LUsine-Africaine-Magazine-Avril-Mai-2017
Le 1er magazine dédié à l'industrie Africaine.
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DOSSIER<br />
37<br />
mobilité en Afrique, où la majorité<br />
des pays comptabilise davantage de<br />
téléphones mobiles que d’habitants.<br />
– La donnée elle-même. Quelle que<br />
soit cette donnée, fut-elle simple<br />
(comme les SMS) ou complexe<br />
(un échange vocal en direct), c’est<br />
l’usage de la donnée et sa monétisation<br />
qui sont au cœur du digital.<br />
L’enjeu est de savoir ce que l’on fait<br />
de cette donnée et comment l’exploiter,<br />
par le biais d’algorithmes<br />
notamment.<br />
– Les plateformes. Gérer tout cela<br />
par le biais de plateformes est aussi<br />
un élément clé du digital. Dans le<br />
contexte de l’Afrique, où l’innovation<br />
passe par des partenariats publics-privés<br />
importants, cette dimension<br />
est centrale.<br />
– Le web social. Les plateformes<br />
digitales offrent la possibilité de<br />
gérer un écosystème de partenaires<br />
pour de l’open innovation, du développement<br />
business, etc. L’Afrique<br />
a été en avance sur cette dimension<br />
avec les Printemps arabes pendant<br />
lesquels les réseaux sociaux ont joué<br />
un rôle clé, notamment en Tunisie.<br />
Les cinq étapes du développement<br />
numérique de l’Afrique<br />
Le développement du digital en<br />
Afrique s’est fait en plusieurs étapes.<br />
Les économistes et les experts les<br />
ont analysées en commençant par le<br />
début des années 2000. Ils ont alors<br />
utilisé le terme de « leapfrog » (littéralement,<br />
« saute-mouton »). Cela<br />
révèle une des spécificités du digital<br />
en Afrique : les étapes de développement<br />
ont été différentes de ce que<br />
nous avons pu observer ailleurs. Ce<br />
développement s’est réalisé en sautant<br />
des étapes.<br />
Les deux premiers « sauts » correspondent<br />
à des cas d’innovations<br />
inversées, les trois suivants sont en<br />
devenir.<br />
1. Le développement des TIC.<br />
Pas de digital sans télécoms et sans<br />
capacité d’échanger des données.<br />
Jusqu’aux années 1990, l’Afrique<br />
était déconnectée du monde avec<br />
un taux de pénétration des accès<br />
téléphoniques de moins de 3%. La<br />
téléphonie fixe, déployée depuis les<br />
années 1880 ailleurs, ne concernait<br />
en Afrique que les grandes administrations,<br />
les élites et les entreprises<br />
importantes.<br />
Le rattrapage a été fulgurant, mais<br />
s’est opéré grâce au mobile, sans<br />
passer par l’étape de la ligne fixe.<br />
Ce saut est même double car à partir<br />
des années 2010, l’accès à Internet<br />
et aux réseaux sociaux est passé directement<br />
par les smartphones et les<br />
réseaux mobiles 3G ou 4G, et non<br />
par l’ADSL ou la fibre reliées à des<br />
ordinateurs personnels.<br />
En soi, on ne peut pas parler ici d’innovation<br />
inversée, mais plutôt d’une<br />
voie de développement adaptée au<br />
contexte local, donc d’une innovation<br />
frugale. Cependant, d’autres<br />
secteurs découvrent ou redécouvrent<br />
le système du « prépayé ». Ainsi,<br />
dans le champ de l’énergie et notamment<br />
de l’électricité, le modèle<br />
prépayé télécom, intimement lié aux<br />
TIC, fait aujourd’hui des émules.<br />
C’est le cas notamment en Amérique<br />
du Sud mais aussi au Nord, dans les<br />
grandes exploitations agricoles du<br />
Midwest. Le modèle de télécom africain<br />
est ainsi devenu une innovation<br />
inversée.<br />
2. Le paiement. Les pays africains<br />
sont, à quelques exceptions près, très<br />
peu bancarisés et l’usage du cash<br />
y est massif. Le recours aux chéquiers,<br />
virements ou cartes bleues<br />
est rare. Là encore, un nouveau saut<br />
a eu lieu avec l’éclosion du paiement<br />
par mobile. Le succès des pays tels<br />
que le Kenya, la Côte d’Ivoire ou le<br />
Mali ont ouvert la voie à un nouveau<br />
moyen d’échange d’argent (les premiers<br />
usages sont essentiellement de<br />
l’échange de personne à personne),<br />
puis de paiement. Non seulement<br />
les pays africains sautent des étapes<br />
mais ont aussi un usage encore plus<br />
« digital » des paiements que les<br />
Européens ou les Américains. A ce<br />
jour, cette étape, qui représente un<br />
bel exemple d’innovation inversée,<br />
est l’apport digital de l’Afrique le<br />
plus significatif.<br />
3. Le e-commerce. Les services par<br />
contournement ou « over-the-top<br />
» (OTT) (c’est-à-dire proposés en<br />
dehors des offres commerciales des<br />
fournisseurs d’accès à l’Internet,<br />
NDLR) ont rapidement investi les<br />
téléphones et les Smartphones des<br />
Africains.<br />
Avec des spécificités : Facebook est<br />
accessible par SMS et Uber accepte<br />
le paiement par cash dans certains<br />
pays. Si tous les grands acteurs de<br />
l’Internet mondial sont présents en<br />
Afrique, Amazon a encore du mal<br />
à adapter son modèle au contexte<br />
africain. En retard d’une quinzaine<br />
d’année sur les Etats-Unis, le e-commerce<br />
africain connaît un développement<br />
récent.<br />
Ce développement n’est pas un rattrapage,<br />
mais bel et bien une nouvelle<br />
voie. En effet, les sites à succès<br />
tels que Jumia (première licorne<br />
africaine, NDLR) sont davantage<br />
des places de marché, qui ne gèrent<br />
pas leur stock. Le modèle s’adapte<br />
à la spécificité locale (complexité<br />
L’USINE AFRICAINE AVRIL - MAI <strong>2017</strong>