodologie des enquêtes ont une dette envers AMIRA. Pour autant ce groupe auregard prémonitoire n’avait pas abordé certaines évolutions récentes, en particulier lesindices synthétiques (type Indice du Développement Humain, IDH), les enquêtes emploidu temps et les nouveaux questionnements éthiques de la recherche en matière dedéveloppement, à savoir le nécessaire consentement des populations aux travaux qui lesconcernent et à leur restitution.46 Jacques Charmes est économiste à l’IRD Paris, Chef du Département Sociétés et Santé.STATECO N° 100, 200684


85AMIRA (Amélioration des Méthodesd’Investigation en milieu rural Africain) est ungroupe de recherche informel qui fut créé au milieudes années 1970, conjointement par l’ORSTOM(aujourd’hui IRD), l’INSEE (service deCoopération) et le Ministère de la Coopération etqui rassembla une douzaine de chercheurs et destatisticiens. Ses activités se prolongèrent sur unequinzaine d’années et il produisit une centaine dedocuments.Les années 1970 furent une période d’intensebouillonnement intellectuel au cours de laquellel’interdisciplinarité ne faisait pas encore l’objetd’interrogations et de colloques visant à éclaircir lesmodalités de sa mise en œuvre effective etefficace ; celle-ci se vivait et s’inventait auquotidien sans état d’âme. Dans une large mesure lacréation du groupe de recherche AMIRA en fut larésultante.Les recherches africanistes en sciences sociales aulendemain des Indépendances ne se différenciaientguère sur le plan des disciplines scientifiques dansla mesure où tant les sociologues que leséconomistes et les géographes avaient adopté, parnécessité, une démarche monographique :monographies ethniques pour les sociologues,monographies de villages ou de régions pour leséconomistes, études de terroirs pour les géographes.Madagascar fut un terrain où se déployèrentlargement ces méthodes d’approche (tout comme laCôte d’Ivoire, le Sénégal, et le Cameroun). Lesgrandes monographies ayant influencé leursdisciplines respectives datent de cette période.L’anthropologie économique en fût le cimentunificateur (avec un Claude Meillassoux dontl’article « Essai d’interprétation du phénomèneéconomique dans les sociétés traditionnellesd’autosubsistance » publié en 1960 fut fondateur) etatteignit son apogée à cette époque, donnant àl’école française ses lettres de noblesse.Ce rôle unificateur de la démarche monographiqueet de l’anthropologie économique s’explique parl’absence de données quantitatives (au contraire dela démographie qui disposait déjà des résultats despremiers recensements de population), par lacroyance puis la conviction que les comportementsdes sociétés non encore totalement insérées dansl’économie de marché ne pouvaient suivre lesschémas de théories essentiellement élaborées dansles pays développés, et par la volonté decomprendre et d’expliquer la logique de telscomportements spécifiques.Ces travaux – et peut-être plus encore chez leséconomistes – trouvaient prétexte (pour ne pas direqu’ils leur venaient en appui) dans la généralisationd’opérations de développement rural visant àl’introduction de nouvelles variétés de semences,d’engrais, de nouveaux modes de culture ou encorede réformes agraires ou de mises en valeur parcolonisation de terres encore vierges etdéplacements de populations. La Révolution verteétait déjà en marche sur le sous-continent indien.De telles interventions ne pouvaient pas ne pasavoir d’intenses répercussions sur les structuressociales des populations concernées et il s’agissaitdonc en quelque sorte d’expérimentations en vraiegrandeur.Les commanditaires de ces études ne sesatisfaisaient toutefois pas d’observations etd’explications que la prudence des chercheurslimitait bien à la seule portion de population ou deterritoire qu’ils avaient couverte. C’était de plus letemps de la planification du développement et lesopérations de vulgarisation agricole ou de mise envaleur couvraient d’immenses territoires cependantqu’au niveau national, on voulait des résultatsglobaux.85STATECO N° 100, 2006


86La question de la généralisation des observationsmonographiques était ainsi posée. Alors que lessociologues firent plutôt le choix de s’ancrer dans laprofondeur historique afin de mieux projeterl’avenir de ces sociétés, d’autres, moins nombreux,s’orientèrent vers la statistique, utilisant lesconnaissances anthropologiques pour adapter lesconcepts et instruments de mesure statistique auniveau régional, national et international à descontextes spécifiques, très éloignés de ceux pourl’appréhension desquels ils avaient étéprimitivement forgés.C’est autour de cette idée que se rassemblèrentchercheurs (économistes, sociologues etgéographes), statisticiens-économistes et plani–ficateurs et responsables de projets dedéveloppement, qui prirent l’initiative de la créationd’AMIRA.Les sociétés étudiées étaient en transition ou étaientdestinées à le devenir rapidement : il fallait doncdéfinir des indicateurs de transition dontl’ambivalence intrinsèque rendait difficile à la foisla définition statistique et l’interprétation. Ainsil’ostentation comme mode de consommation ou deconsumation du surplus était généralementinterprétée sous un angle négatif et comme frein audéveloppement, mais à un certain stade de latransition, elle pouvait jouer un rôle positif en tantque moteur de l’accumulation de richesses(Charmes, 1977).Autre domaine de prédilection d’AMIRA, ladéfinition des unités d’observation : le ménage ausens des sociétés industrialisées du Nord était-ilpertinent pour l’analyse de sociétés où la familleélargie est de règle, où la polygamie est répandue ?L’unité que constitue la « cuisine » n’était-elle pasplus appropriée ? N’y avait-il pas antinomie entreunité de production et unité de consommation ?Quels sont les niveaux de décision ? Autant dequestions qui avaient des conséquences sur lesméthodologies de collecte et qui seront marquéespar les textes de Jean Marc Gastellu (« Mais où sontdonc passées ces unités que nos amis cherchent tanten Afrique ? ») (Gastellu, 1979) et de Gérard Ancey(1976), d’abord publiés dans les collectionsAMIRA puis repris dans STATECO.De même, l’observation anthropologique,lorsqu’elle vise à déboucher sur l’observationstatistique à grande échelle, pose la question dupassage du qualitatif au quantitatif ou plutôt de leurarticulation (Couty, 1983, Couty et Winter, 1983).Tous les efforts d’AMIRA tendaient à faciliter lameilleure compréhension des phénomèneséconomiques et sociaux en vue de leur mesure biensûr (« réfléchir pour mesurer »), mais aussi en vuede l’action (« comprendre pour agir ») : laplanification d’abord, puis lorsque celle-ci devintobsolète avec la généralisation de l’économie demarché et la libéralisation, les politiques dedéveloppement. La synthèse de Dubois (1989),intitulée « Réfléchir pour mesurer », rend comptede cette démarche.C’est en 1976 que fut donnée à AMIRA la premièreoccasion d’appliquer ses idées en vraie grandeur.Alors qu’avait été forgé, quelques années plus tôt,le terme de secteur informel à peu près au mêmemoment aux deux extrémités occidentale (au Ghanaavec Keith Hart en 1971) et orientale de l’Afrique(au Kenya avec la mission sur l’emploi du BureauInternational du Travail en 1972), l’InstitutNational de la Statistique de Tunisie proposait deréaliser une enquête nationale sur le secteurinformel en adaptant les questionnaires de façon àaméliorer la qualité des réponses et en vue demesurer la contribution du secteur au PIB. Le « I »d’AMIRA fut alors retenu pour « informel »,cependant que le « A » final était bien vite étendu àl’Amérique Latine et à l’Asie.Des monographies des divers corps de métiers(menuisiers, forgerons, garagistes, tisserands,tailleurs, fabricants de chaussures, commerçants,vendeurs de rue) étaient alors entreprises dans toutle pays, suivies par des enquêtes sectorielles sur lesprincipales branches d’activité afin de tester lesquestionnaires élaborés sur la base desmonographies. En 1981-82, la première enquêtenationale sur le secteur informel était lancée dontles résultats devaient servir à établir des comptesnationaux du secteur informel. (Charmes, 1978,1982a et b). Ce sera à partir de 1997 que l’enquêtedeviendra régulière (quinquennale).Parallèlement, les chercheurs et statisticiensd’AMIRA intervenaient dans la conception denombreuses enquêtes auprès des ménages (enquêtesbudget-consommation notamment), enquêtesdémographiques, et aussi enquêtes agricoles, ainsique dans l’évaluation de projets de développement.AMIRA perdura jusqu’au début des années 1990,puis il décida de mettre fin à ses activités, estimantque l’essentiel de son message avait été assimilé etque d’autres structures et institutions en assuraientle relais. On peut considérer que les progrès réalisésdans la mesure de la pauvreté, dans ses diversesdimensions (y compris la perception de lapauvreté), la généralisation des observatoires duchangement, et d’une façon générale, tous lesprogrès réalisés dans les méthodologies d’enquêtes,ont une dette envers AMIRA. En ce sens lestravaux du groupe ont eu quelque chose deprémonitoire.STATECO N° 100, 2006 86


87Le groupe avait accompagné le changement deparadigme des théories et politiques dedéveloppement qui avait caractérisé la fin desannées 1970 et les années 1980 : les chocspétroliers, le processus et la crise de l’endettement,les ajustements structurels - ces forceps qui firentpasser d’un concept de développement planifié etaccompagné de politiques dirigistes et volontaristesà celui de développement par l’économie de marchéet la libéralisation des échanges – ontinéluctablement conduit à la mondialisation et à cesnouveaux régulateurs-atténuateurs du libéralismeque sont la poursuite des Objectifs du Millénairepour le Développement (OMD) et les politiquespubliques de lutte contre la pauvreté.Tout au long de ce processus, l’exigence dedonnées statistiques plus fiables, pluscompréhensives, mieux appropriées, n’a cessé des’amplifier car le désengagement de l’Etat va depair avec un besoin d’information accru pour lesautres acteurs du développement devenus plusnombreux : aux acteurs traditionnels étatiques sontvenues s’adjoindre les organisations internationaleset les organisations non gouvernementales et toutesles associations représentant la société civile, etpuis, de plus en plus, les populations concernées quiexigent qu’on leur soumette et qu’on leur rendecompte des projets que l’on conçoit pour elles.Si l’héritage d’AMIRA a bien été transmis, aessaimé et a été valorisé par les héritiers, qu’ilssoient individuels ou collectifs (on peut ainsiconsidérer que les enquêtes 1-2-3 de DIAL en sontle témoignage), il y a cependant trois évolutionsrécentes qui ont échappé au regard scrutateur etprémonitoire du groupe. Ce sont :1) les indices synthétiques dont le succès seraconsécutif au lancement de l’Indice deDéveloppement Humain (IDH) lancé par lePNUD en 1990 pour faire contrepoids à ladictature du PIB par tête ;2) les enquêtes emploi du temps qui viennent enappui à la mesure de la production domestiqueet à la meilleure prise en compte de lacontribution des femmes à la richesse et aubien-être social dans le cadre d’une conceptionélargie du travail et de la production ;3) la référence à la demande sociale et lesquestions d’éthique dans la recherche sur ledéveloppement et au service du développement.Peut-être peut-on conclure sur cette dernièrequestion précisément. Dans le domaine del’éthique ; l’évolution des idées est si récente quel’on ne peut guère reprocher à AMIRA de n’avoirpas su l’anticiper. Dans les sciences médicales, lesessais cliniques requièrent le consentement éclairédes populations concernées et il y a uneresponsabilité éthique de la part des chercheurs àl’égard des conséquences négatives que pourraitavoir l’expérimentation. Il n’en est pas de mêmedans le domaine des sciences sociales. Lespolitiques et les projets de développement, fussentils« adaptés », peuvent déboucher sur des résultatsnégatifs ou peu appréciés par les bénéficiaires.Ceux qui ont participé à leur mise en œuvre, depuisle décideur politique jusqu’au chercheur de terrain,sont pourtant « irresponsables » en ce sens quepersonne n’est habilité à venir leur demander descomptes. Pourtant la mondialisation a aujourd’huicette conséquence que nul anthropologue ne peutpublier un ouvrage sur une ethnie ou une populationsans que cette population ait eu son mot à dire surce qui a été écrit sur elle et les procédures derestitution sont de plus en plus intégrées dans lesprojets de recherche. A un autre niveau, macroéconomique,les Etats veulent de plus en plussouvent avoir leur mot à dire sur le calcul desindices synthétiques qui sont publiés par lesgrandes institutions internationales et qui peuventêtre de si grandes conséquences sur l’image dupays, notamment en terme d’attrait desinvestissements étrangers : comme pour la pluspetite des communautés villageoises scrutée par unobscur anthropologue, la communauté nationalereprésentée par ses dirigeants veut savoir commentl’information collectée sur elle va être utilisée à sonégard. Ces nouvelles attitudes rendent toujours plusactuels ces mots de Ghandi qui avait coutume dedire « Ce que tu fais pour moi sans moi, tu le faiscontre moi ».La statistique est devenue un enjeu de pouvoir. Sadémocratisation et sa généralisation rendent sonusage plus délicat et toujours plus nécessaire sacollecte dans un cadre de « consentement éclairé »et sa restitution systématisée. Ces thèmes d’unnouveau paradigme ne sauraient être dédaignés parles héritiers d’AMIRA.Références bibliographiquesAncey G. (1976), Niveaux de décision et fonctions objectif en milieu rural africain, STATECO n° 8, INSEE,Paris.87STATECO N° 100, 2006


86Charmes J. (1976), « Sociétés de transition, ambivalence des concepts et connaissancestatistique », Groupe de recherche AMIRA, INSEE, ORSTOM, Min. Coop., document n°1,1ère partie, multigr. 18 p.Charmes J. (1977), « De l'ostentation à l'accumulation. Production et reproduction desrapports marchands dans les sociétés traditionnelles à partir de l'analyse du surplus », inOuvrage collectif : « Essais sur la reproduction des formations sociales dominées », Travauxet Documents de l'ORSTOM, n° 64, 192 p., pp. 105-137.Charmes J. (1978), « Une recherche en cours : l'étude du secteur non structuré en Tunisie ».STATECO, n° 21, Décembre 1979, Bulletin de liaison de statisticiens économistes en Afrique- INSEE, Ministère de la Coopération, pp. 5-37.Charmes J. (1982a), « Le secteur non structuré dans les comptes nationaux. L'expérience dela Tunisie ». STATECO n° 31, septembre 1982, Bulletin de liaison des statisticienséconomistes en Afrique, INSEE, Ministère de la Coopération, pp. 42-85.Charmes J. (1982b), « L'évaluation du secteur non structuré. Méthodes, résultats, analyses.L'exemple de la Tunisie ». INSEE, ORSTOM, Min. Coop, Groupe de recherche AMIRA,brochure n° 37, 210 p.Charmes J. (1983), « La problématique de la transition et ses déterminations du point de vuedes théories, des politiques et des planifications du développement », INSEE, ORSTOM,Ministère de la Coopération - AMIRA - Brochure n° 1, 13, 14, 15 - 182 p., Réédition.Couty Ph. (1983), « Qualitatif et quantitatif », STATECO n° 34, Juin 1983, INSEE, Paris.Couty Ph. et Winter G. (1983), « Qualitatif et quantitatif, deux méthodes d’investigation irréductibles maiscomplémentaires, Réflexions à partir des recherches de l’ORSTOM en milieu rural africain », Brochure AMIRAn°43, INSEE, Paris, 78p.Dubois J.L. (1989), « Réfléchir pour mesurer : innovations méthodologiques pour la collecte et l’analyse desinformations statistiques », Brochure AMIRA n°57, INSEE, Paris, également publié par la Banque mondiale,Washington, DSA document de travail n°7, 1992.Gastellu J.M. (1979), « Mais où sont donc ces unités économiques que nos amis recherchent tant enAfrique ? », STATECO n° 19, INSEE, Paris.Meillassoux C. (1960), « Essai d’interprétation du phénomène économique dans les sociétés traditionnellesd’autosubsistance », Cahiers d’études africaines n°4.STATECO N° 100, 2006


87Le temps de la stratégie et duréalismePhilippe Pommier 47Sans un changement radical du niveau mais surtout des modalités du financement de lastatistique il est vain d'espérer un progrès durable des systèmes d'information des paysfrancophone d'Afrique. Il convient donc d'adopter une stratégie réaliste visant àdévelopper et fidéliser une demande solvable. Mais la formation des responsables desinstituts de statistiques et des agences de coopération les prépare mal à une analyseéconomique réaliste de la situation en termes de secteur productif de service et demarché. Il faut faire appel à des concepts de gestion d'entreprise et d'analyse d'unsecteur productif. C'est ce que l'auteur tente de faire dans cet article.47 Philippe Pommier est ancien administrateur de l’INSEE. Il a exercé de nombreuses fonctions de coopération statistique àla fois en France au sein du Ministère des Affaires Etrangères et sur le terrain (Chili, Mexique).STATECO N° 100, 2006


88Ce Numéro de Statéco est l'occasion defaire le point de l'état de la statistique dansles pays en développement et plusspécialement dans les pays francophonesd'Afrique. Le constat est paradoxal. Lespays francophones d'Afrique disposentd'excellents statisticiens, bien formés dansles écoles africaines de statistique. Lacréation et le développement d’AFRISTATdémontrent qu'une institution régionaleafricaine peut être très efficace. Lesorganisations internationales et les grandesentreprises publiques et privées organisentla pénurie de statisticiens en les recrutantmassivement pour des fonctions souventbien éloignées de leur formation initiale.Des outils et méthodes de collecte et detraitement de l'information statistiqueadaptés à l'environnement économique etsocial de ces pays ont été développés ettestés avec succès au cours des dernièresdécennies. Cependant, la situation dessystèmes nationaux de statistique et enparticulier de leur Institut National deStatistique reste, sauf rares exceptions, trèspréoccupante et ce malgré des appuisimportants apportés par la coopérationfrançaise et les organisationsinternationales. La communauté globaledes statisticiens rassemblée dans leconsortium « PARIS21 » considère que,pour que la statistique puisse rendrepossible le suivi et l'évaluation desstratégies de réduction de la pauvreté et lesobjectifs du millénaire, il convient quechaque pays se dote d'une stratégienationale de développement statistique.Pour cela il faut d'abord bien analyser lasituation de ce secteur. Les responsablesdes INS comme ceux d'ailleurs desservices des agences d'aide audéveloppement chargés des programmesd'appui à la statistique sont mal armés pourfaire cette analyse. Ils ont tous reçu lamême formation ; celle de statisticiens.Celle-ci véhicule un discours idéologiquefort sur l'universalité du besoind'information statistique. Cela n'aide pas àcomprendre pourquoi ces gouvernantsaccordent si peu d'importance et demoyens à la statistique. Le SystèmeStatistique National est un secteurproductif de services. Pour analyser sasituation, il faut faire appel à des conceptsde gestion d'entreprise et d'analyse d'unsecteur productif.Le Système Statistique Nationaldoit être vu comme un systèmeproductif structuré 48Le Système Statistique National est composé del'INS et des services statistiques sectoriels dedifférents ministères ou agences. Son instance deconcertation est souvent un conseil national de lastatistique. L’activité (l'industrie) statistique estréglementée. La loi statistique accordegénéralement à l'INS un rôle de leader au sein duSystème National.L'INS et les services statistiques sectoriels, commetoutes les entreprises, exercent un métier, uneactivité, et élaborent des produits pour des clients,48 Un système productif est un ensemble d'organismesautonomes sur un même territoire qui exercent leursactivités dans un même domaine. Un système productifest structuré quand les organismes se reconnaissentsolidaires. Ils se dotent alors d’instance de concertationet chargent un organisme de l’animation et del’organisation des services communs (Souvent recherche,veille technologique, formation).STATECO N° 100, 2006


89usagers. La relation entre producteurs et usagers,l'équilibre entre l'offre et la demande s'établitdans un marché.L'INS et les services statistiques sectoriels, commetoutes les entreprises, ont une et une seule finalité :satisfaire la demande solvable d'informationsstatistiques : non pas les besoins, mais la demandesolvable, c'est-à-dire celle qui permet de financer laproduction.Il s’agit bien de répondre à une demande solvable,c'est-à-dire une demande pérenne accompagnéed’un financement qui permet de couvrir les coûtscomplets de la production offerte. La demandesolvable ne correspond qu'aux besoins qui sontaccompagnés de financement. Un chef d’entreprisequi confond besoins et demande conduit rapidementson entreprise à la faillite.Le discours idéologique sur l'universalité desbesoins d'information statistique a conduit tropsouvent les responsables des Systèmes statistiques àne pas satisfaire la véritable demande et donc àperdre le soutien des demandeurs d'informationdans la négociation des budgets. Ils ont ainsi mis leSystème statistique en faillite, même si pour desservices publics la situation de faillite ne se traduitpas par une mise en liquidation. Le jugementsemble sévère, mais comment qualifier la situationd'un INS qui ne réussit pas à actualiser ses bases desondage, à maintenir un réseau d'enquêteurs, àretenir ses cadres les plus compétents !Qui sont les demandeurs duservice d'information statistique ?L'information statistique n'est pas un produit deconsommation finale et la population ne descendrapas dans la rue pour exiger de l'Etat « des sous pourla statistique ». L'information statistique n'est pasun besoin fondamental. C'est avant tout un matériauutilisé dans un processus d'aide à la décision oud'évaluation (mais l'évaluation est un processusd'aide à la décision).Les décideurs, ceux qui interviennent ou pèsentdans l'attribution des crédits budgétaires ne sontpas, en général, demandeurs directs d'informationstatistique. Ce dont ils sont demandeurs, ce sont debonnes évaluations, des études de prospective et dessimulations d'effet de politiques. En conséquence,ce sont les services et organismes chargés de cetype de travaux qui sont les demandeurs directs del’information statistique. Ce sont eux qui doiventreprésenter les utilisateurs dans la négociation desprogrammes de production statistiques. Cesorganismes ou services peuvent travailler au sein oupour le compte des administrations, des entreprises,des centrales syndicales, des partis politiques, desorganismes patronaux, des groupes de presse dansla mesure où la presse est un vecteur d'évaluationde politique pour éclairer ses lecteurs électeurs.Mais ils n’ont d’influence que si eux-mêmesdoivent répondre à une demande forte desdécideurs, ce qui manifestement n'a pas été le caspendant une longue phase d'ajustement structurelqui a vu le dépérissement des instances deplanification et des services de « Prévision ».Pour préparer la stratégie de développementstatistique il convient d'analyser précisément lescauses du sous financement de la statistique. Laraison fondamentale est-elle que les décideurs nefont pas appel à des études d'aide à la décision? Oubien la production statistique ne prend-elle pas encompte les besoins des services d'aide à la décision?Ou bien encore n'a-t-on pas mis en place desprocédures de négociation qui permettent auxdemandeurs d'information d'intervenir dans leschoix budgétaires? Cette analyse doit être conduiteen se rappelant que l'information statistique ne vautpas évaluation ou aide à la décision ; que lestatisticien n'est pas un évaluateur ou le conseillerdu prince. Le métier du statisticien n'est pas celui del'évaluateur ou de conseiller du prince.L'observation de la composition des instances deconcertation montre que trop souvent pour unstatisticien, l'utilisateur de l'information c'est luimêmeou son confrère.La demandeLes principaux utilisateurs de l'informationstatistique, les clients du système, ceux qui peuventavoir une influence sur son financement nes'intéressent guère à des données statistiques isoléeset même à des résultats d'enquête. Ce dont ils ontbesoin c'est de Systèmes d'information statistique.Un Système d'information statistique c'est unensemble cohérent de données suivi dans le temps,qui permet non seulement de constater une situationmais aussi de tenter de l'analyser, de lacomprendre ; qui permet surtout de suivre lesévolutions de détecter les renversements detendance. C'est par exemple les comptes nationaux.Ce peut être aussi un système d'indicateurs, c'estsouvent le cas dans les domaines de préoccupationsociale tels que la pauvreté, la sécurité, la sécuritéalimentaire. Dans les domaines qui font l'objet depolitiques actives, une batterie d'indicateurs serasouvent considérée comme insuffisante et devraêtre intégrée dans un modèle de type comptesatellite qui explicite des relations entre les actionsentreprises dans le cadre de cette politique et lesrésultats obtenus.STATECO N° 100, 2006


90Pour élaborer une stratégie de développementstatistique, il faut prendre en compte la multiplicitédes systèmes d'informations statistiques requis,spécialisés en fonction du domaine depréoccupation mais aussi du terme de l'analyse. Lesystème d'information utile pour l'analyse de laconjoncture n'est pas celui qui peut être utilisé pourdes études de prospective.Le métier et les processus de laStatistiqueLe métier de la statistique peut se définir comme lacréation et la maintenance de systèmesd'informations quantitatives sur un ensemble (unepopulation), en utilisant des données relatives àseulement quelques unités de cet ensemble.La production d’informations statistiques repose surtrois processus, distincts, mais égalementindispensables : (i) élaborer les synthèses ; (ii)collecter et traiter les données ; (iii) maintenir lesbases de sondage et répertoires.Elaborer les synthèsesC'est le processus final qui permet de mettre aupoint puis d'actualiser périodiquement les Systèmesd'information, c'est-à-dire les produits quiintéressent les clients de la Statistique.Si l’élaboration des synthèses dans un domainemobilise toutes les données statistiques concernantce domaine, elle est la convergence de chaînes deproduction 49 qui peuvent relever de servicesstatistiques distincts. D’où la nécessité d’avoir unsystème d’information statistique architecturé parun bon schéma directeur, et un système productif(statistique) structuré et bien coordonné.productif statistique et que ce sont elles qui sont lesmieux placées pour dialoguer avec les utilisateurs etnégocier les financements.Collecter et traiter les donnéesstatistiquesC’est le cœur du métier d’un service statistique. Lacollecte peut être faite par voie d’enquête oudérivée d’une collecte primaire réalisée par desservices administratifs à des fins de gestionadministrative. Dans les deux cas, en aval de lacollecte, la chaîne de traitement reste similaire.La mise au point d’une chaîne de collecte et detraitement est un investissement lourd. Il faut doncl’amortir sur une production en série avec unepériodicité régulière 50 . Elle repose sur ladisponibilité de répertoires ou de bases de sondageexhaustifs et bien actualisés ainsi que, pour lesenquêtes, d’un appareil de collecte pérenne (réseaucontrôlé d’enquêteurs expérimentés et formés,couvrant l’ensemble du territoire).Maintenir les bases de sondage etrépertoiresLes répertoires et bases de sondage sont les outilsessentiels d’un service statistique. Un servicestatistique est bâti autour de ses répertoires et basesde sondage. Pour un INS, ce sera :- un répertoire d’entreprises et d’établissements ;- un fichier des villages et de quartiersdénombrant les logements ou les ménages etrégulièrement mis à jour.De même, le service statistique de l’éducation estconstruit autour d’un répertoire des établissementsd’enseignements qui lui permet de contrôlerCe processus de synthèse doit être clairementdistingué de celui de la collecte et du traitement, etdoit être pris en charge par des équipes spécifiques,composées plus d’économistes et de démographesque de statisticiens purs, même s’il est nécessaireque ces équipes aient une bonne compréhension dudegré de validité des données statistiques.Ces équipes chargées des synthèses, c'est-à-dire dumontage des systèmes d'information statistiquepeuvent être intégrées dans les Instituts nationauxou autonomes mais dans tous les cas il fautconsidérer qu’elless font partie du Système49 Par exemple la comptabilité nationale confronte etsynthétise des informations collectées par l’INS auprèsdes entreprises et des ménages, mais aussi desstatistiques sur les institutions financières collectées parla banque centrale, sur le commerce extérieur, lesfinances publiques, etc.50 D’ailleurs les utilisateurs de l’information statistiquesont en général plus intéressés par les évolutions que parle niveau des variables.STATECO N° 100, 2006


91l’exhaustivité de la remontée des donnéesadministratives et de lancer des enquêtes auprès desécoles, de leur personnel ou de leurs élèves 5 .Si créer un répertoire est un investissement initialqui n’est pas nécessairement exorbitant, lemaintenir est indispensable et coûteux ; c’est letroisième processus de la production statistique.Cette fonction est également distincte de celle de lacollecte et du traitement des données statistiques.Elle doit être assurée par une équipe spécifique.Pour diminuer les coûts, il sera utile d’établir despartenariats avec d’autres institutions et avoir accèsaux fichiers administratifs.Encadré 1Les stades de transformation de la donnée de base aux agrégats et autres indicateurs économiques et sociauxLa donnée de baseCelle qui est enregistrée par la personne directement concernée,dans sa comptabilité par une entreprise,dans sa mémoire par un individu,dans un registre par une administration,dans les concepts de l’intéressé et non dans ceux du statisticien.La donnée collectéeC’est encore une donnée individuelle, mais anonyme, car elle a fait l’objet de contrôles de cohérence, decorrections et même parfois d’imputations. Ces apurements sont indispensables pour redresser des erreurs et enparticulier celles qui résultent d’interprétations erronées des questions par le déclarant.Les données statistiquesCe sont les résultats de l’enquête, des données agrégées représentant l’unité statistique moyenne (l’individumoyen) d’une sous-population. Le niveau de regroupement des individus en sous populations dépend de la taillede l’échantillon, de l’homogénéité de la population et de la fréquence de la variable observée.Les données de synthèseCe sont des données calculées par un modèle qui utilise et prend en compte toutes les informations statistiquesdisponibles provenant généralement de plusieurs chaînes de collecte et traitements et même de différentsservices statistiques. Ce sont par exemple les données de comptabilité nationale mais aussi les estimationsdémographiques, l’estimation du taux de chômage, les bilans d’emploi etc.Généralement ces données sont très agrégées. Elles corrigent en partie les biais et les erreurs des donnéesstatistiques. Ces données de synthèse sont à la limite des projections qui peuvent donc être fournies trèsrapidement mais seront révisées chaque fois que seront disponibles de nouveaux résultats d’enquête.L'organisation du marchéL’information statistique peut être considérée comme un bien public puisque son utilisation par un agentéconomique ne restreint pas l'usage que peuvent en faire d'autres agents. On peut même soutenir que dans unsystème démocratique chaque acteur a intérêt à ce que ses partenaires disposent de la même information. C'estpourquoi il est admis que l'information statistique soit financée par les pouvoirs publics et soit mise à ladisposition de tous.Il n’y a donc pas de véritable marché de l’information statistique.Mais comme pour toutes les productions non marchandes on doit considérer qu’il existe un pseudo marché quirassemble les utilisateurs de l’information statistique, les producteurs et les responsables politiques qui allouentle budget de l’Etat :- les utilisateurs définissent leurs besoins ;- les producteurs établissent un devis ;5 Sondage à deux degrés ou l’école est prise comme- les responsables du Budget annoncent les financements qu’ils échantillon peuvent primaire. accorder.A partir de là, une négociation s’engage entre les trois parties. C’est elle qui permet de passer d’un besoin à unedemande solvable.STATECO N° 100, 2006


92Dans l'élaboration d'une stratégie de développement statistique il faudra donc apporter une grande attention àl'organisation de ce pseudo marché et l'un des objectifs à retenir sera l'amélioration de son fonctionnement.Une manière d'organiser le pseudo marché est de créer un Conseil de l'Information Statistique avec des instancessectorielles, chargé d'organiser la négociation entre les utilisateurs, les producteurs et les financeurs, négociationportant de manière indissociable sur les programmes de production statistique et leur financement. Encore faut-ilque cette négociation des programmes et des financements se fasse en termes de système d'information et non deprogramme d'enquête 51 .Un système d'information est un dispositif continu qui requiert des financements récurrents. Le financement dela production statistique devrait donc être obtenu de budgets ordinaires de fonctionnement. Cela n'estmalheureusement pas le cas dans la majorité des pays en développement où les programmes de production quandils existent sont des catalogues de projets d'enquête dont le financement sera recherché sur des budgetsd'investissements ou sous la forme de projets soutenus et financés par des coopérations internationales. Cespratiques perverses expliquent probablement l'état de délabrement de beaucoup de systèmes statistiques. Ellesont été largement impulsées par la pratique des organisations internationales et des agences de coopérationbilatérales qui pour mieux contrôler l'usage de leur aide imposent le montage de projets ayant une durée et unobjet bien délimité.Les capacités de productionAu cours de négociations entre utilisateurs, producteurs et décideurs sur un programme de productionstatistique 52 , l’INS et les autres services statistiques s’engagent à délivrer des produits bien spécifiés, uneinformation de qualité, dans des délais contractuels et la puissance publique s’engage alors sur un montant definancement.Un programme de production ne dépend pas seulement du montant des financements disponibles mais aussi descapacités de production des services statistiques.Donc parallèlement à son programme de production le système statistique doit se doter d’un programmed’investissement.Programme d’investissementComme dans toute industrie, le programme d’investissement vise d’abord à maintenir la capacité de production,à l’adapter à l’évolution tant de la demande que des techniques de production, mais aussi à augmenter la capacitéde production.Capacité de production d’un service statistique et modalités de financement.Comme dans toute entreprise, la capacité de production est une combinaison d’actifs corporels (bâtiments,équipements informatiques, véhicules) ou incorporels (maîtrise de technologies, de logiciels statistiques adaptés,enquêtes testées et rodées etc.), et surtout de capital humain. Ce dernier doit également être maintenu, permettantau SSN de disposer d’une main d’œuvre compétente et fidélisée, qu’il faut former, et d’une maîtrise managérialecapable de combiner les facteurs de production et de négocier des partenariats.Le financement négocié pour le programme de production statistique, sur budget de fonctionnement, doit doncprendre en compte l’amortissement des équipements, au sens large, matériels et immatériels y compris lecapital humain.Le financement du programme d’investissement correspondant à l’accroissement des capacités doit être financépar les actionnaires, soit les pouvoirs publics sur budget d’investissement, ou en faisant appel à des financeursexternes (prêts ou subventions).51 Il faut donc se méfier de l'exportation du modèle français ou européen dans lequel une préoccupation majeure est decontrôler la charge que les enquêtes font peser sur les répondeurs, donc le programme d'enquêtes. Une représentation despopulations objet des enquêtes est alors intégrée dans les conseils de l'information statistique. Elle ne doit pas êtreconfondue avec celle des usagers.52 En fait, un programme global de production de statistiques (macroéconomiques et macrosociales) combiné avec desprogrammes sectoriels.Statéco n° 95-96-97, 200092


Stratégies93Il convient donc que les responsables du système statistique national se dotent d’une stratégie pour, à la fois,susciter une demande durablement solvable et créer la capacité de la satisfaire.Il leur faudra donc s’accorder avec leurs clients/utilisateurs et les financeurs sur un programme pluriannuel deproduction qui monte en puissance progressivement en fonction du rythme et des délais de réalisation d’unprogramme d’investissement, accompagné d’une politique appropriée de gestion des ressources humaines.Le programme de production compatible avec la stratégie est à élaborer dans le cadre du Conseil national del’information statistique ou, si celui-ci n’existe pas, par une instance ad hoc qui devrait préfigurer la créationd’un tel conseil. Il est indispensable de donner aux membres de cette instance une compréhension commune dece que sont : l’information statistique, les processus de production de l’information statistique, et lescomposantes de la capacité statistique.Mais pour que les efforts des responsables nationaux puissent aboutir il faut que les93Statéco n° 95-96-97, 2000


94organismes internationaux et les agences de coopération bilatérales changent leurs pratiques.Il conviendrait qu'elles concentrent leurs appuis sous forme de projets au renforcement des capacités tant dusystème productif de la statistique que des services d'aide à la décision qui sont les principaux utilisateurs del'information statistique. Qu'elles cessent d'appuyer et de financer la production statistique et donc des opérationsde collecte et de traitement comme des recensements ou des grandes enquêtes. Dans ce domaine tout au plus, etseulement pour les pays les moins avancés, devraient-elles accepter de subventionner non plus la production,mais la demande d'information statistique en versant au budget de l'Etat une contribution proportionnelle auxdépenses budgétaires effectivement exécutées, une fois les résultats obtenus.Statéco n° 95-96-97, 200094


95Faut-il continuer à élaborer enAfrique des modèles quasicomptablescentrés sur les tableauxressources-emplois ?Rolf Meieret Marc Raffinot 53Les modèles quasi-comptables (MQC) fondés sur des tableaux ressources-emplois sonttrès utilisés en Afrique pour la prévision. Ils sont simples à élaborer sur les logicielsstandards du marché. Ils sont proches des comptes nationaux, et les méthodesd’élaboration devraient encore se rapprocher avec des instruments comme ERETES.Leur structure modulaire permet d’intégrer de nombreux modules spécialisés etd’utiliser des estimations économétriques des éléments de la demande finale. De plus, lesMQC peuvent servir à réaliser les cadrages macro-économiques des stratégies deréduction de la pauvreté. Leur flexibilité peut en faire des instruments dedécloisonnement administratif favorisant la discussion avec toutes les parties prenantesde l’élaboration des politiques, y compris la société civile et les parlementaires.53 Rolf Meier a été consultant, conseiller de la GTZ jusqu'en 2004, entre autres auprès des Ministères chargés des Financeset de l'Economie au Burkina Faso. Marc Raffinot est Maître de conférences à l’Université Paris Dauphine, EURIsCO etchercheur associé à DIAL.95Statéco n° 95-96-97, 2000


IntroductionIl existe en Afrique une demande croissante demodèles macro-économiques sophistiqués. Est-ceraisonnable ? On comprend bien le désir destechniciens de travailler sur des modèles à la pointedu progrès, mettant en œuvre les théories macroéconomiquesles plus récentes, ou les outilséconométriques de pointe 2 . Cela doit-il conduire àéliminer (en fait le plus souvent à laisser mourir) lesmodèles macro-économiques quasi-comptables(pour simplifier, modèles MQC) fondés sur destableaux ressources-emplois (TRE) ?Dans les années 1980, un nombre croissant de paysa mis en place des services spécialisés au sein del'administration pour assurer une meilleure analyseet conception de la politique économique et mieuxmaîtriser 2 Voir, entre les autres, déséquilibres la revue des instruments macro-économiques.proposée dans Essama-Nssah (2005).Après l'apparition dans les années 80, desProgrammes d'Ajustement Structurel (PAS),appuyés par les organisations financièresinternationales, l'amélioration de la capacité degestion de l'économie reste au centre despréoccupations. Aujourd'hui, où l'attention est toutparticulièrement portée sur l'élaboration et le suivides Stratégies de Réduction de la Pauvreté (SRP) etdes Cadres des Dépenses à Moyen Terme (CDMT),il est plus que jamais nécessaire de préparer descadrages macro-économiques afin de juger lesrésultats escomptés des différentes politiqueséconomiques proposées, choisir les mesures etprogrammes les plus appropriés et prioriser lesactions compte tenu des contraintes de financement.Toutefois, en général, ce travail n'est fait que trèssommairement et la priorité est rarement accordée àl'élaboration de cadrages macro-économiques baséssur une analyse approfondie de l'économienationale. Dans le meilleur des cas, leurétablissement n'intervient qu'à la fin du processus,tandis que les scénarios sont plus ou moins bâcléset ne servent pas à discuter sérieusement les optionsde politique économique et de développement 55 .Le manque d'outils est souvent mentionné pourexpliquer cette carence. Il en résulte une demandede modèles sophistiqués conformes aux derniersdéveloppements de la théorie macro-économique.Leur mise en place demanderait pourtant desmoyens très importants, la disponibilité de données55Voir, entre autres, le constat dans les rapportsconjoints d'évaluation de la BM et du FMI (InternationalMonetary Fund and International DevelopmentAssociation (2003a et 2003b), International MonetaryFund, Independent Evaluation Office (2004) et WorldBank (2004). Par exemple, l’IEO du FMI note que lesDSRP n’ont pas permis d’étendre la discussion sur lespolitiques en dehors du petit cercle des spécialistes.96abondantes ainsi que la présence d'un nombresuffisant de cadres hautement formés. Toutesconditions rarement réunies dans beaucoup de paysafricains. Dans cet article, nous chercherons àmontrer comment les MQC fonctionnent, et qu’ilspeuvent jouer un rôle important parce qu'ils peuventêtre facilement et rapidement adaptés auxconditions locales sans pour autant réclamer desmoyens colossaux.Nous verrons que l’élaboration des MQC est trèsfacile, car elle se situe dans le prolongement destechniques utilisées pour la construction descomptes nationaux, que leur architecture estextrêmement flexible, ce qui permet de tirer partides informations existantes et que ceci se révèle trèsutile pour simuler les résultats des politiques delutte contre la pauvreté. De plus, la simplicité deces modèles favorise leur pérennité et laparticipation à la prise de décision.La modélisation autour d'untableau ressources-emplois rend laconstruction des modèles quasicomptablestrès facileSimplicité d’élaborationLes MQC ont été développés d'une manièrepragmatique ce qui explique largement leurdiffusion dans les pays africains. Ces modèlesdisposent d'un avantage non négligeable puisqu'ilssont mis en place sur des tableurs usuels queconnaissent la plupart des économistes africainsparce qu’ils les utilisent dans le cadre de leursactivités quotidiennes. La formation peut donc êtreassez rapide, ce qui permet la pérennité des travaux,même en cas de forte mobilité des agents. Leslogiciels utilisés pour construire des modèleséconométriques et/ou d'équilibre général calculable,tels qu'EViews ® , Matlab ® ou GAMS ® , par contre,sont rarement maîtrisés, et nécessitent donc uneformation spécifique supplémentaire.Il existe de nombreuses façons de modéliser leséconomies en développement. Aucune ne peut êtreadaptée à tous points de vue. La brièveté,l'irrégularité et/ou inconsistance des séries deComptabilité Nationale et la discordance souventconstatée par rapport aux autres sources statistiquesdisponibles (balance des paiements, budgets del'Etat, situations monétaires et financières etc.)expliquent qu'il est exclu dans la plupart des paysafricains de construire un véritable modèleéconométrique. De tels modèles ne peuvent êtreélaborés que sur la base de séries statistiqueslongues et fiables, permettant de synthétiser lesphénomènes passés, notamment les relations decomportement et les relations techniques. Les sériesSTATECO N°100, 2006


