Gaumont Pathé! Le mag - Décembre 2017
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Des allures de western<br />
Mais c’est au western que Xavier Beauvois se réfère en parlant<br />
de ses héroïnes : « Au lieu d’avoir des cow-boys – des garçons<br />
vachers – on a des cow-girls. J’adore les westerns de John Ford,<br />
Rio Bravo est un de mes films préférés. Et je suis un fan absolu<br />
de Sergio <strong>Le</strong>one. » Ainsi, par un renversement ingénieux,<br />
les Américains qui débarquent en France « prennent la place<br />
des Amérindiens dans les westerns. » Là non plus, l’étranger<br />
n’est pas toujours bien accueilli, et trouble l’unité familiale. Si<br />
Georges ne voit pas d’un bon œil l’aide américaine, sa sœur Solange<br />
semble retrouver le sourire à leur contact. Hortense, elle,<br />
occupe le rôle phare du cow-boy menant son troupeau à bonne<br />
destination. « Hortense est forte et faible en même temps.<br />
Elle fait des efforts monstrueux pour tenir tout ça, et elle se<br />
transforme. » Nathalie Baye, actrice phare du cinéma de Xavier<br />
Beauvois (Selon Matthieu, <strong>Le</strong> Petit Lieutenant) incarne cette<br />
chef de famille, habitée d’une angoisse silencieuse. « Avec Nathalie,<br />
on ne peut pas appeler ça du travail. C’est vraiment du<br />
plaisir ! Elle est très intelligente, elle est arrivée en ayant bien<br />
réfléchi au personnage. Au début, elle a juste eu un peu peur<br />
parce que j’ai coupé énormément de dialogues. Ces gens-là<br />
sont des taiseux. » L’actrice incarne avec finesse ce personnage<br />
complexe, qui vacille au gré des épreuves mais résiste, portant<br />
sur ses frêles épaules le lourd poids d’une destinée familiale.<br />
Un lyrisme hérité de Jacques Demy<br />
L’autre forte influence évoquée par Xavier Beauvois est celle<br />
des Parapluies de Cherbourg. « J’adore Jacques Demy », ditil.<br />
« Pour moi, c’est le cinéaste français qui a pris le plus de<br />
risques. C’est un très beau film qui montre ce qui se passe à<br />
l’arrière pendant la guerre d’Algérie, ce qu’on voit rarement.<br />
Une lettre du Guy des Parapluies parle d’attentat à la grenade,<br />
et quand il revient, il est devenu irritable et alcoolique. » <strong>Le</strong><br />
traumatisme de la guerre transparaît dans <strong>Le</strong>s Gardiennes,<br />
lors d’un retour en permission de Georges, hanté par l’horreur<br />
qu’il a vécue dans les tranchées. Mais comme Demy vivait l’attente<br />
avec son héroïne Geneviève, Beauvois fait de la jeune<br />
orpheline Francine son personnage principal, et pose sur elle<br />
un regard d’une douceur infinie. Digne héritière des héroïnes<br />
romantiques, Francine croit trouver au Paridier un amour familial<br />
qu’elle n’a jamais connu. <strong>Le</strong>s scènes les plus lyriques lui<br />
sont consacrées et la musique de Michel <strong>Le</strong>grand vient rompre<br />
le silence de la ferme et les bruits des champs… Avant que la<br />
vie en petite communauté et la guerre ne viennent mettre fin<br />
au conte de fées.<br />
Iris Bry.<br />
Une Cendrillon du XX e siècle<br />
La brume, les bois, la beauté et l’innocence d’une jeune orpheline…<br />
Il règne bien dans <strong>Le</strong>s Gardiennes une atmosphère de<br />
conte. Au début du film, Hortense voit l’un de ses fils repartir<br />
au front. Tandis qu’elle le regarde s’éloigner, un épais brouillard<br />
se dresse entre eux, illustrant la barrière séparant ceux<br />
qui partent de ceux qui restent, les vivants des fantômes. <strong>Le</strong><br />
temps de quelques scènes, Xavier Beauvois rapproche ouvertement<br />
son héroïne du conte de Cendrillon. Mais une Cendrillon<br />
du XX e siècle, car les règles ont changé. Ainsi, « Hortense<br />
se révèle moitié fée, moitié sorcière » tandis que Francine,<br />
elle, s’émancipe progressivement, incarnant à elle seule un<br />
changement d’époque. Au retour de la guerre, les hommes reprennent<br />
leurs responsabilités : « Ils sont redevenus ce qu’ils<br />
étaient », dit Hortense à sa fille. Mais Solange et Hortense<br />
restent muettes quant au rôle que les hommes souhaitent désormais<br />
leur confier. À l’opposé de ce non-dit, Francine s’épanouit,<br />
là encore dans le lyrisme : « Je voulais vraiment ajouter<br />
cette scène à la fin où elle chante pour aller plus loin dans<br />
l’émancipation, avec optimisme. » <strong>Le</strong> réalisateur ajoute : « Il<br />
faut toujours écouter son film. Quand vous avez une actrice<br />
extraordinaire comme Iris Bry, il faut s’adapter. Je me suis dit<br />
que ça devait être comme ça pour Truffaut quand il a tourné<br />
avec Jean-Pierre Léaud. Ce que je ne savais pas au début du<br />
tournage c’est qu’elle chante très bien ! J’en ai profité et j’ai<br />
ajouté cette scène qui n’était pas prévue. » Pour <strong>Le</strong>s Parapluies<br />
de Cherbourg, Jacques Demy avait trouvé son héroïne dans la<br />
beauté de madone d’une jeune actrice alors inconnue, Catherine<br />
Deneuve. Xavier Beauvois a trouvé la sienne dans les traits<br />
lumineux d’Iris Bry, repérée par hasard au détour d’une librairie.<br />
« La caméra est amoureuse de cette fille, c’est <strong>mag</strong>ique.<br />
Iris n’avait jamais mis les pieds sur un plateau de cinéma, et se<br />
retrouve avec ce rôle ! Ça, c’est un vrai conte de fées ! »<br />
Nathalie Baye<br />
et Xavier Beauvois.<br />
LES GARDIENNES<br />
Réalisation : Xavier Beauvois<br />
Avec : Nathalie Baye, Laura Smet, Iris Bry...<br />
Genre : Drame<br />
Durée : 2 h 14<br />
SORTIE : 6 DÉCEMBRE<br />
LES CINÉMAS GAUMONT ET PATHÉ 23