National Geographic 08/17
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Les membres de la jeune équipe détaillent leurs<br />
intentions : propulser l’engin dans l’espace à l’aide<br />
d’une fusée d’ici à la fin de l’année ; le positionner<br />
sur une orbite lunaire, à près de 400 000 km de<br />
la Terre ; le guider jusqu’à l’alunissage ; et le faire<br />
évoluer dans l’environnement hostile de notre<br />
satellite. Les ingénieurs de TeamIndus assurent<br />
que leur société y parviendra avec un budget serré<br />
(environ 65 millions de dollars), finan cé pour<br />
l’essentiel par des investisseurs privés.<br />
Ashish Kacholia, éminent homme d’affaires de<br />
Mumbai, a investi plus de 1 million de dollars dans<br />
la firme. Il est assis au fond de la salle, captivé par<br />
la discussion. Celle-ci mêle le feu roulant de questions<br />
d’une soutenance de thèse à l’atmo sphère<br />
débridée, ponctuée de rires, où tout le monde<br />
s’apostrophe, de la Lok Sabha, la turbulente<br />
chambre basse du Parlement indien.<br />
Ashish Kacholia n’a pas vraiment besoin d’être<br />
présent toute la journée pour vérifier le bienfondé<br />
de sa mise, qui est loin de constituer la plus<br />
importante de sa carrière. Mais il reste pour le<br />
simple plaisir d’écouter le dialogue entre spécialistes<br />
sur les projections d’orbites lunaires, la<br />
modélisation des forces, l’apogée et le périgée,<br />
et la base à partir de laquelle « ces jeunots » ont<br />
estimé leurs « matrices de covariance d’erreur ».<br />
« C’est très excitant de voir ces jeunes de 25,<br />
28 ans défendre leurs calculs, et tout leur travail,<br />
devant les mille ans de savoir et d’intelligence<br />
aérospatiale du pays », explique Ashish Kacholia.<br />
Son ami S. K. Jain, autre investisseur indien en vue,<br />
hoche la tête pour signifier son accord complet.<br />
« Ces jeunes enflamment l’imagination de<br />
l’ensem ble de l’Inde, observe-t-il. Ils disent à<br />
chacun : “Rien n’est impossible.” »<br />
Il y a près de cinquante ans que s’est achevée la<br />
première grande course à la Lune. Les États-Unis<br />
et l’Union soviétique avaient alors dépensé des<br />
sommes astronomiques pour y dépo ser les premiers<br />
hommes. Aujourd’hui, une nouvelle compétition<br />
captivante pour atteindre notre plus proche<br />
voisine dans l’espace se met en place. Mais, cette<br />
fois, avec des capitaux essentiellement privés et<br />
à des coûts drastiquement réduits. La récompense<br />
la plus immédiate, le Google Lunar XPrize (GLXP),<br />
de 20 millions de dollars, sera attribuée à l’une<br />
des cinq équipes finalistes, originaires du monde<br />
entier. Ce sont les premières équipes financées<br />
sur fonds privés à tenter de poser sur la Lune un<br />
engin mobile capable de transmettre des images<br />
de haute qualité vers la Terre.<br />
La compétition est calquée de façon explicite<br />
sur les grandes courses des premières années de<br />
l’aviation – qui, avec des dotations à la clé, stimulèrent<br />
les innovations. Ce fut notamment le cas<br />
du prix Orteig, que Charles Lindbergh remporta<br />
en 1927, en volant sans escale de New York à Paris<br />
aux commandes du Spirit of Saint Louis.<br />
Comme la course au prix Orteig, la compétition<br />
pour le Google Lunar XPrize est une question de<br />
prestige national. Des équipes venant d’Israël, du<br />
Japon et des États-Unis, ainsi qu’un groupe international,<br />
rivaliseront avec l’Inde. Seize équipes<br />
originaires des pays les plus divers ont participé<br />
à la demi-finale, l’an dernier.<br />
Trois problèmes fondamentaux se posent : le<br />
lancement depuis la Terre, l’alunissage, puis<br />
les déplacements pour recueillir et transmettre<br />
des données. La variété des approches et des<br />
partenariats commerciaux impliqués pour les<br />
résoudre est presque aussi grande que les pays<br />
d’origine des projets présentés.<br />
Pour relever le dernier défi, trois équipes sur<br />
cinq veulent déployer des variantes d’un rover<br />
(véhicule autonome) traditionnel. Les deux autres<br />
envisagent d’utiliser leur alunisseur (atterrisseur<br />
lunaire) pour parcourir sur la surface la distance<br />
minimale requise de 500 m, en le faisant « sauter »<br />
– et non rouler – sur le sol.<br />
Comme pour de nombreux prix des débuts de<br />
l’aviation, l’équipe gagnante dépensera bien plus<br />
d’argent pour remporter le prix qu’elle n’en récupérera<br />
avec la dotation. Mais toutes espèrent que<br />
la publicité planétaire et la « notoriété de marque »<br />
que leur procurera la victoire leur permettront in<br />
fi n e de rentrer plus que largement dans leurs frais.<br />
Ce nouveau sprint spatial pose une question qui<br />
aurait été risible à l’époque de la guerre froide,<br />
dans les années 1960, quand les États-Unis étaient<br />
prêts à dépenser plus de 4 % du budget fédéral<br />
pour battre leur rivale dans (suite page 83)