97disponibles ne sont généralement pas assez longues.Et quand elles semblent l'être, les modificationsfréquentes d'une année à l'autre des méthodes decalcul et même des définitions les rendentdifficilement utilisables 56 . De plus, lesmodifications de la structure de l'économie dans cespays risquent de remettre en cause la stabilité descoefficients estimés. La critique de Lucas (lescoefficients dépendent de la politique menée) estparticulièrement pertinente dans les cas des pays endéveloppement où les politiques visent unchangement structurel.Ceci explique qu'un grand nombre de ModèlesQuasi-Comptables a été construit pour leséconomies africaines, dont beaucoup de modèles detype TABLO (Aerts et Leenhardt 1989, Leenhardtet Olive 1994) ainsi que les modèles développésavec l'appui de la GTZ (Bennett 1993, Bennett etGiegerich 1993). De tels modèles ont été et sontencore utilisés régulièrement par desadministrations africaines : IAP au Burkina Faso(Burkina Faso 1995, 1997 et 2004), MOSARE auBénin (République du Bénin 2000), MSEGUI enGuinée (République de Guinée, 2003),UMUGANDA au Rwanda (Meier 1989,République rwandaise 1987 et 1990). En Côted’Ivoire le modèle « Budget Economique » mis aupoint par la SEDES au début des années 1980 acontinué à être utilisé (après plusieurs réécrituresinformatiques) jusqu’au début des années 2000.Il n’y a en fait guère de modèles plus simples, saufles maquettes de type programmation financière ausens du FMI et les modèles de la famille RMSM dela Banque mondiale (Banque mondiale, 1979,World Bank 1995) qui reposent sur une projectionpresque complètement exogène des différentesvariables, notamment des valeurs ajoutées et/ou desexportations. Malgré les services que peuventrendre ces modèles, il est clair que l’absence derelations entre les croissances sectorielles et entrecelles-ci et la demande finale fait des résultats lasimple traduction des hypothèses posées, aussiincohérentes soient-elles. Les modèles macroéconomiquesagrégés de type PRESTO (Collange etJourcin, 1995, Razafindrakoto, 2000) ou JUMBO(AFD) sont un peu plus compliqués puisqu’ilsintègrent un bouclage revenu-consommation. Leurinconvénient est de ne pas présenter explicitementune décomposition sectorielle de la croissance.Le fonctionnement des Modèles Quasi-Comptables repose sur la projection deséquilibres ressources-emploisLes modèles MQC sont fondés sur un TRE oùs’opère le « cœur » de la projection macroéconomiqueen volume et en valeur (pour unedescription détaillée, voir les manuels cités dans lesréférences). Le TRE est relié aux différentesvariables-clés utilisées habituellement pour lepilotage de la politique économique et qui sontreprésentées dans d'autres modules : le Tableau desOpérations Financières de l’Etat (TOFE), la balancedes paiements, la situation monétaire, les compteséconomiques etc. Les modèles MQC présententainsi l’avantage d’être directement en ligne avecl’élaboration des comptes nationaux, sans pourautant entrer dans le même détail que les comptes« lourds ».Chacune des composantes est divisée en deux : unepartie rétrospective, calée sur les comptes nationauxet une partie provisoire ou prévisionnelle.Evidemment, les modes de calcul sont différentsdans les deux cas. Dans la partie rétrospective ils’agit de mettre en relation (et en cohérence) lesdonnées existantes 57 . Ce travail sur le passé permetde calculer un certain nombre de ratioscaractéristiques, dont l’évolution peut permettre defonder des travaux de projection. Par exemple uneconnaissance du niveau des propensions àconsommer dans le passé peut donner une idée dela plage de variation acceptable dans les prévisions.Les modèles MQC sont très simples à élaborer dèslors qu’un TRE ou un tableau entrées-sorties (TES)est disponible. Ceci était assez rare, parce quel’élaboration des comptes nationaux selon lessystèmes antérieurs ne reposait pas nécessairementsur un TRE. Mais cette méthode tend à segénéraliser avec l'application du SCN 93,puisqu’elle permet un degré élevé de cohérence etréduit les incertitudes que l’on rencontre lorsque lescomptes nationaux sont établis à partir d’une simpleestimation des valeurs ajoutées en valeur et envolume. L’adéquation sera presque complètelorsque l’utilisation d’ERETES comme instrumentd’élaboration des comptes nationaux seradéveloppée (Observatoire Economique etStatistique d'Afrique Subsaharienne – <strong>Afristat</strong> 2001,Gbossa 2005).Le TRE est intégré dans un MQC sous formeagrégée et adaptée aux besoins de modélisation. LeTRE présente à la fois l’équilibre des ressources etdes emplois des biens et services décomposés par56 On peut bien sûr choisir d’ignorer ces problèmes. Il nefaut pas s’étonner que les projections issues de travauxmenés dans cette optique soient pour le moins difficiles àinterpréter.57 Contrairement à la pratique des modèles RMSM, cettebase de données constituée de séries antérieures estgénéralement conservée dans les fichiers des ModèlesQuasi-Comptables.STATECO N°100, 2006


98produit et le compte de production et d’exploitationdes branches. Le TRE agrégé comporte desbranches choisies en fonction de leur importance ence qui concerne la création de la valeur ajoutée, lesexportations ou les finances publiques. Le caséchéant, certaines sont ventilées entre leurscomposantes modernes et informelles. Compte tenude l'importance de l'agriculture, l'on retienthabituellement plusieurs sous branches telles que laproduction vivrière, la production de produits derente, la sylviculture, l'élevage ou la pêche. Pour lamême raison, l'on distingue, le cas échéant,plusieurs sous-branches de biens d'exportation,notamment les produits miniers et le pétrole.Dans un modèle quasi-comptable, l'équilibre entrel'offre et la demande des biens et services est réaliséen valeur et en volume, successivement pourchaque année de projection, au sein des TRE. Laméthode de projection est simple et largementdiffusée (voir par exemple la présentationsynthétique de Taylor 1979 et la présentation del'application des modèles entrées-sorties parBulmer-Thomas 1982). On peut la décomposer enune projection en volume (sous l’hypothèse decoefficients techniques stables) et une projection envaleur (en multipliant chaque ligne par le prixcorrespondant). Au cours de ce processus, lesconsommations intermédiaires sont calculées ainsique les différentes composantes de la valeur ajoutée(salaires, bénéfices, impôts indirects, etc.) De plus,grâce aux TRE, les valeurs ajoutées en volume sontcalculées correctement, par double déflation.En ce qui concerne la demande finale, laconsommation publique ainsi que l'investissementpublic sont généralement considérés comme desvariables-instruments dans le MQC, c'est-à-dire queces variables peuvent être manipulées dans unecertaine mesure par l'utilisateur. En réalité, lesdépenses publiques comprennent une partieimportante de charges récurrentes peu flexibles. Sil'Etat doit assurer le fonctionnement desinfrastructures sociales d'une manière satisfaisante,ces dépenses devraient donc plutôt être considéréescomme une contrainte et traitées comme telle lorsdes projections. C'est pourquoi dans certains paysdes aménagements du modèle sont proposés pourtenir compte de ces aspects en l'adaptant àl'approche CDMT.L'investissement privé est souvent exogène ouprojeté économétriquement à partir des relations quile lient avec d'autres variables pertinentes, tellesque l'évolution du PIB, de la valeur ajoutée ou lechiffre d'affaires dans certains secteurs d'activités,du crédit à l’économie, etc. Dans la plupart des cas,toutefois, en raison de la base statistique trop étroitepour établir de véritables relations économétriques,ces projections n'ont d'autre but que de fournir uneindication à l'utilisateur sur le sens et l'ampleurprobable de l'évolution à venir.Les exportations sont habituellement considéréescomme des variables exogènes ou déterminées àpartir des hypothèses émises sur l'évolution desvariables prix et quantités au sein de sous-modulesbasés sur les spécificités du marché mondial desprincipaux biens exportés. Les variations des stocksconstituent aussi des données exogènes, àl'exception parfois des stocks du secteur élevage etdes produits vivriers, notamment des céréales dansles pays sahéliens, ou certains biens d'exportation.Quoiqu’il soit possible de déterminer laconsommation des ménages par solde, la plupartdes MQC utilisés en pratique ajoutent une relationentre le revenu disponible des ménages et laconsommation finale des ménages. En général, lecalcul reproduit la structure de la consommation del’année précédente, mais il est tout à fait possible demodifier cette répartition, si l'on veut tester d'autreshypothèses (par exemple pour simuler unphénomène de substitution). Le modèle calcule laproduction et les importations nécessaires poursatisfaire cette demande. Cette méthode présente unavantage non négligeable par rapport aux modèlesRMSM et de programmation financière qui nemodélisent pas le bouclage « revenusconsommation-production».Cette procédure ne doit toutefois pas être appliquéed'une manière mécanique. Dans beaucoup de paysafricains à faible revenu, il faut tenir compte del’autoconsommation et des emplois des branchesqui ne varient pas en fonction de la demande. C'estle cas en particulier pour la production du secteurprimaire, qui représente souvent une partimportante du PIB, ainsi que pour la productiondans certains secteurs de transformation (boissonstraditionnelles, etc.). Leur croissance dépendantplutôt des conditions climatiques, c'est donc l'offreet non la demande qui détermine le niveau de laproduction dans ce genre d'activités. Il est de mêmepour certaines branches exportatrices, où l'offre estsouvent incapable de répondre à court terme à lademande mondiale. Il existe cependant dans cespays aussi des secteurs, où le lien entre productionet demande est suffisamment fort pour être introduitdans le modèle. Il s'agit en particulier de quelquesindustries modernes (boissons, etc.) et, surtout,d'une partie du secteur informel et des services.Cette liaison avec la demande est très importantepour les projections de secteurs informels, dusecteur des transports ou du commerce, qui risquentsans cela d’être projetés sur des bases totalementirréalistes.Le calcul se fait de façon itérative jusqu’àl’obtention de l’équilibre parce que chaqueSTATECO N°100, 2006


99modification de la production entraîne unchangement des revenus (salaires et profits), qui àson tour modifie le niveau des consommations, etdonc des productions liées à la demande, et ainsi desuite. Le MQC recalcule les différentes relationsjusqu’à ce qu’il atteigne un double équilibre envaleur et en volume, les variations d’une itération àl’autre étant de plus en plus petites. En valeur lesolde se fait généralement sur l'Excédent Brutd'Exploitation (EBE), en volume sur la production(secteurs de demande) ou sur un poste adéquat de lademande finale (secteurs d’offre). Au cours de ceprocessus, les consommations intermédiaires,locales et importées sont calculées ainsi que lesdifférents éléments de la valeur ajoutée (salaires,EBE, impôts indirects, etc.).En dehors des critiques tenant à la disposition desdonnées, les reproches qui sont en général adressésaux modèles MQC sont peu pertinents, parce qu’ilss’adressent à la version « mécanique » de base.Dans cette version, les coefficients techniques sontfixes, la variation des éléments de la demandefinale ainsi que la détermination des prix sontexogènes 58 . En premier lieu, il faut remarquer quela rigidité des coefficients est surtout gênante dansles modèles très agrégés. Dans des modèlesdésagrégés, la fixité des coefficients au niveau de labranche peut conduire à des coefficients flexiblesau niveau global, si les évolutions testéesimpliquent une modification de la structureinterbranches. Par exemple, dans un modèle MQC,l’élasticité des importations par rapport au PIBdépend de l’élément de la demande finale qui varie(et l’on peut très bien modéliser un partage dumarché de certains produits ou introduire unpartage « à la Armington »). Elle est typiquementplus élevée si ce sont les investissements quicroissent que si c’est un autre élément de lademande finale.L'architecture des Modèles Quasi-Comptables est flexible, il est faciled’ajouter des modules spécialisésOutre le bloc « équilibre ressources-emplois » dontle fonctionnement est décrit ci-dessus, un MQCcomprend en général un certain nombre d'autresblocs/modules plus ou moins étoffés. L'architecturemodulaire des MQC en fait de véritables « boîtes de58C’est ainsi, par exemple, que Chowdhury etKirkpatrick (1994, p.44) présentent les MQC :“However, the input-output data system is lacking in animportant aspect of development policy, treated asexogenous in the open input-output system (often becauseof a lack of information regarding the incomes of theindividuals in the underlying data system), and the inputoutputscheme does not link functional or factoral incomedistribution to the household of institutionaldistribution”.construction », ce qui permet d'intégrer facilementde nouveaux modules. Ceci donne aux MQC unetrès grande souplesse. On peut y rajouter enfonction des besoins des modules spécifiques, oumodifier les modes de détermination des variables,dès lors que les informations disponibles lepermettent.Par exemple, il est possible d’ajouter desestimations économétriques de certainescomposantes de la demande finale (par exemple desinvestissements privés, des importations, decertaines exportations, etc.) Il est égalementpossible de modifier le modèle pour rendreendogène la détermination de certains prix(concurrence imparfaite). Pour cela, dans laprojection en valeur il suffit d’introduire parexemple une règle de mark-up (le rapport entre lamarge et le chiffre d’affaires reste constante).Néanmoins, les ajouts les plus fréquents concernentdes modules spécialisés. Nous en énuméronsquelques exemples à titre d’illustration, quoiquebeaucoup d’autres soient possibles : module deprojection de la dette publique, module de calcul del’emploi par branche et par qualification, projectiondétaillée des dépenses en personnel del’administration publique par catégorie, etc.La mise en évidence du fonctionnement desbranches-clés de l’économie : La plupart deséconomies à faible revenu comprennent desbranches-clés dont il est souvent utile d’avoir unereprésentation très fine. Par exemple, dans deséconomies comme celles du Mali ou du BurkinaFaso, il est utile de prévoir assez précisémentl’impact potentiel d’une variation des prix du coton(notamment en termes d’impact sur les subventionsqui seront à la charge de l’Etat). Ceci n’est possibleque si la filière cotonnière est décrite en détail(formation des coûts, caractéristiques techniques duprocessus de transformation, etc.). Cette descriptionprécise permet de tenir compte des conditions deproduction (quelles sont les terres disponibles ?comment évoluent les rendements ?) et ducomportement des producteurs (réactions parrapport aux modifications de prix).Dans certaines économies (Guinée, Mali, Gabon,Congo), c’est le secteur minier ou pétrolier qui doitêtre décrit très précisément, notamment pour tenircompte de manière réaliste de la montée enproduction, ou, au contraire, de la réduction prévuede la production minière ou pétrolière. Ceci estfondamental pour calculer les impôts et redevancesdu secteur minier. Bien entendu, le montant desexportations dépend dans une certaine mesure de lademande mondiale, mais les réserves et lesinfrastructures d’extraction jouent le rôle le plusimportant.STATECO N°100, 2006


100La description de l'interaction offre/demande àtravers le bilan alimentaire : Rien n’empêche dansun modèle MQC de décrire un équilibre de marché.Dans les pays d’Afrique de l’Ouest, le secteurcéréalier représente une part importante du PIB, etdétermine en grande partie l’évolution de l’indicedes prix à la consommation (IPC). Pour simulerceci, on peut ajouter au MQC un module calqué surle bilan alimentaire, qui calcule la variation des prixdes céréales en relation avec le volume deproduction. Cela évite en tous cas de projeter demanière indépendante les prix et les quantités de laproduction céréalière, ce qui pourrait donner desrésultats tout à fait irréalistes.La prise en compte de l'emploi : Dès lors que l'ondispose d'un TRE, il est possible de faire ressortirles répercussions des projections de la productionsur l'évolution de l’emploi. A cet effet, le modèleutilise des coefficients exprimant la productivité dutravail dans les différentes branches. L'informationsur l'emploi étant en général extrêmement limitéedans les pays africains, ce sont essentiellement desdonnées collectées au cours des recensements et desenquêtes budget ménages qui seront exploitées pourcompléter le TRE.Un autre exemple que nous allons présenter plus endétail ci-dessous, consiste à intégrer des donnéessur les revenus et la consommation des ménagesdans le module qui procède à l'équilibrage desressources et emplois en vue de prendre en comptel'impact des politiques macro-économiques sur lapauvreté.Les Modèles Quasi-Comptables peuventêtre facilement aménagés pour prendreen compte l'impact des politiquesmacro-économiques sur la pauvretéDepuis 1999, les bailleurs de fonds exigent que toutprogramme s'aligne sur une Stratégie de Réductionde la Pauvreté (SRP). L’élaboration des « cadragesmacro-économiques » est la traduction chiffrée desprogrammes conclus pour réaliser la SRP. Mais ilest dorénavant exigé que la pauvreté et les effetssociaux des principales composantes desprogrammes soient explicitement pris enconsidération à l'étape de la conception duprogramme et mesurés à l'étape du suivi. Cecidemande une bonne connaissance des relationsentre politique macro-économique et pauvreté et ladisponibilité d'instruments d'analyse permettant deguider les décideurs dans le choix des mesures etprogrammes à mettre en œuvre.Les évaluations des premières expériencesd'élaboration des Stratégie de Réduction de laPauvreté 59 montrent de nombreuses carences dansl'application de la démarche préconisée. Ellesconstatent notamment l'absence d'une véritableintégration entre le cadre macro-économique et lesautres aspects de la SRP. Elles déplorent le manquede réalisme du cadre macro-économique etl'insuffisance des anticipations pour parer aux chocsimprévus. En outre, elles constatent que les liensentre la politique macro-économique et lespolitiques sectorielles (notamment sur la façon dontles politiques sectorielles peuvent contribuer àatteindre les objectifs macro-économiques) ne sontpas suffisamment analysés.Face à ce constat, il est étonnant que l'on ne pensepas systématiquement à l'utilisation plus efficacedes outils existants, tels que les MQC et que l'onpréconise fréquemment la mise en placed'instruments nouveaux, dont la mise au point n'estde surcroît pas toujours terminée et demande lamise en œuvre de moyens très importants. De plus,l'utilité réelle de ces modèles, dans la plupart descas, reste à prouver, notamment en ce qui concernel'application des instruments qui mélangent desmodèles d’équilibre général calculable (MEGC)avec des approches incompatibles, telles que laprogrammation financière.La voie poursuivie dans certains pays tels que leBurkina Faso et la Guinée, pour aménager etcompléter au fur et à mesure leurs Modèles Quasi-Comptables pour répondre aux nouvellespréoccupations de la mise en œuvre des Stratégiesde Réduction de la Pauvreté, présente à notre avisune piste prometteuse et peu coûteuse qui mérited'être poursuivie et élargie à d'autres pays. Bienentendu, si les moyens existent, il est toujoursintéressant de compléter les MQC par d'autresoutils et de diversifier les méthodes.Par rapport aux cadrages macro-économiques« traditionnels », l'établissement de projections dansle cadre de la Stratégie de Réduction de la Pauvretédemande une exploration plus poussée del'évolution des revenus et de la consommation desdifférents groupes sociaux et de leur répartitiondurant la période de projection et une analyse plusfine des dépenses publiques et de leur impact surles différentes couches de la population 60 .Concrètement, les perfectionnements à réalisers'articuleraient autour de deux axes, à savoir d'unepart l'affinement de l'analyse des revenus et de laconsommation des différents groupes socio-59 Voir par exemple, les études citées dans la note 55, etaussi Meier et Raffinot (2005).60 Voir entre autres les communications dans BurkinaFaso (2001).Cet atelier a regroupé du 8 au 12 octobre2001 à Ouagadougou les pays ouest africains bénéficiantd'un appui de la GTZ dans ce domaine : Bénin, BurkinaFaso, Guinée, Mali et Sénégal.STATECO N°100, 2006


101économiques et des répercussions sur lesindicateurs de pauvreté et, d'autre part l'extension,dans les modèles, du module de dépensespubliques, afin de le rendre apte à servir de base àla programmation à moyen terme des dépensespubliques conformément aux objectifs retenus dansle cadre de dépenses à moyen terme (CDMT) et leDocument de SRP.L'affinement de l'analyse des revenus et de laconsommation des différents groupes socioéconomiqueset des répercussions sur lesindicateurs de pauvretéIl est possible de faire le lien entre les projectionsmacro-économiques et la pauvreté, en utilisant desMQC. Il suffit pour cela de rajouter un moduledécrivant la répartition des revenus. Ce module peutfaire l’hypothèse d’une fonction de répartition desrevenus, ou bien faire le lien entre la descriptionfonctionnelle des revenus dans le modèle et lesrevenus des ménages. Latreille (2005) présente uneapplication de cette démarche pour le Sénégalfondée sur la maquette JUMBO de l’AFD.Une piste intéressante actuellement expérimentéeentre autres au Burkina Faso et en Guinée, estl'arrimage des MQC aux outils de microsimulations,plus précisément l'utilisation duSimulateur Macro-économique pour l’Analyse de laPauvreté (en anglais « Poverty AnalysisMacroeconomic Simulator – PAMS »). Le PAMS,développé par une équipe à la Banque Mondiale(Pereira Da Silva, Essama-Nssah et Samaké 2003),est conçu sous Excel ®61 de manière conviviale etpeut être lié à tout modèle macro-économique. Ilpermet d'évaluer l'impact des politiques et deschocs exogènes sur la pauvreté et la distribution desrevenus. Pour une projection macroéconomiquedonnée, le PAMS permet de calculer le profil depauvreté associé en calculant, année par année, lesindicateurs de pauvreté qui découleraient de laréalisation du scénario macro-économique proposé.Dans le PAMS, les revenus des différentescatégories de ménages sont calculés au sein d'unmodule simulant le marché du travail. Ce moduleconfronte l'offre et la demande des différentescatégories de travail (formel, informel, qualifié, nonqualifié etc.) et détermine la quantité de travailfournie par chaque catégorie et les taux derémunération associés. La mise en place du PAMSau Burkina Faso et en Guinée a toutefois révélé uncertain nombre de problèmes concernant, d'unepart, l'identification des paramètres nécessaires pour61La présente version sous Excel ® est en coursd'application, entre autres au Burkina Faso, en Guinée etau Gabon. Une autre version sous EViews ® estactuellement développée par les chercheurs à la Banquemondiale.modéliser le fonctionnement supposé du marché dutravail et, d'autre part, le traitement des revenus desménages dans le module.Une autre façon d'aménager les MQC qui nenécessite pas le recours au module du marché dutravail, consiste à procéder à un éclatement dubouclage « revenus – consommation » par catégoriesocio-économique afin de distinguer différentescatégories de ménages, de préciser les sources derevenu et d’introduire des profils de consommationdifférentiés. Les résultats des enquêtes budgetconsommation des ménages peuvent être utilisés àcette fin. Dans ce cas, les revenus issus de laproduction (revenus primaires - salaires, excédentnet d'exploitation) par branches, déterminés dans leTRE, seront ventilés entre les différentes catégoriesde ménages en utilisant les clés de répartitiondéfinies à partir d'une enquête budgetconsommation des ménages. Ces clés de répartitionreflètent la décomposition des revenus au cours del'année de l'enquête. Pour les projections, lamaquette peut utiliser les mêmes paramètres, maisl'utilisateur pourrait les modifier afin de tenircompte des changements de comportement connusou supposés. Il faut également procéder à laventilation des transferts (nets) provenant desadministrations et de l'extérieur ainsi que desimpôts directs payés par les différentes catégoriesde ménages.Parallèlement, au niveau des emplois, le vecteur dela consommation des ménages peut être éclatéconformément aux informations obtenues dansl'enquête sur les dépenses des différentes catégoriesde ménages retenus. Il est ainsi possible dedistinguer différents profils de consommations enfonction des catégories de ménages et d’étudier leseffets d'une variation des revenus sur laconsommation (avec un comportement deconsommation distinct pour chaque catégorie) et –directement et indirectement – sur la production etla croissance. Cette solution est intéressante car ellepermet d’introduire un effet en retour de larépartition des revenus sur le partage consommation(locale et importée)/épargne. Beaucoup de mesuresde politique économique ont en effet un impactdifférencié sur les revenus, ce qui peut entraîner desconséquences macro-économiques différentes (pasforcément d’ailleurs aussi importantes que l’onaurait pu le penser a priori).L'extension du module de dépenses publiques,afin de le rendre apte à servir de base à laprogrammation à moyen terme des dépensespubliques conformément aux objectifs retenusdans le CDMT et la SRPUne innovation importante, étroitement liée àl'établissement des SRP, concerne la préparationdes Cadres de Dépenses (publiques) à MoyenSTATECO N°100, 2006


102Terme (CDMT). Il est aisé de procéder à desaménagements afin que les Modèles Quasi-Comptables prennent en compte la contraintebudgétaire et les plafonds alloués aux secteursprioritaires. A cet effet, il suffit d'établir une liaisonentre les objectifs (taux de scolarisation, couverturevaccinale, etc.) et les dépenses budgétaires.Sans perdre de vue la fonction traditionnelle desmodèles de programmation financière et de budgetéconomique qui consiste à éviter les déséquilibrespréjudiciables à la croissance, dans le cadre de lanouvelle approche, l’analyse de l’allocationbudgétaire doit permettre en particulier dedéterminer quelle est la croissance possible etsouhaitable des dotations budgétaires pour lessecteurs prioritaires. Placé dans une perspective deprogrammation à moyen terme, le modèle contribuedonc à évaluer la viabilité de la dette et de lasoutenabilité des finances publiques, et permet plussystématiquement une analyse de la répartition desdépenses publiques entre secteurs, où les modèlestraditionnels se bornent en général à ne préciser quel’enveloppe budgétaire globale.Le défi consiste à établir un lien aussi systématiqueque possible entre les dotations budgétaires et lesrésultats recherchés (c'est-à-dire entre moyens etrésultats). Comme cela est souvent malaisé, uneapproche graduelle est recommandable.La projection du TOFE au sein du MQC permetd’établir le montant maximal de dépenses publiquescompatible avec le financement extérieurdisponible et la viabilité de la dette. Un modulespécifique précise la façon dont ce montant dedépenses publiques se décompose en dépensescourantes primaires et dépenses de développementet leur mode de financement : ressourcesintérieures, appuis budgétaires extérieurs (aidesbudgétaires, prêts d’ajustement, prêts programmes,etc.). Il propose ensuite des clés de répartition pourrépartir les dépenses entre secteurs (prioritaires etnon prioritaires). En utilisant des normes de coûts,on cherche à évaluer à quels moyens correspondl’allocation budgétaire qui vient d’être déterminée.Ceci fournit une base pour évaluer, lorsque c’estpossible, l’impact de ce programme de dépensespubliques en termes d’indicateurs de réalisations(taux de scolarisation, taux de vaccination, etc.).Cette logique peut d’ailleurs s’inverser : on peutessayer de partir des objectifs et en déduire lesdépenses nécessaires 62 . Plusieurs cas de figure sontpossibles en cas de divergences entre les besoinsexprimés dans les programmes prioritaires et les62 C’est l’approche préconisée pour les Objectifs duMillénaire pour le Développement. Voir dans ce numérol’article de Raffinot et Samuel.ressources disponibles. Plusieurs itérations faisantintervenir des décisions sur l'allocation définitivedes ressources aux secteurs prioritaires et nonprioritaires, sont nécessaires. Dans tous les cas, lamaquette devrait indiquer les répercussions sur laréalisation des indicateurs des programmesprioritaires et le poids des enveloppes sectoriellesdans le budget. Evidemment, il ne s’agit pasd’entrer dans un détail excessif, puisqu’une tellemaquette est à usages multiples et que des modèlessectoriels plus précis doivent être utilisés pourentrer dans le détail sectoriel.La simplicité d’utilisation desmodèles quasi-comptables favo–rise la perennité et la participationLa simplicité d’utilisation des MQC permet queleur gestion soit confiée à des équipes réduites. Ellepermet aussi un renforcement des capacités locales,grâce à la maîtrise aisée des procédures deprojection et à la constitution progressive des basesde données générées par le fonctionnement dumodèle sur une période de temps assez longue (enintégrant évidemment régulièrement les donnéesissues des comptes nationaux « lourds »). Les MQCfavorisent donc la pérennité de la fonction deprévision, même dans un contexte administratifafricain souvent caractérisé par une grandemobilité. En ce sens, les MQC apportent unecontribution significative au renforcement del’appropriation (ownership) des politiques macroéconomiqueset sectorielles par les gouvernementsdes pays en développement.Les MQC permettent un travail rapideet aiséLa simplicité d’utilisation sur les tableurs tient aufait que la projection des TRE ne passe plus parl’inversion formelle des matrices. Le calcul paritérations permet d’effectuer les recalculsautomatiquement, dès qu’un changement estintroduit (par exemple au niveau des utilisationsfinales). Il y a une vingtaine d’années, lefonctionnement de ces modèles était assez lourd etdemandait le recours à la programmation avec deslangages spécifiques (Fortran etc.). Même avecl'apparition un peu plus tard des tableurs, lespremières versions de l’époque avaient encore dumal à effectuer rapidement les calculs par inversionde la matrice des coefficients techniques selon laméthode mise au point par Leontief 63 . Chaque63 Le problème était bien pire dans les années cinquante,comme le note Leontief lui-même : “Le calcul étaitencore très pénible, mais je pouvais utiliser une grandemachine à calculer (…). Pour voir si la solution étaitstable, on s’asseyait sur la machine. Si elle bougeait, cen’était pas stable" cité par Rosier (1986, p. 86).STATECO N°100, 2006


103recalcul complet pouvait alors prendre unevingtaine de minutes, ce qui décourageaitl'utilisateur d’entreprendre de nombreusesvariantes. Aujourd’hui, ce problème n’existe plusgrâce à la rapidité des ordinateurs, qui permet laconvergence des systèmes en quelques instants,pour les plus complexes.La lourdeur de ces modèles a souvent été critiquée.Il est vrai qu’au premier abord, le nombre de lignesélevées donne l’impression d’une grandecomplexité. Pour des raisons de rapidité, les TREutilisés étaient souvent des TRE 10x10, et ilspeuvent maintenant atteindre la taille de 30x30.Néanmoins, il apparaît que cette décompositionpoussée rend souvent les choses plus simples. Celapermet par exemple de bien « coller » avec lesdonnées conjoncturelles, qui portent souvent surdes variables très spécifiques. Cela permet aussi detravailler sur des variables bien identifiées.Lorsqu’on agrège, les problèmes d’interprétationdeviennent difficiles dans des économies à faiblerevenu où il existe beaucoup d’hétérogénéité ausein des branches. Enfin, cela permet de ne pasmélanger des secteurs ou des branches qui réalisentle même produit, mais avec des technologiesdifférentes (notamment formel/informel).Le fonctionnement des modèles quasicomptablesest bien adapté à ladémarche de prévision/simulation etd'élaboration des Stratégies deRéduction de la PauvretéLa confection d'un cadrage macro-économique doitse dérouler suivant un ordre logique précis 64 , maisitératif (le cycle peut être repris plusieurs fois avantd'aboutir au résultat recherché). L'utilisation d'unMQC permet d'effectuer d'une manière ordonnée ettransparente le traitement des informations tout aulong des différentes étapes.En général, le processus débute avec une estimationdes données de l'année qui sera utilisée comme basepour les projections. Ce travail est primordialpuisque les MQC utilisent les niveaux de l'annéeantérieure pour les projections. Il s'agit donc defaire coïncider les données inscrites dans la partiehistorique du modèle avec les dernières donnéesdisponibles (TOFE, balance des paiements,Comptabilité Nationale, situation monétaire, etc.).Ce stade est l'occasion pour les différents servicesde concilier les données provenant de sourcesdisparates, de les harmoniser et de corriger lesincohérences (hélas souvent nombreuses).L'utilisation du modèle conduit le service de la64 La démarche est décrite dans les différents manuels surl'utilisation des modèles quasi-comptables cités dans lesréférences.prévision à constituer une banque de données danslaquelle sont centralisées toutes les informationssusceptibles de servir comme « indicateurs »conjoncturels.Sur la base de cette information actualisée (quicontraint les diverses entités à travailler ensemble),on prépare plusieurs variantes associées àdifférentes combinaisons de mesures de politiqueéconomique (usuellement une tendance centrale etdes variantes). Ceci est très important pour leséquipes nationales, qui peuvent ainsi tester le degréde réalisme des programmes du FMI (qui neprésentent explicitement qu’un « scénario deréférence ») et percevoir les risques associés.Initialement les MQC étaient essentiellementdestinés à la prévision annuelle et, dans une optiquede moyen terme, à l'élaboration de cadrages macroéconomiqueset au suivi du PAS en fonction del'horizon des négociations avec les institutionsinternationales. Mais les MQC n'en demeurent pasmoins adaptés à d'autres tâches et peuventnotamment très bien être utilisés pour vérifier lacohérence entre le programme d'investissement etl'équilibre des finances publiques (coûts récurrents,endettement, etc.). Simplement, dans ce cas, uneattention particulière doit être accordée à l'analysedes programmes et des projets, notamment parceque chaque grand projet risque d'avoir un impactnon négligeable sur la structure de l'économie.Les travaux de prévision et de simulationreprésentent une occasion idéale de concertationentre les différentes parties prenantes (stakeholders)qui sont appelées à participer à la prise de décisionsur les stratégies macro-économiques et à lasélection des mesures de politiques de lutte contrela pauvreté. Avec les résultats produits par lesMQC, ils disposent en effet, d'un ensemble decomptes et de tableaux qui leur permettentd'apprécier valablement les différents scénarios decadrage macro-économique compte tenu de l'impactchiffré sur les objectifs poursuivis et les coûts yafférents.L'utilisation des MQC favorise la discussioncollective sur les options de politique économiqueet de développement. En effet, il s'agit d'élaborer uncompromis technique et politique acceptable tantpour les estimations que pour les mesureséconomiques. Dans beaucoup de pays, desprocédures spécifiques se sont donc grefféessuccessivement sur les travaux techniques en vuede les inscrire dans un processus itératif dedialogues successifs, permettant de rapprocher lesestimations et de réduire les divergencesd'appréciation entre les différents départementsministériels chargés de la mise en œuvre.STATECO N°100, 2006


104Pour être autre chose qu’un document de plus, lesDSRP doivent être élaborés par un processusd’aller-retour entre le groupe chargé de la synthèseet des groupes sectoriels et régionaux, ainsi que desgroupes transversaux (représentation de la sociétécivile). Dans ce contexte, un MQC constitue doncun excellent instrument de dialogue, dès lors queles projections sectorielles sont présentéesclairement et adaptées aux besoins des différentstypes d'utilisateurs. Ceci demande notamment queles résultats attendus et les coûts à financer dans lecadre des programmes soient correctement chiffrés.Enfin, il ne faut pas oublier les vertuspédagogiques des modèles quasicomptableset leur contribution àl'amélioration de l’information de baseLes caractéristiques décrites font aussi des MQC unoutil pédagogique qui peut être mis à contributionen vue d’initier les cadres au fonctionnement del’économie nationale. Cela leur donne une idée dela structure de l’économie nationale, des ordres degrandeur, et leur permet d’aborder simplement lamodélisation des comportements macroéconomiques(en leur permettant de lescomplexifier progressivement).Dans les années quatre-vingt, ces modèles étaientessentiellement destinés aux techniciens au sein desadministrations. Or, la réforme du système politiquea conduit à la mise en place d'institutionsdémocratiques également appelées à suivre, voirecontrôler l'action du gouvernement en matière depolitique économique. Cela nécessite laconnaissance et la maîtrise des instrumentsjusqu'alors exclusivement utilisés parl'administration. La simplicité des MQC et leurproximité par rapport à l’information économiquecourante a permis de les utiliser, par exemple, dansle dialogue avec les parlementaires (Burkina Faso1999).Le fait que ces modèles soient réalisables sur destableurs est un atout important, car ces logicielssont maintenant largement diffusés dans lesadministrations africaines. Cela permet d’en assurerla pérennité, ce qui est un problème lorsque lesmodèles utilisés ne sont maîtrisés que par quelquescadres (qui, de plus, sont souvent soucieux deconserver ces connaissances pour eux).Une adoption large du modèle est conditionnée parla prestation de données directement utilisables parles différents services, c'est-à-dire des tableauxétablis selon la présentation qu'ils ont l'habituded'utiliser. Dans beaucoup de pays, l'utilisation desModèles Quasi-Comptables a incontestablementconcouru à promouvoir la publication régulière desinformations macro-économiques et à améliorerleur qualité et diffusion. Les demandes expriméespar les prévisionnistes auprès du systèmed'information ont contribué à sensibiliser lesservices générateurs de statistiques économiques,ne serait-ce que par la prise de conscience desproblèmes soulevés par l'articulation des différentesnomenclatures comptables en vigueur dans chaqueservice. Au fil du temps, les MQC constituent deprécieuses bases de données structurées deséconomies nationales. Cela permet d’entreprendredes analyses empiriques de l’économie nationale,économétriques ou non, de valider ou d’infirmerdes hypothèses.Souvent, il en est résulté une première tentatived'harmonisation des données et des propositions deperfectionnement de la méthodologie. Enfin, onconstate souvent un regain d'intérêt des servicesnationaux pour les analyses macro-économiquesqui étaient auparavant réalisées sous l'égide desinstitutions internationales et des bailleurs de fondsextérieurs. Ces organismes trouvent ainsi de plus enplus d'interlocuteurs au niveau national aveclesquels ils peuvent discuter les analyses macroéconomiqueset confronter leurs modèles etméthodes.Il y a pourtant quelques pré–cautions à prendreComme tout modèle, les MQC souffrent decertaines limitations. Fondamentalement, ilsprojettent la structure de l’économie lors de l’annéede base – même s’ils sont en fait beaucoup moinsrigides que dans leur présentation académiquecourante. Cela peut poser un problème lorsque sontmis en œuvre des projets de grande taille, ou lors del’apparition de nouvelles branches à croissancerapide (un cas récent est celui de l’expansion rapideen Afrique de la téléphonie portable), ou pour desprojections à moyen terme. Il faut donc bien faireattention dans ces cas à la dérive possible descoefficients techniques, mais cela peut être géré ausein des MQC. Une utilisation purement mécaniqued'un MQC, coupée de la réflexion économique etsociale, risquerait de donner des résultats décevants.La proximité des MQC avec les comptes nationauxpermet de disposer de comptes rapides cohérents(voir dans ce numéro l’article de Cornaille et alii).Toutefois, cela comporte aussi un danger. Lorsqueles MQC donnent satisfaction et que l’élaborationdes comptes nationaux accuse des retards, ils sontsouvent considérés comme des comptes nationauxprovisoires (Nyabyenda, Nyoni et Meyer, 1994), cequi peut relâcher l’effort pour construire devéritables comptes rapides.STATECO N°100, 2006


105Enfin, même si cela n’est pas particulier aux MQC,il faut souligner que l’objectif de ces modèles est defournir des ordres de grandeurs, sur la based'hypothèses bien spécifiées, parfois difficiles àquantifier (par exemple les variations des taux depression fiscale apparente). En prévision, la plagede variation possible pour les variables exogènes(par exemple le cours du coton, ou le volume de laproduction future de manganèse) est si large qu'ellerend ridicule tout raffinement sur des pointssecondaires. Les relations entre variableséconomiques et les recettes du TOFE sont pourl'essentiel fondées sur l'utilisation de variations, etnon de niveaux. L'utilisation de niveaux erronés ouhypothétiques n'est donc pas trop grave, tant que lacohérence d'ensemble est préservée. L'objectif de laprévision n'est pas de fournir des chiffres « exacts »pour le futur. Il s'agit d'essayer de chiffrerl'évolution probable, dans un certain état del'environnement international, de manière à préciserles meilleures mesures à prendre pour infléchircette évolution dans le sens souhaité et à comparerdiverses options.ConclusionLes Modèles Quasi-comptables fondés sur des TREsont très utilisés en Afrique pour la prévision. Ilssont simples à élaborer puisque les méthodes deprojections ne sont pas compliquées et sont trèsdiffusées. De plus leur élaboration sur les tableursstandards permet à beaucoup de cadres desadministrations africaines de bien les maîtriser. Ilssont proches des comptes nationaux, et lesméthodes d’élaboration devraient encore serapprocher avec l’utilisation d’instruments commeERETES.nombreux modules spécialisés. Contrairement à lareprésentation académique des modèles entréessorties,les MQC utilisés en pratique peuventintégrer de nombreuses approches, et par exempleutiliser des estimations économétriques deséléments de la demande finale.Dans la période actuelle, les MQC apparaissentcomme des instruments utiles pour l’élaboration descadrages macro-économiques des stratégies deréduction de la pauvreté. Diverses possibilités sesont ouvertes pour décrire la répartition des revenusau sein de ces modèles, ce qui permet de calculerles indicateurs de pauvreté généralement utilisés.De plus, leur flexibilité en termes de tableaux derésultats permet d’en faire un instrument dedécloisonnement administratif favorisant ladiscussion avec toutes les parties prenantes del’élaboration des politiques, y compris la sociétécivile et les parlementaires.La faible pérennité et la sous-utilisation desinstruments de prévision en Afrique est unproblème récurrent, qui s’accroît fortement avec lasophistication des instruments. Sous cet angle, lesMQC sont sans doute les instruments les plusperformants. Néanmoins, il ne faut pas oublier quetous les instruments de simulation ou de prévisionne peuvent fonctionner que si en amont laproduction de données est performante, et sil’utilisation de l’instrument est réalisée au seind’une organisation administrative motivée, efficaceet décloisonnée.Un avantage considérable de ces modèles est leurstructure modulaire, qui permet d’intégrer deRéférences bibliographiquesAerts J-J. et Leenhardt B. (1989), « Présentation du modèle macro-économique TABLO.Modèle standard de projection à court-moyen terme de la CCCE », Statéco, n° 58-59, juinseptembre.Banque Mondiale (1979), Modèle Macro-économique Standard (RMSM), Washington,juillet.Benett J. G. (1993), Information Systems for Improved Macroeconomic Policy in DevelopingCountries, A Review and Evaluation of Experience with Special Reference to German-Sponsored Technical Assistance Projects, Eschborn, GTZ et BMZ.Benett J. G. et Giegerich M. (eds.) (1993), Informationssysteme der volkswirtschaftlichenRegierungsberatung in Entwicklungsländern, Nomos Verlagsgesellschaft, Baden-Baden.STATECO N°100, 2006


