1001Ebooks.com-Louise-Valmont-Mine-Again-_2018_

– Pour le moment, l’homme nous a échappé, mais nous avons trouvé chez lui
certains éléments qu’il serait important que vous veniez voir. Je vous attends sur
place, dit Walligan d'un ton neutre.
***
Pendant tout le trajet vers le nord de Manhattan, je reste serrée contre Jesse en
luttant contre mon imagination qui galope tandis que Jesse questionne le type de
la sécurité au volant et lui fait répéter ce qu’il a vu, c’est-à-dire pas grand-chose,
un type avec une casquette, des yeux bleus et une force incroyable. Walligan
nous attend au pied d’un immeuble qui ressemble à un parking avec de grandes
fenêtres rectangulaires où manquent des carreaux à chaque étage.
Après quelques mots d’explication que je n’écoute pas tant je suis nerveuse,
le policier nous précède dans un appartement sombre au dernier étage. À peine
entrée, je m’accroche au bras de Jesse pour ne pas repartir en courant : tous les
murs du sol au plafond, portes et fenêtres comprises, sont recouverts de photos.
L’air confiné, une angoisse soudaine et un violent sentiment d’oppression
m’empêchent presque de respirer.
– Oh putain, c’est quoi ce truc de malade ? souffle Jesse entre ses dents.
– Une obsession ? murmuré-je, très mal à l’aise.
Car où que se posent nos yeux, plusieurs centaines de portraits de Jesse et de
moi nous observent, seuls ou en couple, pris par surprise ou fixant l’objectif,
arrachés à des pages de magazine ou agrandis sur papier glacé. Sans
comprendre, je fixe avec stupeur ce kaléidoscope effarant où nos corps et nos
visages sont reproduits à l’infini et à toutes les tailles : miroir déformé de notre
vie récente, dont certains instants sont clairement volés à notre intimité.
Le souffle court, Jesse écrase violemment ma main. Suivant son regard, je me
tourne en tremblant vers les photos situées juste derrière nous : le visage de Jesse
y a été systématiquement rayé d’une croix et le mien cerclé de rouge. Je me
mords les lèvres pour ne pas hurler.
Car sur les murs de cet appartement, nous sommes clairement des cibles.
Mais de qui ? Et pourquoi ?