1001Ebooks.com-Louise-Valmont-Mine-Again-_2018_

– De mon côté, il me faudrait un mec qui aurait un peu vécu, ça suffit les
petits cons qui se la pètent et m’en font baver, répète Nathan.
Tout en les observant, je me souviens de ma première visite au Shelter. C’était
le matin. Arrivée pour mon entretien avec dix minutes d’avance, je patientais
dans un salon qui avait tout de celui d’une maison familiale : canapés, table
basse, écran géant, pots de fleurs. Dans la pièce d’à côté, derrière une paroi
vitrée d’atelier, une cuisine de bric et de broc avec une immense table, autour de
laquelle des jeunes venaient s’asseoir, engloutissant plus ou moins en silence du
jus de fruits et des céréales. L’endroit n’était clairement pas reluisant, mais je
m’y suis sentie tout de suite bien.
Quand Nathan est apparu avec sa tignasse rousse, son gros pull de bûcheron
et que je l’ai vu discuter au passage avec les jeunes, j’ai su que c’était là que je
voulais travailler. Et pas autre part.
Ça n’a pas été évident de convaincre Nathan. Son attitude réservée montrait
qu’il m’estimait trop jeune, évidemment trop peu expérimentée et, il me l’a dit
après, fragile et chochotte !
– Qui êtes-vous, Willow ? a été sa première question. À laquelle j’ai répondu
avec honnêteté, ne cachant rien, n’exagérant – pas trop… – mes qualités.
– Qu’avez-vous à nous apporter ? a été la deuxième.
Ma réponse a fusé du tac au tac.
– À vous, je ne sais pas, car je vous imagine déjà très pro. Peut-être un regard
de Candide ? À l’association, mon enthousiasme, mes compétences et mon
temps. À eux, ai-je ajouté en regardant du côté des jeunes qui me lançaient des
coups d’œil à travers la vitre, tout ce qui me fait avancer dans la vie : mon désir
de changer la société, ma foi en la solidarité et l’entraide, mon refus que certains
soient isolés ou restent en marge de la société pour des raisons pour moi
injustifiables, et ma certitude que ces jeunes, malgré leurs histoires individuelles
complexes, ont un avenir comme les autres et qu’un lieu d’accueil comme le
Shelter peut leur donner le cadre et la protection dont ils ont besoin pour se
construire au sein de la société. Loin de tout jugement, peur, menace ou
précarité.