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109Les cadres de dépenses à moyenterme : un instrument utile pour lespays à faible revenu ?Marc Raffinotet Boris Samuel 64Le CDMT est potentiellement un instrument très utile pour combler le vide fréquententre les politiques de développement et leur traduction budgétaire. L’approche par lesObjectifs du Millénaire pour le Développement n’est pas contradictoire avecl’élaboration des CDMT, car ceux-ci sont des instruments pour gérer la tension entre lesobjectifs et la contrainte budgétaire. Néanmoins, la mise en place d’un CDMT peut êtredangereuse si elle résulte d’une conditionnalité imposée de l’extérieur et si elle fait appeld’emblée à des instruments sophistiqués. Le CDMT doit être mis en oeuvre de manièregraduelle en fonction des capacités. Ainsi conçu, le CDMT peut contribuer efficacementà plusieurs processus convergents : la réforme des finances publiques (prise en comptedu cadre macro-économique, réforme des nomenclatures budgétaires), le renforcementdes capacités d’arbitrages budgétaires fondés sur les performances, le suivi des résultatsdes différentes politiques et la rétro-action du suivi sur la définition des politiques.64 Marc Raffinot est Maître de conférences à l’Université Paris Dauphine, EURIsCO et chercheur associé à DIAL. BorisSamuel est Statisticien Économiste.109Statéco n° 95-96-97, 2000


110La mise en place de cadres de dépenses à moyenterme (CDMT), en cours où récemment entreprisedans de nombreux pays en voie de développement,répond à deux mouvements liés :1. Depuis la fin des années 1990, la mise en placedes documents de stratégie de réduction de lapauvreté (DSRP) a remis l’accent sur les activitésde planification, rétabli une légitimité àl’intervention publique et accru le financement dessecteurs sociaux, en particulier dans le cadre del’initiative pour les Pays Pauvres Très Endettés(PPTE). Dans cette lignée, les CDMT représententun instrument de formulation des politiques etde traduction de leur implication financière pourl’atteinte des objectifs fixés au niveau national et/ouinternational. Gage de transparence, ils deviennentun support d’attribution de l’aide, permettant à lafois de fournir une vision globale des dépenses àl’échelle nationale ou sectorielle, et de s’inscriredans une amélioration de la performance de lagestion budgétaire. Les CDMT constituent uninstrument privilégié pour la mise en place d’appuisbudgétaires, comme le préconise la déclaration deParis sur l’harmonisation de l’aide.2. La mise en place des CDMT est liée auxréformes budgétaires. Les pratiques debudgétisation à moyen terme, visent à améliorer laprise en compte de la contrainte macro-économiquedans les programmes de dépenses publiques et doncl’efficacité des décisions en favorisant ladétermination de priorités. De façon optimale, leCDMT s’accompagne d’une présentation parprogrammes et de systèmes de suivi desperformances. Il constitue à ce titre une étape versla mise en place des systèmes de gestion orientéspar les résultats. Cette orientation apparaît dans lesréformes budgétaires, mais aussi dans le soucid’une utilisation efficace des sommes libérées parles annulations de dette.Les CDMT revêtent une importance particulièredans le contexte actuel, car les politiques deréduction de la pauvreté souffrent d’unedéconnexion avec le budget et les politiqueseffectivement conduites, ainsi que du manque deprise en compte des priorités, ce qui risque de lesremettre en cause. De plus, les calculs des coûts desOMD sont encore peu intégrés dans lesprogrammations nationales. Enfin, la volonté despartenaires extérieurs de privilégierprogressivement l’aide budgétaire impliqued’améliorer la crédibilité de la gestion budgétairedes Etats.On peut pourtant se demander s’il est raisonnabled’accorder une priorité élevée à la mise en placedes CDMT dans des pays où les procéduresbudgétaires sont peu adéquates ou peu respectées,où les capacités des administrations sont faibles etoù le poids et la multiplicité des partenairesextérieurs compliquent la gestion publique. Parailleurs, la contrainte budgétaire classique part de lacontrainte budgétaire et cherche à maximiser lesperformances, alors que la logique des Objectifs duMillénaire pour le Développement (OMD) consisteplutôt à partir des objectifs pour déterminer lefinancement nécessaire, à partager entre l’Etat et lespartenaires extérieurs. Enfin, l’approche CDMTrisque de remettre en selle des systèmes deprogrammation détaillée qui ont largement faitfaillite, alors que la gestion des finances publiquespar les objectifs met l’accent sur laresponsabilisation des gestionnaires desprogrammes publics.De quoi s’agit-il ?L’idée de CDMT n’est pas nouvelle. Avant quel’ajustement structurel ne balaye les systèmes deplanification, de nombreux travaux ont étéconsacrés à la liaison entre le plan à moyen terme etle budget. Le fait que ces travaux aient été négligésest probablement une des raisons de l’effondrementdes systèmes de planification après les années 1980.STATECO N°100, 2006


111DéfinitionLa définition couramment retenue 65 , tirée duManuel de gestion des dépenses publiques de laBanque mondiale, est la suivante : « Un CDMTcomprend une enveloppe financière globale fixéeau sommet par les services centraux, desdiscussions à la base pour l’estimation des coûtsprésents et à moyen terme des options de politiquepublique et, enfin, un processus d’ajustement descoûts et des ressources disponibles. » (Banquemondiale, 1998). Le CDMT apparaît ainsi commeun processus de décision itératif permettant de fixerla contrainte macro-économique et de planifier lespolitiques sectorielles. Une seconde définitionprovenant de la même source présente le CDMTcomme « … un ensemble cohérent d’objectifsstratégiques et de programmes de dépensespubliques qui définit le cadre dans lequel lesministères opérationnels peuvent prendre desdécisions pour la répartition et l’emploi de leursressources ». Ainsi, le CDMT s’inscrit dans unelogique de gestion orientée sur les résultats, faisantréférence à la planification stratégique, à la notionde programme et à l’autonomie de décision desgestionnaires. L’établissement d’un lien entre lesallocations budgétaires, la fixation d’objectifs et lesuivi des performances est une dimensionessentielle de l’exercice.Principaux objectifsL’approche normative : le CDMTdans le cycle de planification –budgétisation – évaluationLe processus CDMT doit s’insérer dans le cycled’élaboration, de mise en œuvre et d’évaluation desL’objectif du CDMT (pluriannuel) est d’offrir uncadre commun aux définitions des politiques, deplanification et de budgétisation aux niveauxcentral et sectoriel. Il vise à décloisonner leprocessus de décision en permettant des échangesitératifs entre niveaux global et sectoriels et entreperspectives stratégiques et financières. Il s’agit de :(i) déterminer la contrainte globale sur la base d’uncadre de ressources soutenable à moyen terme ; (ii)prendre en compte les implications financières despolitiques (coûts des politiques en cours, chargesrécurrentes relatives aux projets d’investissement,projets pluriannuels, etc.) ; (iii) amoindrir lestensions lors de l’exécution budgétaire en assurantune meilleure prévisibilité de la contrainte deressources et des ordres de priorités (OCDE,2005a ; chap. 6).Le développement d’un cadre macro-économiqueréaliste doit permettre les arbitrages intersectorielset améliorer la prévisibilité des enveloppessectorielles pour faciliter l’élaboration despolitiques. C’est donc un instrument d’améliorationde l’efficacité de la gestion publique.65 Notamment dans : Le Houerou et Taliercio, 2002 ;Holmes et Evans, 2003.STATECO N°100, 2006


112politiques ; il est constitué de procédures intégrées àce processus (voir typologie en encadré 1) ; il meten jeu des processus parallèles aux niveaux centralet sectoriels, qui font que sa mise en place entraîneen général un allongement de la période depréparation budgétaire.Encadré 1Typologie des CDMT- Le CDMT global présente un cadrage macro-économique, des projections détaillées des agrégatsbudgétaires en ressources et en emplois (cadrage macro-budgétaire).- Le CDMT sectoriel désigne un programme sectoriel pluriannuel de dépenses assorti d’objectifs etd’indicateurs de suivi pour justifier les programmes de dépenses dans la limite des plafonds alloués par lesministères centraux au sein du cycle budgétaire.CDMT et cycle annuel de définition,d’exécution et de suivi évaluation despolitiquesLe processus CDMT doit être glissant. C’est uncadre permettant de revoir les objectifs dugouvernement et les allocations budgétaires selonles inflexions dans les stratégies, priorités,performances observées. Dans la logique itérativepromue par les DSRP (malheureusement pasglissante !), le CDMT vise à rendre opérationnelsles résultats obtenus par les systèmes de suiviévaluation. Les grandes étapes du cycle sontdécrites dans la figure suivante :Cadrage macro•Ressources•EmploisCDMT sectorielsÉvaluation de l’impactdes politiques publiquesCDMT globalÉlaborationSuivi•Administratif•Société civile•StatistiqueMise en œuvre des politiquesPrise en compte dans le budgetannuel (fonctionnement etinvestissement)Dans l’approche classique, le cycle part de ladétermination de la contrainte budgétaire globale etcherche à améliorer les performances de la dépensepublique.CDMT et processus de préparationbudgétaireLe CDMT ouvre au sein du processus budgétaireune « phase stratégique » (Holmes et Evans 2003)C’est pourquoi les deux processus doivent êtreétroitement intégrés. L’encadré 2 présente lesgrandes étapes de cette intégration.montant des dépenses primaires (hors intérêts de ladette) compatibles avec les ressources sousdifférentes hypothèses afin de dégager uneenveloppe probable pour la totalité des dépensesconsidérée comme soutenable, en tenant compted’une réserve pour faire face aux imprévus.Cet exercice de cadrage macro-économiqueimplique logiquement de coordonner les différentesstratégies macro-économiques, notamment lesCadrage macro-économique et contrainteglobaleLe cycle commence avec le cadrage macroéconomiqueen vue de déterminer les différentesressources dont peut disposer le gouvernementpendant la période considérée (taxes, dons,financement net), et les emplois (en termesmonétaires globaux). Sur cette base, on identifie leSTATECO N°100, 2006


113politiques de croissance, les politiques monétaireset de change, la politique budgétaire et lespolitiques sectorielles.Structure des projections budgétaires agrégéesplafond global ou sectorielréservenouvelles politiquespolitiques en coursépargne budgétaireannée n-1 n n+1 n+2Inspiré d’OCDE 2001Encadré 2Le cycle de préparation du CDMT1) Mise à jour du cadrage macroéconomique et établissement de montants indicatifs deressources et de dépenses2) Revue des programmes sectoriels et définition de priorités3) Fixation de plafonds sectoriels indicatifs4) Préparation des cadres de dépense sectoriels à moyen terme5) Préparation du CDMT global et de la Loi de finances6) Approbation et/ou intégration dans la Loi de FinancesEn début d’année, on intègre des premiers résultatsenregistrés à la fin de l’exercice écoulé (inflation,exécution budgétaire, résultats du secteur réel etc.)et on met à jour les projections des variablespertinentes (dette publique, arriérés, masse salarialeetc.). Le scénario macro-économique central ainsiélaboré est mis à jour sur l’ensemble du cycle dedécision. Ce cadrage macro-budgétaire constitue labase des circulaires budgétaires, puis donne lieu àla rédaction d’un budget économique ou d’unrapport économique et financier.Revues sectoriellesLe cadrage macro-économique coïncide avec lesbilans d’exécution et revues annuelles conduitesdans le cadre des cycles d’évaluation et dedéfinition des politiques. A cette période, on réaliseles évaluations globales des politiques et lespremières orientations générales peuvent être fixéesau niveau sectoriel, en fonction de la mise en œuvredes programmes en cours. Les indicateurs de suivisont mis à jour, liant intrants et objectifs, permettantles premières évaluations des performances.L’identification des possibilités d’épargnebudgétaire est alors entreprise ainsi qu’uneréflexion sur les activités qui pourraient être prisesen charge par d’autres opérateurs que l’État. Enfin,dans les pays mettant en œuvre un DSRP, c’est lemoment de la préparation des bilans de la mise enœuvre et de la rédaction du rapport annueld’avancement. Afin d’alimenter le processusd’alignement entre ressources soutenables etdépenses, la revue des dépenses sectorielles permetd’évaluer les coûts approximatifs des orientations etobjectifs retenus. De même que pour le cadragemacro-économique, l’affinement des programmes alieu tout au long du processus budgétaire et prenden compte les plafonds et contraintes communiquéspar le niveau central en fonction des évolutions ducadre macro-économique.Fixation de plafonds indicatifsSur la base de concertations menées entre niveauxcentral et sectoriels, le processus permet deproposer des enveloppes indicatives àcommuniquer aux secteurs. Ces indications peuventSTATECO N°100, 2006


114être plus ou moins rigides, uniques ou présentantdivers scénarios, globales ou portant sur descatégories de dépenses spécifiques (salaires,investissement / fonctionnement) 6 .Cette phase correspond dans certains pays avec larédaction de la circulaire budgétaire (cas duBurkina Faso). Cette simultanéité est un atout pourque la préparation budgétaire prenne en compte laréflexion stratégique sur les politiques publiques.En effet, le document de cadrage produit à cettepériode, appelé « cadre budgétaire à moyen terme »ou CDMT global, indique les premières enveloppes,fruits des discussions stratégiques entre ministèrescentraux et sectoriels.La préparation des programmes sectorielsLes enveloppes sont ensuite communiquées auxresponsables des CDMT sectoriels. Il s’agit cettefois d’ajuster les propositions de programme demanière précise et d’effectuer les principauxarbitrages sur les objectifs, l’identification desnouveaux programmes et les possibilités d’épargnebudgétaires. On peut se baser sur les évaluationsdes politiques, notamment sur des analysescoûts/efficacité plus aisées à mener au niveausectoriel.Préparation du CDMT global en appui à la loide financesAvant la préparation de la loi de finances, lecadrage macro-économique est actualisé et lesmontants de dépenses sectorielles ajustées sur labase des CDMT sectoriels. Le CDMT global (cadremacro-budgétaire) peut alors être finalisé et devenirun document d’appui à la préparation de la loi definances à utiliser lors des conférences budgétairespour les arbitrages. Lorsque ceux-ci sont réalisés, ledocument est soumis au Parlement.Les méthodes d’arbitrages du budgetLa rationalisation des choix budgétaires (RCB)visait à fonder les arbitrages budgétaires sur unebase « scientifique ». Son échec conduit à adopterune démarche beaucoup plus pragmatique. Avec leCDMT, les arbitrages peuvent donner lieu à uncontrôle général de cohérence de l’action publique(respect des engagements, répartition des dépensesentre fonctionnement et investissement,comparaisons internationales, capacités desdifférentes structures, etc.). Il permet aussi de seréférer à une hiérarchisation explicite des prioritéslors de la confrontation des objectifs dugouvernement et des moyens disponibles -notamment pour prendre en compte les principalesconclusions des DSRP dans les mécanismesd’arbitrage 7 . Cette hiérarchie permet de proposer unordre de priorité si de nouveaux fonds deviennentdisponibles au cours de l’exécution, ou de couperde façon « rationnelle » si les ressources seréduisent, tâche qui revient en général au niveaucentral 8 . Le CDMT peut en outre contribuer à lamise en place de méthodes de gestion par lesrésultats et accorder une certaine autonomie auxcentres de dépenses pour les arbitrages intrasectoriels.Le calendrier budgétaire, du CDMT etde la planificationLe calendrier d’une procédure budgétaire intégrantun cadrage des dépenses à moyen terme seraitschématiquement le suivant – pour un budgetcorrespondant à l’année calendaire :Bilan d’exécution du budget n-1Cadrage macro-économique n+1Mise à jour des programmes sectorielsFixation des enveloppes indicatives (circulaire budgétaire)Préparation des demandes de crédit et des CDMT sectorielsArbitrages et préparation CDMT globalAdoption du budget1 er trimestre année n1 er trimestre année n2 e trimestreJuinJuillet – aoûtSeptembreNovembre / décembre6L’utilisation d’une contrainte flexible peut permettre de faire révéler leurs préférences aux responsables sectoriels pourobtenir des ordres de priorités sur la dépense (cas de l’étude sur la Mauritanie). En revanche, elle peut constituer unebrèche perçue comme un assouplissement de la contrainte budgétaire, ce qui entraîne à terme une incitation aux dépensesadditionnelles. Au Bénin, les responsables centraux proposent divers scénarii de dépenses articulées à deux scénariimacro-économiques.7 Nous verrons plus loin qu’une autre approche consiste à voir dans le CDMT la traduction budgétaire du DSRP. LeCDMT est alors un instrument de mise en œuvre du DSRP.8 Une partie importante des arbitrages à effectuer en cas de réduction des ressources est d’ailleurs interne aux secteursprioritaires, puisque ce sont eux qui disposent des dotations budgétaires les plus importantes.STATECO N°100, 2006


115La mise en œuvre des CDMT et lescapacités de gestion publique dansles PEDDans la pratique, la mise en œuvre des CDMT seheurte à de nombreux obstacles techniques etorganisationnels. La présente section tente dedonner la mesure des facteurs qui déterminent laportée de l’exercice en fonction des conditionsnationales. Il n’y a pas d’approche standard pour ledéveloppement des CDMT. Mais de grandesorientations sont à suivre pour un déploiementsoutenable et une institutionnalisation des CDMT.Cadrage macro-économique etcontrainte budgétaire globaleLa détermination de la contrainte globale estdifficile car les recettes publiques sont fluctuanteset les apports extérieurs erratiques (notamment dufait de la conditionnalité), donc difficiles àprogrammer (question de la prévisibilité de l’aide).Même si le montant global des apports est plus oumoins stable, les changements de priorités despartenaires extérieurs, la succession des projets etprogrammes pose problème. Par ailleurs, lesmodalités d’exécution de l’aide ne sont pas neutres,une partie importante n’étant généralement pascomptabilisée dans les budgets nationaux.Même quand il existe dans les pays les capacitéspour élaborer des scénarios, le cadrage macroéconomiquedes CDMT doit être cohérent avecceux des programmes discutés avec le FMI. Cecipose problème, car ces programmes ne sont pastoujours réalistes, pêchant souvent par optimisme(Meier et Raffinot, 2005). La prise en compte desfluctuations macro-économiques demande en outreune mise à jour régulière du cadrage et dans lapratique le scénario retenu peut se révélerrapidement caduc. Cette instabilité des économiespose un problème sérieux pour analyser lasoutenabilité de la dette, qui est à la base du calculd’un montant soutenable de dépenses primaires.Holmes et Evans (2003) soutiennent quel’appropriation du cadrage macro-économique parles administrations n’est pas déterminante pour leprocessus CDMT. L’utilisation d’un scénario« externe », s’il est réaliste, permettrait de fixer lesplafonds sectoriels. En réalité, ceci peut masquerune appropriation insatisfaisante de l’étape defixation de la contrainte macro-économique, parexemple lorsque les voies de financement horsbudget sont importantes et ouvrent des marges demanœuvre budgétaires non « orthodoxes » (ycompris des financements extérieurs nonbudgétisés). Dans de tel cas, il semble préférable dedonner la priorité au renforcement de mécanismespermettant de fonder le cadrage macro-économiquesur la base d’un budget exhaustif et d’assurer ledéveloppement de capacités de programmationsectorielle unifiée plutôt que d’introduire desnégociations entre centre et secteurs sur la base deplafonds formels.D’autres arguments plaident pour une meilleureappropriation de la contrainte macro-économique.Dans de nombreux pays, à défaut d’exercicesmaîtrisés d’analyse macro-économique, le budgetreste l’une des rares opportunités de développer etdiscuter les perspectives macro-économiques. Deplus, la programmation financière du FMI,d’inspiration monétariste, ne prend pas en comptele lien « keynésien » entre dépenses et recettespubliques dans ses projections, ce qui empêche detester correctement différents scénarii budgétaires.Ceci rend aussi plus difficile la réflexion sur lespolitiques de croissance, qui pourtant devrait être aucentre de l’élaboration des DSRP (cf. la revue desDSRP effectuée par le FMI, 2004 69 ). Ceci est vrai afortiori pour le lien entre dépense publique,politiques de croissance, emploi et pauvreté. Lesalternatives de politique économique et financièrene sont pas suffisamment discutées et ne se prêtentpas aisément aux discussions stratégiques sur lespolitiques budgétaires.On peut donc recommander que le CDMT s’appuieen premier lieu sur une amélioration des capacitésd’analyse et de cadrage macro-économique, ce quisuppose un travail sur la disponibilité del’information économique et financière, et enparticulier les données de synthèse macroéconomique,donc de comptabilité nationale. Lepassage au cadrage macro-budgétaire pourl’analyse de la contrainte demande en outre lamaîtrise de la structure des politiques budgétaires etdes données précises sur leur exécution, donc unecapacité de supervision des politiques sectoriellesau niveau central.Les composantes macro-économiques etsectorielles du CDMT doivent ainsi être renforcéesen partant d’une amélioration des capacitésd’analyse macro-économique 70 permettant lepassage au cadre macro-budgétaire et durenforcement du suivi budgétaire (Loi de69 . Dans la revue de 2005, il est suggéré que différentsscenarii macro-économiques pourraient être réalisésdans le futur (Banque mondiale et FMI, 2005).70 Les travaux entrepris par AFRISTAT, l’INSEE etl’AFD pour la mise en place d’une séquence complèted’instruments allant de la comptabilité nationale à laprévision en passant par des méthodes de comptesrapides laissent espérer l’ébauche d’appuisopérationnels dans ce domaine.STATECO N°100, 2006


116règlement), de manière à disposer d’uneinformation sur les dépenses effectives.Cependant, les meilleures prévisions ne mettent pasà l’abri des chocs, surtout dans les pays à faiblerevenu. Il importe donc de concevoir l’exercice decadrage macro-budgétaire non comme un effortpour élaborer un cadre de référence, mais pourprésenter différents scénarii avec les mesures àprendre dans chaque cas.La programmation sectorielleVision sectorielle unifiéeL’existence d’une stratégie nationale facilitel’élaboration de CDMT sectoriels, si toutefois lastratégie est effectivement reflétée au planbudgétaire et prend en compte l’ensemble desdépenses du ministère ou du secteur concerné. Dansla pratique, les principaux secteurs dépensiers, misà part la défense, sont couverts par des stratégiesglobalement bien définies (souvent dans l’éducationet la santé et dans une moindre mesurel’hydraulique ou le développement rural). C’estprobablement là l’un des impacts importants de lamise en place d’approche par programmessectoriels (Sector Wide Approaches=SWAPs) et despolitiques de lutte contre la pauvreté menées depuisles années 1990.Il n’est pourtant pas rare de constater la coexistencede plusieurs stratégies pour un mêmesecteur, éventuellement contradictoires, liées àdifférents approches (par exemple le DSRP d’uncôté, un exercice de planification interne de l’autreou des programmes d’appuis de bailleurs). Et il estfréquent que l’ensemble des dépenses du secteur nesoit pas pris en compte dans les stratégiesnationales. C’est le cas pour certains financementsextérieurs, parfois pour une partie du budget defonctionnement (les dépenses communes dont laforte proportion caractérise des systèmes à faibleperformance budgétaire, pour les budgets desadministrations etc.) ou pour les dépenses réaliséespar des administrations locales, sans parler dusecteur privé. La mise en place de procéduresexceptionnelles (comptes spéciaux) par les bailleursrend plus complexe l’identification des dépenses.En outre le recours à des unités d’exécution desprojets ou programmes est encore loin d’êtreabandonné malgré les recommandations 71 . Denombreux pays connaissent des situations où lapolitique sectorielle est conduite ou mise en œuvrepar des institutions autres que le ministère encharge, par des institutions morcelées et/ou deresponsabilités administratives diverses,complexifiant la prise en compte globale au niveaubudgétaire. Enfin, pour des secteurs ayant recours àdes partenariats public/privé, à des opérateurs semipublicsou à des EPA (dans l’hydraulique, lesinfrastructures etc.), les pratiques de comptabilitépublique ne prennent pas toujours correctement encompte les activités de ces entités dans le budget.L’inadéquation fréquente des structures de pilotagedes politiques sectorielles couplée aux faiblesses del’exécution et du suivi budgétaire rendent délicatela formulation d’une stratégie sectorielle globale, entermes techniques mais aussi institutionnels.L’exercice CDMT peut servir de catalyseur pouravancer vers la mise en place de structuressectorielles unifiées. Dans certains cas,l’élaboration d’un CDMT sectoriel a été la premièreoccasion de mettre à plat les dépenses réelles d’unsecteur, ce qui a permis de constater à quel point lastructure des dépenses différait des prioritésnationales.Planification stratégique et budgets programmeLe renforcement des capacités de budgétisation etde planification sectorielle passe par une réflexionsur les structures administratives, qui doivent offrirdes possibilités de coordination satisfaisantes. Ainsides exercices de planification stratégique sontconduits parallèlement au développement desstratégies sectorielles et des CDMT pour mieuxaligner l’organisation des servicesgouvernementaux avec les objectifs poursuivis (cf.Short, 2003, pour l’exemple du Rwanda, qui adéfini un modèle de planification stratégiqueappliqué à tous les niveaux de gestionadministrative). En revanche les classifications parprogrammes ne sont pas toujours suffisammentmaîtrisées pour être utilisées durant l’ensemble ducycle budgétaire. C’était par exemple la situation auBurkina Faso, (Mesplé-Somps et Raffinot 2003).L’alignement nécessaire des classifications parprogramme avec la planification stratégique dugouvernement est une difficulté pour les paysémergents ou en transition (Diamond, 2003),rendant leur utilisation opérationnelle difficile, afortiori pour les pays en développement.Aussi, la mise en place de budgets programmespour déterminer les priorités doit être entrepriseavec précaution, selon des programmes larges,simples et sans contradiction avec l’organisationinstitutionnelle (OCDE, 2001). L’existence declassifications fonctionnelles, indépendantes desstructures administratives et des politiquesconduites, constitue souvent un juste milieu pour lesuivi des politiques sectorielles. Le CDMT doitd’abord être un instrument opérationnel adapté auxcapacités existantes.71 Voir par exemple OCDE, 2005b (Déclaration deParis) ; Banque mondiale, 2005.STATECO N°100, 2006


117Méthodes de détermination des coûtsLes approches de calcul des coûts unitaires reflètentégalement la capacité du système budgétaire àventiler les dépenses publiques en fonction de lapoursuite d’objectifs définis. L’exercice estfastidieux même dans les pays ayant uneclassification par objectifs ou par programme issued’exercices de planification stratégique (Diamond,2003), notamment pour répartir les dépensescourantes et les frais fixes, en particulieradministratifs. Il n’est pas recommandé de menerl’exercice de manière détaillée, le coût del’information étant généralement supérieur au gain.L’évaluation des coûts doit se faire à un niveauagrégé, à la mesure des structures institutionnellesdu secteur et de la qualité des informationsbudgétaires. Des études ponctuelles du type povertyexpenditure tracking survey (PETS) se révèlentutiles pour combler le manque de contrôle sur lesdonnées budgétaires désagrégées. Des méthodessimples peuvent être utilisées en faisant référence àune structure prédéterminée d’intrants et/ou descoûts standards (comme les instruments proposésdans le Projet du Millénaire). Un apport despartenaires extérieurs pour fournir des coûts etméthodes standard « réalistes » peut êtreappréciable. Ceci permet des comparaisonsinternationales et réduit le risque que lesresponsables sectoriels masquent les « vrais » coûts.Mais de simples enquêtes rapides auprès d’unitésreprésentatives ou le dépouillement d’appelsd’offres récents peuvent fournir des donnéesintéressantes.Modèles de simulation financière et modèles decomportementSur cette base, un certain nombre de secteursdisposent de modèles sectoriels deplanification/simulation financière 72 , fort utiles pourl’élaboration des CDMT. En général, ces modèlespermettent de lier les résultats intermédiaires auxintrants via des coûts unitaires. En général, cesmodèles ne décrivent pas les résultats finaux, ce quisupposerait une modélisation des comportements.Confection des CDMT sectorielsSi la contrainte budgétaire n’est pas précisée, ounon respectée au niveau sectoriel, ou que lescapacités ne permettent pas la définition depriorités, l’élaboration de CDMT sectoriels est unprocessus partant du bas et dressant une liste nonhiérarchisée de l’ensemble des besoins. Il n’est pasrare que les demandes de crédits d’un ministère72 Pour un exemple sur l’éducation, voir le modèledéveloppé par le Pôle de Dakar www.poledakar.net. Voiraussi ONU/Projet du Millénaire, 2005b et le sitehttp://www.unmillenniumproject.org/policy/needs03.htméquivalent à l’ensemble du budget national au débutdu processus. Le CDMT sectoriel est alorsinutilisable.Mieux vaut dans de tels cas que les allocationsutilisent des techniques incrémentalistes quidistingueront, selon les ressources disponibles,entre politiques en cours et mesures nouvelles. Parailleurs, des techniques simples permettent à unsecteur de coupler une prévision budgétaire à desobjectifs chiffrés globaux (résultats intermédiaires)en utilisant certains coûts unitaires et des dotationsglobales par classification économique. Leprocessus CDMT est ainsi rendu opérationnel, maisil convient que l’étude de coûts, la rationalisationdes objectifs et la progression vers une approchesectorielle globale soient poursuivis. La prioritén’est pas tant d’arriver à une gestion par objectifsou par programme que d’instaurer un certain degréde prise en compte des performances sectorielles.Parallèlement, les pré-requis nécessaires à uneapproche orientée par les résultats sont à mettre enplace au niveau de la gestion sectorielle,contribuant, sur le moyen terme, à la généralisationde l’approche au niveau du budget.Gestion des finances publiquesDualité et universalité budgétairesDans les pays à faible revenu, les procéduresbudgétaires ne permettent pas de saisir la totalité dela dépense publique dans un cadre unifié. Lesdémembrements de l’État (établissements publics,caisses de sécurité sociale, administrationsterritoriales, etc.) empêchent de programmer et desuivre correctement ces activités. De plus,l’importance du financement extérieur fragmente ladépense publique et conduit à la dualité budgétaire -budget de fonctionnement et budgetd’investissement - souvent gérés par deuxministères. Ce processus de préparation, de suivi etd’exécution budgétaire dual est marqué par desdifficultés qui peuvent à la limite le vider de sonsens.En effet, ni la contrainte macro-économique ni lesapproches sectorielles ne peuvent être prises encompte de manière satisfaisante. Ce problème estrenforcé par la forte volatilité des budgets dedéveloppement fréquemment financés en grandepartie sur ressources extérieures et par l’absenced’engagements crédibles pluriannuels despartenaires extérieurs. Par contre, uneprogrammation pluriannuelle permettrait de prendreen compte les implications des décisions passées etpermettrait aux ministères sectoriels de mieuxpréparer leurs demandes budgétaires et de fixer despriorités.STATECO N°100, 2006


118Une autre conséquence de la dualité budgétaire estla faible sincérité du budget : comme le budgetd’investissement ne correspond pas à la définitionéconomique de formation brute de capital fixe, desdépenses de fonctionnement, notamment depersonnel contractuel, peuvent y être imputées. Al’inverse, des dépenses d’investissement peuventêtre incluses dans le budget de fonctionnement. Lesuivi des budgets d’investissement selon lesclassifications économiques utilisées pour le budgetde fonctionnement est souvent impossible.Classifications budgétairesLa classification administrative ne permet pas deprendre en compte une approche stratégique, car lesactions concourrant à un même objectif ne peuventêtre identifiées. Nombre de politiques sectoriellessont en réalité partagées entre plusieursdépartements (en Mauritanie, par exemple, laformation professionnelle ne fait pas partie descompétences du ministère de l’éducation, la santéde la reproduction est prise en charge par desstructures en charge de la promotion féminine, etc.)La classification par programmes vise à lier lesallocations aux politiques mais est complexe àmettre en œuvre. Elle n’est opérationnelle pour labudgétisation que lorsqu’elle reflète un alignementétroit entre l’organisation administrative et lesobjectifs des politiques. C’est pourquoi au BurkinaFaso, des budgets programmes sont élaborés maisne sont pas utilisés dans la loi de finances qui seréfère à la classification administrative(Mesplé-Somps et Raffinot, 2003).Les classifications fonctionnelles présentent lesallocations par fonctions indépendamment de lastructure organisationnelle du gouvernement 73 ,contrairement aux classifications par programmes.Disponibles dans de nombreux pays DSRP 74 ellessont peu coûteuses pour les systèmes de gestionbudgétaire et fournissent des critères utiles pour lesarbitrages intersectoriels et le suivi d’exécution.Exécution et suivi budgétaireIl est irréaliste de penser qu’un CDMT pourra êtreopérationnel et soutenable dans un contexte marquépar une absence, un retard très important ou unmanque de fiabilité des données sur l’exécutionbudgétaire. Outre le manque d’incitation àaméliorer la formulation du budget en cas de doutesur la réalisation effective du budget, un CDMT73Classification par Fonctions des Opérations duGouvernement, COFOG, décrite dans le Manuel deStatistiques des Finances publiques du FMI.74C’est l’un des indicateurs du renforcement descapacités de suivi des dépenses dans le cadre del’initiative PPTE (IDA et FMI 2005). En 2004, 31 % despays PPTE en disposaient, contre 14 % en 2002.réaliste doit prendre en compte des informationsfiables sur l’exécution du budget des annéesprécédentes.Au niveau des ministères sectoriels comme desministères centraux, des études doivent d’abordexaminer de près les goulots d’étranglement querencontrent les activités de planification du fait dusystème d’exécution budgétaire, ainsi que les liensentre Directions des Affaires Administratives etFinancières et Directions des Études et de laPlanification 75 .Les réformes budgétaires doivent ensuite traiter lesniveaux de la formulation, de l’exécution et ducontrôle de manière simultanée. Ce mouvement estamorcé et les progrès sont tangibles (IDA et FMI2005). Alors, le passage de l’aide projet aux appuisbudgétaires devient possible, rentabilisant lesefforts faits pour mettre en place le CDMT commeinstrument de renforcement de la formulationbudgétaire et de l’efficacité de la gestion publique,même si l’aide budgétaire ne règle pas la questionde la volatilité de l’aide.De la contrainte globale aux arbitragesLes CDMT ouvrent des possibilités de dialoguestratégique et permettent la présentation de budgetssectoriels consolidés. Ils offrent ainsi un lien entrele budget et les documents stratégiques dugouvernement, facilitant la mise en évidence desprincipaux déséquilibres pour d’éventuelles réallocations: entre les secteurs (en fonction despriorités et des capacités d’absorption respectives) ;dans la composition de la dépense par nature(évolution des salaires réels, rapport entreinvestissement et fonctionnement) ; pour prendre encompte des charges récurrentes des projetsd’investissement.L’expérience mauritanienne montre que la prise encompte des demandes des ministères dépensierslorsqu’elles sont appuyées par un CDMT sectorielréaliste, joue un rôle clé pour susciter l’intérêtnécessaire à l’approfondissement du processus.Ceci sera encore plus important si les partenairesextérieurs mettent effectivement en œuvre leurengagement à développer l’aide budgétaire. Laqualité des programmes présentés par les ministèrestechniques devrait jouer un rôle accru pourl’attribution des ressources.De manière à préparer les arbitrages, le processusCDMT repose sur deux choix importants : lepremier concerne la ou les classificationsbudgétaires utilisées dans la présentation du CDMT75 Par exemple, la proportion des dépenses non affectéespeut être forte dans des systèmes budgétaires faibles, demanière à assurer une flexibilité dans l’exécution.STATECO N°100, 2006


119global ; la seconde est le choix des ministères ousecteurs (entendus en l’occurrence commeensemble d’activités concourant à un objectifdonné) qui prépareront des CDMT dits sectoriels.Format du CDMT globalLe CDMT global doit présenter un passage à laclassification utilisée dans la documentationbudgétaire. S’il existe une procédure de budgetsprogrammes, ceux-ci déterminent la structure desarbitrages, qui doit refléter les objectifs effectifs dugouvernement. Le programme constitue en effetune unité gestionnaire dont la mise en œuvre peutporter sur les activités de plusieurs départements.Dans les autres cas, les politiques sectoriellesrecoupent simultanément le champ de certainsdépartements ministériels, des programmestransversaux, ou encore des parts mal délimitéesdes activités d’autres départements. Dans de telscas, les CDMT font face à une difficultéinstitutionnelle majeure : faut-il retenir unestructure sectorielle pour les arbitrages du CDMT,quitte à rendre périlleuse la possibilité de passageau budget, ou faut-il laisser de côté lespréoccupations stratégiques et privilégier lacohérence institutionnelle ? Pour des raisons decapacités, l’expérience suggère de retenir uneapproche par départements couplée avec la mise enplace d’une classification fonctionnelle.Le développement des activités de planificationsectorielle, souvent lié à la mise en placed’approches programme, peut pourtant ne pastoujours coïncider avec les unités de gestionbudgétaires. Dans ce cas, la correspondance entrearbitrages intersectoriels et structures deplanification sectorielle est imparfaite et l’exerciceCDMT risque de ne pas être opérationnel. Leprocessus CDMT et le budget se trouventdoublement déconnectés : le CDMT global avec lesCDMT sectoriels ; partant, le CDMT avec lebudget. Ceci plaide fortement en faveur d’enencouragement à la convergence entre structuresadministratives et activités sectorielles. Cecisouligne aussi la complexité de la prise en compted’un DSRP dans le budget. La première desrecommandations est de s’assurer que les objectifset l’organisation du DSRP ou des programmestransversaux soient compatibles avec la définitiondes unités budgétaires.Couverture du processus CDMTL’autre question est celle de la couverture : leprocessus CDMT doit-il concerner l’ensemble dugouvernement ? L’effort de planification estimportant en premier lieu pour les activités dedéveloppement (secteurs économiques et sociaux),représentant en général une part dominante dubudget. Aussi, de nombreux pays ont instauré leCDMT pour des secteurs « prioritaires »uniquement. Ceci entraîne la coexistence deprocédures de préparation budgétaire multiples qui,au demeurant, ne sont pas incompatibles si lesCDMT sectoriels servent d’instruments deplanification sectorielle et si le processus restecentré sur le CDMT global.Introduire un CDMT dans un contextede faibles capacités ?A la lumière des exigences du processus CDMT enmatière de coordination d’ensemble, il apparaît quele développement de l’instrument doit se résumerdans un premier temps à des processus et desinformations simples (Oxford Policy Management,2005). Il peut ainsi être un instrument au service durenforcement des capacités des administrations.Cependant, il n’est pas possible de préconiser uneapproche technique standard, car les modes degestion des finances publiques, les définitions despolitiques sectorielles ou l’organisationadministrative influencent les modalités et lesrésultats du processus CDMT.Une approche partant du CDMT et prenant encompte les exercices de planification, y compris leDSRP, pour identifier les programmes de dépensesdoit permettre au ministère central de développerses procédures visant à améliorer tant l’efficacitéque la discipline budgétaire. Les CDMT sectorielspeuvent alors constituer une base pour ledéveloppement cohérent des capacités de gestionsectorielle et des outils de négociation avec lesministères centraux. Sur cette base, l’élaborationd’une feuille de route à moyen terme pour la miseen place d’un système global, prenant en compte lesoutils au niveau sectoriel et central et pouvant allerjusqu’au budget programme, constitue uneapproche pertinente en termes d’économie politiquepour l’introduction des CDMT 76 .Des CDMT pour améliorer lagestion publique dans un contexted’accroissement de l’aide audéveloppement ?L’introduction des processus CDMT dans les paysen développement répond à deux impératifs : (i)s’intégrer à un programme de réformes budgétaireset (ii) renforcer les capacités de formulation despolitiques dans le cadre d’un programme dedéveloppement. C’est notamment le cas lorsquequ’il s’agit de traduire les Cadres stratégiques de76 Voir Diamond, 2003b ou Roberts, 2003 pour un aperçude l’économie politique des réformes visant à la mise enplace de systèmes de gestion par les résultatsSTATECO N°100, 2006


