Cerveau & Psycho n°112 - juillet/août 2019
« C’est avec la logique que nous prouvons, et avec l’intuition que nous trouvons », disait le mathématicien Henri Poincaré. On ne saurait mieux dire les choses. L’intuition est cette reconnaissance immédiate qui ne recourt pas au raisonnement : elle va droit au but, instantanément. Ce dossier le montre – joueurs d’échecs, footballeurs, médecins, peintres et même pompiers, tous prennent des décisions très rapides qui sont autant de solutions à des problèmes, de voies nouvelles et d’ouverture créatrices. Mais, comme nous l’explique le chercheur en sciences cognitives Sylvain Moutier, il faut ensuite prouver que l’intuition a vu juste, sous peine de graves faux pas. Alors oui, vous pouvez écouter votre instinct, mais prenez d’abord soin de l’éduquer à la sueur de votre front. Pour faire vôtre cette maxime de Thomas Edison : « Le génie, c’est 1 % d’inspiration et 99
« C’est avec la logique que nous prouvons, et avec l’intuition que nous trouvons », disait le mathématicien Henri Poincaré. On ne saurait mieux dire les choses. L’intuition est cette reconnaissance immédiate qui ne recourt pas au raisonnement : elle va droit au but, instantanément. Ce dossier le montre – joueurs d’échecs, footballeurs, médecins, peintres et même pompiers, tous prennent des décisions très rapides qui sont autant de solutions à des problèmes, de voies nouvelles et d’ouverture créatrices. Mais, comme nous l’explique le chercheur en sciences cognitives Sylvain Moutier, il faut ensuite prouver que l’intuition a vu juste, sous peine de graves faux pas. Alors oui, vous pouvez écouter votre instinct, mais prenez d’abord soin de l’éduquer à la sueur de votre front. Pour faire vôtre cette maxime de Thomas Edison : « Le génie, c’est 1 % d’inspiration et 99
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LIVRES Neurosciences et littérature<br />
95<br />
SEBASTIAN DIEGUEZ<br />
Chercheur en neurosciences au Laboratoire<br />
de sciences cognitives et neurologiques<br />
de l’université de Fribourg, en Suisse.<br />
En attendant le vote<br />
des bêtes sauvages<br />
Aux origines des traditions<br />
Comment les traditions ont-elles pu se propager au sein<br />
de populations entières, à des époques où l’écrit n’existait<br />
pas ? Dans son roman, l’écrivain ivoirien Ahmadou<br />
Kourouma saisit brillamment les ressorts qui décuplent<br />
la force de la transmission orale.<br />
«Un vieil homme qui<br />
meurt, c’est une bibliothèque qui brûle », dit un<br />
proverbe africain. Façon de montrer l’importance<br />
passée et le déclin actuel de la tradition orale.<br />
Dans notre monde centré sur l’écrit et le stockage<br />
informatique des données, on pourrait désormais<br />
la tenir pour négligeable. Et pourtant, c’est ainsi,<br />
durant notre longue histoire, que se sont formées<br />
et transmises la plupart des connaissances, des<br />
coutumes, des techniques, des normes et des<br />
croyances que nous considérons comme nos traditions.<br />
Bon nombre de ces dernières ont survécu<br />
à travers les siècles. Comment un support aussi<br />
fragile que la transmission orale a-t-il pu avoir un<br />
impact si durable, et aboutir aux cultures riches,<br />
diverses et complexes que nous connaissons<br />
aujourd’hui ?<br />
EN BREF<br />
£ £ Dans En attendant le<br />
vote des bêtes sauvages,<br />
un conteur africain<br />
raconte l’histoire d’un<br />
dictateur imaginaire et des<br />
coutumes de son pays.<br />
£ £ Il livre ainsi les clés<br />
d’une transmission orale<br />
efficace.<br />
£ £ Il réconcilie au passage<br />
les écoles de pensée<br />
américaine et française,<br />
qui pointent<br />
respectivement le rôle<br />
des conteurs et celui<br />
des thèmes évoqués.<br />
La réponse à cette énigme passe peut-être par<br />
un instinct typiquement humain : celui de raconter<br />
des histoires. Cette étonnante habitude est<br />
merveilleusement illustrée par l’écrivain ivoirien<br />
Ahmadou Kourouma (1927-2003), à travers le cas<br />
des griots – des conteurs et musiciens africains.<br />
Son roman En attendant le vote des bêtes sauvages<br />
est construit comme une série de veillées, dans<br />
lesquelles le sora – un griot d’une caste particulière<br />
– raconte l’histoire de Koyaga, dictateur sanguinaire<br />
d’une République du Golfe imaginaire,<br />
devant une assemblée qui comprend le dirigeant<br />
lui-même. Il est accompagné d’une sorte d’assistant<br />
appelé cordoua, qui danse, invective, apporte<br />
des précisions et fait le bouffon.<br />
Dès le début de la première veillée, on<br />
remarque à quel point cette tradition orale est<br />
N° 112 - Juillet-<strong>août</strong> <strong>2019</strong>
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