National Geographic 08/17
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Texte et photographies de Laetitia Vançon/Hans Lucas<br />
Tout a commencé par une lecture,<br />
The Stornoway Way, un<br />
roman de Kevin MacNeil.<br />
L’auteur y raconte sa jeunesse<br />
dans les Hébrides extérieures,<br />
un chapelet d’îles et<br />
d’îlots au nord-ouest de<br />
l’Écosse continentale. Il y<br />
dépeint un endroit en vase clos, au climat hostile,<br />
où les jeunes tuent l’ennui à coups de pratiques<br />
extrêmes. Drogue, alcool, sexe, courses de voitures…<br />
Une sorte de Trainspotting dans un décor<br />
micro-insulaire. Deux mois plus tard, je tombe<br />
sur une brochure vantant « Les cinq plus belles<br />
plages du monde ». Je la parcours machinalement…<br />
Surprise ! L’une des plages des Hébrides<br />
extérieures fait partie du palmarès. D’un côté, la<br />
vision touristique paradisiaque ; de l’autre, celle,<br />
très sombre, de l’enfant du pays.<br />
Le contraste me saisit. Je contacte Kevin MacNeil.<br />
Les événements qu’il a décrits remontent à vingtcinq<br />
ans. La situation a-t-elle changé depuis ?<br />
A priori, l’endroit est moins enclavé aujourd’hui.<br />
Cinq lignes de ferries relient les Hébrides extérieures<br />
à des ports écossais. Des routes légèrement<br />
surélevées, les causeways, traversent la mer et permettent<br />
de passer d’une île à l’autre facilement.<br />
Il y a même trois aéroports. De là à savoir si l’horizon<br />
est plus dégagé pour la jeunesse…<br />
« Le mieux, c’est que vous vous fassiez votre idée<br />
toute seule », me suggère le romancier. Je commence<br />
mes recherches. Les Hébrides extérieures,<br />
ce sont 119 îles aux confins de l’Europe, réparties<br />
sur une bande de 200 km de long. Avec, du nord<br />
au sud, les cinq principales : Lewis, la plus grande ;<br />
Harris, en réalité une presqu’île de Lewis ; puis<br />
North Uist, Benbecula, South Uist et Barra. En<br />
tout, environ 27 000 habitants et de larges zones<br />
inhabitées. Depuis 1901, les Hébrides extérieures<br />
ont perdu 40 % de leur population.<br />
Les natifs partent, mais les visiteurs affluent.<br />
Ils sont plus de 200 000 chaque année. Des voyageurs<br />
en quête d’une nature indomptée, de<br />
balades à vélo à travers les landes, de pêche à la<br />
mouche et de longues plages sans la moindre cicatrice<br />
de béton. Un havre de paix et de déconnexion<br />
pour les citadins du continent. Mais la carte postale<br />
résiste-t-elle à la réalité ? À quoi ressemble le<br />
quotidien des jeunes sur ces îles où l’âge moyen<br />
est de 48 ans et où la ville principale, Stornoway,<br />
ne compte que 6 200 habitants ? Comment<br />
construisent-ils leur identité dans cette microcommunauté<br />
? À quoi aspirent-ils ?<br />
Pour trouver ces réponses, je décide de les rencontrer<br />
et de réaliser leurs portraits. Sur tout<br />
l’archipel, une seule personne propose du couchsurfing,<br />
c’est-à-dire de loger gratuitement chez<br />
elle. Murdanie, 28 ans, orphelin de père et de mère,<br />
habite une ferme sur l’île de Lewis. Enthousiaste,<br />
il accepte de me mettre en lien avec d’autres jeunes<br />
de 18 à 30 ans. Rendez-vous est pris en janvier 2016.<br />
J’y passerai un mois et demi et reviendrai deux<br />
autres fois, en juillet 2016 et en mars 20<strong>17</strong>.<br />
Je débarque à Stornoway sous une pluie battante.<br />
La mer a été mauvaise ; mon voyage en ferry,<br />
agité. Mon hôte m’attend pour un trajet de quarante<br />
minutes en fourgon. Dehors, il fait nuit<br />
noire, l’orage redouble. Pour mon premier contact<br />
avec les Hébrides extérieures, je ne vois rien du<br />
tout. Mais je respire une odeur qui me sera bientôt<br />
familière. Dans la cheminée (suite page 38)<br />
fils d’écosse 3 3