120lutte contre la pauvreté dans les budgets, oud’évaluer les besoins pour l’atteinte des OMD.Ainsi en 2005, sur 49 pays ayant préparé un DSRP,28 avaient développé un cadre des dépenses àmoyen terme. Parallèlement, parmi les paysbénéficiant de l’initiative PPTE, désormais plusd’un quart disposent en 2004 de projections àmoyen terme, contre moins d’un sur cinq en 2002(IDA et IMF, 2005) 77 . Dans d’autres pays, lesexercices d’évaluation des coûts des OMDconstituent un point d’entrée supplémentaire pourl’introduction des CDMT. Enfin, de nombreuxCDMT sectoriels ont été réalisés dans le cadre deprogrammes sectoriels appuyés par des aidesbudgétaires.Le rôle des CDMT dans les Cadresstratégiques de lutte contre la pauvretéCDMT et DSRP : approche conceptuelle etbesoin de renforcement des capacitésLa mise en place des documents stratégiques deréduction de la pauvreté (DSRP) dans les pays s’estaccompagnée de la promotion d’une approche delong terme, d’une orientation par les résultats etd’une promotion de l’appropriation nationale. Pourla mise en œuvre de ces trois principes, le CDMTapparaît comme un catalyseur privilégié,permettant :• de prendre en compte de manièreprogressive une dynamique itérative dela définition des politiques fondée surl’évaluation et les résultats ;• d’articuler des objectifs de longterme et une gestion de moyen terme ;• de traduire les orientations duDSRP dans les politiques nationaleseffectives (en termes de priorités) via lebudget.Dès le début de la mise en œuvre des DSRP, des« maillons manquants » ont été identifiés :- absence d’indicateurs intermédiaires dans lessystèmes de suivi, seuls les intrants et lesindicateurs d’impact étant généralementsuivis ;- absence de lien entre les diagnostics et lesactions programmées ;- manque de définition de priorités ;- absence de lien entre les actions programméeset le budget, qui semble la plus grave.77 . Il est à noter que pour le système de notation desfinances publiques dans l’initiative PPTE, la noteconcerne l’existence de projections à moyen terme et nond’un CDMT.La promotion des CDMT répond à certaines de cesinsuffisances, en particulier au niveau de latraduction des DSRP dans le budget national. Enoutre, l’un des gages de la pérennité de l’approcheDSRP est l’inclusion du renforcement des capacitésau sein des stratégies dans une perspectived’amélioration itérative du dispositif. Ceci confèreaux CDMT une place importante dans la mise enœuvre des DSRP.CDMT et DSRP : ambition démesurée oucatalyseur de changements ?La dernière revue des DSRP, tirant les leçons desexpériences de mise en œuvre, met largement envaleur les constats que nous avons présentés. Lamise en place de CDMT, a fortiori de systèmes degestion par les performances, est reconnue commeétant un objectif très ambitieux et dont les bénéficesattendus – la prise en compte des priorités etl’orientation par les résultats – restent conditionnéspar les capacités de gestion budgétaire « de base ».Les CDMT doivent donc être intégrés dans un planglobal de réforme de la gestion publique, danslequel volonté politique et séquençage adéquat desréformes sont des facteurs déterminants de succès(ODI, 2004) 78 .Ainsi formulé, le constat apparaît contradictoire :d’un côté, l’insuffisance de capacités dans les paysmenace grandement l’approche proposée ; del’autre côté, les DSRP « de seconde génération »mettent en avant l’idée que l’approche DSRPpourrait avoir le potentiel de remodeler à termel’ensemble des activités gouvernementales (ODI,2004) par le déploiement itératif du dispositif.Alors, CDMT et gestion par les résultats dans lecadre des DSRP, folie des grandeurs ? (Maxwell,2005 ; OPM, 2000).L’« orientation document »Contrairement aux recommandations de la revue de2005, les CDMT sont réalisés dans de nombreuxpays de manière parallèle aux mécanismes dedécision nationaux. Si le lancement d’un CDMT estentrepris en dehors des fonctionnementsinstitutionnels, il risque d’être considéré pluscomme un document ponctuel que comme unprocessus. Les attentes à l’égard des CDMT dans lecadre des DSRP sont doubles et contradictoires : (i)aider à constituer un cadre de décision orienté versla réduction de la pauvreté ; (ii) mettre en forme unprogramme de dépenses de lutte contre la pauvreté,nécessaire aux bailleurs pour établir des plans de78 La littérature sur les CDMT reconnaît généralement lacritique d’Allen Schick « Get the basics right » (Schick1998), qui affirme que les fondamentaux budgétairesdoivent être en place avant de pouvoir améliorer lessystèmes dans le sens d’une orientation sur les résultats,conformément aux théories actuelles.STATECO N°100, 2006


121financement et des engagements. Ces bailleursposent parfois comme condition la réalisation deCDMT (généralement sectoriels) et/ou financentdes consultants pour leur réalisation, ce qui nefavorise pas le renforcement des capacités. L’idéede « traduction budgétaire du DSRP » (ou destratégies sectorielles) peut alors se révélerinsidieuse et faire courir le risque d’effectuer desévaluations par les besoins sans priorités ni réelletraduction en termes budgétaires. D’où la difficileintégration des DSRP et CDMT aux procéduresbudgétaires.Les conditions d’une convergence entre budget,DSRP et CDMTLes facteurs suivants doivent en revanche pouvoiraméliorer l’intégration entre CDMT et DSRP ausein des mécanismes de décision :• combiner les calendriers du DSRP,du budget et des CDMT,conformément au cycle que nous avonsprécédemment décrit, les bilans demise en œuvre des SRP s’effectuantlors du premier semestre et laformulation des stratégies devant êtrefinalisée avant le processus budgétaire ;• éviter que les ancragesinstitutionnels des DSRP et des CDMTsoient entièrement disjoints (mais ilserait souvent irréaliste qu’ils soientcommuns) ; l’ancrage des travaux duDSRP dans des structures de décisionconfortant l’organisation administrativerégulière en est le meilleur gage ;• développer les systèmes de suiviévaluation dans le cadre du DSRP etdes politiques sectorielles pourréorienter les politiques ;• intégrer le renforcement descapacités institutionnelles et de lagouvernance, y compris dans ledomaine des finances publiques, dansle DSRP ;• prendre en compte les succès etéchecs en matière de renforcement descapacités, par un alignement sur unprogramme de réformes national, demoyen terme et transversal (plusieurspays ont mis en place des appuisbudgétaires au renforcement descapacités de gestion des financespubliques ou, à défaut, des groupesmulti-bailleurs) 79 .Le besoin de programmes pluriannuels dedépenses de lutte contre la pauvretéDans le cadre des engagements mutuels pris dans laDéclaration de Paris, l’augmentation en volume del’aide au développement dans les années futuressera conditionnée par la disponibilité de politiquescrédibles de lutte contre la pauvreté et de leurtraduction financière (voir encadré 3). Or desprocessus CDMT nationaux non opérationnels sontun obstacle à l’absorption des apports extérieurs.De plus, l’approche DSRP, n’a pas réussi àengendrer rapidement des stratégies volontaristespour atteindre les OMD.Approche des CDMT dans le projet duMillénaireProgrammation ascendante versus program–mation descendanteL’optique du Projet du Millénaire semble opposée àla logique présentée jusqu’ici, qui repose sur laprise en compte de la contrainte financière et vise àmaximiser les performances en réduisant lescoûts 80 . Au contraire, à la base de l’atteinte desOMD se trouve la volonté de faire reposer lesactions publiques sur l’évaluation des besoins, doncsur un mécanisme de programmation de bas en hautet non de haut en bas (ONU/Projet du Millénaire,2005) :« Aujourd’hui, les stratégies de réduction de lapauvreté partent de l’hypothèse del’insuffisance des ressources et demandent« quel progrès peut être fait en prenant encompte le plafond de dépenses ?». Sanssurprise, la réponse est «pas assez pouratteindre les OMD » » ;Évaluation des besoins et établissement deCDMTL’évaluation des besoins donne lieu à la définitionde stratégies 81 qui se traduisent elles-mêmes par desplans de financement établis sur la base d’une aideau développement additionnelle dans la lignée des79 Voir OCDE, 2005b et dans le domaine des financespubliques, PEFA, 2003. Les instruments de diagnosticdans le domaine des finances publiques constituentdésormais une base opérationnelle pour le renforcementcoordonné par les partenaires des systèmes de gestionpublique.80 Par exemple, la Banque mondiale a longtemps insistépour réduire les coûts unitaires de l’éducation, en faisantembaucher des contractuels faiblement rémunérés et peuqualifiés – sans vraiment tenir compte des conséquencesen termes de performances.81 Le projet du millénaire propose des séries de mesuresidentifiées dans les analyses conduites par l’équipe deJ. Sachs. Les évaluations des besoins s’y rapportent.STATECO N°100, 2006


122engagements internationaux. Les mesures à mettreen œuvre sont identifiées sur la base des outilsdéveloppés par le projet du Millénaire. Ayantproposé un certain nombre d’instruments à ceteffet 28 , des études standard d’estimation des coûtsdes OMD à 5 et 10 ans sont conduites dans lespays. Le résultat peut être incorporé dans un CDMTorienté par les OMD, qui établit les liens avec lesstratégies sectorielles, le budget, le DSRP, etc. Lesévaluations des besoins s’accompagnent deprogrammes visant le renforcement des capacitésd’absorption et d’études permettant, au niveaumacro-économique, d’assurer l’absorption d’unniveau d’aide supplémentaire en évitant enparticulier les problèmes de « syndromehollandais ».Encadré 3CDMT et Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aideLes cadres de dépenses à moyen terme bénéficient d’une attention toute particulière dans lecadre de la Déclaration de Paris adoptée en 2005 (OCDE, 2005b). Les bénéfices attendussont les suivants :- Améliorer l’efficacité de l’aide par le renforcement des capacités de gestion budgétaire etdes politiques ;- Améliorer le potentiel d’alignement de l’aide sur des stratégies nationales unifiées et ledéboursement de l’aide sous forme budgétaire ;- Constituer le support d’un renforcement des capacités pour mettre en place des stratégiesnationales axées sur les résultats ;- Replacer les engagements pluriannuels d’APD dans une budgétisation à moyen terme.C’est pourquoi l’existence d’un CDMT est l’indicateur n°1 d’appropriation des stratégiesnationales de développement. La Déclaration de Paris précise qu’en 2010, 75 % des payspartenaires devraient avoir des « priorités stratégiques claires se rattachant à un CDMT etcomptabilisées dans les budgets annuels. »Défis de la gestion des financespubliques dans un contexte d’accrois–sement de l’aideArticulation entre approches DSRP et du Projetdu MillénaireL’approche « classique » et l’approche par lesOMD sont complémentaires. La première estcentrée sur une logique de développementinstitutionnel en faveur de l’amélioration del’efficacité de l’action publique dirigée vers la luttecontre la pauvreté. La seconde sur l’utilisationd’instruments permettant d’accélérer la définitionde politiques de développement volontaristes,hiérarchisées dans une logique orientée sur lesrésultats. Ces derniers visent ainsi à alléger lescontraintes d’absorption des pays par des mesurespalliant à court terme l’insuffisance des capacitésadministratives. A moyen terme le développementdes capacités d’absorption demande en revanchedes procédures budgétaires nationales plus efficaceset la mise en place d’instruments de gestion par lesrésultats, travail que les CDMT et l’approche DSRPactuelle facilitent. Des recherches sont en courspour adapter les méthodes de gestion budgétaires etles stratégies macro-économiques à l’absorptiond’un volume d’aide accru 29 .28 Modèles de simulation financière sectoriels, pour partieélaborés par les agences spécialisées des Nations-Unies,pour partie construits pour les besoins de l’exercice.29Voir notamment Heller (2005) « Pity the FinanceMinister » et la réponse de Roberts (2005) pour un pointsur les réflexions menées au plan macro-économique etdes finances publiquesDéveloppement des CDMT au service d’unaccroissement de l’aideGlobalement, les recommandations formulées dansla section précédente sur la mise en œuvre desCDMT semblent en accord avec cette approche.Ainsi, le renforcement des processus CDMT doit :- aider à assurer l’insertion du budget dans unestratégie macro-économique qui prenne encompte les scénarii possibles, et notamment lespossibles accroissements de l’aide ;- aider à présenter une vision unifiée de laprogrammation des politiques publiques et desdiverses sources de financement, conformémentaux procédures nationales ;- assurer une complémentarité avec lesprogrammes de réforme des finances publiquesconduits aux plans de l’exécution et du contrôleen vue d’une stratégie cohérente d’améliorationde l’efficacité et de la transparence ;- appuyer le développement des stratégiessectorielles, en : (i) facilitant l’accès auxfinancements ; (ii) mettant en œuvre lestechniques d’évaluation des besoins et deprojection des coûts à l’aide de méthodessimples ; (iii) proposant des possibilités descénarii différents fondés sur les prioritésdéfinies au niveau national ; (iv) renforçantSTATECO N°100, 2006


123progressivement les mécanismes de gestionsectorielle dans le sens des techniques degestion par les résultats.Vers une nouvelle gestion des financespubliques ?Un accroissement de l’aide au développementpourrait avoir des conséquences majeures sur lessystèmes de gestion des finances publiques despays en développement. Il faut identifier lessolutions qui permettront de répondre auxdifficultés de gestion dans des contextes decapacités d’absorption limitées, notamment euégard à la volatilité des agrégats de financespubliques, les mécanismes permettant d’assurer uneminimisation du risque, l’assurance d’une efficacitéde la dépense, notamment au plan de la croissance,etc. Mais plus profondément, une reconfigurationdes services publics serait nécessaire pour accélérerla mise en place de systèmes de gestion par lesrésultats. Néanmoins, il faut souligner qu’unCDMT très détaillé (comme l’étaient les anciensplans soviétiques, qui multipliaient les indicateurs)irait à l’encontre des réformes budgétaires, quireposent généralement sur l’idée que lesgestionnaires de crédits ont besoin d’une plusgrande souplesse en termes de moyens, leurévaluation portant sur les résultats.Conclusion : un exercice op–portun ?Le CDMT est potentiellement un instrumentextrêmement utile pour combler le vide qui existesouvent entre les politiques de développement etleur traduction budgétaire. Il permet de renforcer laformulation des stratégies sectorielles en les rendantplus réalistes, plus cohérentes avec les objectifspoursuivis. Ce dernier point est particulièrementimportant dans le contexte actuel d’accroissementet d’harmonisation de l’aide, et de passageprogressif à l’aide budgétaire.L’approche par les Objectifs du Millénaire pour leDéveloppement n’est pas contradictoire avecl’élaboration des CDMT, car ceux-ci sontprécisément des instruments pour gérer la tensionentre les objectifs et la contrainte budgétaire.imposée de l’extérieur et si elle fait appel d’embléeà des instruments sophistiqués. Il faut de plusveiller à ce que les « fondamentaux » (suivi correctdes dépenses publiques, vision globale desressources et des dépenses publiques) soient enplace – ou du moins à ce que le CDMT soit conçucomme un vecteur de changement.C’est pourquoi il faut souligner que le CDMT estun processus qui peut et doit être mis en oeuvre demanière graduelle en fonction des capacités. Leplus important est le développement du processussur la base d'outils initialement aussi simples quepossible. Ainsi conçu, le CDMT peut contribuer demanière efficace à plusieurs processus qui doiventconverger : la réforme des finances publiques (priseen compte du cadre macro-économique, réformedes nomenclatures budgétaires), le renforcementdes capacités d’arbitrages budgétaires fondés sur lesperformances, le suivi des résultats des différentespolitiques et la rétro-action du suivi sur la définitiondes politiques.Les CDMT peuvent et doivent enfin avoir un rôleimportant au niveau sectoriel. Ils peuvent conduireà développer les instruments de gestion sectoriels(évaluation des coûts, budgets programmes,système de suivi et évaluation). Surtout, les CDMTsectoriels peuvent être conçus comme desinstruments de plaidoyer au niveau des arbitragesbudgétaires, au sens où ils permettent de justifiersur le plan technique les demandes d’accroissementdes dotations. Ils peuvent ainsi intégrer les outilsproposés dans le cadre du projet du millénaire etêtre les vecteurs d’un accroissement de l’aide. Ceciconstitue une bonne base pour la mise en place desystèmes de gestion orientés par les résultats dansune perspective de moyen terme.Comme toute réforme d’envergure, les CDMTdoivent être accompagnés d’un renforcement descapacités nationales, à la fois en termes deressources humaines et d’instruments. Enparticulier, les cellules de programmation, de suiviet de formulation doivent recevoir dans ce cadreune attention renforcée.Néanmoins, la mise en place d’un CDMT peut êtredangereuse si elle résulte d’une conditionnalitéRéférences bibliographiquesBanque mondiale (1998), Manuel de gestion des dépenses publiques, Washington D.C.STATECO N°100, 2006


122Banque mondiale (2005), Capacity Building in Africa, An OED Evaluation of World BankSupport, Washington D.CBanque mondiale et FMI (2005), 2005 Review of the Poverty Reduction Strategy Approach:Balancing Accountabilities and Scaling Up Results, Washington D.C.Carlier K. (2003), Country Case Study 1: Assessment of Benin’s MTEF, Study commissionedby the Africa Policy Department of DFID in collaboration with the European CommissionDG Development, Overseas Development Institute, London, UK.Diamond J. (2003), « From program to performance budgeting, the challenge for emergingmarket economies », IMF WP/03/169, Washington June.Diamond J. (2003), « Towards Performance budgeting: managing the reform process », IMFWP/03/33, Washington, February.Fozzard A., Holmes M., Klugman J. et Withers K. (2002), Dépenses Publiques, Livre deRéférences des DSRP, Chap 6, Banque Mondiale, Washington DC.Fonds Monétaire International (2004), Revue des DSRP de 2004, Bureau indépendantd’évaluation du FMI, Washington D.C.Heller P. (2005), « Pity the Finance Minister, Managing a Substantial Scaling-Up of AidFlows », FMI, présentation powerpoint en séminaire, 16 juin 2005, Londres,http://www.odi.org.uk/PPPG/cape/events.html.Holmes M. et Evans A. (2003), A Review of Experience in Implementing Medium TermExpenditure Frameworks in a PRSP Context: A Synthesis of Eight Country Studies Studycommissioned by the Africa Policy Department of DFID in collaboration with the EuropeanCommission DG Development, Overseas Development Institute, London, UK.IDA et IMF (2005), « Update on the Assessments and Implementation of Action Plans toStrengthen Capacity of HIPCs to Track Poverty-Reducing Public Spending », WashingtonDC.Le Houerou P. et Taliercio R. (2002), « Medium Term expenditure Frameworks: fromconcept to practice in Africa », World Bank.Maxwell S., (2003), « Heaven or Hubris: Reflections on the New 'New Poverty Agenda' ».Development Policy Review, Vol. 21, pp. 5-25.Meier R. et Raffinot M. (2005), « S’approprier les politiques de développement : nouvellemode ou vieille rengaine ? Une analyse à partir des expériences du Burkina Faso et duRwanda, Revue Tiers Monde, n°183, juillet 2005, tome XLVI, p. 625-650.Mesple-Somps S. et Raffinot M. (2003), « Réforme budgétaire et gestion par les objectifsdans les pays à faible revenu », Document de travail DIAL, 2003/13. Disponible surwww.dial.prd.fr.OCDE (2001), Managing Public Expenditure, A reference Book for transition Economies,Paris.


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124Lecture des Comptes EconomiquesRapides pour l’Outre-Mer du pointde vue de la statistique africaineThierry Cornaille,Daniel Huart,Claude Joeger,Blaise Leenhardtet Jean-David Naudet 79L’opération CEROM est une vaste opération inter administrative dans le domaine de lastatistique et de la macroéconomie menée dans les DOM et les TOM français et inspiréede l’expérience africaine. Cet article évalue les premiers enseignements en retour quepeut en espérer la statistique africaine en matière de comptes rapides. L’exemple deCEROM peut être utile aux pays africains « à jour » en matière de comptes nationauxdéfinitifs mais souhaitant fournir au public pour les années plus récentes des comptesprovisoires calés sur ces comptes définitifs. L’opération montre également qu’avec unmodèle de cheminement de type TABLO on peut projeter une série longue de comptes.Ce type de projection peut être utile dans les pays très en retard en matière de comptespour rattraper le retard d’un coup et repartir dans un processus régulier en « sautant »éventuellement une ou plusieurs années de comptes définitifs. Enfin, un des aspectsremarquables de l’opération CEROM, sa capacité à diffuser de l’analysemacroéconomique à travers l’utilisation des comptes, mérite d’être méditée et imitée.79 Thierry Cornaillle est actuellement Directeur Général de la Société Immobilière de Nouvelle-Calédonie ; ancien Directeurde l'Institut d'Emission d'Outre-Mer, il est co-fondateur de CEROM. Daniel Huart est Directeur Interrégional INSEE AntillesGuyane et co-fondateur de CEROM. Claude Joeger est économiste et responsable des études CEROM à la directioninterrégionale de l'INSEE Antilles Guyane. Blaise Leenhardt est économiste à DIAL et était responsable des études à l’AFDau moment du lancement de l’opération CEROM. David Naudet est chef de la division de l’évaluation et de la capitalisationà l’AFD et co-fondateur de CEROM.


125L’origine africaine de l’OpérationCEROM : l’outil quasi comptableTABLOIl convient tout d’abord de rappeler que l’OpérationCEROM (Comptes Economiques Rapides pourl’Outre-Mer) tire au départ son origine dansl’expérience africaine de la modélisation acquisepar le service des études de l’AFD avec le modèleTABLO et l’établissement de cheminements quasicomptables pour les économies francophonesd’Afrique. Si de nombreux modèlesmacroéconomiques relatifs aux économiesafricaines ont tourné tant en terre africaine, quedans les organismes bi et multilatéraux ou dans lesuniversités, on fait référence ici à une familleparticulière de modèles, les modèles quasicomptables de type Keynes-Léontief (voir dans cenuméro 100 l’article de MM Raffinot et Meier lesconcernant) caractérisés par une particulièrelongévité dans certains services de prévisionafricains, et dont un avatar a été formalisé fin desannées 1980 au service des études de l’AFD (alorsCCCE), sous le nom de modèles « TABLO 80 ».Le succès le plus emblématique de ce modèle estprobablement à trouver à la Direction de laPrévision de Côte d’Ivoire où, mis en place par laSEDES à la mi 70 (en FORTRAN sur grosordinateur), il a ensuite été utilisé (avec uneassistance technique) jusqu’à la fin des années1980, puis son usage s’est « ivoirisé » et s’estpoursuivi dans les années 1990 (y compris après ladévaluation). Ce modèle a fait l’objet de plusieurs« reprogrammations informatiques » avec la montéeen puissance des micro-ordinateurs et leschangements de modes en matière de logiciels oude tableurs (Framework, Lotus, Excel 81 ). Le cas duBurkina avec le modèle IAP élaboré avec l’aide dela GTZ doit également être cité comme exemple delongévité et d’appropriation.A l’AFD, la volonté initiale était d’en doter toutesles agences des pays de la zone franc (son usageétant, pensait-on, l’affaire d’un VSN statisticienéconomiste ou d’un chargé de mission qui yconsacrerait une partie de son temps). Il s’est viteavéré que les Agences ne pouvaient y accorderl’attention nécessaire. La lourdeur« multisectorielle » du modèle fut mise en cause etune nouvelle génération de modèles, ou plutôt de80Par référence aux initiales de ses auteurs ouinspirateurs, D Tommasi, JJ Aerts, B Leenhardt, GOlive. Voir Statéco n°58-59 de septembre 89 ouStatéco 79-80 de décembre 1994.81 Le modèle à double gap RMSM de la banque mondiale,également d’une longévité remarquable, a lui aussi étéprogrammé sur gros ordinateur avant de continuer unebrillante carrière sur micro-ordinateur.maquettes, fut créée avec les modèles PRESTO 82 .Ils n’eurent en fait pas plus de succès dans leurdéploiement en Agence, mais servirent à mettre aupoint la maquette JUMBO, qui en est l’agrégationsimple, et qui elle, utilisée de façon centrale par deséconomistes modélisateurs, a trouvé son public enpermettant, depuis près de 10 ans, d’établir desprojections semestrielles à l’occasion des réunionsdes ministres de la zone franc.Forte des expériences TABLO et JUMBO l’équipedes modélisateurs de l’AFD était armée pouraffronter certains des problèmes statistiques desDOM/TOM, en joignant ses forces avec lescomptables de l’INSEE (ou des InstitutsTerritoriaux) et les banquiers centraux de l’IEDOMet de l’IEOM.Un des maillons faibles desstatistiques des DOM/TOMLes producteurs majeurs d’information statistiquedans l’outre mer républicain sont dans les DOM,l’INSEE (statistiques économiques et comptes) etl’IEDOM 83 (statistiques monétaires et enquêtes deconjoncture), dans les TOM les instituts territoriaux(ISPF, ISEE) et la banque centrale, l’IEOM.Dans les DOM et les TOM jusqu’aux années 90, lescomptes régionaux ou nationaux avaient un grandretard et étaient de qualité médiocre. Si le suiviconjoncturel était bien assuré par les institutsd’émission, l’analyse de la situationmacroéconomique était difficile, la conjoncture nepouvant être intégrée à l’évolution plus structurellede ces régions ou territoires. Un grand nombred’idées reçues non démontrées gouvernaientl’analyse économique.Entre 1990 et 2000 un effort considérable étaitfourni par l’INSEE dans les DOM : Tant ladirection interrégionale Antilles-Guyane (laDIRAG) que la direction régionale de la Réunionconnaissaient un important accroissement de leurseffectifs. La première, est en effet passée de 98 à137 agents. Sur la même période, la seconde a vuson effectif augmenter de plus de 50 %, passant de41 agents à 68.82 Voir Statéco 83-84, septembre - décembre 1995, Lemodèle Presto, un nouvel outil de projectionsmacroéconomiques et financières pour la Caissefrançaise de développement, G.Collange et E.Jourcin.83Signification des sigles : Institut National de laStatistique et des Etudes Economiques (INSEE), AgenceFrançaise de Développement (AFD), Institut d'Emissiond'Outre-Mer (IEOM), Institut d'Emission desDépartements d'Outre-Mer (IEDOM), l'Institut deStatistique de Polynésie française (ISPF), Service duPlan et de la Prévision Economique de Polynésiefrançaise, Institut de la Statistique et des EtudesEconomiques de Nouvelle-Calédonie (ISEE).STATECO N°100, 2006


126La « mise à niveau » des statistiques des DOMcommençait, et la convergence avec la statistiquemétropolitaine était progressivement atteinte.Dans le domaine de la macroéconomie et de lacomptabilité nationale, les nouveaux compteséconomiques régionaux suivaient le Système Elargide Comptabilité Nationale (SECN 95) en lieu etplace de la base 70. En 2003 était publié (surCD-ROM) une série homogène decomptes 1993-2000 pour les trois départementsfrançais d’Amérique. La Réunion en faisait demême une année après.Dans les TOM les améliorations n’étaient pas aussinettes, et l’effort de mise à niveau statistique pluslimité. En Polynésie française, une expérienceinnovante de coopération préfigurant en partiel’opération CEROM était cependant tentée au débutdes années 90 par l’AFD et l’ITSTAT (futur ISPF),avec la mise au point d’un modèle TABLO sousExcel simulant le cheminement des comptes. Unservice de la prévision en charge du modèle 6 étaitcréé, stimulant la diffusion de l’informationéconomique.Dans les DOM, le paradoxe de la situation au débutdes années 2000 était que, malgré les effortsimportant faits par l’INSEE, et malgré le fait queles objectifs assignés au départ aient été atteints enmatière de comptes économiques régionaux (enparticulier de disposer en N des comptes définitifsde l’année N-3 7 ), ceux-ci restaient ignorés desagents économiques, des médias et desuniversitaires. Les DOM et leurs spécificités nefaisaient l’objet que de très peu d’analysemacroéconomique de fond, les nouveaux comptesétaient inutilisés.C’est au cours d’un séminaire sur la modélisationorganisé à Pointe à Pitre en 2002 qu’une analysecommune de la situation émergeait entre les diversparticipants qui devaient constituer l’équipe de basede l’opération inter administrative CEROM.Elle était la suivante :• la fourniture « en temps » des comptes régionaux définitifs N-3 est un élément nécessaire mais n’est passuffisant pour satisfaire les besoins en information des agents économiques ;• l’information conjoncturelle donnée par les instituts d’émission, également nécessaire à l’analyse n’estpas non plus suffisante et n’est véritablement utile que recadrée dans l’évolution des structures del’économie révélée par la série des comptes ;• le premier des maillons manquants se situe donc au niveau de comptes provisoires pour N-2, N-1 etprévisionnels pour N, N+1. Des comptes provisoires acceptables pour les années récentes c’est ce quedemandent avec force tous les acteurs économiques, pour qui l’existence de comptes définitifs n’a de sens etd’intérêt que par ce qu’ils permettent des comptes provisoires plus récents et un éclairage de la conjoncture.L’un ne va pas sans l’autre ;• un autre maillon manquant est l’exploitation et l’analyse des séries de comptes et des statistiquessectorielles, analyses que ne peuvent faire les agents économiques eux-mêmes et qui relèvent d’économistesstatisticiens, puis la diffusion de ces analyses à l’ensemble des acteurs ;• enfin, pour mener à bien ces analyses les comptes doivent pouvoir être obtenus « en volume » et nonseulement en valeur. La déflation par le seul indice des prix à la consommation des ménages, jusqu’icipratiquée, pouvant introduire un biais important.De ce constat, et des complémentarités entre INSEE(producteur des comptes définitifs et destatistiques), IEOM/DOM (producteur d’enquêtesde conjonctures et de statistiques monétaires) etAFD (producteur d’analyse économique et demodèles macroéconomiques) devait naîtrel’opération CEROM.Le Projet CEROMLe projet Comptes Economiques Rapides pourl'Outre-Mer (CEROM), né en 2003 et formalisé parun accord-cadre signé en 2004 par ses sept6 Lui-même réécrit en Visual Basic puis facilement « maintenu »dans ce langage par le bureau d’étude DME.partenaires institutionnels 8 , consiste, suivant lessites webs de ses membres « à mettre en place uncadre statistique permettant d'analyser lesévolutions récentes de la situation économique desCollectivités d'Outre-mer (COM) ». Il va plus loinque ce qui découle des analyses présentées auparagraphe précédent, y ajoutant une dynamique detravail inter administrative.7 Le fait que les comptes définitifs N-3 soient disponiblesen N est une spécificité Domienne due à la disponibilitédes données qui n’est pas nécessairement vraie dans lespays africains. La « lettre d’<strong>Afristat</strong> », sous la plume deGabriel Doffou N’Guessan, considère que « deux et mêmetrois années peuvent s’écouler avant que l’ensemble desdonnées ne soit disponibles [pour élaborer des comptesdéfinitifs] ». Dans certains pays africains donc, lesdéfinitifs peuvent concerner STATECO N-2. N°100, 20068 INSEE, AFD, IEOM, IEDOM, ISPE, ISEE, à coté de cespartenaires institutionnels des universitaires (domiens ounon) ont été, il va de soi, associés aux travaux.


127Le projet CEROM vise plus particulièrement :• le renforcement de la qualité du système d'information économique en rapprochant statisticiens etéconomistes,• la réduction des délais de mise à disposition des données utiles aux acteurs économiques,• l'amélioration des méthodes de production,• la promotion de l'analyse économique à travers des travaux inter institutionnels,• la construction d'un réseau d'échanges de bonnes pratiques et de comparaisons de méthodes entre lesparties.Ce projet permet ainsi de contribuer audéveloppement progressif d'une capacité d'analysedes évolutions économiques ultramarines. Ils'articule autour de trois volets :• élaborer des comptes économiques rapides 9 (estimation des comptes N-1 et N-2, en utilisant desmodèles de type TABLO,• décrire l’évolution récente de l’économie par la production d’indicateurs synthétiques de conjoncture(indicateurs avancés, coïncidents, etc..),• produire régulièrement des publications d’ordre macro-économique sur l’économie des départementsd’Outre-mer.L'avancement du volet « comptes rapides » s'estéchelonné dans les différents DOM, et est en coursde finalisation. A la Guadeloupe, départementpilote du projet, où la méthodologie de projectionannuelle des comptes a été tout d’abord testée, lemodèle de projection est calibré, les tests sur lesannées 2001 et 2002 réalisés et les comptes rapidesde l'année 2004 ont été publiés fin 2005, peu aprèsla parution des définitifs 2002. C’est une équipeconstituée de deux personnes, la responsable descomptes et un économiste modélisateur qui ontréalisé la phase finale de production. Ainsi, du pointde vue des comptes du passé, ce département peutmaintenant rentrer dans le cycle de production« objectif » de l’opération avec comptes définitifsN-3 début N, et comptes provisoires ou « rapides »N-2 et N-1 en juillet N.Le tableau ci après présente l’état d’avancement del’opération dans les l’ensemble des DOM et TOMoù l’opération se déroule 10 . Au moment où seterminait la rédaction de cet article, les comptesrapides de la Réunion pour 2005 étaientdisponibles.Tableau 1 :Mise en place de modèles quasi comptables de type TABLO dans le cadre de CEROMTEI Modèle TestProduction decomptes rapidesGuadeloupe Réalisé Réalisé Réalisé RéaliséMartinique Réalisé Réalisé En cours Fin 2006Réunion Réalisé Réalisé En cours Réalisé à mi 2006Guyane Réalisé En cours En 2006N elle Calédonie Réalisé Réalisé En cours Fin 2006Source : Comité d’orientation CEROM, 17/1/069Pour reprendre une formule d’Hubert Gbossa, longtemps responsable de la Comptabilité Nationale à AFRISTAT « tous lescomptes doivent être rapides » ; et le terme adéquat serait ici « comptes provisoires », mais on a tenu, dans l’opérationCEROM, à conserver l’image de comptes « rapides », au sens de rapidement disponibles. Il faut donc parler de comptesrapides quand on parle spécifiquement des travaux CEROM dans les DOM-TOM et de comptes provisoires quand on parlede généralités sur la méthode et du cas africain.10N’y figure pas la Polynésie française qui disposait déjà d’un modèle de prévision/estimation des comptes, comme expliquéplus haut.STATECO N°100, 2006


128Cette phase de production « rapide » de comptespassés étant atteinte en Guadeloupe et à la Réunionet sur le point de se généraliser à l’ensemble desDOM et TOM on peut penser que devrait débuterune deuxième phase, avec la mise en place deprojections des comptes pour les années N et N+1,en utilisant le même modèle ou un modèle dérivéde même type, mais la question reste encoreouverte.L'élaboration d'indicateurs synthétiques deconjoncture, qui a débuté en 2003 en Guadeloupeest toujours en phase d’expérimentation etd'accumulation d'expériences. Les résultats sontjusqu’ici plutôt décevants et il est délicat de trouverdes corrélations stables entre les indicateursconjoncturels et les principales variablesmacroéconomiques. La difficulté semble à la foistechnique et économique : d’une part il fauttrimestrialiser l’information macro économiquepour la mettre en relation avec les donnéesconjoncturelles, ce qui laisse un grand degréd’arbitraire, d’autre part la notion de conjonctureest en soi délicate dans les DOM, certains allantjusqu’à se demander « s’il existe une conjoncturedans les DOM ? » 11 .Enfin, dans le cadre de la promotion de l'analyseéconomique des DOM et TOM, le partenariat adonné lieu à la réalisation d'étudesmacroéconomiques dans presque tous les DOM-TOM, mais aussi à des études thématiques ousectorielles, à la publication de « tableaux debords » trimestriels ou mensuels. La maîtrise et lavigueur de la communication constituent un dessuccès majeurs de l’opération, dans un ensemblerégional pourtant réputé difficile et sur lequel uncertain nombre d’idées reçues ont cours.Tableau 2 :Etudes Macroéconomiques et publications CEROMBilansMacroéconomiquesEtudes Thématiquesou SectoriellesTableaux debordsGuadeloupe Réalisé En cours MensuelsMartinique Réalisé MensuelsRéunion Réalisé Réalisé MensuelsGuyane En cours MensuelsN elle Calédonie Réalisé TrimestrielsPolynésie F.TrimestrielsSource : Comité d’orientation CEROM, 17/1/06, voir également la liste des publications en fin d’article.Synthèse sommaire des premiersrésultats obtenus : de faussesidées, une vraie croissance et devrais problèmesLes Bilans 1993-2001Il ressort des analyses macroéconomiques menéesdans le cadre de CEROM un certain nombre derésultats jusqu’ici méconnus : les taux de croissanceéconomiques apparaissent plus élevés dans lesDOM qu’en métropole, et il en est de même enNouvelle Calédonie. On est devant le paradoxed’une croissance sans compétitivité (avec un tauxd’exportation particulièrement faible, à l’exceptionencore de la Nouvelle Calédonie), avec une forteaugmentation des salaires versés et desinvestissements. Elle s’accompagne d’une11M. A .Vienney, Directeur général de l’IEDOM,intervention au séminaire CEROM de Cayenne,27/10/2005.croissance importante de la productivité (qui peutatteindre le double de la croissance de laproductivité française, c’est le cas de la Réunionpar exemple), et, bien sur, par des transferts netsélevés en provenance de la métropole. Mais si onraisonne en pourcentage du PIB, ces derniers nes’accroissent pas sur la période. Ils soutiennent lacroissance mais ne l’expliquent pas. Alors qu’onavance en général l’idée d’un « syndromehollandais » lié à l’injection d’une renteadministrative à propos des DOM-TOM, leséconomistes de CEROM mettent plutôt en avant leconcept « d’effet de serre » qui protège ceséconomies dynamiques (transferts élevés, marchéintérieur protégé, monnaie forte, fiscalité faible ettertiarisation importante). Si ces bilansmacroéconomiques mettent en avant un doublerattrapage des économies ultramarines françaises(rattrapage du niveau de vie de la métropole,réduction des déséquilibres internes), ils enmontrent également les limites (le PIB par têteréunionnais passant de 57 % du niveau moyenfrançais en 1993 à 65 % en 2001) et ne masquentaucunement les vrais problèmes qui demeurent : leSTATECO N°100, 2006


129chômage massif, les soldes commerciauxdéficitaires, l’hypertrophie du non marchand.Le fait que la croissance du PIB des DOM soitsupérieure à la croissance métropolitaine n’est pasun phénomène nouveau si on observe lesstatistiques longues, et a été perçu depuis longtempspar les observateurs. Mais ce résultat jusqu’ici atoujours été relativisé et associé à l’importance et àla croissance des transferts publics vers les DOM-TOM (par ailleurs délicats à mesurer). Cequ’apporte de nouveau l’analyse CEROM, c’estque cette croissance s’est poursuivie dans ladernière décennie alors que les transferts publics etle poids de l’administration, au lieu de croître enproportion du PIB, stagnaient ou diminuaient(particulièrement à la Réunion – voir graphique 3 -et en Nouvelle Calédonie), et que s’enclenchait unnouveau paradigme plus vertueux.Graphique 1 :Source : David Naudet, lettre des économistes de l’AFD, n°12, mars 2006 et INSEEGraphique 2 :Croissance comparée du PIB DOM etMétropolitainGraphique 3 :Evolution des transferts dans les DOM en % duPIB (approchés par le solde dépenses publiqueslocales moins recettes locales)12%Evolution du PIB dans les DOM et en Métropole(volume au prix de l'année précédente)10%8%6%4%2%0%DOM-2%Métropole-4%1979 1981 1983 1985 1987 1989 1991 1993 1995 1997 1999 2001Source : David Naudet et Réjane Hugounenq-De Vreyer, lettre des économistes de l’AFD, n°12, mars 2006 et INSEE.STATECO N°100, 2006


130La Conjoncture récente : vers unralentissement net de la croissance ?Pour la période plus récente les résultats des étudesCEROM ne sont pas encore tous validés, et c’est làun des buts majeurs de l’opération que de donnerrapidement des résultats concernant les annéesrécentes. Seuls les résultats provisoires de laGuadeloupe ont été publiés, et ils sont décevants.En 2004, la croissance en volume du produitintérieur brut (PIB) régional de la Guadeloupe aralenti par rapport aux années précédentes. En effet,le PIB s’est accru de 0,5 % après 1,8 % en 2003 et1,2 % en 2002. Si la grève longue qu’a connue l’îleest pour partie responsable du ralentissementrécent, il n’en demeure pas moins que trois annéesde suite on est loin des performances de la décenniepassée (3,5%) et bien proche de la croissancemétropolitaine. La situation macroéconomique esten train de changer, et les travaux sur les comptesrapides redoublent d’importance : Le schémavertueux mis à jour par les premiers travauxCEROM se modifie progressivement. Plus encoreque pour la période 1993-2001 qui a fait l’objetd’analyses macroéconomiques innovantes, cespremiers résultats quantitatifs, s’ils s’avèrentdurables, méritent d’être étudiés et expliqués enprofondeur par l’équipe CEROM.La technique des Comptes rapidesdans CEROM et les enseignementsà en tirer pour la statistiqueafricaineDeux configurations de comptes rapides sont misesen œuvre dans l’opération CEROM : Dans lesDOM, où le retard des comptes a été rattrapé (enutilisant le logiciel ERETES 90 mis au point parl’INSEE à partir de travaux de M. Séruzier) et oùles comptes définitifs N-3 sont disponibles en N, unmodèle TABLO, spécifiquement construit à ceteffet est utilisé pour N-1 et N-2 de façon glissante.En Nouvelle Calédonie, où le retard des comptesest beaucoup plus important, on s’appuie sur toutun cheminement de comptes rapides (N-5, N-4…N-1).Le couple ERETES/TABLO (Cas desDOM)Dans les DOM les comptes économiques définitifssont maintenant établis en utilisant le logicielERETES (ce qui assure une certaine homogénéité« technique » à la production des comptes). Mais ils’agit d’une utilisation particulière du logiciel, les90ERETES pour Equilibre Ressources Emplois etTableau d’Entrée Sortiemodules « en volume » n’étant pas activés pour demultiples raisons ; Il en résulte évidemment uneplus grande rapidité (mais une moins grandesignificativité).Une fois établis les comptes de N-3 définitifs viaERETES, on projette à nouveau l'année n-3 avecTABLO :- pour vérifier la robustesse du modèle et yapporter d'éventuelles retouches ;- pour effectuer le partage volume-prix de l'annéen-3, qui n'est pas réalisé dans le compte définitifsous ERETES.Puis on utilise une autre version du modèle TABLO(éventuellement retouchée) pour projeter, comptetenu d’hypothèses propres à l’année N-2 91 deuxTES N-2, l’un en volume (au prix de N-3) l’autreen valeur. Enfin à partir de ce TES N-2 en valeur onutilise une troisième version du même modèle et unnouveau jeu d’hypothèses pour projeter le TES N-1aux prix de N-2 et le TES en valeur N-1.La question de lier informatiquement les troisversions du modèle de projection reste ouverte 92 .Lors de la campagne suivante, N-2 deviendra N-3,le TES valeur N-2 sera écrasé par le TES définitifN-3 et la procédure sera reconduite en N-1 (devenuN-2) et N (devenu N-1).91 Rappelons les grandes catégories d’hypothèsesexogènes au modèle• hypothèses de production en volume et prix ;• hypothèses sur la demande finale ;• hypothèses sur les impôts, taxes et marges ;• hypothèses sur les salaires et la productivité ;• résultats du commerce extérieur, en volume etprix ;• hypothèses sur le revenu, la propension àconsommer et l’évolution des coefficientsbudgétaires des ménages92 En fait, pour les années rétrospectives (N-2 et N-1) laquestion du lien n’a pas un intérêt fondamental parce queles hypothèses de base du modèle sont en fait connuesavec certitude. Le modèle n’est plus utilisé ici comme unmodèle de prévision mais comme un instrumentd’arbitrage entre la logique de la théorie économique(les « équations » du modèle), les résultats conjoncturelsconnus et les données individuelles qui commencent àarriver.A l’inverse, lorsqu’on voudra travailler en prévision surles années N et N+1, on va utiliser des hypothèses liées(en particulier pour l’environnement international, leshypothèses de N+1 doivent avoir un lien logique aveccelles de N. Il en est de même pour l’hypothèse deproduction du coton en N par exemple et de la productionindustrielle textile en N+1, et il faut obligatoirement lier(enfin c’est un apport à la fois pratique et théoriqueimportant) la projection N et la projection N+1 parTABLO.STATECO N°100, 2006


