DANS LA POCHE 82 • LES LIBRAIRES • SEPTEMBRE-OCTOBRE 2016 LA DÉESSE DES MOUCHES À FEU Geneviève Pettersen, Le Quartanier 208 p., 13,95$ Catherine, âgée de 14 ans, vit à Chicoutimi-Nord en 1996. C’est l’époque du punk rock et du mythique Kurt Cobain; l’époque où le Discman, le Sunny Delight et l’histoire de Christiane F. sont à la mode. Alors que Catherine entre dans l’adolescence de plein fouet et qu’elle se cherche, ses parents se séparent. Elle flâne avec ses amis et découvre la drogue, les partys et les premières amours. On a l’impression de vivre ces années de malaises, de tumulte et d’insouciance avec Catherine; et c’est là une grande force de ce remarquable roman. Geneviève Pettersen offre une histoire prenante au langage cru et au ton juste, qui se dévore d’un trait grâce à son écriture et son réalisme. LE FIL DES KILOMÈTRES Christian Guay-Poliquin, BQ 240 p., 11,95$ Dans ce road novel, un mécanicien vivant dans l’Ouest canadien retourne dans sa ville natale, à l’autre bout du continent, pour renouer les liens avec son père malade qu’il n’a pas vu depuis dix ans. À travers cette quête de sens et des origines se dessine une relation père-fils qui s’est étiolée. La route est longue et le narrateur n’est pas au bout de ses peines puisqu’une panne d’électricité surgit et complique ses plans. Cette panne s’éternise, créant une atmosphère postapocalyptique angoissante, où le réel côtoie la poésie, où la vie ne semble tenir qu’à un fil et où les certitudes s’effritent. « Un livre prenant, envoûtant, qui nous hypnotise comme cette route qui ne semble jamais finir », selon la libraire Marie-Hélène Vaugeois. MARIE-HÉLÈNE AU MOIS DE MARS Maxime Olivier Moutier Marchand de feuilles, 396 p., 15,95$ Paru initialement en 1998, ce roman coup de poing, d’inspiration autobiographique met en scène l’érosion d’un homme. Le prénom, dans le titre est celui de cette femme que le narrateur aimait profondément; le mois est ce moment où elle l’a trahi, le plongeant dans un désarroi noir et sans fond. S’ensuivra une tentative de suicide qui ne parviendra qu’à le conduire jusqu’à l’aile psychiatrique d’un hôpital. De là, il nous raconte l’histoire de sa haine : les couteaux dont il sent les pointes le transpercer, l’amour qu’il a porté à cette femme « belle comme un monastère », ses rencontres avec la psychiatre et les autres patients qu’il croise, dans les corridors ou à la cafétéria. Mais surtout, il raconte son puissant désir d’en finir. Éros et thanatos : l’éternel duo destructeur. LA NAGEUSE AU MILIEU DU LAC Patrick Nicol, Le Quartanier 168 p., 12,95$ Avec délicatesse, l’auteur estrien raconte ici l’histoire de sa mère qui perd peu à peu la mémoire alors que lui aussi se sent vieillir tranquillement. Il se remémore des moments épars qui ont jalonné sa vie de fils, de père, de professeur, d’écrivain, d’homme. C’est maintenant lui qui doit prendre soin de sa mère et il doit plonger dans ses souvenirs puisqu’elle ne le peut plus. Malgré ce sombre sujet de la vie qui nous échappe et de la vieillesse, ce récit pose un regard tendre sur l’existence et rend compte de sa beauté. Il y a des phrases comme ça, sublimes, qui nous font sourire : « Pour ma mère, les oiseaux-mouches s’appelaient des choux-fleurs. Elle les avait baptisés ainsi après les avoir longtemps appelés des brocolis. » LE ROYAUME Emmanuel Carrère, Folio 608 p., 16,95$ Pourquoi croyons-nous en Dieu alors que nous ne croyons plus aux contes de fées? Et si la religion était aussi une illusion? Ou une fuite? Se posant ces questions, l’écrivain Emmanuel Carrère, qui se dit agnostique, raconte les trois ans de sa vie où il a été un chrétien pratiquant. Partant de là, il réfléchit à ce qu’est aujourd’hui le christianisme et à ses valeurs. L’auteur de L’adversaire et de Limonov revisite les débuts de cette religion et dépeint un pan de notre histoire. « Protéiforme, labyrinthique, Le royaume est une œuvre majeure qui transcende le formidable égo de son auteur afin de nous entraîner au cœur de l’un des plus grands mystères de l’humanité », a écrit entre nos pages Thomas Dupont-Buist (librairie Gallimard) à propos de cet ouvrage humaniste d’une grande érudition. LES JOURS DE MON ABANDON Elene Ferrante, Folio 288 p., 13,75$ Celle qui a reçu le Prix des libraires du Québec pour L’amie prodigieuse et qui faisait paraître sa suite, Le nouveau nom, à l’hiver 2016, ne s’est pas uniquement intéressée aux territoires de l’enfance. Les jours de mon abandon, écrit précédemment et traduit en 2004, s’attarde quant à lui à l’histoire d’une femme dans la quarantaine dont le mari vient de prendre la porte. Seule avec ses deux enfants et leur chien, Olga repasse ses années de mariage, cette promptitude avec laquelle elle s’est jetée corps et âme dans la vie avec cet homme, puis dans la maternité. Qui étaitelle, vingt ans plus tôt, avec tous ses espoirs d’écrire de grands romans? Elena Ferrante – cette auteure mystérieuse dont personne, outre son éditeur, n’a vu le visage – excelle une fois de plus dans le décryptage psychologique, l’acuité des détails et l’élaboration d’une tension romanesque forte.
Tome 2 Apothéose Tome 1