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Chronique des campagnes<br />
Chaussan est le berceau de la famille de Bellièvre. Anoblis par l’échevinage, les<br />
Bellièvre fournirent plusieurs conseillers aux parlements de Paris et de Grenoble.<br />
Deux archevêques de ce nom, Albert et Claude, occupèrent le siège de Lyon.<br />
Pompone de Bellièvre, surintendant des finances sous Henri III, fut chargé<br />
d’obtenir d’Elisabeth la mise en liberté de Marie Stuart. Il échoua, mais fut plus<br />
heureux dans les négociations relatives au traité de Verdun (1598), dont il est un<br />
des signataires.<br />
Henri IV, en récompense de ses services, le nomma chancelier de France et<br />
président du conseil. Ce prénom de Pompone, pour être porté par un si haut<br />
personnage, a des allures un peu fantaisistes. Un jour, qu’il tenait un enfant sur<br />
les fonts, le curé demande au parrain quel nom il donnait à son filleul. “Pompone,<br />
répondit le chancelier. - Ah ! Monsieur, répartit le curé, ce n’est pas une cloche que<br />
nous baptisons; c’est un enfant.”<br />
Chaussan doit une aisance relative à la fertilité du pays. Abrité du nord et<br />
légèrement incliné au midi, le sol se prête à merveille à la culture des fruits. Des<br />
prairies occupent les parties basses où courent quantité de ruisseaux, affluents<br />
du Mornantais.<br />
(Source : Aux environs de Lyon • Monsieur Josse • Librairie Dizain et Richard • 1892 • Cote<br />
6900 ZO BLE • Bibliothèque de Lyon Part-Dieu)<br />
AUX ENVIRONS DE LYON<br />
1892<br />
CHAUSSAN<br />
LE MASSIF DE RIVERIE<br />
La chaîne des hauteurs qui ceint, au couchant, la campagne lyonnaise, se<br />
partage en deux rameaux : celui de Riverie et celui de l’Yzeron ou de Saint-<br />
Bonnet. Les dépressions formées par le lit de la Coise, sur le versant de la<br />
Loire, et par le Garon, sur le versant du Rhône, marquent la séparation des<br />
deux chaînons.<br />
Le tronçon de Riverie, dont le signal de Saint-André-la-Côte, à une altitude<br />
de neuf cent trente-sept mètres, accuse le point culminant, est le moins<br />
connu du citadin. L’ouverture du chemin de fer de Mornant a cependant créé<br />
des facilités pour l’explorateur, et partout, de superbes routes sillonnent<br />
la montagne. Les vélocipédistes même affrontent la plupart des rampes à<br />
pente très douce qui escaladent ces hautes régions, placées aux confins des<br />
deux bassins du Rhône et de la Loire.<br />
De Mornant, le regard embrasse le massif. Si vous êtes un peu familier avec<br />
les lieux, vous distinguez ou devinez les principaux villages, plantés de ci et<br />
de là, dans les plis ou sur les crêtes : Saint-Sorlin, Chaussan, Saint-André-la-<br />
Côte, Saint-Martin-en-Haut, Riverie. Il est des heures où les reliefs se teintent<br />
d’un bleu sombre, que ponctuent de blanc les hameaux et les fermes isolées.<br />
Saint-Sorlin, de fondation très anciennes, n’a rien qui retiennent les visiteurs.<br />
A peine y trouve-t-on à signaler le choeur de l’église, du XVIe siècle. Sorlin est,<br />
dans nos pays, la forme populaire de Saturnin, nom de l’apôtre de Toulouse.<br />
Mais il y a une affinité entre ce nom et Saturne, et cela fait penser à quelque<br />
vieux culte primitif, auquel s’est substituée une dulie chrétienne.<br />
Cette substitution est franchement accusée à Chaussan, autrefois Saint-<br />
Jean-de-Chaussan. À l’intérieur de l’église, existe une source - probablement<br />
vénérée depuis l’époque druidique - dont l’eau est réputée pour rendre<br />
l’ouïe aux sourds. On la puise, en soulevant une plaque de fer, de huit à dix<br />
pouces de diamètre, incrustée au milieu de la dalle qui se trouve devant la<br />
grille du choeur.<br />
Les sources à vertus curatives étaient presque toujours consacrées, chez les<br />
Gaulois, au dieu Borvo, assimilé à Apollon par les Romains. Or, le Précurseur,<br />
dont la fête se célèbre au solstice d’été, a souvent remplacé les divinités<br />
solaires, et, de plus, son rôle de baptiseur l’appelait au patronage des eaux<br />
et des fontaines.<br />
Un assez bon tableau de l’Ecole française, bien supérieur à ce qu’on<br />
est exposé à rencontrer dans nos églises de campagnes, représente la<br />
décollation du saint patron. Mais je défie bien le bourreau, avec l’épée qu’il<br />
a choisie, la façon dont il la tient, et la posture qu’il fait prendre à saint Jean<br />
dont la chevelure couvre le cou, d’arriver à lui trancher la tête.<br />
Ce bourg de Chaussan, entièrement ouvert, semblait gardé des déprédations,<br />
par sa situation, à l’écart des grandes routes, enfoui autrefois dans les<br />
châtaigneraies. Lors de l’invasion des Tard-Venus, en 1362, les habitants<br />
s’enfermèrent dans l’église ; mais ils furent forcés par les aventuriers et<br />
massacrés sans merci.<br />
10 Autrefois n°26 • Février 2017