131Pour mener à bien ce travail de projection rapide le(la) comptable national(e) responsable du DOMconsidéré est secondé(e) par un (une) économistemodélisateur(trice). Une campagne de projectionpeut les occuper deux à trois mois pour produiredes comptes « publics ». Un (une) VolontaireInternational(e) devant ultérieurement être chargéde recueillir tout au long de l’année lesinformations nécessaires à l’établissement deshypothèses, ce délai devrait être raccourci en annéecourante.Une telle procédure n’est pas nouvelle pour lastatistique africaine et depuis des années un schémaanalogue est plus ou moins suivi en Afriquefrancophone : à partir d’une année de baseconstruite par la comptabilité nationale, descomptes provisoires et prévisionnels sont établis,généralement par la direction de la prévision, àpartir d’un modèle ou d’une maquette simple del’économie. C’est sur la base de ces comptes quesont menées les discussions avec les organisationsde Bretton Woods.Ce qui mérite d’être relevé dans la démarche CEROM c’est l’actualisation systématique de l’année de base, sonintégration dans un modèle de projection/prévision reproduisant l’ossature précise des comptes, et le fait que lesannées passées N-2, N-1, soient évaluées sous la responsabilité des statisticiens comptables nationaux et non desprévisionnistes.Trop souvent en effet en Afrique, l’année de base est ancienne, ou si elle est récente, elle n’est pas pour autantintégrée dans le modèle de prévision, si bien que comptes réels et compte prévisionnels peuvent cheminerindépendamment l’un de l’autre.Reste enfin la question de la responsabilité des comptes rapides, placés tout naturellement dans les DOM sous lecontrôle de l’INSEE (ce d’autant plus facilement que n’existe pas de « direction de la prévision » dans les« régions » françaises). Mais d’autres auraient pu être candidats à la maîtrise d’œuvre : l’IEDOM, banquecentrale déléguée pour l’outre mer, dont c’est le rôle d’éclairer les agents économiques, le Préfet de Région,représentant du gouvernement, etc.… La solution adoptée dans CEROM est sage, et mérite d’inspirer lesstatisticiens et comptables nationaux africains pour demander que leur soit confié tant les outils nécessaires quela maîtrise de l’établissement de comptes provisoires.Le cheminement modélisé (Cas de laNouvelle Calédonie)En Nouvelle Calédonie, où le retard des comptesest beaucoup plus important, l’opération s’estappuyée sur tout un cheminement de comptesrapides (N-5, N-4…N-1). Au lieu de deux modèlesTABLO enchaînés projetant deux années, unmodèle unique a été construit sur la période 1998-2005 93 , comme cela avait été fait en Polynésiefrançaise dix ans auparavant. La question de savoirsi ce cheminement doit lui aussi être glissant, au furet à mesure que progressent les comptes définitifsou si certaines années de comptes doivent êtresautées et le définitif suivant établi sur une annéeplus proche reste ouverte et n’a pas été tranchée.On comprend bien les partisans d’une démarcheprônant le rattrapage progressif du retard descomptes définitifs : on disposerait ainsi de sériesstatistiques homogènes et « sans trous ». Mais oncomprend bien également les partisans d’un « grandsaut » : à travailler sur des années trop éloignées lacomptabilité nationale risque de perdre prise avec laréalité économique du moment, et de s’enfermerdans une vision passéiste des choses. Faire sondeuil de quelques années de comptes définitifs aucontraire, et tout en assurant une certaine « qualité »aux comptes rapides qui en tiendraient lieu, al’avantage de permettre la remise en ordre demarche de tout le système de comptes et d’aborderles problèmes statistiques et économiques dumoment (qui sont d’importance en NouvelleCalédonie avec les trois projets majeurssimultanément en cours de réalisation dans lesecteur du nickel, à savoir Goro, Konimabo etl’extension de la SLN).La question est donc difficile et dépasseévidemment le seul cas calédonien. Elle intéresseplusieurs types de pays en Afrique :• tout d’abord, bien sûr, elle intéresse lespays dans la même situation que la nouvelleCalédonie et où la dernière année de comptesest très lointaine (cas mauritanien par exemple) ;93 L’année 1998 « nouvelle méthodologie » qui sert debase et a été finalisée par la comptabilité nationalecourant 2004. Les comptes 1999 définitifs n’ont étédisponibles que fin 2005 et ont été intégrés dans lemodèle en 2005. Mi 2006 les comptes définitifs 2000devaient être fournis.• mais aussi les pays africains utilisantERETES (dans sa version complète envolume/valeur), mais où la production annuellede comptes définitifs, pour des raisons multiples(dues en grande partie à l’insuffisance desmoyens), dure plus d’une année, si bien que leretard des comptes s’accroît au lieu de seSTATECO N°100, 2006


132réduire et où de ce fait le schéma vu auparagraphe précédent ne peut s’appliquer. Onpeut dans ce cas penser qu’il est possible de« sacrifier » parfois une année (en se contentantde comptes provisoires destinés à le resterpendant une longue période) de façon quel’ensemble du système de comptes restetoujours « à jour » et de qualité.On doit toutefois se méfier de modificationsintervenant dans la structure productive du pays quiPubliez… et les comptes suivront !peuvent sur une longue période introduire des biaisimportants dans une projection chaînéesystématique sur la base d’un TES ancien. Parexemple, la mise en œuvre des gros projetssusmentionnés dans le secteur du nickel risque derendre obsolète les coefficients utilisés dans lemodèle sur la base des installations en fonction lorsde l’année de base (1998). Une telle situation risqued’être assez fréquemment le cas (par apparition oudisparition, voire modification d’établissementsproductifs, disparité des croissances sectorielles,etc.) pour nombre de pays africains et oblige à unecertaine prudence dans l’emploi de cette méthode.Un des enseignements majeurs de la démarche inter administrative CEROM est qu’elle a su trouver sadynamique propre et être acceptée tant en interne (ce qui a permis la mise à disposition des moyens humains)qu’en externe du fait de sa volonté affirmée et sa capacité à publier des études macroéconomiques de qualitétirant parti des comptes publiés. Il s’est enclenché ainsi un cercle vertueux : la mise en valeur pertinente desstatistiques est en elle-même porteuse d’une incitation à la production de statistiques…Qui à leur tour appellentde nouvelles études…S’il est un enseignement à tirer de cette lecture dansune optique africaine, c’est peut être avant toutcelui là ! Et de leur côté les acteurs de l’opérationCEROM se doivent dans le futur de lui resterfidèles, eux qui sont en train, partout dans les DOMet les TOM, de livrer des comptes provisoires desannées les plus récentes. Il faut qu’ils renouvellentà leur propos le travail d’analyse des annéesantérieures que l’on s’est efforcé de résumer dans leprésent article, et dont la liste suit.STATECO N°100, 2006


132Bilans Macroéconomiques CEROMPublications CEROM« Guadeloupe : une économie en déficit…d'image » Juin 2004. Coordinateur J.D.Naudet.« Une double transition presque réussie : Chômage, productivité et politique d'emploi à la Réunion », Octobre2004. Coordinateur J.D.Naudet.« Martinique : L’économie martiniquaise au passage de 2000 : une trajectoire vertueuse ? », Juin 2005.Coordinateur C. Joeger.« L’économie calédonienne en mouvement », Novembre 2005. Coordinateur E. Baulard.« Émergence de nouveaux moteurs de croissance - Le rattrapage économique réunionnais expliqué 1993-2002 »,Novembre 2005. J.D. Naudet, N. Actif, N. Jourdan et C. Parain.Synthèses CEROM (les comptes rapides N-1 en N)« Guadeloupe 2004 : Coup de frein sur la croissance », Synthèse CEROM (comptes rapides N-1 en N),Septembre 2005. A. Greliche et C. Joeger.Documents de travail CEROM1 - « Evaluation du PIB à Mayotte », Mai 2005. O. Frouté, B. Massuyeau2 - « Estimation du PIB de St Barthélémy et St Martin », Octobre 2005. O. Sudrie.3 - « Méthode de conception d’un tableau des échanges intermédiaires (TEI) pour le département de laMartinique sur l’année 2000 », 2005. D. Vanoukia.4 - « La production des comptes rapides, guide méthodologique », Avril 2006. C. Joeger.Tableaux de bord trimestriels (TOM) ou mensuels (DOM)Guadeloupe, Guyane, Martinique, Nouvelle Calédonie, Polynésie française, Réunion.Sur CEROMAFD (2006), « Les DOM, fausses idées et vrais problèmes », La lettre des économistes, n°12, Mars.132Statéco n° 95-96-97, 2000


133Recherche économique et prise dedécision publique en Afrique : quelrôle de la coopération ?Elias T. Ayuket Mohamed Ali Marouani 88Après avoir rappelé les différents liens possibles entre recherche et prise de décisionpublique, et les contributions de la recherche à l’élaboration de politiques, les auteursétudient les difficiles relations en chercheurs et décideurs, puis entre bailleurs,chercheurs et décideurs. Ils soulignent le danger d’instrumentation de la recherche parcertains bailleurs (notamment ceux qui font du conseil en politique économique) pourrenforcer leur influence sur la prise de décision en Afrique. Ils concluent que l’actiondes organismes de renforcement des capacités de recherche en Afrique (ACBF, CREA etSISERA) a un effet positif sur l’émergence d’une recherche économique sur lecontinuent et que l’appui aux institutions est plus bénéfique que l’appui aux individus.88Elias T. Ayuk est Spécialiste principal de programme au Centre de Recherches pour le Développement International(CRDI) Dakar. Mohamed Ali Marouani est Maître de Conférences à l’IEDES-Université Paris 1 et chercheur associé àDIAL. Cet article est issu de l’introduction d’un ouvrage à paraître sur la question édité par les auteurs.Statéco n° 95-96-97, 2000 133


134Il devient de plus en plus évident que l’Afriquen’atteindra pas les Objectifs du Millénaire pour leDéveloppement en 2015, à moins d’unretournement spectaculaire des politiques nationaleset internationales. La communauté internationale enest bien consciente d’où la multiplicationd’initiatives telles la Commission pour l’Afriquelancée par Tony Blair en 2004, qui a proposé definancer l’aide internationale via des empruntscontractés par les pays du Nord. Le dénominateurcommun de toutes ces initiatives est de concentrerl’aide sur les pays les plus pauvres ayant une bonnegouvernance et des politiques économiques« saines ». La question est alors de savoir qu’est cequ’on qualifie de politiques saines ? Qui lesdéfinit ? Quel rôle joue la recherche économique enAfrique dans le processus d’élaboration de cespolitiques ?La majorité des pays africains ont mis en œuvre desprogrammes d’ajustement structurel prescrits parles Institutions de Bretton Woods dans les années1980 et 1990. Ces programmes ont entraîné desréformes profondes ayant consisté principalementen une réduction de l’intervention de l’Etat dansl’économie. Ces réformes n’ont pas eu les effetsbénéfiques escomptés. Parmi les raisons invoquéesde cet échec figure en bon rang l’absence de priseen compte des réalités économiques, sociales etpolitiques du continent dans l’élaboration de cesprogrammes par les institutions internationales. Lesnouveaux programmes lancés par les bailleurs defonds internationaux (notamment les DSRP)insistent sur le concept d’appropriation (ownership)des réformes par les pays africains. D’où lapertinence de questionner la contribution potentielledes chercheurs africains au processus actueld’élaboration des politiques en Afrique.Cet article fait suite à une conférenceinternationale organisée par le secrétariatd’appui institutionnel à la rechercheéconomique en Afrique (SISERA) enjanvier 2005 pour traiter de cette question.L’objectif de la conférence était de fairedialoguer des chercheurs, décideurs etreprésentants de bailleurs sur le thème desrelations entre recherche économique etprise de décision publique en Afrique.L’objectif de l’article est de lancer le débatsur un certain nombre de questions quinous sont apparues essentielles. D’abordcomment aborder le lien entre recherche etprise de décision publique ? Ensuitequelles sont les contributions potentiellesde la recherche économique à l’élaborationdes politiques en Afrique ? Pourquoi le lienentre recherche et politique est-il sidifficile à établir ? Et enfin quel est le rôlejoué par les bailleurs de fonds de l’Afriquedans ce processus ?Les quatre sections suivantes tenterontd’aborder ces questions et une dernièresection conclura l’article.L’inadaptation du modèle linéaireSi on pose la question du rôle de la rechercheéconomique dans la prise de décision publique à undécideur africain, un économiste, un étudiant ou àun acteur du développement, la réponse consisteinvariablement à juger ce rôle faible voireinexistant. Indépendamment des facteurs objectifssous-tendant ce jugement, cette vision négativeSTATECO N°100, 2006


135s’explique également par la complexité desrelations entre recherche et élaboration despolitiques qui n’est pas toujours suffisamment priseen compte.Trois principaux modèles ont tenté de décrire le lienentre recherche et prise de décision publique. Lepremier modèle est celui où la connaissance joue lerôle de moteur (knowledge driven) : la recherchedéveloppe un savoir qui permet de prendre desdécisions selon une séquence linéaire (Hanney etal., 2003). Cette approche positiviste ou« techniciste » considère que la recherche doittrouver les solutions aux problèmes dudéveloppement et que les décideurs doiventsimplement les mettre en œuvre. Ce modèle occultetoute la dimension politique qui est souventdéterminante pour comprendre certaines décisionsprises. A l’opposé extrême de l’approche linéaire,certains cyniques considèrent que puisque c’est lapolitique qui prend toujours le dessus, cela sert-ilvraiment à quelque chose de faire de la recherche ?(Haas et Springer, 1998).Le second modèle est celui de l’ingénierie(engineering ou problem-solving) où les problèmessont identifiés par les décideurs et le rôle duchercheur est de proposer et d’évaluer des solutionsalternatives (Hanney et al., 2003; Gewirtz, 2003).Ce modèle a l’avantage de prendre en comptel’interaction entre l’offre et la demande derecherche sur les politiques (Caplan, 1979). Le fluxbi-directionnel d’information assure que lacommunauté des chercheurs réalise des travauxpertinents et répondant aux besoins effectifs desdécideurs. Ce modèle suppose que des mécanismesexistent pour assurer ces flux dans les deux sens. Ilsuppose aussi que les chercheurs en sciencessociales ont les réponses aux problèmes posés parles décideurs. Or les chercheurs n’ont pas lessolutions aux problèmes posés par les politiques. Ilspeuvent simplement aider les décideurs àcomprendre les problèmes et montrer les effetspotentiels de différents scénarios. Ils ne peuvent pasdéterminer quels sont les meilleurs choix car ceuxcidépendent de plusieurs autres facteurs que leschercheurs ne maîtrisent pas. Une variante de cemodèle est le modèle d’interaction sociale quiélargit l’ensemble des utilisateurs des résultats de larecherche à divers groupes d’acteurs concernés parles politiques.Le troisième modèle (Weiss, 1977; Hanney et al.,2003) se concentre sur le rôle éclairant de larecherche (enlightenment function). Il considère quela recherche est probablement plus utile via la« sédimentation » graduelle de théories, de conceptset de perspectives. Cela signifierait pour lesinstitutions africaines de recherche économiqued’avoir la possibilité d’explorer des problèmes deseconde génération, activité pour laquelle peu defonds sont disponibles.Outre ces trois modèles principaux, Hanney et al.(2003) décrivent un « modèle tactique » où larecherche est utilisée quand il y a une pression àagir sur une question particulière et que lesdécideurs répondent qu’ils ont demandé une étudepour examiner la question. Le cas desantirétroviraux en Afrique du Sud est un exempled’un tel processus.Il ressort clairement de cette présentation que lemodèle linéaire est inadapté car il exige de larecherche plus que ce qu’elle ne peut offrir etentraîne automatiquement une évaluation négativede sa contribution à l’élaboration des politiquespubliques. Le second modèle exige une forteréactivité de la part de la recherche et des canaux detransmission bien établis entre chercheurs etdécideurs, ce qui est loin d’être le cas en Afrique àpart quelques exceptions (l’Afrique du Sud parexemple). Le troisième modèle nécessite quant à luiun financement durable et une liberté accordée auxchercheurs quant au choix des thèmes.Contributions potentielles de larecherche à l’élaboration depolitiques en AfriquePlusieurs contributions potentielles de larecherche à l’élaboration de politiques ontété proposées. La première citée par Weiss(1977) est d’alimenter l’arène politique ennouveaux concepts et idées. Un bonexemple est fourni par le concept« d’égalité des opportunités » que Sen(1992) a lancé et qui a été transmis auxdécideurs par les institutions de rechercheinternationales et nationales. Ce conceptjoue un rôle croissant dans l’élaborationdes stratégies de réduction de la pauvreté.Toutefois, le danger est que les décideursne choisissent que les conceptscompatibles avec leur discours politique(Nutley, Walter et Davies, 2002).Ensuite, un concept sur lequel la plupartdes auteurs sont d’accord est que larecherche améliore la compréhension desdécideurs de plusieurs phénomènes,notamment les plus complexes. Leschercheurs ont les compétences et le tempsqui manquent aux décideurs pour lesanalyser en profondeur. Cependant,STATECO N°100, 2006


136comme la recherche économique enAfrique est souvent « parrainée » par lesbailleurs de fonds, les décideurs peuventconsidérer que les analyses qu’elle produitconstituent simplement un recyclage desanalyses de ces bailleurs et qu’elle ne leurest donc pas très utile, notamment en casde désaccord sur les politiques à meneravec ces mêmes donateurs 89 .En troisième lieu, la recherche a des effetspositifs significatifs sur le développementde capacités, question ô combien crucialeen Afrique. Les négociations à l’OMC oùl’Afrique a des intérêts à défendre tels quel’élimination des subventions sur le cotonconstitue un bon exemple où leschercheurs peuvent apporter leur expertiseaux négociateurs via des formations ou viala participation à des comités techniques.Les travaux d’ONG telles que OXFAM ouENDA qui a publié le « livre blanc sur lecoton » (ENDA, 2005) avant la réunionministérielle de l’OMC à Hong Kong ontfourni des arguments aux négociateursafricains. En revanche, au niveau nationalce type de capacités est rare en Afrique sil’on exclut un pays comme l’Afrique duSud. Au Nigeria par exemple, Afeikhena(2005) considère qu’il n’existe pas destructure ou de dispositif permettant defournir un appui analytique aux décisionsde politique commerciale.Une quatrième contribution de la rechercheappliquée à l’amélioration des processus dedécision consiste à réduire l’incertitude(Haas et Springer, 1998). Quand lesdécideurs lancent une politique ils ontbesoin d’évaluer les risques et opportunitésassociés aux mesures proposées.L’évaluation des politiques publiques,notamment via les analyses prospectives,est devenue l’une des disciplines phare dela recherche économique appliquée. Mêmesi les outils existants sont encore trèsimparfaits pour plusieurs raisons (capacitéstechniques, qualité des données, etc.) ilspeuvent être très utiles pour identifier lesprincipaux effets d’une politique.89Nous reviendrons sur ce point dans le dernierparagraphe.Enfin, la recherche peut améliorer laqualité du débat public. Razafindrakoto etRoubaud (2005) considèrent que ce rôle nedevient effectif que si les résultats desanalyses statistiques et économiques sontdiffusés via la presse. Ils n’appartiennentalors plus au seul pouvoir et peuvent êtreutilisés également par l’opposition ou lasociété civile. Cette idée est d’autant plusintéressante au vu du consensus généralpour améliorer la participation desdifférents acteurs concernés dans la prisede décision publique en Afrique etaccroître la « redevabilité »(accountability) des décideurs envers lapopulation. Le rôle de la recherche vanécessairement s’accroître avec ladémocratisation des pays africains, maispeut également y contribuer.Difficultés de lier recherche etprise de décisionSi l’alliance chercheurs/décideurs semblesouhaitable, elle n’est pas sans constituerun danger pour les deux communautés(Rein, 1983). Les chercheurs quiconsacrent une part significative de leurtemps à faire de l’expertise pour lesdécideurs risquent de réduire leursperformances en termes de rechercheacadémique ce qui peut entraîner une pertede reconnaissance et même une suspicionau sein de la communauté académique.Ouattara et al. (2005) soulèvent cettequestion à travers l’étude du cas du Centreivoirien de recherches économiques etsociales (CIRES). Ils considèrent que lescentres de recherche peuvent faire del’expertise à partir du moment où ilsacquièrent une reconnaissance suffisanteleur permettant d’influencer la demande deleurs différents commanditaires dans ladirection de leurs thèmes d’intérêt.Les décideurs qui basent leurs choix sur lesrésultats des travaux de recherche risquentégalement de mettre en danger leur base desoutien politique si les conclusions de cestravaux sont contraires aux intérêts de cettebase.STATECO N°100, 2006


137Pourquoi les chercheurs prennent-ils alorsce risque pour leur carrière académique entravaillant pour les décideurs? De mêmequelles sont les motivations desdécideurs ?Les motivations pour les chercheurspeuvent être financières (cette incitationjoue d’autant plus dans certains paysafricains où les salaires des chercheurs sonttrès bas), un meilleur accès aux données, leprestige d’être conseiller du prince, lapréparation d’une future carrière politique(ce qui est fréquent en Afrique, et peut êtreaccéléré via le passage par uneorganisation régionale ou internationale)ou simplement le désir d’avoir un impactsur les principales décisions touchant unpays ou une région.Pour toutes ces raisons les chercheurspeuvent avoir à côtoyer de près lesdécideurs, ce qui peut potentiellemententraîner un certain nombre de difficultés(Edwards, 2004). Ils peuvent faire face àune attitude anti-intellectuelle chez certainsdécideurs ou au contraire à des attentesexcessives de la part d’autres. L’accès auxdonnées en Afrique n’est pas toujoursfacile, même quand les chercheurstravaillent pour des organismes officiels.Les résultats peuvent être contrôlés voireauto-censurés par les chercheurs pouréviter d’embarrasser les décideurs. A ceteffet, la nature du financement joue un rôlecrucial. Les consultances ou financementsde courte durée sont souvent pluscontraignants que les financements plusdurables.Il y a des dilemmes similaires chez lesdécideurs. Leurs motivations peuventvarier d’une réelle conviction dans lesvertus d’une prise de décision basée surdes travaux de recherche à un besoin delégitimer a posteriori leurs décisionspolitiques par des travaux confortant leurschoix. Le background individuel desdécideurs peut également jouer : plus leurniveau d’éducation est élevé, plus ilsauront tendance à avoir une attitudeconciliante avec la communautéscientifique.Par ailleurs, la différence deshorizons des décideurs et des chercheursn’est pas pour faciliter leur coopération.Tandis que les politiques ont besoind’évaluations rapides des mesures qu’ilsveulent mettre en œuvre, la recherchenécessite souvent de longuesinvestigations. Or comme le soulignentPhillips et Seck (2004), si la recherche veutinfluencer les politiques elle doit lesprécéder, même si des évaluations à miparcoursou ex post peuvent permettred’ajuster certaines mesures voire de lesabandonner en cas d’échec avéré. Lesthinks tanks très développés aux États-Unisou dans d’autres pays anglophones ontpermis de pallier en partie ce genre dedifficultés en anticipant et accumulant desrecherches sur les sujets qu’ils pensentdevenir à terme centraux dans le débatpublic.En outre, la recherche appliquée ne peutpas se réduire aux thèmes intéressantdirectement les décideurs à un momentdonné. Un bon exemple est fourni par lethème de la lutte contre la pauvreté quimonopolise la majorité des étudescommandées par les décideurs nationaux etles organisations internationales depuiscinq ou six ans en Afrique. Si toute lacommunauté de la recherche s’astreignait àce thème, cela mettrait en danger touteinvestigation future sur plusieurs autressujets importants.Deux autres questions cruciales liées à cequi précède sont celles du financement dela recherche et de son indépendance. Lespouvoirs publics et les groupes d’intérêtspeuvent avoir leurs institutions derecherche propres, mais celles-ci nepeuvent en aucun cas se substituer à desinstitutions de recherche indépendantes àfinancement autonome et durable. Cetteindépendance est une condition sine quanon pour assurer une recherchecaractérisée par plus d’objectivité. Cetteobjectivité, alliée à des travaux de qualitépeut assurer plus de crédibilité à larecherche africaine auprès des décideurs etdu public (IFPRI, 2002).STATECO N°100, 2006


138Les centres de recherche africainspeuvent améliorer leur image enembauchant des chercheurs reconnus(notamment ceux ayant fait leurs preuvesdans les centres de recherche réputés desÉtats-Unis et d’Europe), en coopérant avecdes institutions de recherche étrangères etinternationales reconnues, en organisantdes évènements d’envergure (conférencesinternationales, etc.) et en nourrissant ledébat public d’études rigoureuses sur dessujets sensibles. Les qualités decommunicants des chercheurs et leurcapacité à traduire leurs analyses en termessimples peuvent aussi avoir un grand rôledans la réputation acquise par les centres.Le dernier point soulevé a trait aupoids considérable exercé par les bailleursde fonds sur la prise de décision enAfrique, notamment dans les pays les pluspauvres. Ils interfèrent doncnécessairement dans la relation chercheursdécideurs.Les bailleurs des chercheurs et desdécideursL’influence des bailleurs de fonds sur laprise de décision publique en Afriques’exerce via plusieurs canaux. Le premierest l’aide financière aux gouvernements.Cette aide est souvent accompagnée deconditionnalités que les pays récipiendairesdoivent respecter, telles que la mise enœuvre des programmes d’ajustementstructurel ou l’élaboration de documentsstratégiques de réduction de la pauvretépour obtenir les allègements de dette duprogramme PPTE. L’exigence d’uneapplication plus ou moins stricte de leursconditionnalités dépend des objectifs desdifférents bailleurs, de leur influence (surle pays récipiendaire et les autresdonateurs) et de leur culture d’aide audéveloppement.Le second canal d’influence est l’aide sousforme « d’idées ». Les unités de recherchesur les politiques des bailleurs produisentce type d’aide directement ou via descommandes à des experts, centres derecherches ou think tanks des paysdéveloppés. Ce type d’aide est censé nonseulement influencer les décideurs despays en développement, mais aussi lesautres bailleurs (notamment ceux quiinvestissent peu dans la recherche sur lespolitiques) et les institutions de recherchedes pays développés et en développement.Ces dernières, notamment en Afrique, sonttrès souvent dépendantes de l’aidefinancière et « en idées » des bailleurs, etconstituent donc un bon canal pourrenforcer l’influence des donateurs sur lesagendas de recherche et le conseil auxdécideurs en Afrique.Le troisième canal d’influence est ledéveloppement de capacités desfonctionnaires et décideurs africains. Lesformations et les stages permettent auxbailleurs d’avoir des partenaires qui parlentle même langage, voire qui défendent leursintérêts au sein des pays récipiendaires.Certains finissent même par se trouverembauchés par des agences de coopérationou des organisations internationales.Plus les bailleurs utilisent de canauxdifférents, plus ils ont d’influence surl’agenda de développement international etd’impact sur la décision publique dans lespays africains. Dans ce schéma, lesinstitutions de recherche économiqueafricaines sont en quelque sorteinstrumentalisées par les bailleurs pourdonner plus de légitimité à leur action. Ilexiste néanmoins une autre forme d’aidequi peut contribuer au soutien desinstitutions de recherche nationales et desréseaux régionaux de réflexion sur lespolitiques publiques en Afrique. Cetteforme d’aide consiste à fournir des moyensfinanciers durables et des compétencespour contribuer à créer des institutions derecherche ou de conseil en politiqueéconomique autonomes et reconnues enAfrique. Sudrie, Géronimi et Woerli(2002) qualifient les organismes chargés dece type d’aide de « facilitateurs » quiparticipent au renforcement de capacitéssans offrir directement du conseil auxdécideurs. Parmi ces institutions figureSTATECO N°100, 2006


139l’African Capacity Building Foundation(ACBF), la Fondation africaine pour lerenforcement des capacités, l’AfricanEconomic Research Consortium (AERC),le Consortium pour la rechercheéconomique en Afrique et le Secretariat forInstitutional Support for EconomicResearch in Africa (SISERA), Secrétariatd’appui institutionnel à la rechercheéconomique en Afrique. Tandis quel’AERC soutient les chercheurs, l’ACBF etle SISERA appuient les institutions deconseil en politique économique pour lapremière et de recherche pour le second.Ce type d’aide semble le plus prometteurpour promouvoir des capacités localesautonomes en analyse économique enAfrique, même si les moyens financiersviennent toujours des bailleursinternationaux qui continuent de ce fait àcontrôler les grandes orientations derecherche des individus et institutionsrécipiendaires.Les organismes de renforcementde capacités en analyse despolitiques économiquesDans ce paragraphe nous nous limitons à laprésentation des trois organismes citésdans le paragraphe précédent ainsi qu’auGDN (Global Development Network) dufait de leur mandat explicite consistant àfavoriser le renforcement de capacités et letissage de liens entre réflexion et prise dedécision. En effet, la Commissionéconomique pour l’Afrique de l’ONU(CEA) est plutôt spécialisée dans laproduction d’études, quant à la Banqueafricaine de développement (BAD), sesactivités dans le domaine du soutien auxinstitutions de recherche sont assezlimitées.L’AERC a été créé en 1988, sous la formed’un secrétariat du CRDI (Centre deRecherche pour le DéveloppementInternational) au départ. Son principalobjectif était de renforcer les capacités deséconomistes africains pour les impliquerplus efficacement dans le conseil enpolitique économique. Divers instrumentssont utilisés par l’AERC dont l’attributionde bourses aux chercheurs, l’organisationde conférences annuelles, l’organisationd’ateliers méthodologiques, le soutien à ladiffusion des recherches, la mise en placed’un master en économie pour les paysanglophones et d’un programme doctoral.Les actions de l’AERC semblent avoir jouéun rôle significatif dans la formationd’économistes africains compétents qui ontacquis une crédibilité auprès des décideurset des organisations internationales (Sudrieet al, 2002).L’ACBF a été créée en 1991 par unconsortium de bailleurs (Banque mondiale,PNUD et Banque africaine dedéveloppement) dans l’objectif derenforcer les capacités des institutionsd’analyse et de conseil en politiqueéconomique. L’ACBF a financé et favoriséla création de think tanks, a soutenu larecherche économique en étant l’un desprincipaux donateurs de l’AERC ainsi quela formation universitaire en finançant lePTCI (Programme de troisième cycleinteruniversitaire) en Afrique francophone.Le SISERA a été créé en 1997 entant que secrétariat du CRDI avec lesoutien de l’USAID (US Agency forInternational Development) et de l’ACDI(Agence canadienne de développementinternational). Son principal objectif estd’appuyer les institutions de rechercheéconomiques africaines pour leur permettrede jouer un plus grand rôle dans le conseilà l’élaboration de politiques publiquesadaptées aux réalités et contextes desdifférents pays. Le SISERA fournit unsoutien financier et technique auxinstitutions, renforce leurs capacités degestion, favorise la création de réseauxrégionaux et le dialogue entre chercheurset décideurs (via l’organisation deconférences où les chercheurs et décideurssont conviés ou via l’incitation deschercheurs à rédiger des notes de synthèsepour les décideurs en fin de projet parexemple). Les fonds du SISERA ontpermis aux centres de recherche africainsSTATECO N°100, 2006


140d’acheter des ordinateurs, d’accéder àinternet, de s’abonner à des revuesscientifiques et de financer des travaux derecherche. Cet investissement de base,pourtant nécessaire au décollage descentres est souvent négligé par les bailleursde fond qui préfèrent financer uniquementles projets de recherche par souci devisibilité. L’intervention du SISERA aaussi permis de réduire l’isolement deschercheurs africains.En se basant sur leur expérience d’appuiaux centres de recherche économique enAfrique, Ayuk et Jones (2005) résumentles principaux défis et opportunitésauxquels ces centres font face. Ilssoulignent notamment que ces institutionsmanquent de capacité d’absorption desfonds, se caractérisent par un turnoverélevé des chercheurs (notamment les pluscompétents), manquent de leadershipstratégique et n’ont souvent pas la taillesuffisante pour peser dans le débat public.L’expérience des auteurs montre que lesbesoins financiers des centres pour setransformer en acteurs influents de l’aide àla décision publique ne sont pas trèsélevés. Il s’agit plutôt de renforcer leurscapacités à retenir les meilleurs éléments, àaméliorer leurs pratiques de managementet à leur assurer plus de visibilité sur leursfinancements à moyen-long terme. Malgréses difficultés (par exemple lors duchangement de direction d’un centre),l’appui aux institutions est beaucoup plusproductif à long terme que l’appui auxchercheurs. En effet, plus un chercheur estformé et plus il a des chances de quitterl’Afrique pour les universités ou centres derecherches du Nord, ou à défaut de resteren Afrique et travailler pour desorganismes de coopération. En finançantdes institutions, le SISERA contribue àattirer et retenir les économistescompétents ou à défaut à assurer la relève.Malgré la réussite de sa mission, attestéepar ses 18 centres de recherche partenaires,ses bailleurs et divers rapports d’évaluationexterne, le SISERA a disparu le 31 mars2006 suite à une décision de son comité depilotage. Ceci soulève l’éternel problèmede la durabilité des institutions gérées pardes bailleurs de fonds internationaux. Lescentres de recherche partenaires duSISERA sont actuellement en traind’essayer de constituer une nouvellestructure du même type, sous la formed’une association qui aurait également sonsiège à Dakar.La quatrième institution présentée n’est passpécifiquement africaine comme les troisprécédentes. Il s’agit du GDN (GlobalDevelopment Network) lancé par laBanque mondiale en 1999, dans l’objectifde favoriser le débat sur les questions dedéveloppement international entre lesdifférents acteurs concernés au Nord et auSud. En organisant des forumsinternationaux où les chercheurs etdécideurs africains sont présents en masse,le GDN a contribué à mettre en place undialogue entre les chercheurs africains etles décideurs nationaux et internationaux,même si la portée de ce dialogue resterelativement limitée.ConclusionPenser que les chercheurs et les décideursvont travailler la main dans la main dansl’intérêt général relève d’une utopie, enAfrique ou ailleurs. Chaque communauté ases objectifs propres (en supposant que cescommunautés soient homogènes, ce qui estloin d’être le cas !), ses agendas, sonlangage, etc. Ce qui complique encore plusla situation en Afrique subsaharienne c’estles faibles capacités de la recherche et/oul’opacité des processus de prise de décisiondans plusieurs pays ainsi que l’interférencedes bailleurs qui financent et influencentles deux communautés. Le seul pays qui sedémarque significativement de ce schémaest l’Afrique du Sud qui se caractérise pardes universités et des centres de recherchede haut niveau et où la coopération étroiteentre la recherche et les décideurs semblebien ancrée dans les mœurs 3 .Une fois cela admis, la question est alorsde savoir quel compromis ces troisSTATECO N°100, 2006


141principaux acteurs peuvent trouver qui issu d’une concertation entre bailleursprenne en compte les intérêts de chacun. nationaux et internationaux peut permettreDeux principales difficultés émergent face aux centres de recherche africains deà cette question : d’abord l’hétérogénéité retenir leurs meilleurs éléments et de nede ces communautés d’acteurs et ensuite le pas se réduire à des structures de formationpoids disproportionné des bailleurs. Ces de consultants de haut niveau pour qui laderniers devront d’une manière ou d’une recherche n’est qu’une carte de visiteautre choisir entre leur volonté d’avoir des permettant d’obtenir de meilleurs contrats.alliés pour influencer les politiques dans la L’analyse de l’expérience du SISERA peutdirection qu’ils préconisent ou de financer servir de base aux futures réflexions desdes centres de recherche indépendants qui bailleurs sur les modalités de monter unepourront à long terme contribuer à(des) structure(s) d’appui au niveaul’élévation du niveau du débat public en régional ou sous-régional en collaborationAfrique subsaharienne. Les gouvernements avec les gouvernements et desafricains doivent de leur côté tenir compte représentants des centres de recherche.de l’importance de développer des centres Cette expérience montre notamment quede recherche de haut niveau, dotés d’un les organismes d’appui à la recherchefinancement pérenne, dont une partie au peuvent être efficaces en Afrique, quemoins ne vient pas des bailleurs. Unl’appui aux institutions est plus bénéfiquesystème d’incitationsque l’appui aux individus, même si celaimplique des coûts et compétences de suiviplus élevés de la part des bailleurs. Ellemontre aussi que les récipiendaires doiventéviter de tomber dans le piège de celui quicroit à l’immortalité de ce typed’institutions.Références bibliographiquesAFD (2006), « Les DOM, fausses idées et vrais problèmes », La lettre des économistes, n°12, Mars.Afeikhena J. (2005), « Strengthening Research and Analytical Support for Trade Policy-Making in Africa: TheCase of Nigeria » Paper presented at the SISERA International Conference, January 28-29, Dakar.Ayuk E et Jones B. (2005), « From Myth to Reality – Building Capacity for Economic Policy Research inAfrica », Paper presented at the SISERA International Conference, January 28-29, Dakar.Bhorat H. (2005), « The Role of Applied Research Institutions: a South African Case Study », Paper presentedat the SISERA International Conference, January 28-29, Dakar.Caplan N. (1979), « The Two-Communities Theory and Knowledge Utilization », American BehavioralScientist 22 (3): 459–470.Casey D et Brugha Cathal M. (2005), « Understanding the Situation of Information Systems DevelopmentFailure: a Role for Pragmatism », Paper presented at the 3rd International Conference, Action in Language,Organisations and Information Systems (ALOIS) 2005:15–16 March 2005, Limerick, Ireland.Phillips L.C. et Seck D (eds) (2004), Fixing African Economies: Policy Research for Development, LynneRienner Publishers, Boulder et London.Dollar D. et Svensson J. (2000), « What explains the success or failure of structural adjustment programs? »The Economic Journal 110 (October): 894–917.Edwards M. (2004), « Social Science Research and Public Policy: Narrowing the Divide », Policy Paper 2,Academy of the Social Sciences in Australia, Canberra.STATECO N°100, 2006


140ENDA (2005), Le livre blanc sur le coton. Sous la direction de Eric Hazard, ENDA Tiers Monde, ProspectivesDialogues Politiques.3 Voir Bhorat (2005) pour une présentation du cas de l’Afrique du Sud.140Statéco n° 95-96-97, 2000


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142Peuplement et monde réel : Plaidoyerpour un nouveau paradigme de l’aideJean-Marie Cour 90L’Aide Publique au Développement est en crise, et les initiatives récentes sont peususceptibles de déboucher sur un véritable renouveau de l’approche de l’aide et sur uneaugmentation substantielle des moyens qui lui sont consacrés. C'est en effet de notretemps que l'essentiel du peuplement de la planète se met en place, à un rythme sanséquivalent dans l'histoire. Gérer ce processus de peuplement mieux qu’on ne l’a faitdans le passé est une condition sine qua non du développement durable. C’est parce queles règles du jeu de l’économie monde ont été conçues par des pays où les problèmesposés par le peuplement ne se posent plus qu’elles ne sont pas adaptées à la situation dela plupart des pays en développement. Il faut changer de paradigme. Cette note proposeune grille de lecture des problèmes et des perspectives des pays en voie de peuplementredonnant au facteur peuplement le rôle central. Cette grille de lecture, illustrée sur lecas de l’Afrique de l’ouest, intègre, dans le temps long, les quatre dimensions que sont ladynamique démographique, l’occupation de l’espace, la transformation économique etl’ouverture au monde, et la dynamique politique et sociale.90 Jean Marie Cour est économiste et ingénieur général des Ponts et Chaussées.142Statéco n° 95-96-97, 2000


