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et de pouvoir enfin ouvrir le restaurant dont il rêvait.
Il évoque par bribes sa bourlingue de cuistot au long
cours, se souvient avec émotion d’avoir débarqué
en France sans un sou, glisse sur quelques pages
sombres du périple et ne sourit franchement qu’une
fois, à propos de Maryline et de leurs trois garçons.
Sa vraie fierté. Aujourd’hui, ce quinquagénaire d’origine
indienne n’a rien oublié de son enfance à Triolet,
son village du nord-est de l’île Maurice. Par bonheur,
il a jeté son ancre ici, sur nos terres, et compte bien
y laisser sa trace. En profondeur. À l’image de ce
petit menu royal concocté pour dialoguer avec les
vins du jour
La Battle* Mets et Vins !
Avec les piquillos d’espadon en amuse-bouche, pas
de round d’observation. Les petits poivrons farcis
épicés et fondants basculent d’emblée vers l’océan
indien et le tartare de thon avec avocat, citron confit,
tomate cerise ananas et radis (du jardin) est, yeux
mi-clos, une petite bombe parfumée. Patrick Chabrier
a déjà des paillettes dans l’œil. Sur cette entrée
onctueuse, son rosé Coteaux du Pont du Gard
(50 % grenache gris, 50 % grenache noir) se promène
en douceur. « Il y a le gras du grenache, un brin
d’acidité et cette note à peine fumée qui se marient
à merveille avec ce plat subtil et plein de peps »
commente-t-il. Avec le Saint-pierre et gamba "à la
mauricienne" et sa fleur de courgette farcie, le chef
se dévoile encore un peu, sans louvoyer : festival
d’épices et piment assumé. Comme à la maison. Mais
c’est surtout la cuisson parfaite du poisson, sa vraie
passion, qui laisse songeur. Un saint-pierre (frais)
de ce niveau au cœur de l’Uzège, c’est en soi tour
de magie. Et le Duché d’Uzès blanc (2017) de Chabrier,
explosif assemblage de viognier, marsanne et
grenache blanc, relève le défi haut la main. Tout en
puissance. Tout en rondeur. Quant au dessert monté
à la minute, bouquet final : ananas, orange, fraise,
pamplemousse frais sur crème pâtissière et sablé
meringué rafraîchi par un sorbet mangue maison.
Magnifique. Et idéal pour Les Grains Dorés, le très
subtil vendange tardive du vigneron de Bourdic,
gras, onctueux, à peine sucré. Dialogue au sommet
et révélation d’un grand cuisinier modeste.
Battle : anglicisme qui signifie une confrontation (danse,
musique, peinture…).