143De quoi s’agit-il ? Où est leproblème ?En introduction à la conférence AFD-EUDN denovembre 2004, Jan Gunning commençait ainsi sonexposé intitulé « Why give aid? » (Gunning, 2005) :« Once upon a time (at least a quarter of a centuryago) life in the world of development assistanceseemed uncomplicated: there was very littleagonising over the rationale for aid.. The welfare ofdeveloping countries seemed sufficient justificationfor aid, for it was widely accepted that developmentrequired a combination of external investmentfinance and technical assistance. Since then. thisself-confidence of the aid community hasevaporated: the rationale for aid has ceased to beself-evident. Aid fatigue set in when it appearedthat in many poor countries there was very littleprogress ».En un demi siècle, les bailleurs de fonds ont eneffet tout essayé, en promettant à chaquechangement de cap qu’ils tenaient enfin la clef duproblème. De la priorité aux infrastructurescaractéristique des débuts de la Banque mondiale,on est passé à l’industrialisation, puis àl’équipement urbain, accusé d’être responsable du« biais urbain », puis à l’agriculture et au « biaisrural », à l’ajustement structurel, a ladécentralisation, à la démocratisation et à lagouvernance, à la compétitivité sur les marchésmondiaux, à la protection de l’environnement et audéveloppement durable, à la lutte contre la pauvretémise à toutes les sauces, aux Objectifs duMillénaire pour le Développement (OMD) dont onescompte une relégitimation del’aide, et enfin aux Biens Publics Mondiaux censésfaire émerger de nouvelles sources de financement.Pourquoi ces sentiments d’échecs àrépétition ?Si l’Afrique a progressé depuis les années 1960,sommes nous incapables de nous en rendrecompte ? Si l’aide a vraiment échoué, est-ce à causedu manque de professionnalisme des africains? Oubien est-ce l’approche qui est inadéquate ? Chaquenouvelle mode a apporté son surcroît desophistication qui atteint aujourd’hui des sommetsinvraisemblables dans les études sur la profondeurde la pauvreté et sur le différentiel de ciblage entreles pauvres et les non pauvres. Et tout cela pourconclure, après quelques milliers de pages decalcul : « it is often neither clear what the diagnosisof the poverty problem is, nor whether aid is thebest medicine » (Gunning, ibidem).Tous ces états d’âme et ces tergiversations desagences d’aide n’ont certainement pas facilité latâche des pays en voie de peuplement, qui doiventfaire face à un défi redoutable et sans égal dansl’histoire de l’humanité : en Afrique, la populationtotale aura décuplé et la population urbainemultipliée par cent en un siècle ; au Vietnam, lapopulation totale aura été multipliée par six et lapopulation urbaine par cinquante.L’énormité et la rapidité de cette transformation dupeuplement ne peut passer inaperçue. Le bon senscommande d’observer avec soin le phénomène, dese demander comment les sociétés, les économies etles institutions locales peuvent s’en accommoder, etde s’inquiéter de ce que les pays déjà peuplésdevraient faire ou ne pas faire pour faciliter la tâchedes pays qui sont encore en voie de peuplement.A la Banque mondiale, c’est évidemment ledépartement en charge du « secteur urbain » qui estle plus sensible à ces questions, puisqu’il lui fautlutter pour ne pas disparaître faute de budget.Ecoutons donc ce que dit Christine Kessides dans lerapport intitulé « The Contributions of UrbanDevelopment to Economic Growth and PovertyReduction in Sub-Saharan Africa », dont l’objectifaffiché est de convaincre les autres secteurs deconsacrer davantage de ressources à l’urbain : enAfrique sub-saharienne, les villes sont à l’origine deplus de 80 % de la croissance économique 91 ; plusde 80 % des créations d’emploi sont le fait dusecteur informel 92 ; et l’urbanisation est l’un des91 Growth of value added in most Sub-Saharan Africancountries, as in other regions, has overwhelmingly (80-90percent) derived from secondary and tertiary production,which is mainly urban-based.92 The main story of production and growth especially inSub-Saharan Africa, and in many other developing andSTATECO N°100, 2006


144principaux moteurs de la modernisation del’agriculture et de la croissance des revenus enmilieu rural 93 .Ce discours serait difficilement passé il y a dix ans.Aujourd’hui, il ne choque plus vraiment. Maisaucune donnée sérieuse ne vient étayer cesaffirmations. Rien ne dit que les stratégies et lespolitiques s’inspirent de ces chiffres. Et rienn’indique que l’on se préoccupe de la façon dont leprocessus de peuplement réagit aux aléas de laconjoncture, ou aux règles du jeu de l’économiemonde que les pays riches et déjà peuplés imposentau reste de la planète.Que sait-on du processus de peuplement en Afriquesub-saharienne ? L’intervalle théorique de dix ans –déjà beaucoup trop long – entre deux recensementssuccessifs de la population est de moins en moinsrespecté (le dernier recensement du Cameroun datede 1987 !). Et ces recensements qui fournissent tousles détails sur les matériaux de couverture desmaisons et sur les types de latrines ne donnentaucune indication précise sur le processusd’agglomération et d’urbanisation.L’une des implications majeures de la transitiondémographique est le passage de l’autosuffisancelocale à l’économie de marché. De quels indicateursdispose-t-on pour suivre le processus de division dutravail entre producteurs et consommateurs dedenrées alimentaires ? Les World DevelopmentIndicators (WDI) de la Banque mondiale, quicomportent pourtant 575 variables, ne fournissentplus de mesure de l’emploi non agricole que pourdix pour cent des pays les moins avancés. Si cetindicateur disparaît des WDI, c’est sans doute qu’ilest jugé sans intérêt, comparé aux sujets du jour telsque les émissions de CO² et la consommationd’énergie.transition countries, is in the informal economy. Theinformal economy workforce is estimated to account for78 percent of non-agricultural employment in Africa,93 percent of all new jobs created, and 61 percent ofurban employment.93 The conditions…to bring the rural poor out of povertyare overwhelmingly associated with increasing ruralurbaninteractions. In more dense rural areas with towns,credit markets are more apt to exist, and land more likelyto qualify for collateral. Higher farmgate pricesassociated with better roads and proximity to urbanmarkets, and more opportunities for spreading risk,encourage higher-input agriculture. This in turn leads togreater value produced per unit area and generally tomore off-farm jobs.STATECO N°100, 2006


145% des 67 pays à bas revenus pour lesquels les WDIdonnent la valeur des trois indicateurs% des pays renseignés100,0%80,0%60,0%40,0%20,0%0,0%1960196419681972197619801984années1988199219962000Emploi dans lesecteur primaireen % de l'emploitotalEmissions de CO²en tonnes parhabitant et par anPIB en parité depouvoir d'achat parkg d'équivalentpétroleQue sait-on de la contribution des villes et dumilieu urbain à l’économie nationale ? Si l’on seréfère aux comptes nationaux, la réponse est : rien,puisque aucune estimation du PIB urbain n’estfournie 94 . Qu’on ne prétende pas que cette mesuredu PIB urbain est impossible : les WDI fournissentbien, avec six chiffres après la virgule, la quantitéde CO² produite par habitant et ce depuis les années1960, et pour la quasi-totalité des pays les moinsavancés. La vraie raison est que les modèles macroéconomiquescourants n’ont pas besoin pourfonctionner de cette information sur la contributiondes villes au PIB. Ils ne font pas la distinction entremilieu aggloméré et milieu diffus, et ne font pasintervenir la taille ni la densité du pays considéré, nimême sa population totale (sauf pour calculer desratios par tête) ni le taux de croissance de cettepopulation.Quant à la contribution du secteur informel àl’économie urbaine et au PIB, elle restait sauf casparticulier et avant le lancement du programmePARSTAT d’AFRISTAT en 2002 du domaine dessupputations 95 . Les essais de quantification dont on94 Bien que traitant de la contribution des villes audéveloppement, le rapport cité doit se contenter de cetteévaluation pour le moins approximative : « A very roughapproximation of the contribution of the urban-basedactivities to the national economy can be made from thesecondary and tertiary sectors ».95 Cf Jacques Charmes (2000) : « At the beginning of the60s, national accountants had to compile the fewavailable data and to make the numerous assumptionsnecessary to the estimation of the then-called “traditionalsector » without which the GDPs of most newlyindependent African countries would have been reducedto a tiny figure… Once the estimates have been preparedfor a base year, there remains the problem of thevariation from one year to the other. The least that can besaid is that the national accountants generally have beendisposait avant 2002 conduisaient à des résultatsincohérents. Ainsi, pour les 14 pays africains pourlesquels des estimations de la valeur ajoutéeinformelle ont été tentées à l’échelle nationale, lerapprochement avec les données sur la populationet le PIB conduit à cette conclusion surprenante : lavaleur ajoutée par habitant informel, mesurée enparité de pouvoir d’achat aussi bien qu’en valeur,varierait de un à dix entre la Mauritanie et le Niger,et celle du Bénin serait de moins du quart de celledu Burkina Faso. De tels écarts de productivitéinformelle entre ces pays dont les quartierspopulaires sont si semblables interpellent.On verra que les enquêtes 1-2-3 du programmePARSTAT qui portait sur les capitales des pays del’UEMOA (Union Economique et MonétaireOuest-Africaine) conduisent à des écarts deproductivité en valeur courante plus modérés, de 1à 5 entre Niamey et Abidjan. Mesurées en parité depouvoir d’achat, les productivités informellesrésultant de ces enquêtes 1-2-3 ne varient que dusimple au double entre Niamey d’une part, etBamako et Abidjan d’autre part, ce qui sembleplausible.Ce programme PARSTAT avait pour objectif demettre au point une méthode d’évaluation du rôledu secteur informel. Si les dépenses des ménagesinformels commencent à être bien cernées, leproblème de la mesure des revenus du secteurinformel n’est toujours pas entièrement résolu. Pourexpliquer les dépenses et compte tenu destransferts, il faudrait majorer les revenus desactivités informelles de 30 à 40 % à Lomé, Cotonoushort of imagination: trends in the informal sector havefollowed population growth for trade and eventuallyservices ».STATECO N°100, 2006


146et Niamey et de 10-15 % Ouagadougou, Bamako etDakar (voir encadré 1).De tels écarts sont une constante dans les enquêtesbudget consommation de par le monde et si on nepeut théoriquement s’en satisfaire il faut bien« faire avec ».Encadré 1Quelques remarques sur les résultats des enquêtes 1-2-3Les enquêtes 1-2-3 ont été réalisées simultanément et sur la même méthodologie dans les septcapitales des pays de l’UEMOA. En raison de la crise en Côte d’Ivoire, la phase 3 de cesenquêtes qui concerne la dépense des ménages n’a cependant pu être menée à bien àAbidjan.Grâce à la rigueur et l’unicité et de la méthode suivie et au fait que tous le pays concernésappartiennent à la même zone monétaire, on dispose ainsi de données mieux fondées et plusfaciles à comparer que par le passé.Cependant, le tableau ci-après montre que ces enquêtes 1-2-3, comme toutes les enquêtescomparant revenus et dépenses, sont loin de résoudre le problème de l’adéquation entre lesdépenses des ménages informels et les revenus d’activité et de transferts qui ont pu êtremesurés sur la base de ces enquêtes, bien que l’on dispose avec 1-2-3 d’un taux de sousévaluation du revenu déclaré. Selon les pays, il faudrait en effet majorer de 10 à 40 % lesrevenus identifiés pour rendre compte de la consommation des ménages dont le chef deménage n’appartient pas au secteur formel public ou privé.De même si l’enquête nous montre bien que les Unité de Production Informelle (UPI) sont enterme d’emplois très semblables dans toute l’Afrique de l’Ouest (avec 1,4-1,6 emplois parUPI) il est aussi étonnant de constater que le nombre moyen d’habitants informels par Unitéde Production Informelle (UPI) varie de moins de 3 à Cotonou et Lomé à plus de 8 à Niameyen liaison avec la taille moyenne des ménages, et le taux d’activité, qui différent parfoisnotablement entre les capitales de l’UEMOA.Quelques ratios du secteur informel des capitales de l'UEMOA en2002 classées par productivité croissanteValeurs en 1000 FCFA par habitant par anOuagaCapitale Niamey LoméDakar Cotonou Bamako AbidjandougouNombre moyen d'habitants des ménages"informels" et "sans emplois" par UPI 8,2 2,8 4,9 5,4 2,8 3,9 4,1Taille moyenne des UPI 1,4 1,5 1,5 1,5 1,6 1,4 1,6Dépense monétaires par habitant "informel"et "sans emplois" ( D ) 236 284 211 336 401 295Revenus monétaires par habitant "informel"et "sans emplois" ( R ) 177 231 189 308 298 259 454Revenus non identifiés en % des revenusidentifiés ( D-R )/( R ) 33% 41% 12% 9% 34% 14%Productivité informelle 99 123 173 223 306 330 495Ratio PIB PPA/PIB $ en 2001 5,09 6,10 5,20 3,15 2,66 3,39 2,35Productivité informelle renormée en PPA 504 748 898 702 813 1117 1163Source : Enquêtes 1-2-3. Nota : La Productivité informelle utilisée ici est égale à la VA informelle divisée par l’ensemble deshabitants informels et sans emplois et non à la VA informelle rapportée aux actifs informels.STATECO N°100, 2006


147Pourquoi de telles incertitudes etpourquoi ne nous donnons pas lesmoyens d’y remédier ? Deux expli–cations sont concevables.La première serait que les investigations sur lesecteur informel n’intéressent que les chercheurs etnon les décideurs qui sont chargés d’élaborer et demettre en œuvre les stratégies et les politiques etquidoivent rendre des comptes sur leur action. Maisune telle explication est irrecevable, puisque l’ons’accorde à reconnaître que le secteur informel estla source d’activité, d’emploi et de revenu pour80 % de la population non agricole !Force est donc de se rabattre sur la deuxièmeexplication : on ne dispose pas d’un cadre d’analyseet de modélisation adéquat dans lequel il seraitpossible de ranger et de traiter les données sur lesecteur informel et d’analyser ses interactions avecle reste de l’économie : le cadre conceptuel del’économie du développement serait doncinadéquat, il laisserait de côté 80 % des acteurs.Ce cadre conceptuel ne s’applique, en vérité, qu’àla partie dite moderne ou formelle de l’activité, laseule pour laquelle il est conçu, alors que cettecomposante de l’économie est dans la plupart descas fortement extravertie et n’entretient avecl’économie populaire que des rapports indirects!Les logiques propres de fonctionnement du secteurinformel (priorité bien naturelle au partage del’activité entre le nombre maximum de personnes,et non à la productivité et à la compétitivité,nécessité absolue de la proximité physique entre lalocalisation de l’exercice de l’activité et le lieu derésidence,..) sont tout simplement ignorées.Que sait-on des liens entre dynamiques depeuplement, pauvreté et inégalités ? Les analyses dela pauvreté atteignent des niveaux de sophisticationahurissants. Mais on cherchera en vain commentintervient la variable peuplement (qui rend compteà la fois de la croissance démographique et laredistribution spatiale et socio-économique de lapopulation) dans ces analyses. Les cadresstratégiques de lutte contre la pauvreté (CSLP) netiennent aucun compte des migrations futures.Cibler les pauvres et aider ces pauvres à rester oùils sont et à continuer à faire ce qu’ils font, nerevient-il pas à encourager l’immobilité ?La Conférence AFD / EUDN de 2003 sur le thème« Pauvreté, inégalités et croissance : quels enjeuxpour l’aide au développement » et celle de 2004 surle thème : « Aide au développement : pourquoi etcomment » fournissent deux exemples frappants decette ignorance générale du facteur peuplement et,plus largement, de la nature des transformationsconsidérables qui s’opèrent dans ces pays.Pourquoi en est-on là aujourd’hui ?Pourquoi un tel décalage entre la réalitésensible et les pratiques des institutionsspécialisées dans l’aide au dévelop–pement ?L’économie du développement a été pourl’essentiel conçue par des experts formés dans despays déjà peuplés et équipés, où ces questions depeuplement et d’aménagement n’ont plus beaucoupd’importance. C’est pourquoi elle est à la foisutopique, c’est à dire ignorante de la dimensionspatiale, désincarnée, c’est à dire sansconsidération des personnes (les agrégats auxquelsconduisent les modèles macro-économiques sontpratiquement indépendants de la population et de sarépartition) et « démostatique » (le peuplement estconsidéré comme une donnée plutôt que commeune variable).La modélisation macro-économique, même dansses formes les plus complexes, tend à nous faireperdre de vue la nature systémique dudéveloppement. La plupart des relations decausalité entre variables que nous prenons encompte dans nos modèles ne sont pertinentes qu’àune certaine échelle géographique, à un certainhorizon temporel et à un certain stade de latransition démographique. Il n’est pas du tout excluqu’elles doivent être inversées si l’on changed’échelle, d’horizon et de contexte.Reprenons l’exemple du « secteur informel ». Leséléments constitutifs de ce « secteur » sont parnature éminemment flous et changeants, comme leseraient les molécules d’un mélange de gaz au seind’un réservoir poreux et en déséquilibre de pressionet de température. Les économistes qui s’intéressentà ce « secteur » se défendent évidemment devouloir le formaliser, mais cela ne les empêche pasde faire systématiquement usage de concepts,d’indicateurs, et de relations de causalité quiparaissent si naturels et évidents dans le cas del’économie formelle. Pourquoi s’obliger à cesdistinctions subtiles entre population inactive,population active occupée et chômeurs ? Quepenser de l’hypothèse implicite selon laquelle latotalité de la production peut être appréhendéegrâce au recensement des Unités de ProductionInformelles (UPI) et à la mesure de leur activité ?Pourquoi présupposer que le revenu explique ladépense, que l’épargne explique l’investissement etnon l’inverse ? Comment peut-on imaginer décrireconvenablement le fonctionnement de l’économieinformelle en faisant abstraction de la dynamiquede peuplement des quartiers populaires et de sesrépercussions sur le comportement des acteurs ?STATECO N°100, 2006


148Un autre obstacle important à la compréhension dumonde réel est notre aversion pour les déséquilibreset les disparités : si le revenu moyen par habitanturbain est le triple du revenu des ruraux, c’est,pensons-nous, la conséquence de mauvaisespolitiques et du « biais urbain ». De meilleurespolitiques (cf. les CSLP, et la croissance« pro-pauvres ») devraient donc rapidement venir àbout de ces déséquilibres regrettables, et lesbailleurs de fonds sont maintenant classés enfonction du nombre de personnes qu’ils sontsupposés avoir aidées à sortir de la pauvreté 96 . Cefaisant, on refuse d’admettre que les pays entransition démographique sont structurellement etdurablement déséquilibrés, et que ces déséquilibressont l’un des moteurs de la restructurationnécessaire du peuplement.Enfin, les nécessités de l’action, la programmationpar objectif, la rigueur croissante exigée des étudesd’impact de l’aide nous amènent à découper lemonde réel en secteurs (finances, agriculture,transports.) et en milieux (rural, urbain), àmultiplier les indicateurs 97 , et à bâtir les institutionset à en calquer les organigrammes sur cesdécoupages. Le FMI (Fonds monétaireinternational) s’occupe de monnaie et de finance ettrouve normal que son conseil d’administration necomporte que des banquiers et des financiers, maisaucun historien ni géographe ni démographe, laFAO (Food and Agriculture Organization desNations Unies) s’occupe d’agriculture et l’UNCHS(United Nations Centre for Human Settlement) desvilles. Au sein de la Banque mondiale (et des autresinstitutions bi et multilatérales), la culture urbainedu personnel des départements agricoles est aussifaible que la culture rurale de ceux desdépartements en charge du développement urbain.A ces découpages sectoriels traditionnels, on vientd’en ajouter un nouveau tout aussi redoutable : leshabitants sont maintenant répartis en deuxcatégories : les pauvres (profonds ou légers) et lesnon pauvres. D’où évidemment la prolifération desexperts et des institutions spécialisées dans lapauvreté.96 Cf Collier-Dollar : « the number of individuals liftedout of poverty by an extra $ 1 million of aid varies from350 for Denmark to 200 for the US AID and 150 for theEuropean Commission ».97 Dans son exposé introductif à la troisième ConférenceAFD-EUDN de décembre 2005, William Easterly noteque Jeffrey Sachs, auteur d’un rapport à l’ONU de451 pages plus 3.300 pages d’annexes, propose449 interventions distinctes pour atteindre les54 Objectifs du Millénaire pour le DéveloppementAlors, s’il est vrai qu’il y a un problème,que faire ?Si je peux me permettre, la première chose à faireserait que chacun se pose les questions suivantesQuelle place occupe le facteur « peuplement » dansma façon de concevoir ma mission ? : Quelle visionà moyen et long terme guide mon action ?Si rien de ce qui est évoqué dans cette note ne vousconcerne et si vous ne voyez pas pourquoi il seraitopportun de changer de paradigme, inutile d’allerplus loin. Comme dirait David Naudet, arrêtonsd’échafauder sans cesse de nouvelles théories et dechercher des problèmes auxquels nous pourrionsrépondre par nos solutions préconçues (Naudet,1999).Dans le cas contraire, sachez qu’un autre cadreconceptuel est concevable et qu’il est possible de sedoter d’une autre lecture des transformations encours dans les pays en voie de peuplement. Ledeuxième encadré présente quelques éléments ducadre conceptuel démo-économique et spatial qui aservi de base à l’étude WALTPS (West AfricanLong-Term Perspectives Study) de 1995.C’est ce même cadre conceptuel qui est à la sourcedu modèle démo-économique et spatial dans lequelles relations entre transformation du peuplement etrestructuration de l’économie dite « réelle » sontexplicitées. On peut avec un tel modèle décrire lestransformations sur la longue durée du complexepopulation-espace-économie changement social eten tirer les conséquences. On peut construire desimages cohérentes et réalistes du fonctionnement du« secteur informel » ou plutôt de l’économiepopulaire et de ses rapports avec l’économieformelle. On peut esquisser des analyses coûtbénéfice du processus d’urbanisation et comparerdivers scenarios de migrations et de croissanceurbaine alternatifs. On peut dire des chosesraisonnables et pratiques sur la question desdisparités socio-économiques et de la pauvreté. Onpeut aussi donner un contenu concret à l’étude desinteractions ville-hinterland, à la description deséconomies locales urbano-centrées, et construiredes systèmes d’information locaux répondant auxbesoins des collectivités locales. Enfin, ce modèlefournit un cadre de contrôle, d’archivage,d’extrapolation et de valorisation de données issuesde monographies, d’études sectorielles oud’enquêtes locales telles celles du programmePARSTAT.Quelle avalanche d’affirmations sans preuve ! Ilvaudrait mieux nous expliquer commentfonctionne cette boîte noire ! Oui, mais la seulefaçon de le savoir est d’y consacrer du temps detravail personnel. Combien de temps ? DeuxSTATECO N°100, 2006


149semaines d’étude et de travaux pratiques intensifs,selon l’expérience acquise lors des ateliers deformation Ecoloc. En attendant mieux, le troisièmeencadré donne un très bref aperçu de la structuredes modèles démo-économique utilisés dans leprogramme Ecoloc 98 .98 Le manuel du programme Ecoloc est disponible sur lesite internet du PDM : www.pdm-net.org ou sur celui duClub du Sahel et de l’Afrique de l’ouest :www.oecd.org/sahSTATECO N°100, 2006


Encadré 2Les idées directrices de l’étude des perspectives à long terme en Afrique del’ouest (WALTPS)Dans les pays en voie de peuplement, la multiplication par un facteur cinq à dix de lapopulation totale en un siècle et l’ouverture au monde et à l’économie de marchés’accompagnent inévitablement d’une redistribution spatiale et socio-économique de lapopulation. Les manifestations les plus visibles en sont le processus d’agglomération- lapopulation urbaine est appelée à croître d’un facteur cinquante à cent-, la spécialisation et ladivision du travail, et l’intensification des échanges.Le peuplement et l’activité tendent à s’organiser en un ensemble de systèmes centrés sur despôles urbains structurant des hinterlands majoritairement ruraux. La production et leséchanges au sein de ces espaces « urbano-centrés » croissent plus vite que dans le reste dupays. Cette concentration de l’activité est source de disparités géographiques croissantes.Le mécanisme d’ajustement le plus naturel à ces disparités géographiques est la migrationdes zones marginales vers ces « économies locales » en voie de constitution autour des pôlesurbains. Plus ces migrations sont difficiles, plus les disparités de niveau de vie entre régionssont fortes.Les besoins engendrés par le processus d’agglomération, la spécialisation et l’intensificationdes échanges au sein de ces espaces denses sont les moteurs de la croissance de laproductivité, tant dans le pôle urbain que dans l’hinterland.L’urbanisation constitue le principal moteur de la transformation de l’agriculture et del’économie rurale. La croissance de la demande par agriculteur exige et rend possible lacroissance de la productivité des agriculteurs et facilite l'intensification de la productionagricole, en donnant naissance à une économie rurale de plus en plus intégrée à l'économierégionale.Tant que la transition démographique se poursuit, la productivité urbaine reste deux ou troisfois plus forte que la « productivité rurale ». Les effets d’agglomération croissant avec lataille des villes, celles-ci ont une productivité d’autant plus élevée que leur population estplus nombreuse.Pendant toute la phase de transition, l’économie urbaine reste marquée par une forte dualitéentre un « secteur moderne » minoritaire en termes de population mais majoritaire en termesde valeur ajoutée et un « secteur informel » dont la vocation principale est d’accueillir etd’occuper le maximum de nouveaux venus, en leur procurant des moyens d’existenceminimaux. Une ville efficace est une ville capable d’attirer les migrants et de leur permettrede s’intégrer rapidement dans la vie de la cité. Dans leur majorité, les immigrants récents,confrontés aux nouveaux besoins de dépense impliqués par la vie en milieu urbain,apparaissent comme pauvres, mais cette pauvreté relative est temporaire. Pendant cettephase de transition, la présence de pauvres en ville est donc inévitable. Une ville sanspauvres serait probablement une ville d’apartheid, refusant d’accueillir les candidats àl’immigration, et qui ne jouerait pas son rôle dans le processus de peuplement.L’analyse du fonctionnement de l’économie populaire révèle le rôle moteur de la demande de biens et servicesessentiels comme le logement, la nourriture et les transports dans l’économie urbaine et régionale : une fractionimportante de l’accroissement du produit brut s’explique par l’augmentation des « besoins essentiels » desménages, résultant de la croissance démographique et de l’urbanisation. Quand une ville croît à un taux del’ordre de 5 à 7 % par an, un tiers de son activité- et des revenus distribués - doit être consacré à s’équiper, à se


150transformer et à entretenir son cadre de vie. Seules de mauvaises politiques ou l’insuffisance de l’investissementpublic de fonction locale peuvent empêcher que le besoin d’investissement résidentiel privé engendre l’épargneprivée nécessaire.Statéco n° 95-96-97, 2000


151Encadré 3Du cadre conceptuel à la modélisation démo-économique et spatiale :quelques indications sommairesLa modélisation démo-économique accorde une grande importance à la variable démographique, précieuxindicateur et principal facteur explicatif des changements de structure de l’économie des pays en voie depeuplement. A tout instant, la population totale du pays ou de la zone d’étude est répartie, sans distinctiond’âge, de sexe ou d’activité, d’une part en divers « milieux » : la ville capitale, les villes moyennes, les petitesvilles, le milieu rural, d’autre part en trois strates reflétant à la fois des modes de production et de viedifférents : la population primaire, la population non primaire moderne (publique ou privée), et la populationnon primaire informelle notée PNP1, qui constitue le solde.Les variables de stock et de flux de ces « matrices de peuplement » (milieux en colonnes, strates en lignes)constituent l’une des entrées des modèles démo-économiques.L’activité économique qui est décrite dans ces modèles est censée rendre compte du comportement et dustandard de vie observé des catégories de personnes (milieu*strate) décrites dans ces matrices de peuplement.Chaque personne tire ses revenus de plusieurs secteurs et types d’activité et de sources diverses, dans desproportions variant avec le milieu et la strate considérés. Et chaque catégorie de personnes engendre desactivités dépendant entre autres des variables de stock et de flux qui la caractérise.Les dépenses d'investissement de chaque catégorie de personnes se composent de deux éléments : lesinvestissements résidentiels calculés en fonction des transformations de la matrice de peuplement (extension duparc de logement) et de paramètres (rapport entre le coût de l’unité d’habitation et le revenu de la personnedestinataire, coefficient d’entassement dans le parc existant, taux de renouvellement du parc existant,..), et les« autres investissements privés » qui résultent du solde entre l'épargne et les transferts en capital reçus et lesdépenses d’investissements résidentiels. De même, les administrations ont des dépenses d’investissements defonction locale et d’entretien du stock d’équipements publics adaptées aux besoins d’investissement résidentieldes ménages et d’autres investissements calculés par solde.Les personnes classées en dehors de la strate « moderne » sont censées vivre dans un système économique dual,comprenant un niveau « de base » assurant une part des besoins essentiels, et un niveau « exposé » Dansl’économie de base, c’est la demande exprimée par les individus qui constitue le moteur de l’offre, sanscontraintes de ressources ni échanges autres qu’à faible distance. Il y a globalement égalité entre dépenses etrevenus, entre valeur ajoutée et consommation. Si tout s’arrête dans le reste de l’économie, l’économie de baseassure à toute la population concernée ce « minimum vital ».L’économie exposée, à laquelle participent toutes les strates de la population, fonctionne de manière plusclassique, sous contrainte de ressources et notamment de ressources extérieures. Si celles-ci décroissent ous’annulent, l’économie exposée se rétracte ou disparaît même complètement.Les seules institutions qui sont identifiées dans ce modèle sont les populations, à la fois consommateurs etproducteurs, et les administrations. La population en tant que telle, et non via la main d’œuvre est facteur deproduction. Les valeurs ajoutées engendrées par le processus productif sont réparties entre les administrationset les populations qui transfèrent éventuellement une fraction des revenus ainsi collectés hors du pays ou de lazone étudiée.Le PIB « Ecoloc » est présenté dans divers tableaux, parmi les quels une matrice « milieux * strates »comparable à la matrice de peuplement. Le PIB urbain et le PIB rural ainsi déterminés sont aussi répartis entreles diverses villes et les diverses entités territoriales à l’aide de modèles d’allocation spatiale.Les seules données exogènes utilisées dans le paramétrage du modèle démo-économique national concernent lepeuplement, les échanges extérieurs, et un ensemble de paramètres relatifs à la structure de la dépense desménages, des institutions et des activités (coefficients de la matrice des échanges interbranches, contenu enimportation). Les valeurs ajoutées, le « PIB Ecoloc » et ses diverses utilisations sont des résultats du modèle etnon des données d’entrée. La concordance des résultats du modèle avec les agrégats officiels n'est nisystématique, ni obligatoirement recherchée. Dans la mesure où la modélisation démo-économique nationale etles comptes locaux apportent des informations nouvelles, il est légitime d’en attendre à terme une améliorationde ces comptes nationaux dont on sait qu’ils reposent aussi sur un grand nombre d’hypothèses et qu’ils sontaussi en partie « modélisés ».Statéco n° 95-96-97, 2000


152Les transactions entre les comptes des institutions (ménages urbains, ménages ruraux, administrations), desbiens et services, des activités, du capital, etc.. et entre les divers espaces considérés (dont le reste du pays, lespays limitrophes et le reste du monde) sont synthétisées dans un ensemble de Matrices de Comptabilité Sociale(MCS) retraçant en ligne les revenus ou entrées et en colonne les dépenses ou sorties de chaque agent et dechaque compte.Pour mettre en évidence les changements structurels, les comptes sont élaborés à quatre dates : aujourd’hui, il ya dix ans, dans 10 ans et dans 20 ou 30 ans. Ces images à moyen et long terme ne sont pas des projections, maisun moyen de visualiser divers états futurs plausibles du peuplement et de l’économie qui accompagne cepeuplement et de mettre en évidence les changements de structure auxquels il faut s’attendre à l’échelle d’unegénération.Les modèles démo-économique locaux utilisés pour l’étude d’une zone particulière ont une structure proche decelle du modèle national, mais ils font intervenir des « lois » spécifiques : par exemple, la fraction de laproduction locale qui est « exportée » vers le reste du pays fait intervenir la taille relative de la zone (fraction« exportée » décroissant avec la taille) et les caractéristiques relatives de son peuplement urbain et rural. Pourl’élaboration de la première maquette des comptes locaux précédant l’étude de terrain, les paramètres utilisésdans le modèle local sont ajustés pour retrouver à peu près les mêmes agrégats locaux que ceux dérivés del’allocation spatiale des agrégats nationaux. Cette première maquette fournit très tôt dans le processus d’étudedes ordres de grandeur vraisemblables à partir desquels les travaux de terrain pourront être organisés. L’imagede l’économie locale ainsi obtenue est certes assez grossière mais elle a le mérite d’être exhaustive, au sens oùtoute la population, activités et transactions de la zone sont prises en compte, d’être systématiquement replacéedans son contexte national. Les allers-retour entre modélisation et enquêtes qui sont décrites dans le processusEcoloc conduisent progressivement à un « modèle » de l’économie locale certes simplifié, mais utilisable pourl’élaboration de divers scénarios et l’organisation de débats sur les stratégies de développement local.Statéco n° 95-96-97, 2000


153Références bibliographiquesAerts J.-J., Cogneau D., Herrera J., de Monchy G. et Roubaud F. (2000), L’économiecamerounaise ; un espoir évanoui, Karthala, Paris.Arnaud M. (1998), Dynamique de l’urbanisation de l’Afrique au sud du Sahara, MAE etISTED, Paris.Arnaud M., Bosssard L. Cour J.M., Yatta F.P. (2001), Gérer l’économie localement enAfrique, Manuel Ecoloc, OCDE et PDM, Paris.Charmes J (2000), « The Contribution of Informal Sector to GDP in Developing Countries:Assessment, Estimates, Methods, Orientations for the Future » contribution au 4th Meeting ofthe Delhi Group on Informal sector Statistics, Geneva, 28-30 August.Cour J.M., Snrech S. (1998), Pour préparer l’avenir de l’Afrique de l’ouest : une vision àl’horizon 2020, OCDE, Paris.Cour J.M. (2000), Population dynamics, urban-rural linkages and local development in WestAfrica : a demo-economic conceptual framework. World Bank, Washington D.C, March._________ (2001), Migrations, urbanisation et transformation du monde rural au Vietnam,MAE et ISTED, Paris._________ (2003) Urbanization and sustainable development: A demo-economic conceptualframework and its application to Vietnam, MAE, Paris._________ (2003), « Sustainable development and poverty reduction strategy revisited: ademo-economic conceptual framework and its application to Ethiopia. Addis Ababa »,EEPRI, January._________ (2004), « Cahiers d’études et de recherches francophones », Agricultures, Volume13, Numéro 1, Janvier – Février. p.158-165._________ (2005), « Les bénéfices et le coût de l’urbanisation ». Forum Economique etFinancier Franco-Vietnamien. Ambassade de France au Vietnam et ADETEF, Hanoi, juin.Gunning J. (2005), « Why Give Aid? » in Development Aid: Why and How? Towardsstrategies for effectiveness, Proceedings of the AFD-EUDN Conference 2004, Notes andDocuments N°22, Agence Française de Développement, Paris.Kessides C. (2004), « The Contributions of Urban Development to Economic Growth andPoverty Reduction with a Special Focus on Sub-Saharan Africa », informal discussion paperprepared for the Cities Alliance, Washington, DC: June.Mesplé-Somps S. (2001), « Présentation du modèle démo-économique développé par le Clubdu Sahel pour analyser le développement des économies locales d’Afrique de l’Ouest.Hypothèses et premières critiques », Document de Travail, Dial, DT/2001/01.Naudet J.-D. (1999), Trouver des problèmes aux solutions. 20 ans d’aide au Sahel, OCDE,Paris.Statéco n° 95-96-97, 2000


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155Les échanges entre la Chine etl’AfriqueSituation actuelle, perspectives et sources pour l’analyseJean-Raphaël Chaponnière 99Après des années de croissance extrêmement rapide de ses échanges, la Chine estdevenue à la fois le 3 ème exportateur et importateur mondial. Alors que le poids del’Afrique sub-saharienne dans les échanges chinois demeure marginal, la Chine adépassé l’Allemagne pour devenir en 2005 le premier fournisseur du continent dont ellereprésente environ 10 % des importations. La Chine exporte surtout des biens deconsommation (textile-habillement, motocyclettes, etc.) et importe d’Afrique du pétroleainsi que différents minerais et produits tropicaux. L’émergence de la Chine a plusgénéralement un impact important sur l’Afrique à travers au moins deux canaux : ducôté positif, la croissance chinoise pousse à la hausse la demande mondiale et donc lecours des matières premières exportées par les pays africains ; du côté négatif, lesentreprises africaines souffrent de la concurrence chinoise, tant sur leur marchéintérieur qu’à l’exportation, en particulier dans le textile-habillement suite audémantèlement des quotas douaniers imposés dans le cadre des Accords Multi-Fibres.99 Jean-Raphaël Chaponnière est économiste à l’Agence Française de Développement (AFD).Statéco n° 95-96-97, 2000


156La montée en puissance de la Chine devenue letroisième exportateur mondial bouleverse lagéographie des échanges. En 2005, la Chine auraitainsi dépassé l’Allemagne à la première place desfournisseurs de l’Afrique dont elle est en sensinverse le second débouché. Après une présentationrapide de l’émergence chinoise (I), cet articles’appuie sur différentes sources statistiques pouranalyser les échanges entre la Chine et l’Afrique(II) vus de Pékin et des pays africains. Il s’intéresseensuite à leurs perspectives et aux conséquences dela montée en puissance de l’économie chinoise surles économies africaines (III).Une grande puissance émergenteEn 1978, après trois décennies de croissanceheurtée, la Chine s’est engagée dans une stratégieanalogue à celle qu’avaient adoptée la Corée etTaiwan vingt ans plus tôt. Libérant les initiativespaysannes, elle a capitalisé sur les bas salaires pourpercer sur le marché mondial et remonter les filièresindustrielles. Cette stratégie a dopé la croissancequi a été de 9,4 % par an en moyenne entre 1978 et2005. Spectaculaire, vu d’Europe, ce rythme n’estpas sans précédent en Asie mais l’émergenced’une économie aussi peuplée et aussi ouverte auxéchanges est porteuse de changements plusconsidérables.A l’instar des autres pays de l’Est asiatique, laChine a pratiqué une politique macro- économiqueprudente sans respecter les autres piliers duconsensus de Washington que sont la privatisationou la libéralisation (Rodrik, 2006). Outre ladifférence de taille, la stratégie chinoise sedémarque de celle de ces prédécesseurs sur deuxpoints importants pour l’avenir :- La Chine est très ouverte aux investissementsdirects étrangers (IDE) alors que l’EstAsiatique était seulement entr’ouvert ;devenue l’une des plus grandes destinationsdes IDE, la Chine joue de son attractivitépour acquérir des technologies etrenforcer la R&D. Par ailleurs, alors qu’enCorée et à Taiwan, les réformes agrairesavaient précipité un exode rural considérable 2 ,les paysans chinois jouissent seulement dudroit d’usage de leurs terres et leursmigrations sont freinées par des obstaclesadministratifs : l’agriculture emploie près de lamoitié de la population active et l’exode ruralreste à venir.- Les moteurs de la croissance chinoise ont étél’exportation et l’investissement. Encouragépar l’abondance de liquidités et des tauxd’intérêt bas – conséquence de l’ancrage durenminbi sur le dollar et de l’entrée massive decapitaux – l’investissement représente 40 %du PIB depuis 2000. Cet effort sans précédentest inférieur à l’épargne domestique. Labalance des paiements courants eststructurellement excédentaire et une partie desréserves – 43 % du PIB – investie en Bons duTrésor américain 3 .Tableau 1 :La Chine en quelques chiffres (2005)Population (millions) 1.305PIB (milliards de US$) 2.167PIB par habitant (USD) 1.661Agriculture (% du PIB) 13,0 %Industrie (% du PIB) 46,2 %Services (% du PIB) 40,8 %Exportations (milliards de USD) 762Importations (milliards de USD) 660Réserves (milliards de USD) 8152 La part de l’agriculture dans la population activechinoise a diminué de 75 % à 47 % entre 1978 et 2005alors que, partant d’un niveau légèrement inférieur, elleavait été réduite de moitié en vingt ans en Corée etTaiwan.3Tout se passe comme si, en contre partie dufinancement de leur déficit courant, les Américainsassuraient la Chine d’un débouché pour sesexportations. La théorie d’un pacte implicite « BrettonWoods 2 » entre les Etats Unis et la Chine a été proposéepar Dooley, Folkerts-Landau, Garber (2003).STATECO N° 100, 2006


157Dans les années 1950, les exportations de la Chine -il s’agissait de produits agricoles - avaientprogressé aussi rapidement que celles du Japon(graphique 1). Après vingt années d’éclipse, laChine a réintégré le commerce mondial et depuis1978, ses exportations (en dollars courants)augmentent en moyenne de 24 % par an, un rythmequi s’est accéléré depuis 2000 4 . Les importationsayant progressé aussi vite, la Chine se classe au 3 èmerang mondial pour les exportations et lesimportations derrière les Etats-Unis et l’Allemagne.Grande puissance émergente, la Chine n’endemeure pas moins un pays en développement.Mesuré en dollars courants, son PNB per capita estproche de celui du Maroc. Apprécié en parité depouvoir d’achat il est au niveau de l’Algérie etl’indicateur de Développement Humain (IDH)classe la Chine à égalité avec la Tunisie. Cesmoyennes sont trompeuses dans un pays oùl’inégalité est désormais aussi forte qu’aux Etats-Unis : l’IDH classerait les provinces les pluspauvres parmi les pays moins avancés. Le contrasteentre le poids macro-économique et les réalitésmicro-économiques explique la situation assezparticulière qu’occupe la Chine dans les échangesmondiaux :- Au niveau des importations, elle a les appétitsd’un grand pays dont les ressources nesuffisent plus (à l’exception du charbon) àsatisfaire ses besoins. Second consommateurmondial de pétrole, la Chine énergivoreimporte la moitié de ses besoins. Elle assureentre 20 et 30% de la demande mondiale desprincipaux métaux (minerai de fer, cuivre,aluminium, nickel et zinc ; Lennon, 2005) etdevient un marché de plus en plus importantpour l’aliment pour le bétail et le soja.- Au niveau des exportations, un réservoir quasiillimité de main d’œuvre non qualifiée et unpotentiel considérable de personnel qualifiépermettent à la Chine d’être compétitive surde très nombreux marchés 5 . Si elle a dépasséles Etats Unis pour devenir le premierexportateur mondial de produits relevant destechnologies de l’information et de lacommunication – pour la plupart fabriqués pardes filiales étrangères – la Chine domineégalement les marchés de biens peusophistiqués 6 et son offre est adaptée à lademande des pays en développement.4 Les résultats du 1 er trimestre 2006 (exportations :+28 % ; PIB : +10 %) ne signalent aucunedécélération.5Cela a conduit Paul Samuelson (2004) à évoquer ladisparition des gains de l’échange pour les Etats-Unisdans le cas où la Chine améliorerait fortement saproductivité relative pour les produits de hautetechnologie.6Habillement, jouets (60% du total mondial),chaussures de sport (55 %), bicyclettes (50 %),téléviseurs, motocyclettes (15 %).STATECO N° 100, 2006


158Graphique 1 :Les plus grands exportateurs (% Monde de 1948 à2004)Graphique 2 :Les plus grands importateurs (% Monde de1948 à 2004)25%Chine France AllemagneJapon GB Etats Unis20%Chine France AllemagneJapon RU Etats Unis20%15%15%10%10%5%5%0%1948 1953 1958 1963 1968 1973 1978 1983 1988 1993 1998 20030%194 195 196 196 197 198 199 199 200Sources : OMC, FMI et SBY (pour 2005) Sources : OMC, FMI et SBY (pour 2005)L’Asie et l’AfriqueDans les années 1970, le Japon était le principalfournisseur asiatique de l’Afrique sub-sahariennequi absorbait alors entre 7 et 8 % des exportationsjaponaises. Les produits coréens se sont ensuitesubstitués aux produits japonais et depuis dix ans,Graphique 3 :Part du Japon, de la Corée, de Taiwan et de laChine dans les importations de l’Afrique Subsaharienne(%)Source : Chelem20%18%16%14%12%10%8%6%4%2%JaponCorée du SudTaiwanChine0%1967 1972 1977 1982 1987 1992 1997 2002les produits chinois font leur apparition(graphique 3). Cela a comme conséquence unredressement de l’Afrique-sub saharienne dans lesexportations chinoises à un niveau qui restetoutefois inférieur à ce qu’il était dans les années1970 (graphique 4).Graphique 4 :Part de l’Afrique sub-saharienne dans lesexportations du Japon, de la Corée, de Taiwan etde la Chine (%)9%8%7%6%5%4%3%2%1%0%JaponCorée du SudTaiwanChine196 197 197 197 198 198 199 199 199 200STATECO N° 100, 2006


159Graphique 5 :Destination des exportations chinoises (2004 en %)Graphique 6 :Origine des importations chinoises (2004 en %)AmériqueSud4%AmériqueNord9%Europe16%Océanie2%AmériqueNord22%AmériqueSud3%Océanie2%Asie50%Afrique3%Asie66%Europe21%Afrique2%Source : China Statistical Yearbook.Les échanges entre la Chine etl’AfriqueLe commerce entre la Chine et l’Afrique débuteavec le périple de l’amiral Zeng He qui auraitdoublé le cap de Bonne Espérance d’Est en Ouestau 16 ème siècle, une cinquantaine d’années avant lesPortugais. S’il a une vieille histoire, ce commerce anéanmoins longtemps relevé de l’anecdote.Obéissant à des objectifs plus politiquesqu’économiques, les échanges entre la Chine etl’Afrique ont connu une première embellie dans lesannées 1960. Depuis les années 1980, leur reprisese fait sur des bases économiques et entre 2000 et2005, alors que le commerce extérieur chinois atriplé, les échanges avec l’Afrique ont quintuplé.L’Afrique demeure cependant un partenaire mineurde la Chine (graphique 5 et 6) 105 .L’Afrique sub-saharienne vue de PékinLa progression de ces échanges accompagne d’uneoffensive diplomatique de la Chine en Afrique. Lesvisites ministérielles se multiplient : le Présidentchinois a été accueilli au Nigéria en avril 2006 etles chefs d’Etat africains participeront à un sommetà Pékin au cours de l’année. Au début de l’année2006, le gouvernement a publié un document sur sapolitique africaine qui met l’accent sur l’égalité, lasouveraineté et la non-ingérence. Le « consensus dePékin » (Ramo, 2004) propose une alternative au« consensus de Washington » : car si les prioritéschinoises (stabilité, développement et réforme) sontles mêmes, elles se conjuguent selon un ordredifférent, Pékin donnant la priorité à la stabilité etWashington aux réformes. C’est dans ce contexteque les entreprises chinoises opèrent en Afrique.Les plus grandes entretiennent – directement ouindirectement – des liens avec l’Etat, elless’engagent dans des pays à risque où ellespoursuivent des stratégies à long terme.La place de l’Afrique dans le commerce extérieurchinois (3% en 2005 et 2,5% pour l’Afrique subsaharienne)est deux fois plus élevée que sa placedans le commerce mondial. Ces échanges sontcaractérisés par leur asymétrie : l’Afrique est unfournisseur et un débouché modeste de la Chine,alors que la Chine est un des principaux partenairesde l’AfriqueVu de Pékin (graphique 7), le commerce bilatéralavec l’Afrique sub-saharienne est déficitaire pour laChine, et le déficit s’est creusé en 2004 et 2005. Lesstatistiques chinoises sont biaisées par le rôle deHong Kong par où transite une partie desexportations chinoises (encadré 3).Les importations et les exportations chinoises ontété respectivement de 20 et 14 milliards de dollarsen 2005 (Afrique sub-saharienne). Vu de Pékin,l’Angola est le premier fournisseur africain de laChine loin devant l’Afrique du Sud, le Soudan, laRépublique démocratique du Congo et la GuinéeEquatoriale (graphique 8). L’Afrique du Sud, leNigéria et le Soudan sont les trois premiersdébouchés des exportations chinoises vers lecontinent.105 De façon schématique, la Chine importe des demiproduitsd’Asie (à l’origine de 2/3 des importations) etexporte des produits finis vers les Etats-Unis, l’UE et leJapon.STATECO N° 100, 2006


160Graphique 7 :Evolution des échanges de la Chine avec l’Afrique sub-saharienne252015milliards de dollarsexportationsimportationssolde1050-52001 2002 2003 2004 2005est-10Source : China Statistical YearbookGraphique 8 :Principaux partenaires africains de la Chine (Afrique sub saharienne) en 2005 en milliards de dollarsImportationsExportationsNigeria; 0,46Guinée Equ;1,40autres; 3,24Angola; 6,60autres; 5,67Afrique du Sud;3,80Congo; 2,30Soudan;2,60Afrique duSud; 3,40Togo; 0,52Ghana; 0,66Benin; 0,75Soudan; 1,30Nigéria; 2,30Source : China Statistical YearbookLa Chine importe du pétrole, des minerais et duboisLes importations chinoises d’Afrique subsahariennesont concentrées. Elles sont dominéespar le pétrole qui représente 70 % du total desimportations chinoises d’Afrique : leSoudan, l’Angola et le Nigéria assurent unquart desimportations chinoises de pétrole. Les boistropicaux viennent au second rang : la Chine,premier acheteur mondial, se fournit en Russie et enAsie et pour un tiers de son approvisionnement enAfrique sub-saharienne (Gabon, Congo, GuinéeEquatoriale). Les seules exportationsmanufacturières (sidérurgie et composantsélectroniques) viennent d’Afrique du Sud.STATECO N° 100, 2006


161Tableau 2 :Les dix premiers postes d’importations chinoises d’Afrique sub-saharienne (2003)CTCIProduitMontant enMilliards de DollarsPlace de l’Afriquedans les importationschinoises du produit3330 Pétrole 4,85 24 %2475 Bois tropicaux 0,5 33 %2815 Minerai de fer 0,28 7 %6672 Diamants 0,2722 %2631 Coton 0,2320 %1212 Tabac 0,166 %6753 Laminés à chaud 0,146 %6734 Laminés à froid 0,092 %2731 Pierres pour construction 0,082 %Source : ITC, PC-TASTableau 3 :Les dix premiers postes d’importations chinoises en termes de poids relatif de l’Afrique (2003)CodeProduitPart de l’Afrique dansles importations duproduitPart du produit dans lesimportations chinoisestotales6714 Ferro -manganèse 85 % - (1)2832 Minerai de cuivre 81 % - (1)1212 Feuilles de tabac 61 % 0,06 %0721 Cacao 53 % 0,01 %6898 Cobalt et cadmium 38 % 0,02 %2654 Sisal, agave et fibres 37 % - (1)2475 Bois tropicaux 33 % 0,36 %6812 Platine 31 % 0,06 %(1) Poids négligeable, inférieur à 0,01 %.Source : ITC, PC-TASTableau 4 :Part de l’Afrique sub-saharienne dans les exportations chinoises (2003)Montant enMilliards de dollarsPart de l’Afrique dans lesexportations chinoisesdu produitTotal 10,04 100 %Tissus coton 0,62 33 %Motocyclettes 0,35 25 %Chaussure 0,31 9 %Tissus synthétiques 0,27 9 %Batteries, accumulateurs 0,25 8 %Riz 0,19 43 %Equipement télécom 0,18 5 %Thé 0,16 45 %STATECO N° 100, 2006


162Costumes, robes 0,15 4 %Tissus synthétiques 0,14 17 %Source : ITC, PC-TASSTATECO N° 100, 2006


163Les pays d’Afrique sub-saharienne jouent un rôlemajeur pour un petit nombre de postesd’importations chinoises (tableau 3) : ils sont sesfournisseurs quasi exclusifs de ferro-manganèse(Gabon) et de cuivre (République démocratique duCongo, Zambie); ils jouent un rôle important pourle cobalt, le molybdène et le coton, des postes quipèsent toutefois très peu dans le total desimportations chinoises.La Chine exporte des biens de consommation etde plus en plus d’équipementsLes exportations chinoises vers l’Afrique sont peuconcentrées : en 2003 les dix premiers postesreprésentaient 26 % du total (nomenclatureCTCI rev 3 à 4 chiffres soit 1.000 postes) et lescinquante premiers 55 %.Les tissus en coton, le principal flux, sont destinésau marché local mais aussi aux exportateursafricains d’habillement 8 . Comme le montre letableau 4, le marché africain représente undébouché assez important pour quelquesexportations chinoises comme les tissus et lesmotocyclettes.Si les biens d’équipement jouent un rôle assezmodeste dans les exportations chinoises versl’Afrique sub-saharienne, la région n’en demeurepas moins un débouché important voire exclusifpour les turbines à gaz (98 %), les équipements detravaux publics (60 %) et de télécommunications(au Kenya, Zimbabwe et Nigéria pour qui la Chineva lancer un satellite). Ces ventes d’équipement,financées par l’aide chinoise 9 , illustrent le rôle de« terrain » d’essai des pays africains. Lesentreprises chinoises s’imposent également dans laconstruction (encadré 1).Encadré 1Investissements directs et aideL’internationalisation des entreprises chinoises est récente : en décembre 2004, le stock d’IDE chinois àl’étranger était de 45 milliards de dollars selon le Ministère du Commerce. Disposant de réserves considérablesla Chine a les moyens de l’internationalisation de ses entreprises. L’Afrique a accueilli 2 % du stock en 2004(900 millions de USD) mais ces statistiques sont trompeuses. Hong Kong, qui concentre les trois quarts du stockd’IDE chinois, sert de relais et les projets en Afrique sont souvent le fait d’entreprises basées à Hong Kong. Onrecenserait 760 entreprises chinoises en Afrique. La China National Petroleum Corp (CNCP) et la ChinaNational Oil & Gas Corp sont très présentes au Soudan, en Angola et sont de plus en plus actives en Afrique del’Ouest, notamment en Guinée Equatoriale mais aussi au Gabon, au Nigéria et au, Congo.Selon les sources chinoises, la « coopération économique » est de 21 milliards de dollars dont 4 milliards dedollars avec l’Afrique en 2004. Cette rubrique regroupe l’aide, des opérations réalisées pour des entreprisesétrangères et les salaires de la main d’œuvre chinoise employée (182 millions de dollars en 2004 en Afrique). LaChine ne reportant pas au CAD (Comité de l’Aide au Développement), il n’est pas possible de mesurer lemontant de ses apports qui relèvent de l’APD. L’assistance chinoise privilégie les travaux d’infrastructures,dont les routes et les voies ferrées ; il s’agit d’une aide liée – en termes d’équipement mais aussi de maind’œuvre – qui ne s’accompagne d’aucune conditionnalité autre que la rupture des relations avec Taiwan.La Chine vue d’Afrique subsaharienneEntre 2000 et 2005 la Chine a doublé sa part dansles importations africaines mais sa progression a étémoins forte du côté des exportations. A l’origine de10% environ des importations du continent en2005, la Chine est devenue le premierfournisseur del’Afrique sub-saharienne (graphique 9). Elle estégalement le premier de l’Afrique sub-sahariennediminuée de l’Afrique du Sud car elle y a rattrapél’Union Sud-Africaine classée devant la France etl’Allemagne ; l’Union Sud Africaine demeure lepremier fournisseur de l’Afrique australe etorientale. Absorbant 7% des exportations africainesla Chine est par contre son second débouché, loinderrière les Etats-Unis (graphique 10).8Les exportateurs africains peuvent utiliser des tissus importés pour leurs exportations vers les Etats-Unis dans le cadre del’AGOA (African Growth and Opportunity Act) jusqu’en 2007.9Ainsi, fin 2005, la Chine a accordé un prêt de 200 milliards de francs cfa à la compagnie électrique du Bénin pour laconstruction d’un barrage et l’acquisition de turbines.STATECO N° 100, 2006


164Graphique 9 :Importations de l’Afrique sub-saharienne parorigine en %Graphique 10 :Exportations de l’Afrique Sub-saharienne pardestination en %14%12%10%8%6%4%2%0%Chine élargieFranceAllemagneEtats Unis1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 200635%Etats-Unis France30%Allemagne Chine25%20%15%10%5%0%1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004Source : Chelem jusqu’en 2003 et actualisation à partir des statistiques chinoises et des données FMIVus des pays africains (graphique 11), les échangessont moins importants que vus de Chine etilsdégagent un solde déficitaire qui s’est creusé depuis2000.Graphique 11 :Les échanges avec la Chine vus de l’Afrique Sub saharienne1412108642--2-4-6Milliards de dollarsX vers chine et HKM de Chine et HKsolde Afrique1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004Source : à partir des données FMI- DOTS des pays d’Afrique Sub saharienne.Ces moyennes recouvrent des situationscontrastées. Le tableau 5 précise la place de laChine élargie (à Hong Kong et Macao) dans lesimportations et les exportations des pays africains.Alors que la moyenne est très éloignée de lamédiane dans le cas de la place de la Chine dans lesexportations, elle en est très proche dans le cas desimportations ce qui témoigne de l’adéquation assezgénérale des produits chinois.STATECO N° 100, 2006


165Tableau 5 :Part de la Chine dans les exportations et les importations en 2000 et 2004ExportationsImportations2000 2004 2000 2004Afrique du Sud 2 % 3 % 5 % 8 %Angola 23 % 36 % 2 % 3 %Benin 0 % 30 % 8 % 33 %Burkina 0 % 32 % 1 % 2 %Burundi 0 % 1 % 4 % 3 %Cameroun 6 % 3 % 3 % 6 %Congo 6 % 27 % 2 % 6 %Congo démocratique 0 % 8 % 5 % 5 %Côte d’Ivoire 0 % 2 % 2 % 4 %Ethiopie 1 % 2 % 4 % 7 %Gabon 9 % 8 % 1 % 1 %Ghana 1 % 3 % 5 % 12 %Guinée 0 % 0 % 6 % 6 %Guinée Bissau 0 % 0 % 6 % 4 %Guinée Equatoriale 22 % 23 % 1 % 2 %Kenya 2 % 2 % 5 % 8 %Madagascar 1 % 2 % 7 % 16 %Malawi 0 % 32 % 5 % 4 %Mali 0 % 0 % 3 % 3 %Maurice 1 % 1 % 11 % 10 %Mauritanie 1 % 6 % 5 % 7 %Mozambique 2 % 2 % 2 % 3 %Niger 0 % 0 % 3 % 5 %Nigeria 1 % 1 % 6 % 10 %Ouganda 3 % 3 % 5 % 6 %RCA 0 % 5 % 1 % 2 %Sénégal 2 % 1 % 3 % 4 %Sierra Leone 0 % 1 % 5 % 7 %Soudan 41 % 67 % 12 % 13 %Tanzanie 1 % 6 % 5 % 8 %Tchad 0 % 21 % 0 % 1 %Togo 0 % 8 % 5 % 27 %Zambie 2 % 2 % 4 % 3 %Zimbabwe 3 % 6 % 3 % 3 %Moyenne 4 % 11 % 4 % 7 %Médiane 1 % 3 % 5 % 6 %Source : FMI/ DOTSLa Chine joue depuis plusieurs années un rôleimportant dans les exportations du Soudan, del’Angola et de la Guinée Equatoriale. Les donnéesdu FMI (Direction of trade statistics, DOTS) fontapparaître une progression très rapide de sa place :- dans les exportations du Bénin, du Burkina,du Congo, du Malawi et du Tchad.- dans les importations du Bénin, du Ghana etdu Togo du fait des ré-exportations.STATECO N° 100, 2006


166On peut s’interroger sur la fiabilité de cesstatistiques qui ont du mal à saisir des flux parfoistrès volatiles 10 : ils montrent que la progression dela Chine est générale au niveau des exportations etplus sélective pour les importations. Ces échangesvont s’intensifier avec l’Angola et le Nigéria où lescompagnies pétrolières chinoises ont signé descontrats d’exploration et avec les exportateurs deproduits miniers (notamment la Guinée).Les graphiques 12A et 12B situent les paysafricains selon la place de la Chine dans leursexportations (ordonnée) et leurs importations(abscisse), la taille du cercle est proportionnelle aumontant du commerce bilatéral en 2004(graphique 12A) et au poids de ces échanges dansle PIB (graphique 12B).Graphique 12 :La Chine dans le commerce extérieur des pays africains (2004)Part dans les exportations / importations et taille des cercles proportionnelleau montant du commerce bilatéral (12A) et à sa part dans le PIB (12B))80%70%Chine en % des ExportationsSoudan80%70%Chine en % des ExportationsSoudan15%60%60%50%40%30%20%10%0%-10%AngolaCongoTchadGabonAfrique du SudNigeriaMadagascarBeninMo yenneAfriqueTogo50%40%Guinée Eq30%20%10%0%-10%TchadGabonAngolaCongo 17%GhanaMaruriceMadagascarTogo21%BeninMo yenneAfrique-20%-10% 0% 10% 20% 30% 40%Chine en % Chine en % des Importations desGraphique 12 A (taille = montant des échanges)Impact et perspectivesL’intensification des relations commerciales entrela Chine et l’Afrique sub-saharienne a coïncidéavec une accélération de la croissance africaine. Encontribuant au redressement des cours des matièrespremières, l’appétit chinois a été plus efficace queles projets de stabilisation.L’analyse d’Eichengreen (2005) sur lesconséquences de la croissance chinoise montre queles pays spécialisés dans la production etl’exportation de composants, de biens d’équipementet de matières premières en bénéficient alors que10 Au Zimbabwe, la Chine serait devenue en 2005 le secondfournisseur après l’Afrique du Sud. Dans le cas du Bénin,les statistiques DOTS conduisent à des résultats trèsdifférents des données Comtrade pour la place de la Chineavec respectivement 23% et 6% (exportations) et 29% et7% mais les données FMI seraient plus fiables.-20%-10% 0% 10% 20% 30% 40%Chine en % Chine des Importationsen % desGraphique 12 B (taille = échanges % PIB)ceux qui sont engagés dans la production de biensde consommation subissent les effets de laconcurrence chinoise. Ces conclusions rejoignentcelles de Lall (2004, 2005) qui a analysé l’impactdes exportations chinoises sur l’Asie et l’Amériquelatine. Ces résultats suggèrent que les paysafricains bénéficient de l’émergence chinoise. Selonles statistiques du FMI (DOTS), une dizaine dégageun surplus dans leurs échanges avec la Chine(l’Angola et le Soudan étant les principauxbénéficiaires) alors que pour les 20 autres pays, ceséchanges sont déficitaires. L’impact est importantpour les pays miniers mais beaucoup moins pour lespays exportateurs de produits agricoles.Les conséquences de l’émergence de la Chine surl’Afrique peuvent être appréciées du côté de lademande et de l’offre.STATECO N° 100, 2006


167Tableau 6 :Solde bilatéral avec la Chine en 2004 en % duPIBGuinée Equatoriale 21 %Angola 20 %Congo 16 %Tchad 13 %Soudan 10 %Gabon 5 %Burkina 4 %Zimbabwe 1 %Mali 5 %Congo démocratique 0 %Cameroun 0 %Zambie 0 %Mozambique -1 %Niger -1 %Ouganda -1 %Sénégal -1 %Burundi -1 %Afrique du Sud -1 %Mauritanie -2 %Tanzanie -2 %Guinée -2 %Ethiopie -2 %Nigeria -3 %Kenya -3 %Guinée Bissau -4 %Maurice -4 %Bénin -5 %Madagascar -6 %Ghana -6 %Togo -10 %Source : FMI / données DOTS corrigées avec lesstatistiques JUMBO.A moins d’une crise (crise du dollar, pandémie), lacroissance chinoise maintiendra un rythme élevé àmoyen terme et dynamisera la demande de matièrespremières. Cette tendance générale peut néanmoinss’accompagner d’évolutions sectorielles pluscontrastées car sur plusieurs marchés, la Chine peutpasser de la situation d’importateur, qui tire les prixà la hausse, à celle d’exportateur qui fait baisser lesprix 11 . En outre, lorsqu’elle est le principal client,11Comme le constate Lennon (2005), il est plus prudentd’être fournisseur de minerais que la Chine ne produit pasplutôt que d’être engagé dans le traitement de mineraisque la Chine produit pour partie.son pouvoir de marché peut lui permettre de fairebaisser les prix. L’évolution des cours dépendraégalement de la réponse de l’offre. Les perspectivesde la demande chinoise conduisent à ouvrir denouvelles mines, moderniser des installationsexistantes et ces investissements peuvent conduire àune stabilisation voire à un retournement des cours.La croissance chinoise dynamisera les exportationsafricaines mais pourra également accentuer lavolatilité des cours.Les entreprises chinoises ont annoncé plusieursprojets de valorisation (raffinerie au Soudan, pâte àpapier au Congo, tissage au Mali mais égalementconfection pour l’exportation). La Chine a ouvertson marché en accordant un traitement tarifairepréférentiel aux pays les moins avancés, mais cettemesure n’a pas encore eu d’impact sur lesexportations africaines. La Chine deviendra unmarché agricole : en 2005 ses échanges agricolesont été, pour la première fois déficitaires. L’objectifde la politique agricole chinoise est de promouvoirles exportations intensives en travail et d’importerles produits exigeant de grandes superficies commele soja acheté au Brésil et au Mozambique où desentreprises chinoises sont déjà actives.L’offre industrielle chinoise est adaptée à lademande des pays en développement. Dans laplupart des pays africains, les produits chinois(tissus, confection, électronique) ne se substituentpas à des fabrications locales mais concurrencentdes produits importés plus onéreux. Cesimportations améliorent le bien être despopulations : ce serait tout particulièrement le casau Ghana, en Ouganda et en Tanzanie (ODG, 2005)où les produits de consommation de basereprésentent plus de 20 % des importationschinoises.La concurrence chinoise exerce également unepression à la baisse sur le coût de l’investissement.Les équipements chinois (transport, agriculture) trèsbon marché constituent une alternative à des biensde meilleure qualité. Dans la construction, lessociétés chinoises, régulièrement moins-disantes,gagnent des parts de marché (immeubles maiségalement routes – où la part de marché dépasse30 % au Mozambique) et font travailler de la maind’œuvre chinoise. Ainsi, de la Corne de l’Afriqueau Golfe de Guinée, ouvriers mais aussi médecinset petits commerçants peuplent de nouveauxquartiers chinois. Cette communauté (dont l’effectifest peut-être plus proche de 100.000 que des500.000 souvent cités) s’intégre dans le tissuéconomique : elle sert de relais aux importationschinoises mais investit et crée des emplois.STATECO N° 100, 2006


168Encadré 2L’avenir des relations entre la Chine et l’Afrique dépendra de l’évolution de la croissance chinoise.L’atterrissage annoncé tarde à se concrétiser, avec une croissance de 9 % attendue en 2006. La performancechinoise des 25 dernières années et les précédents asiatiques (Japon, Corée, Taiwan) suggèrent que l’objectif dequadruplement du PIB entre 2000 et 2020 pourrait être atteint. Bien avant, probablement en 2010, la Chinedeviendra le second exportateur mondial et à cette échéance, elle sera probablement le premier partenaire del’Afrique : les Chinois prévoient un triplement de leurs échanges avec l’Afrique entre 2005 et 2010, ce quiporterait sa part à 5 % du commerce extérieur chinois 12 .Lorsque l’offre chinoise est confrontée à une offrelocale, la concurrence est redoutable pour cettedernière. Au Nigéria, au Cameroun et en Afrique duSud l’entrée d’articles chinois a mis en faillite denombreuses usines de textile-habillement. EnAfrique et au-delà, le prix chinois devient laréférence. Le niveau des salaires, parfois plus faiblequ’en Afrique, ne suffit pas à rendre compte de lacompétitivité des exportations chinoises quis’explique par la qualification de la main d’œuvreet également le coût souvent plus faible des demiproduits: la taille du marché chinois justifie laconstruction de capacités de production quipermettent des économies d’échelle.Cette concurrence directe reste toutefois limitée.Mais, si l’Afrique ne « joue » pas dans la mêmecatégorie industrielle que la Chine, elle estconfrontée à la concurrence chinoise sur lesmarchés tiers. Cet impact a été évalué parODG (2004) à partir de la proportion desexportations africaines susceptibles d’êtreconcurrencées par les 140 postes (CTCI rev 2) lesplus dynamiques des exportations chinoises. Lespays les plus concernés seraient en ordredécroissant le Lesotho (89 % de ses exportationsrelèvent de cette catégorie), la Zambie, leMozambique, le Malawi, l’Afrique du Sud, leSénégal, le Ghana et le Kenya (34 %). Ceclassement s’explique par la place du textilehabillementqui avait été dynamisé par l’initiativeaméricaine AGOA (African Growth andOpportunity Act). Entre 2001 et 2004, ledoublement des exportations d’articles del’habillement des pays bénéficiaires vers les Etats-Unis a créé de nombreux emplois. Ce mouvements’est brusquement arrêté en janvier 2005, la levéedes quotas ayant provoqué une haussespectaculaire de la part de marché chinoiseet une baisse tout aussi remarquable des prixunitaires 13 . La chute des exportations, très élevée enAfrique du Sud et dans les pays limitrophes(graphique 13), s’explique également par la perte decompétitivité provoquée par l’appréciation du rand.Graphique 13 :Importations américaines de textile-habillementévolution 2005/2004 par pays en %TanzanieMozambiqueCape VerdeZimbabweEthiopieOugandaGhanaMalawiAfrique du SudSwazilandMauriceKenyaMadagascarLesothoSource : US ITC-60% -40% -20% 0% 20% 40%La restauration de quotas décidée en 2005 offretrois années de répit aux exportateurs africains quidevront ensuite composer avec la concurrencechinoise. Une concurrence qui risque d’êtreexacerbée par l’exode rural. Car d’ici 2020, entre150 et 300 millions d’agriculteurs chinois quitterontles campagnes. Cette migration, du même ordre degrandeur que l’accroissement de la population12Si l’on fait l’hypothèse qu’au cours de la même périodela croissance du commerce extérieur chinois ralentit.13 En Chine et dans les autres grands exportateurs soumisaux quotas, on a assisté à l’apparition de bourses dequotas lorsque ceux-ci étaient remplis (produits ditssensibles). Sur ces enchères, le « droit d’exporter » unarticle sensible – comme les T-shirts - pouvait se négocierà un prix proche de celui de l’article. Pour certainsarticles, la disparition du quota a pu ainsi provoquer unebaisse de près de 50% des prix.STATECO N° 100, 2006


169active de l’Afrique sub-saharienne, pèsera surl’évolution des salaires des non-qualifiés et,indirectement du personnel qualifié 14 . Cela devraitmaintenir la compétitivité des produits « made inChina ».A moins d’un accident, la Chine va continuer à êtreun des moteurs de l’économie mondiale au coursdes prochaines années. L’élargissement de lademande chinoise et le maintien de la pressionconcurrentielle de l’offre chinoise risquentd’encourager la « vocation » d’exportateur deproduits primaires de nombreux pays africains.L’Afrique sera-t-elle en mesure de conjurer lamalédiction qui pèse sur les ressources naturelles ?Encadré 3Les sources statistiques utilisées et leurs limitesD’une manière générale, les statistiques des échanges internationaux souffrent d’un manque de cohérence quin’est pas spécifique aux pays en développement : vues par les douanes françaises, le montant des exportationsvers l’Allemagne a longtemps été très différent de celui des importations françaises mesurées d’Allemagne et,dans les années 1980, l’écart entre les deux statistiques allait bien au-delà des différences entre données CAF etFOB. D’une manière générale, on estime qu’un pays connaît mieux la destination de ses exportations quel’origine de ses fournisseurs.Données nationalesDonnées chinoises : 17% (2005) des exportations chinoises se dirigent vers Hong Kong dont une partie estréexportée. La prise en compte de ces ré-exportations est l’une des explications de l’écart considérable entre lemontant du déficit commercial américain bilatéral mesuré par Pékin, 100 milliards de dollars, et parWashington 204 milliards de dollars (un écart de 100% !). Les exportations chinoises peuvent atteindrel’Afrique via Hong Kong, Macao mais aussi Singapour et elles peuvent également utiliser des pays« d’éclatement » en Afrique.US ITC : les statistiques commerciales américaines (www.usitc.gov) offrent un niveau fin de désagrégation(jusqu’à 6 chiffres) par pays. En avril 2006, les données de janvier 2006 sont disponibles.Données internationalesFMI, Direction of Trade Statistics (DOTS) : ces données construites par le FMI (Fonds Monétaire International)précisent la répartition par origine et destination des exportations de marchandises pour la plupart des pays.Elles offrent l’avantage d’offrir les données les plus récentes (2004) au prix d’un manque de cohérence. Ellessont construites à partir des données miroirs lorsque les statistiques nationales sont manquantes et des donnéesnationales le cas échéant. Mais les données miroirs sont ensuite écrasées lorsque les statistiques nationalesdeviennent disponibles : les séries des pays « répondants avec retard » sont constituées de sources nationalespour les années anciennes et de statistiques miroirs pour les années récentes.La base Chelem : les comptes harmonisés sur les échanges et l’économie mondiale construits par le CEPII(Centre d’Etudes Prospectives et d’Informations Internationales) s’appuient sur les statistiques des NationsUnies qu’elles harmonisent : les importations d’un pays A en provenance d’un pays B sont égales auxexportations de B vers A par construction. Les données Chelem offrent une désagrégation en 72 postes pourl’ensemble des régions du monde et pour seulement 79 pays : dans le cas de l’Afrique sub-saharienne, Chelemindividualise le Gabon et le Nigeria. Les échanges de l’Afrique du Sud sont mesurés à partir de ceux de l’UnionSud-Africaine (SACU), union douanière qui regroupe autour de l’Afrique du Sud le Botswana, le Lesotho, laNamibie et le Swaziland.14 Les travaux de Banister (2004) montrent que ces salaires ont peu augmenté au cours des dix dernières années, et comptetenu de la hausse de la productivité, le coût unitaire du travail chinois a diminué. Comme l’avait remarqué P.N Giraud (1996),en permettant aux cadres de jouir d'un niveau de vie relatif élevé avec un salaire modeste, l’inégalité constitue un facteur decompétitivité supplémentaire dans les secteurs de haute technologie.STATECO N° 100, 2006


164ITC, PC-TAS : Le Centre de Commerce International (ITC) constitué par la CNUCED (Conférence des NationsUnies pour le Commerce et le Développement) et l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce) construit labase PC-TAS (Personal Computer Trade Analysis System) constituée de données des échanges mondiaux sur5 ans (actualisés chaque année) pour 230 pays et 3800 produits (nomenclature SITC- révision 3). Ces donnéessont tirées de la base Comtrade des Nations Unies.Donnée Jumbo : Pour les pays de la zone franc l’AFD dispose d’estimations globales du commerce extérieureissues de son modèle Jumbo. Intégrant les statistiques nationales, elles privilégient la cohérence et lesstatistiques miroirs de l’OCDE.Références BibliographiquesBanister (2004), Manufacturing employment and compensation in China, US Department of Labour.Bosten E (2006), « China’s engagement in the construction industry of Southern Africa : the case ofMozambique », Workshop : Asian and other drivers of global change, St Petersbourg, janvier.(http://www.ids.ac.uk/ids/global/AsianDriverpdfs/emmybostonpaper.pdf)Chen M-X. A., Goldstein N., Pinaud et Reisen H. (2005), China and India: What’s in it for Africa? mimeo,OECD Development Centre, Paris.Eichengreen B., Tong H. (2006), « How China is reorganizing the world economy », Asian Economic PolicyReview n°1, pp. 73-97.Giraud P.N. (1996), L’inégalité du Monde, Folio, Paris.Laal S. et Albaladejo M. (2004), « China competitive performance : a threat to East Asian manufacturedexports », World development n°32 pp. 1441-1466.Laal S. et Albaladejo M. (2005), China competitive threat to Latin America: an analysis for 1990-2002,Institute of Development Studies, Working Paper n°120.ODG (2005), The effect of China and India’s growth and trade liberalisation on poverty in Africa, Departmentfor International Development (DFID), mai.(http://www.sarpn.org.za/documents/d0001312/P1555-China_trade_Report_May2005.pdf)Lemon J. (2005), « China’s impact on commodities », Macquarie Research Presentation, Chine Brésilsymposium, octobre.Mayer J. et Fajarnes P. (2005), Tripling Africa’s Primary Exports: What? How Where? UNCTAD DiscussionPaper n°180, Genève, octobre.Ramo J.-C. (2004), « The Beijing consensus : note on the new Physics of Chinese power », in Ramo J.-C. TheBeijing consensus pp 1-7, Foreign Policy Center, Londres.Rodrik D. (2006), Goodbye Washington Consensus, Hello Washington Confusion? miméo, Harvard University,janvier.Samuelson P. (2004), « Where Ricardo and Mill rebutt and confirm arguments of mainstream economistsupporting globalisation », Journal of Economic Perspectives, Volume 18, n°4, pp. 135-146, été.Stevens C., Kerman J. (2005), Opening the package, the Asian drivers and poor country trade, miméo,Institute of development studies, Université du Sussex, Brighton, avril.Wilson E. (2005), « China’s influence in Africa, implications for US policy », Testimony US house ofrepresentatives, 28 juillet (http://wwwa.house.gov/international_relations/109/wil072805.pdf).Statéco n° 95-96-97, 2000 164


165Recettes publiques des pays endéveloppementMéthode d’évaluationJean-François Brun,Gérard Chambaset Jean-Louis Combes 101Cet article traite des difficultés méthodologiques soulevées par l’évaluation du niveaudes recettes publiques dans les PED. Pour procéder à cette évaluation, il est tenu comptedu niveau effectif des recettes publiques, de leur instabilité et enfin de l’effort fiscal.L’effort fiscal, qui permet d’isoler l’effet de la politique économique sur la mobilisationfiscale, est apprécié comme la différence entre le niveau effectif des recettes publiques etleur niveau structurel déterminé par le niveau de développement, l’ouverturecommerciale, le poids de l’agriculture et la part des exportations minières et pétrolièresdans les exportations totales. Rapportés au PIB les niveaux moyens de recettes des PEDdes différentes zones géographiques sont similaires et stables sur les 25 dernières années.Cependant, l’Afrique au Sud du Sahara est caractérisée par une instabilité plusmarquée et aussi par une politique économique longtemps plus favorable à lamobilisation fiscale que dans les autres zones (effort fiscal positif).101 CERDI-CNRS UMR 6587, Université d’Auvergne. Les auteurs remercient vivement un rapporteur anonyme et l’éditeurpour leurs commentaires. Ils demeurent cependant seuls responsables des éventuelles erreurs et omissions.2 On peut ajouter le recours aux arriérés de paiement. Ceux-ci constituent cependant un mode de financement des dépensesparticulièrement néfaste pour le fonctionnement des économies.165Statéco n° 95-96-97, 2000


166L’Etat assure ses missions régaliennes en offrantdes biens publics dans les meilleures conditionsd’efficacité. Il a aussi pour mission de mettre enœuvre des politiques de stabilisationconjoncturelles. Enfin, il doit promouvoir l’équité àtravers des politiques de redistribution.Les dépenses nécessaires au financement des bienspublics sont couvertes à travers plusieurs modes definancement : l’impôt, l’emprunt interne etextérieur, les dons pour les pays les plus pauvres etenfin, les recettes de seigneuriage 2 . L’impôt est àl’origine de distorsions économiques croissantesavec son niveau ; les distorsions varient aussi selonla structure du prélèvement public. La condition desolvabilité des finances publiques exige commecontrepartie de l’emprunt des recettes publiquesfutures. Les dons dépendent de décisions prises parla communauté internationale. Enfin les recettes deseigneuriage peuvent engendrer de l’inflation.Les gestionnaires des finances publiques ont àdégager la meilleure combinaison possible entre lesdifférents moyens de financement des biens publics(Chambas et alii, 2006). Compte tenu descontraintes pesant sur les dons et sur les ressourcesde seigneuriage et aussi de la nécessité de recourir àdes ressources fiscales ultérieures pour mobiliser demanière durable des emprunts, l’impôt constitueune moyen privilégié de couverture de la dépensepublique (Conférence de Monterrey, UnitedNations, 2002).Compte tenu de l’importance cruciale de l’impôt, ilest nécessaire de l’évaluer de manière aussipertinente que possible.L’évaluation du niveau des ressources publiquesvise à répondre à deux questions :• Quel est le niveau des ressourcesrecouvrées par l’Etat par rapport auxressources globales de l’économie ? Cesniveaux sont-ils marqués par une instabilité ?Les réponses passent par l’évaluation desressources publiques effectives dans uneoptique comparative et par la constructiond’une mesure de l’instabilité des ressourcespubliques.• Le montant des ressources mobiliséesexcède-t-il ou non le potentiel fiscal ? Onentend par potentiel fiscal d’un pays donné, leniveau de ressources publiques déterminé parses caractéristiques structurelles. On interprètealors la différence entre les ressourceseffectivement mobilisées et le potentiel fiscalcomme une mesure de l’effort fiscal. Celui-ci,contrairement au potentiel fiscal, reflète lavolonté politique du pays en matière deprélèvements. La décomposition desressources effectives entre composantepotentielle et composante d’effort repose surune méthode économétrique basée sur desestimations à partir d’un échantillon de panel(pays-années).L’article comporte donc deux parties. La premièreest consacrée au niveau et à l’instabilité desressources publiques et la seconde au calcul et àl’analyse du potentiel et de l’effort fiscal.STATECO N°100, 2006


167Les recettes publiques globalesévaluées à partir des flux effectifsLe niveau des recettes publiques peut être appréciérelativement aux ressources produites dans un pays.L’analyse porte aussi sur l’instabilité des ressourcespubliques.Le niveau des recettes publiquesglobalesLa construction du ratio de recettes publiquesglobalesLe taux de recettes publiques par rapport au produitintérieur brut, qui est le rapport entre les ressourcespropres de l’Etat et les ressources produites dans lecadre d’une économie, permet d’effectuer descomparaisons homogènes dans le temps ou entregroupes de pays.Le concept de recettes publiques 102 retenu recouvrel’ensemble des recettes fiscales et non fiscales dugouvernement central et des collectivités locales ;les prélèvements des organismes sociaux, engénéral très faibles dans les PED, sont égalementinclus.La mesure des taux de recettes publiques soulèvediverses difficultés relatives à l’évaluation desrecettes publiques, du produit et enfin des ratios derecettes publiques par rapport au produit.Evaluation des recettes publiques. Pour certainesrecettes, les méthodes de comptabilisation diffèrentdans le temps et selon les pays.1. Afin de mettre en place des procédures decontrôle, de nombreux PED émettent des titresde paiements en règlement purementcomptable des droits et taxes exonérés,notamment dans le cadre de projets financéspar l’extérieur. Aucune recette effective n’estperçue mais le montant des recettes estaugmenté de façon comptable (opération pourordre). Dans de nombreux pays d’Afriquesubsaharienne, les titres de paiements ainsi102 Le concept de recettes publiques est préféré à celui derecettes fiscales stricto sensu dans la mesure où unindicateur fondé sur l’ensemble des recettes n’est passensible à l’effet de substitution entre grandes catégoriesde recettes publiques, substitution comptable qui aparfois concerné des ressources d’un montantimportant : ainsi, dans le passé, la suppression desprélèvements non fiscaux des caisses de stabilisation et lamise en place corrélative de taxes à l’exportation(recettes fiscales), ou encore, le changement dans lesystème de prélèvement sur les sociétés minières àparticipation publique, se sont traduits par dessubstitutions entre revenus de dividendes (recettes nonfiscales) et taxation des bénéfices (recettes fiscales).émis avoisinent ou dépassent 2 % du PIB(Chambas, 2005). Ces procédures ayant étéintroduites, pour la plupart d’entre elles, aucours des dix dernières années, il convient d’entenir compte pour apprécier de manièrecohérente des évolutions à moyen terme ouprocéder à des comparaisons entre pays ougroupes de pays.2. Une deuxième source de biais provient dutraitement comptable des remboursements decrédits de TVA. Dans de nombreux pays, sontcomptabilisées en ressources, les recettesbrutes de TVA, alors que les remboursementsde crédits de TVA sont traités comme unedépense. Ces remboursements peuventatteindre des montants importants (environ de1% du PIB). On surestime ainsi le montantvéritable des recettes de TVA qui correspondau montant net (déduction faite desremboursements de crédits de TVA).3. Le périmètre de comptabilisation des recettespubliques peut différer d’un pays à l’autre,voire d’une période à une autre : alors que lescollectivités locales se développent dans lesPED, leurs ressources ne sont passystématiquement incluses dans l’évaluationdes recettes publiques. De plus, l’offre decertains biens publics (pistes rurales en zonecotonnière, dispensaires, etc.) est parfois mise àla charge d’entités distinctes de l’Etat(organismes d’encadrement, groupements deproducteurs) sans que les ressources affectéesen financement soient comptabilisées au titrede la fiscalité alors qu’elles correspondent à unprélèvement fiscal de fait 103 . Enfin, descotisations parfois importantes sont prélevéesau profit d’entités (associations de parentsd’élèves, associations diverses) qui contribuentà l’offre de biens publics. Fréquemment, lescaractéristiques de ces entités sont proches decelles de collectivités locales ; les cotisationspeuvent alors être assimilées à de la fiscalité.L’évaluation du produit. Les difficultésd’évaluation d’un niveau de produit dans des paysen développement ne sont pas analysées ici : lesactivités non enregistrées (Schneider, 2003) etl’autoconsommation surtout en milieu rural sont àl’origine de biais importants et difficiles à réduirequelles que soient les méthodes d’évaluationretenues.103Les sociétés d’encadrement ou d’intervention enmilieu rural reportent tout ou partie de la charge sur lesproducteurs ce qui détermine la répartition del’incidence de la charge du prélèvement.STATECO N°100, 2006


168Evaluation des ratios de recettes publiques parrapport au produit. Le ratio recettes publiques parrapport au produit global correspond (cf. supra) aurapport des ressources publiques propres mobiliséesau profit de l’Etat par rapport à l’ensemble desressources produites dans une économie.Cependant, il convient de s’interroger sur lapertinence des ratios de recettes publiques évaluéspar rapport à des produits partiels, les plus courantsétant le produit global hors activités minières ouencore le produit hors activités agricoles.Les taux de recettes publiques (tableau 1) sontsimilaires en Afrique au Sud du Sahara, enAmérique Latine et en Asie 104 et stables dans letemps autour de 20 % du PIB. Les pays d’Afriquene se distinguent donc pas des autres PED. Les tauxde recettes publiques sont plus faibles pour les paysles plus pauvres (PFR et PMA).En moyenne, pour les groupes de pays distingués,les taux moyens de recettes publiques demeurentinchangés depuis le début des années quatre-vingt.Le choix d’un produit hors activités minières peuttrouver sa justification dans le caractère d’enclavede ces activités, qui par ailleurs bénéficientd’exonérations fiscales souvent extensives.Cependant, les activités minières donnent lieu à unefiscalité spécifique (taxes à l’exportation,redevances diverses, versements de dividendes,royalties) qui sont comptabilisées dans les recettespubliques. De plus, les revenus distribués par lesactivités minières sont taxés au titre de l’impôt surle revenu et donnent lieu à des consommations àl’origine de taxes indirectes (tarifs, TVA et droitsd’accises). Aussi, pour construire des ratiossignificatifs par rapport à un produit évalué horsactivités minières conviendrait-il d’exclure desrecettes globales les prélèvements fiscaux et nonfiscaux provenant de l’activité minière. Or, lesdonnées pour une telle correction ne sontgénéralement pas disponibles pour un largeéchantillon de pays.Les ratios de ressources publiques évaluésrelativement au produit non agricole soulèventencore plus de difficultés. Le fondement de cettepratique repose sur l’exonération fiscale légale (casdu Maroc) ou l’exonération de fait (majorité despays africains) dont bénéficient les activitésagricoles. Les prélèvements fiscaux directs sur lesactivités agricoles sont faibles ou inexistants dans laplupart des PED, notamment en Afrique au Sud duSahara. Cependant, les activités agricoles sont àl’origine de revenus monétaires et donc deconsommations porteuses de recettes de fiscalitéindirecte. Ce phénomène est particulièrementmarquant les années de bonne récolte où onconstate de fortes progressions des recettes fiscalesindirectes (Chambas et alii, 2005).L’analyse des taux de recettes publiques :comparaisons internationalesLes comparaisons sont réalisées en fonction dezones géographiques (Asie, Amérique Latine,Afrique et Moyen-Orient/Afrique du Nord) et selonle niveau de développement (pays les moinsavancés, PMA ; pays à faible revenu, PFR ; pays àrevenu intermédiaire, PRI).104 Le test non-paramétrique de Wilcoxon, qui permet decomparer des moyennes, n’infirme pas cette proposition.STATECO N°100, 2006


169Tableau 1Taux de recettes publiques globales : évolution et comparaisons internationalesUnité : en pourcentage du PIB1980-1984 1985-1989 1990-1994 1995-1999 2000-2003Pays endéveloppement 21,3 (82) 21,4 (83) 20,8 (87) 20,6 (92) 20,8 (99)Afrique au Suddu Sahara 20,8 (43) 20,6 (44) 19,8 (45) 19,7 (45) 20,1 (46)Amérique latine 20,3 (18) 21,0 (18) 20,7 (17) 21,4 (17) 21,1 (19)Asie 19,3 (12) 22,1 (11) 20,8 (13) 19,1 (16) 18,5 (19)Moyen Orient /Afrique du Nord 29,1 (10) 26,1 (11) 25,9 (11) 28,3 (12) 28,0 (13)Pays moinsavancés (PMA) 18,3 (37) 17,6 (38) 16,7 (36) 17,0 (39) 17,1 (39)Pays à faiblerevenu (PFR) 18,7 (40) 17,5 (42) 17,0 (45) 16,9 (49) 17,8 (54)Pays à revenuintermédiaire 23,8 (42) 25,3 (41) 24,8 (42) 24,9 (43) 24,3 (45)(.) : Taille de l’échantillon.Les données présentées sont des moyennes arithmétiques non pondérées calculées sur des périodes de cinq ans (1980-1984,1985-1989, 1990-1994, 1995-1999) et une période de quatre ans (2000-2003).Sources : GFS (Fonds Monétaire International), données nationales ; calcul des auteurs.L’instabilité des recettes publiquesLes pays les plus pauvres, en particulier les paysfortement dépendants des produits primaires,miniers ou agricoles, se caractérisent par uneconjoncture économique instable qui détermine uneinstabilité des assiettes fiscales et donc du niveaudes recettes publiques. L’instabilité des recettespeut être aggravée par la définition légale decertaines assiettes. Il en est ainsi de certains impôtssur la consommation : dans de nombreux PED,pour des motifs sociaux, les biens de base, dont laconsommation est la plus stable, sont fréquemmentexemptés d’impôt sur la consommation (TVAessentiellement). L’impôt est alors assis sur lapartie la plus instable de l’assiette.La mesure de l’instabilité des ressourcespubliquesL’instabilité est définie comme la successiond’écarts positifs ou négatifs par rapport à unetendance. La difficulté technique de la mesure del’instabilité repose essentiellement dans ladéfinition même de la tendance.La mesure retenue ici permet de tenir compte d’unetendance mixte composée d’une tendancedéterministe, fonction quadratique du temps, etd’une tendance stochastique.En présence d’une tendance déterministe, les écartspar rapport à la tendance ont un caractèretransitoire. Dans l’hypothèse où les taux de recettesne subissent qu’un choc unique à un moment duSTATECO N°100, 2006


170temps, celui-ci n’influence pas la tendance. Parconséquent, les taux de recettes finissent parretrouver leur tendance initiale 105 .En présence d’une tendance stochastique, les écartspar rapport à la tendance ont un caractèrepermanent. Dans l’hypothèse où les taux de recettesne subissent qu’un seul choc à un moment dutemps, celui-ci influence la tendance de façonpermanente. Par conséquent, les taux de recettes neretournent pas vers leurs niveaux initiaux.L’équation suivante, estimée pour chaque pays etpour chacune des sous périodes, permet de tenircompte d’une tendance mixte.p t = a + b t + c t 2 + d p t-1 + ε tp t représente le taux de recettes à l’instant t. Unevaleur unitaire du coefficient devant le taux derecettes retardé (d=1) indique la présence d’unetendance stochastique. L’instabilité est unemoyenne arithmétique sur la période considérée ducarré des résidus estimés : ( ˆt ε ) 2.L’instabilité des recettes publiques :comparaisons internationalesL’instabilité des recettes publiques a été évaluée(tableau 2) pour les différents groupes de pays déjàdistingués plus haut. En raison de la place relativedes produits primaires dans l’économie des paysafricains, l’instabilité des recettes de ces pays estsignificativement plus élevée que celle observéepour les autres pays. Cette spécificité constitue unhandicap dans la mesure où il n’est pas évident queles autres formes de ressources de financementmobilisables (dons, emprunts) permettent unestabilisation des ressources globales disponiblespour financer les biens publics.L’instabilité des recettes publiques des PMA estégalement plus marquée que celle de l’ensembledes PED. Les pays à revenu intermédiaireconnaissent une instabilité moindre que celleobservée dans les pays à faible revenu. L’économiedes pays à revenu intermédiaire est probablementplus diversifiée, moins dépendante vis-à-vis desproduits primaires et donc moins vulnérable auxchocs concernant ces produits. Il est aussivraisemblable qu’un niveau de développement plusélevé induise une plus grande stabilité des taux derecettes.105 La formulation quadratique du trend permet uneformulation plus souple de la composante déterministe.Elle évite le biais lié à un trend purement linéaire.STATECO N°100, 2006


171Tableau 2Instabilité des taux de recettes publiques : évolution et comparaisons internationales1970-1980 1980-1990 1990-1998 1990-2003Pays en développement 8,2 7,7 6,1 5,7Afrique au Sud du Sahara 10,4 10,1 10,7 11,6Amérique latine 5,7 8,3 4,8 4,4Asie 4,9 7,9 5,9 5,5Moyen Orient / Afrique du Nord 14,0 6,5 7,8 7,6Pays moins avancés (PMA) 9,5 10,2 11,3 11,6Pays à faible revenu (PFR) 9,3 10,3 11,4 11,4Pays à revenu intermédiaire 7,0 7,6 5,5 5,6Sources : calculs des auteurs à partir de GFS (Fonds Monétaire International) et des données nationales.Sauf pour les pays du Moyen Orient et d’Afriquedu Nord, on observe une diminution de l’instabilitédes recettes publiques. Ce phénomène peuts’expliquer par une baisse de l’importance relativedans les recettes publiques des taxes assises sur lecommerce extérieur (suppression des taxes sur lesexportations, désarmement tarifaire, cf. Chambas etalii, 2005).Une forte instabilité des ressourcespubliques introduit un risque, source devulnérabilité et tend à amoindrir la capacité àfinancer de manière régulière des dépensespubliques. Par ailleurs, même si cette instabilité estparfaitement prévue, les effets de cliquet sur lesdépenses publiques tendent à amplifier lesdéséquilibres budgétaires 106 . Ainsi, une abondantelittérature sur le syndrome hollandais montre leseffets néfastes pour l’équilibre budgétaire et lacroissance de long terme, d’une forte instabilité desrecettes publiques (Combes et Saadi-Sedik, 2006 ;Collier et Gunning, 1999).L’instabilité des recettes publiques (Bleaney et alii.,1995) doit être prise en compte dans la politique106 C’est parce que les pays subissent des contraintesd’emprunts sur les marchés internationaux ou descontraintes d’accès aux dons que l’instabilité desressources publiques est socialement néfaste. En effet,elle entraîne alors une instabilité des dépenses publiquesqui est sous-optimale : le niveau de bien-être dépendantnon seulement du niveau des dépenses publiques maiségalement de leur régularité.budgétaire afin d’en pallier les conséquencesnéfastes.D’une part, il convient de mobiliser des recettesaussi peu vulnérables que possible vis-à-vis de laconjoncture : il s’agit par exemple d’envisager uneextension de l’assiette de la TVA auxconsommations les moins instables. En matière deTVA, l’instabilité des recettes de TVA provient del’instabilité de la seule consommation finale, qui estpar nature beaucoup moins instable que celle desrevenus en raison des mécanismes de lissage de laconsommation. Un facteur d’instabilité de la TVAest d’exclure de l’assiette de cette dernière les biensde base 107 , qui sont ceux dont la consommation estrelativement la plus stable en raison des arbitragesau sein du panier de consommation.D’autre part, l’instabilité des recettes apparaîtcomme un phénomène en partie inévitable etpermettant un prélèvement contra-cyclique 108 . Il107 Pour parvenir à des rendements budgétaires de TVApermettant de compenser les pertes de recettes tarifairesdécoulant des politiques de libéralisation commerciale,les réformes visant à assurer la transition fiscales’orientent de plus en plus en plus vers l’assujettissementà la TVA des biens de base. Il convient évidemment detenir compte des effets économiques et sociaux d’une telleorientation : l’assujettissement des biens de base à TVAétant généralement favorable au producteurs y comprisaux producteurs non assujettis et défavorable auxconsommateurs. L’effet favorable pour les producteursprovient de la suppression de situations de protectioneffective négative imputable aux exonérationstraditionnelles de TVA (rémanence de TVA supportée pardes producteurs en concurrence avec des produitsimportés exonérés. L’effet négatif pour lesconsommateurs provient évidemment de l’augmentationdes prix à la consommation.108 Il n’est pas souhaitable non plus de restreindreexcessivement les dépenses publiques dans les périodesde baisse des recettes publiques.STATECO N°100, 2006


172conviendrait de rationaliser la gestion des dépensespubliques en évitant notamment les comportementsprocycliques d’expansion excessive des dépensesdans les périodes de boom de recettes(comportements potentiellement renforcés par laplus grande disponibilité de financementsextérieurs, Brun et alii, 2001). La mise en réserve àl’intention des besoins des générations futures desrecettes pétrolières et minières serait certainement àdévelopper mais se heurte à d’importants obstaclesinstitutionnels.Les recettes publiques globalesévaluées à partir de l’effort fiscalLe concept d’effort fiscalLe concept d’effort fiscal permet d’apprécier dansquelle mesure les pays exploitent leur potentiel derecettes publiques. A cette fin, on distingue la partdes ressources publiques déterminée par desfacteurs structurels (sur laquelle les autorités nepeuvent agir à court terme et qui constitue lepotentiel de recettes publiques ou potentiel fiscal)de la part des ressources publiques déterminée parla politique économique (effort fiscal). Un effortfiscal positif (politique économique déterminant unmontant de ressources publiques effectivessupérieur au potentiel fiscal) tend à signaler unpotentiel de ressources pleinement mobilisé tandisqu’un effort fiscal négatif indique un potentiel deressources sous-exploité.Un niveau donné de prélèvement effectif peut donccorrespondre à des situations radicalementdifférentes pour l’exploitation du potentiel deressources.• Dans un premier cas hypothétique, lesfacteurs structurels déterminent un potentielfiscal supérieur au niveau de ressourcespubliques effectives ; on a alors une situationd’effort fiscal négatif où la politiqueéconomique mise en œuvre est à l’origined’une démobilisation fiscale 109 . On peutpenser qu’une politique économique plusfavorable à la mobilisation fiscale devraitpermettre le recouvrement de ressourcespubliques supplémentaires et ainsi de mieuxexploiter le potentiel de ressources.• Dans un second cas égalementhypothétique, les facteurs structurelsdéterminent un potentiel fiscal inférieur auprélèvement effectif (effort fiscal positif) et leniveau de ressource observé est en partieimputable à une politique économiquefavorable à la mobilisation fiscale. Il semblepossible de penser que toute mesure depolitique économique adoptée en vue derenforcer la mobilisation de ressourcespubliques se traduirait par une aggravation desdistorsions économiques d’origine fiscale etpar des effets sociaux indésirables. Dans unetelle situation malgré un niveau de ressourcespubliques similaires à celui du premier cas, ondoit conclure à l’absence d’un potentiel deressource sous-exploité.Les facteurs structurels des ressourcespubliquesLe potentiel fiscal est déterminé par un ensemblede variables structurelles. Parmi ces variables, ontrouve le niveau de développement approché àtravers trois variables : le produit intérieur brut partête, l’origine sectorielle du revenu mesurée par lapart de la valeur ajoutée agricole et enfin, le degréde monétarisation de l’économie mesuré par le ratioentre l’agrégat M2 et le PIB (Stotsky et WoldeMariam, 1997). Il est en effet possible de supposerque plus le niveau de développement d’un pays estélevé, plus sa capacité à prélever des ressources estforte. Plusieurs explications peuvent être avancées.Du coté de la demande, l’élévation du niveau dedéveloppement entraîne un accroissement et unediversification de la demande de biens publics quipeut réduire la résistance des contribuables vis-à-visde l’impôt. Du coté de l’offre, une élévation duniveau de développement accroît certainement lacapacité contributive de l’économie. De plus, lescapacités administratives, notamment en vue delever l’impôt, s’améliorent probablement avec leniveau de développement, grâce à l’existenced’économies d’échelle dans l’administration del’impôt et à un meilleur environnement(infrastructures de qualité, qualification desemployés des administrations, niveau d’éducationde l’ensemble de la population).Le taux de prélèvement structurel est égalementpositivement influencé par le taux d’ouverturecommerciale (Agbeyegbe et alii, 2004). En effet,les transactions liées au commerce internationalconstituent une assiette plus facilement taxable queles revenus ou les consommations intérieurs.L’effet de l’ouverture sur le potentiel fiscal estrenforcé, pour certains pays, par une part élevéedes produits miniers et pétroliers dans lesexportations totales, car cette catégoried’exportations peut donner lieu à109 Il s’agit d’une appréciation relativement à la moyennedu panel pris en référence.STATECO N°100, 2006


173des prélèvements substantiels sous forme de taxesou de redevances.La méthode pour calculer l’effort fiscal consiste àestimer (tableau 3) une équation explicative du tauxde prélèvement en fonction des variables présentéesci-dessus sur des données relatives à un largeéchantillon de pays et à une période de tempsimportante (données de panel sur 85 pays pour lapériode 1970-2003). L'estimation utilise lesméthodes de l’économétrie des données de panel(effets aléatoires pays saisissant une hétérogénéitéinobservée).prélèvementLe résidu de l’équation permet alors de mesurerl’effort fiscal. Si on désigne par o le taux deprélèvement observé (ou effectif), ŝ le taux destructurel et ê l’effort fiscal, on peutalors écrire : o=sˆ+eˆPar construction, la moyenne des résidus( ê ) pour l’ensemble de l’échantillon étant nulle,l’effort fiscal doit s’interpréter de manière relative.La norme de référence est constituée par uncomportement moyen de l’ensemble du panel paysannéesretenu. Ainsi, pour un pays donné, un résidunégatif signifie donc que le pays considéré a uneffort fiscal inférieur à la norme et inversementlorsque le résidu est positif. Enfin, si le résidu estnul, le pays consent un effort fiscal conforme à lamoyenne de l’échantillon : une situation d’effortfiscal nul signale donc, non pas une politiquefiscale défaillante, mais une politique demobilisation fiscale présentant une efficacitésimilaire à la moyenne du panel.Tableau 3Estimation des déterminants du potentiel fiscal des PEDVariables explicatives Coefficients t-Student P-valueConstante 4,01 1,00 0,31Taux d’importation M/PIB 3,85 7,97 0,00Produit par tête retardé 0,95 2,10 0,04Part des exportations minières et 0,03 3,12 0,00pétrolières dans les exportationstotalesValeur ajoutée agricole/PIB -0,16 5,73 0,00R² = 0,33L’évaluation de l’effort fiscalLe tableau 4 fournit une évaluation de l’effort fiscalmoyen des différents groupes de pays distinguéspour l’analyse de l’évolution des ressourcespubliques effectives. Ce tableau met en évidence uneffort fiscal déclinant pour les pays d’Afriquesubsaharienne. En 1990-1994, les mesures depolitique économique mises en œuvre ont permisd’améliorer la mobilisation de 2,3 points de PIB audessusdu potentiel fiscal ; cela indique que lamobilisation du potentiel fiscal était effective.Depuis 2000-2003, cette mobilisation est devenuemoindre avec un effort fiscal négatif de 1 point dePIB. Les pays d’Amérique latine et d’Asie sontcaractérisés par un effort fiscal constammentnégatif ; aucune évolution significative n’est miseen évidence pour chacun de ces groupes de pays.Tableau 4L’évolution de l’effort fiscal - comparaisons internationalesPIBUnité : en pourcentage du1980-1984 1985-1989 1990-1994 1995-1999 2000-2003Afrique au Sud du Sahara -1,1 1,1 2,3 0,6 -1,0Amérique latine -1,5 -2,1 -1,8 -3,7 -2,7Asie -2,0 -1,3 -0,9 -1,6 -2,3Moyen Orient / Afrique du Nord 10,3 6,5 9,5 0,9 -1,3Pays moins avancés (PMA) -1,8 -0,5 -1,5 -0,7 -3,5Pays à faible revenu (PFR) -1,6 -0,2 1,4 -0,2 -1,9Pays à revenu intermédiaire 0,8 0,4 0,2 -1,8 -0,8Les données présentées sont des moyennes arithmétiques non pondérées calculées sur des périodes de cinq ans (1980-1984,1985-1989, 1990-1994, 1995-1999) et une période de quatre ans (2000-2003).Source : calcul des auteurs.STATECO N°100, 2006


174Au cours de la dernière période d’observations2000-2003, l’impact des politiques économiquessur la mobilisation fiscale est devenu fortementnégatif pour les PMA et à un degré moindre pourles pays à faible revenu. L’effort fiscal des pays àrevenu intermédiaire reste beaucoup plus stable, etproche de zéro, l’efficacité de leur politiqueéconomique en termes de mobilisation fiscale estdonc proche de la moyenne du panel. Les résultatsdu tableau 4 montrent donc, pour la période la plusrécente, une moindre mobilisation du potentielfiscal, tout particulièrement pour les pays PMA,pour les pays à faible revenu et aussi pour les paysd’Asie et d’Amérique latine ; pour ces groupes depays, un espace de ressources publiques sousexploitéest ainsi reconnu.ConclusionUne analyse sur un large échantillon de pays endéveloppement (85 pays) et sur une période 1980-2003 permet de constater des taux de prélèvementspublics similaires quelle que soit la zonegéographique examinée : l’Afrique subsahariennepourtant caractérisée par une offre moins efficacede biens publics (éducation, santé, infrastructurescollectives) s’inscrit dans la tendance générale.Une analyse sur le même échantillon met enlumière un effort fiscal longtemps positif des paysafricains. Ces derniers ont sur les décennies quatrevingtet quatre-vingt-dix complètement exploitéleurpotentiel fiscal et ont même mobilisé au delà de cepotentiel. Cette forte mobilisation de ressourcespubliques à travers la politique économique areposé notamment sur un recours intensif à lataxation tarifaire. La libéralisation tarifaireintervenue dès la fin des années quatre-vingt-dixexplique certainement en partie la baisse desressources notamment pour les pays à faible revenu(Baunsgaard et Keen, 2005)Les approches à partir d’une analyse de l’évolutiondes ressources publiques globales ou à partir del’effort fiscal permettent de présumer l’existence oul’absence probable d’un espace de ressourcesfiscales sous-exploité, tout particulièrement pour lesPMA, les pays asiatiques et latino-américains. Cetteprésomption gagne à être corroborée par uneanalyse relative aux principales catégoriesd’impôts : il s’agit en particulier d’apprécier lacapacité des Etats à préserver leur espace deressources publiques dans un contexte de baisse desressources tarifaires.La mesure de l’effort fiscal permet donc d’affinerun premier diagnostic sur l’espace de ressourcespubliques mobilisable effectué à partir des tauxobservés de ressources publiques. Un effort fiscalpositif incite à conclure à la difficulté à mobiliserdes ressources publiques supplémentaires tandisqu’au contraire un effort fiscal négatif indique unespace de ressources publiques sous-exploitées.STATECO N°100, 2006


175Références bibliographiquesAgbeyegbe T., Stotsky J. et Wolde Mariam A. (2004), « Trade Liberalization, ExchangeRate Changes and Tax Revenue in Sub-Saharan Africa », IMF Working Paper, 04/178.Baunsgaard T. et Keen M. (2005), « Tax Revenue and (or?) Trade Liberalization », in IMF,FAD, Draft.Bleaney Y M., Gemmel N. et Greenaway D. (1995), « Tax Revenue Instability, withParticular Reference to Sub-Saharan Africa. », The Journal of Development Studies, 31, 883-902.Brun J.F., Chambas G. et Laporte B. (2001), « STABEX versus IMF CompensatoryFinancing: Impact on Fiscal Policy », Journal of International Development, 13, 571-581.Chambas G. (ed.) (2005), Afrique au Sud du Sahara. Mobiliser des ressources fiscales pourle développement. Economica, Paris.Chambas G. et alii (2006), « Evaluation de l’espace budgétaire des pays endéveloppement », Document conceptuel, PNUD, New-York.Collier P. et Gunning J.W. (1999), Trade Shocks in Developing Countries, Vol. 1, OxfordUniversity Press.Combes J.-L. et Saadi-Sedik T. (2006), « How Does Trade Openness Influence BudgetDeficits in Developing Countries? », Journal of Development Studies, à paraître et FMIworking papers .06/3.Schneider F. (2003), « The Size and Development of the Shadow Economy Around theWorld and The relation to the Hard to Tax », Hard to Tax Conference, Atlanta.Stosky J.G. et Wolde Mariam A. (1997), « Tax Effort in Sub-Saharan Africa », IMFworking paper, 97/107.United Nations, (2002), « Report of the International Conference on Financing forDevelopment Monterrey » Mexico, 18-22 March.STATECO N°100, 2006


174Présentation du numéro spéciald’Economie et Statistique sur lesapproches de la pauvreté à l’épreuvedes comparaisons internationalesDaniel Verger 110Ce numéro spécial de la revue Economie et Statistique est consacré aux approches de lapauvreté à l’épreuve des comparaisons internationales. Ce numéro s’inscrit dans leprolongement d’un séminaire international qui s’est tenu en juin 2000 à Bratislava sousl’égide d’Eurostat. En s’appuyant sur des méthodologies similaires, il s’agit de fournirdes images comparées de la pauvreté dans plusieurs pays de niveau de développementtrès différent : membres « historiques » de l’Union européenne (Espagne, France,Portugal, Royaume-Uni), pays en transition (Pologne, Roumanie et Russie) dont lepremier a rejoint l’UE depuis 2005, auxquels s’ajoutent plusieurs pays endéveloppement (Brésil, Madagascar). Ce numéro poursuit une démarche engagée par larevue Economie et Statistique en 1997 avec la publication d’un premier numéro spécialconsacré à la pauvreté, dont il approfondit les méthodologies présentées à l’époque, touten les appliquant de manière comparative à un grand nombre de pays.110 Daniel Verger est chef de l’unité Méthodes statistiques à l’INSEE.STATECO N°100, 2006


175Entre 1994 et 2002, les pays européens se sont,sous la conduite d’Eurostat, engagés dans lacollecte de données sur l’emploi, les revenus et lesconditions de vie auprès d’un panel d’individus etce à partir d’un questionnaire harmonisé. L’un desbuts principaux de ce panel était d’améliorer laconnaissance des phénomènes de pauvreté au seinde l’Union européenne. Au même moment, denombreux pays de l’Europe de l’Est ont étéconduits, de par leur évolution politique, à tenter derapprocher leur système de collecte de donnéesstatistiques auprès des ménages de celui en vigueuren Europe de l’Ouest. Plusieurs enquêtes ont ainsivu le jour, avec des questionnements proches decelui du Panel européen.On dispose ainsi d’un vaste corpus de donnéescollectées avec le maximum de garanties decomparabilité et permettant d’analyser enprofondeur le phénomène de la pauvreté.Initialement conduites sur données françaises, cesétudes ont très tôt débouché sur des comparaisonsinternationales : dès le numéro spécial d’Économieet Statistique consacré à la pauvreté et publié en1997, à côté des articles traitant de la France, ontrouvait une comparaison bilatéraleFrance-Slovaquie (Fall, Horecký et Rohácová,1997) et une étude rapprochant la France,l’Espagne, les Pays-Bas et le Royaume-Uni(Chambaz et Maurin, 1997).L’intérêt de ces comparaisons est vite apparu, desorte qu’un séminaire international a pu se tenir enjuin 2000 à Bratislava, sous l’égide d’Eurostat : desparticipants de 22 pays ont assisté à la présentationde communications portant sur 13 pays,communications se conformant - en général, maishélas pas toujours- à ce principe d’utiliser desméthodologies identiques sur des donnéescomparables.Le présent dossier (voir sommaire en annexe)poursuit le travail ainsi initialisé : les contributionsont été actualisées, la comparabilité des méthodes etdes présentations renforcée. Des pays qui n’avaientpas participé au colloque ont fourni descontributions inédites (Eldin Fahmy et DavidGordon pour le Royaume-Uni, Irina Kortchagina,Lilia Ovtcharova, Lidia Prokofieva et PatrickFesty pour la Russie, etc.), de nouvelles synthèsesont été écrites (Fabien Dell et Nicolas Herpin).Quelques éclairages complémentaires impossibles àréaliser sur tous les pays ont été introduits, afind’illustrer comment on peut faire évoluer laméthodologie suivie principalement dans cedossier, soit en exploitant explicitement lestrajectoires individuelles et la dimension panel desdonnées (Stéfan Lollivier et Daniel Verger), soiten complétant avec d’autres approches allantdavantage vers l’expérience subjective de lapauvreté (Serge Paugam et Marion Selz) etl’exclusion sociale (Anna Szukiełojć-Bieńkuńska). Faute de place, il a donc fallusacrifier certaines contributions présentées àBratislava : les personnes intéressées par les paysconcernés (Albanie, Belgique, Italie, Républiquetchèque, etc.) peuvent se référer aux actes ducolloque de Bratislava (SUSR, Eurostat et Insee,2000) qui reprennent l’intégralité des contributions.Ainsi, ce numéro tente-t-il, en s’appuyant sur desméthodologies similaires, de fournir des imagescomparées de la pauvreté au sein de pays quipeuvent être à des stades de développementéconomique assez différents, qui peuvent avoirconnu des histoires récentes contrastées puisque,outre la France (Madior Fall et Daniel Verger), leRoyaume-Uni, l’Espagne (Magda MercaderPrats) et le Portugal (Rui Manuel CerderaBranco, Regina Soares, Teresa Bago d’Uva)d’une part et d’autre part quelques pays issus del’Europe dite naguère de l’Est et qui, soit viennentde rentrer dans l’Union européenne comme laPologne soit sont candidats à l’adhésion comme laRoumanie (Viorica Duma, MariaMolnar,Filofteia Panduru et Daniel Verger), ysont étudiés la Russie, le Brésil (encadré de TaniaLustosa dans l’article de cadrage de Fabien Dell etNicolas Herpin) et Madagascar (MireilleRazafindrakoto et François Roubaud).Il s’agit d’une première en forme de gageure, car,comme Daniel Verger le souligne dans son articleintroductif, les auteurs s’attaquent à un sujet qu’ilest déjà difficile de cerner au niveau d’un pays, àsavoir la définition et la mesure de la pauvreté, et cedans une vision internationale large, s’essayant àrapprocher des pays éloignés les uns des autres tantpar leur histoire que par le niveau de leurdéveloppement économique. L’intérêt suscité par lecolloque de Bratislava nous a semblé justifierl’entreprise : le lecteur trouvera au gré de ces pagesune somme inédite de renseignements sur les paysconcernés, mais il se heurtera aussi à denombreuses questions encore sans réponse. On a iciplus des contributions novatrices sur des sujetsencore imparfaitement défrichés que des synthèsesdéfinitives.Chaque pays est présenté d’une façon standardisée :la première partie de l’article est systématiquementconsacrée à un cadrage général décrivant lesconditions socio-économiques actuelles du pays :caractéristiques démographiques (natalité,mortalité, pyramide des âges…), situation vis-à-visde l’emploi et du chômage, niveau etdifférenciation des revenus, niveau et structure de laconsommation des ménages, conditions d’habitat etquelques éléments du mode de vie. Pour des raisonsbien évidentes de volume global, la place réservée àcette présentation générale a été volontairementSTATECO N°100, 2006


176contrainte, de la même façon pour tous les pays :plus qu’une présentation détaillée de chaque pays,c’est un résumé de ses principales caractéristiquesqui est proposé, afin de permettre au lecteur d’avoirune idée du cadre dans lequel s’inscrit lephénomène pauvreté, cadre qu’il peut mettre enperspective avec l’environnement français qui a faitl’objet lui aussi d’une présentation similaire. Laseconde partie de chaque monographie estconsacrée à l’analyse de la pauvreté. Troisapproches, toutes relatives, sont privilégiées (estpauvre celui qui a les ressources monétaires les plusfaibles, ou celui qui vit dans les plus mauvaisesconditions de vie, ou enfin celui qui a le plus de malà équilibrer ses recettes et ses dépenses, à « bouclerson budget »). Nous utiliserons par la suite lesvocables de « pauvreté monétaire », « pauvreté deconditions de vie » et « pauvreté subjective ».Nombre de ces statistiques ne deviennent parlantesque dans un cadre comparatif. Dans les étudesbilatérales (France-Pologne, France-Slovaquie) quiont été faites jusqu’à présent, le référentiel était laFrance, pays au niveau de vie le plus élevé, et surlequel les études pilotes avaient été conduites. Dansle cadre multilatéral qui est le nôtre, il étaitimpossible de conserver ce centrage. Tout au plusse permettra-t-on de temps à autre de situer lagrandeur par rapport à la valeur française. Mais iln’y aura pas de comparaison bilatérale approfondiedans chaque monographie, le risque de redondanceaurait été trop fort. C’est dans l’article qui ouvre lenuméro, que Fabien Dell et Nicolas Herpin se sontefforcés de remettre en perspective toutes cesmonographies afin de dégager les facteursstructurants qui permettent de définir un petitnombre de types d’organisation sociale différents,chacun conduisant à des populations de pauvresdotées de certaines spécificités.internationale des modes de vie, principalementceux qui surgissent dès lors que les niveaux de vieet l’inégalité des ressources sont concernés, estdéveloppée l’analyse des forces et limites desapproches mises en œuvre pour étudier la pauvretéproprement dite, qui doit permettre au lecteurd’aborder les monographies avec le reculnécessaire. La dernière partie propose à la réflexionles axes de progrès qui pourraient remédier àcertaines lacunes et faiblesses des travaux actuels,en particulier mais pas seulement, dans le cadre descomparaisons internationales.Il faut remercier les offices statistiques nationauxqui ont permis à ce dossier d’aboutir. Ils sont citésdans chaque monographie publiée dans ce numéro.Des travaux présentés au colloque de Bratislavasont également cités, en particulier dans l’article deFabien Dell et Nicolas Herpin. Nos remerciementsvont aux équipes qui ont participé à cette étape duprojet.Dans ce dossier, nous supposerons que lesprincipales définitions et les grandes lignes desméthodologies adoptées pour cerner la pauvreté,telles qu’elles ont été exposées dans le numérospécial de 1997 sont connues. Le lecteur désireuxde se voir préciser tous les détails devra donc sereporter aux articles de 1997, seuls quelques rappelsétant repris dans l’article introductif de DanielVerger. L’ambition de cet article est de résumer lesubstrat méthodologique commun aux diversesanalyses présentées. Après une brève partieconsacrée au passage en revue des principauxproblèmes qui rendent ardue une comparaisonSTATECO N°100, 2006


177AnnexeÉconomie et StatistiqueNuméro 383-384-385 - 2005Les approches de la pauvreté à l’épreuve des comparaisons internationales7 Bas revenus, consommation restreinte ou faible bien-être : les approches statistiques de la pauvreté àl’épreuve des comparaisons internationalesComparer les populations pauvres de pays aux histoires, cultures et niveaux de développement économiquedifférents met en lumière les forces et limites conceptuelles et statistiques des mesures traditionnelles.L’approche multidimensionnelle de ce phénomène prend alors tout son sens.Daniel Verger12 Les indicateurs de Laeken21 indicateurs pour mesurer l’inclusion sociale.Un encadré de Aude Lapinte33 Les indicateurs synthétiquesDes indices séduisants mais délicats à construire.Un encadré de Jérôme Accardo et Pascal Chevalier47 Pauvres et modes de vie pauvre dans des pays européensLa Grande-Bretagne, la France, l’Espagne, le Portugal, la Pologne, la Roumanie et la Russie ont desniveaux de vie moyens très inégaux et la pauvreté y prend des formes très différentes en termes d’activitéproductive, de structure de la consommation et d’entraide.Nicolas Herpin et Fabien Dell49 Conditions de vie et pauvreté au BrésilLes pauvres ne sont pas principalement des personnes sans emploi mais les travailleurs du secteur informel.Un encadré de Tania Quiles de O. Lustosa, Madior Fall et Nicolas Herpin75 La pauvreté menace les jeunes Espagnols au moment où ils s’émancipentL’accès au logement et à l'emploi stable : un long chemin semé d’embûches pour les jeunes ménagesespagnols.Magda Mercader-Prats91 Pauvreté relative et conditions de vie en FranceFaiblesse des ressources monétaires, difficulté à équilibrer son budget et mauvaise qualité des conditions devie ne vont pas toujours de pair ; mais leur cumul touche plus souvent les personnes peu diplômées,exposées au chômage, les familles monoparentales, les hommes seuls et les ménages souffrant deproblèmes de santé.Madior Fall et Daniel Verger109 La pauvreté et l’exclusion sociale en Grande-BretagneL’étude d’une large gamme de privations confirme la complémentarité des différentes approches pourdécrire la pauvreté, qui reste relativement fréquente en Grande Bretagne.Eldin Fahmy et David GordonSTATECO N°100, 2006


178131 Les multiples facettes de la pauvreté dans un pays en développement. Le cas de la capitale malgacheLes différentes dimensions de la pauvreté ne se recoupent que partiellement à Madagascar, l’un des paysles plus pauvres du monde. 2,4 % des Tananariviens cumulent les sept formes de pauvreté considérées dansl’étude, tandis que 78 % sont affectés par au moins l’une d’entre elles.Mireille Razafindrakoto et François Roubaud157 Pauvreté et exclusion en PologneLes liens familiaux, bien que forts en Pologne, n’atténuent que faiblement les conséquences de la pauvreté.Anna Szukiełojć-Bieńkuńska, Madior Fall et Daniel Verger179 Travail, inégalité et autoconsommation au PortugalLes agriculteurs et les marins pêcheurs sont les plus exposés à la pauvreté monétaire. L'autoconsommation,quand l'habitat s'y prête, donne cependant plus de flexibilité à la gestion du budget.Rui Manuel Cerdeira Branco, Regina Soares et Teresa Bago d’Uva193 Roumanie : une agriculture de survie, après l’industrialisation forcéeLe coût d'arrêt donné à l'urbanisation a accentué la pauvreté dans les campagnes.Viorica Duma, Maria Molnar, Filofteia Panduru et Daniel Verger219 Conditions de vie et pauvreté en RussieLa polarisation croissante entre Moscou et la province renvoie l'image d'une Russie où l'inégalité augmenteet où les familles monoparentales, les familles nombreuses et les personnes âgées, surtout dans les petitesvilles, font face à des conditions de vie difficiles.Irina Kortchagina, Lilia Ovtcharova, Lidia Prokofieva, Patrick Festy et Daniel Verger245 Trois apports des données longitudinales à l’analyse de la pauvretéL’exploitation des données longitudinales modifie radicalement les approches habituelles de la pauvreté.Volet 1. Erreurs de mesure et entrées-sorties de pauvretéLa prise en compte des erreurs de mesure peut modifier du simple au triple les taux de sortie de pauvreté.Volet 2. Dynamique de la pauvreté : peut-on démêler l’écheveau des causalités ?Les différents symptômes de pauvreté ne sont pas synchrones et leur agrégation pose problème.Volet 3. Pauvreté absolue et relative : quelques éléments de réflexion et un essai de quantificationL’indexation des seuils de pauvreté sur les niveaux de vie doit-elle être totale ?Stéfan Lollivier et Daniel Verger283 La perception de la pauvreté en Europe depuis le milieu des années 1970Analyse des variations structurelles et conjoncturellesEn Europe, la perception de la pauvreté varie fortement selon le pays, mais aussi selon la conjonctureéconomique et sociale.Serge Paugam et Marion SelzRésumés – Summaries – Zusammenfassungen – ResúmenesSTATECO N°100, 2006


180A PROPOS DE STATECOLes jugements et opinions exprimés par les auteurs d'articles publiés dans STATECO n'engagentqu'eux-mêmes, et non les institutions auxquelles ils appartiennent, ni, a fortiori, l'INSEE, DIAL ouAFRISTAT.Les propositions d'articles sont à envoyer à l'adresse suivante :Secrétariat de la revue STATECODIAL4, rue d’Enghien75010 ParisElles doivent comprendre une version sur papier et une version sur disquette, de préférence en Word,sans style ni mise en page.STATECO est diffusé gratuitement sur demande auprès du secrétariat de la revue.5ème colloque francophone sur les sondages: annonce de deux boursesLe colloque Sondages2007 aborde tous les thèmes qui concernent la méthodologie desenquêtes par sondage et en priorité les enquêtes longitudinales, de santé, électorales,internationales, dans les pays en développement et de sources multiples. Avec le soutien de laFondation pour la Statistique, le comité d'organisation offre deux bourses de voyage et deséjour pour deux auteurs de communication originaires et travaillant dans un pays endéveloppement. Les bourses sont réservées à des personnes de moins de 35 ans, ne travaillantpas dans un organisme international, le cumul avec une autre source de financement n'est paspossible. La bourse donne droit à participer aux ateliers qui suivront immédiatement lecolloque. Le colloque organisé par le Société française de statistique se tiendra à Marseilledu 5 au 7 novembre 2007. Un jury international sélectionnera deux communications parmiles propositions de 4 pages maximum qui devront parvenir à l'adresse électronique ducolloque avant le 31 mars 2007. Pour toute information complémentaire :sondages2007@cereq.fr. Voir le site du colloque : http://www.cereq.fr/sondages2007/STATECO N°100, 2006

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