8 Présentation semaine, <strong>de</strong>puis le lancement du Concile par Jean XX<strong>II</strong>I en septembre 1962 jusqu’à la signature du <strong>Pacte</strong> en décembre 1965, l’élaboration <strong>de</strong> ce qui fut d’abord un schéma (dit « XIV ») par le groupe « Jésus, l’<strong>Église</strong> <strong>et</strong> <strong>les</strong> <strong>pauvre</strong>s », qui rassemblait non seulement <strong><strong>de</strong>s</strong> évêques, mais aussi beaucoup d’experts, tous religieux ou marqués par la spiritualité <strong>de</strong> François d’Assise, du Cœur <strong>de</strong> Jésus, <strong>de</strong> la JOC ou <strong>de</strong> Char<strong>les</strong> <strong>de</strong> Foucauld. On y découvre, entre autres, le rôle considérable qu’ont joué <strong>les</strong> Français <strong>pour</strong> mener à bien c<strong>et</strong>te réflexion. Faut-il s’en étonner eu égard à la déjà longue tradition <strong>de</strong> défense <strong>de</strong> la doctrine sociale <strong>de</strong> l’<strong>Église</strong> dans ce pays que la séparation <strong>de</strong> l’<strong>Église</strong> <strong>et</strong> <strong>de</strong> l’État a paradoxalement enrichi ? À lire ce document, on est aussi frappé par la volonté d’inscrire presque systématiquement ces engagements dans <strong>les</strong> Évangi<strong>les</strong>. Aucune autre référence — qu’elle provienne <strong><strong>de</strong>s</strong> traditions théologique ou magistérielle —ne vient interférer. Pareille radicalité méritait explication. Luis Martínez Saavedra <strong>et</strong> Pierre Sauvage proposent dans le <strong>de</strong>uxième chapitre une lecture attentive <strong>de</strong> chacun <strong><strong>de</strong>s</strong> passages néotestamentaires invoqués. La plupart formeront le corpus <strong><strong>de</strong>s</strong> communautés <strong>de</strong> base qui fleuriront en Occi<strong>de</strong>nt après le Concile, en particulier en Amérique latine. C’est justement le r<strong>et</strong>entissement du <strong>Pacte</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>catacombes</strong> dans c<strong>et</strong>te partie du mon<strong>de</strong> que se propose d’exposer Luis Martínez Saavedra dans le troisième chapitre. Si chez <strong>les</strong> Français (en métropole <strong>et</strong> dans <strong>les</strong> anciennes colonies) la cause d’une « <strong>Église</strong> <strong>pauvre</strong> <strong>pour</strong> <strong>les</strong> <strong>pauvre</strong>s » semblait acquise <strong>de</strong>puis longtemps, il y avait encore beaucoup à faire en Amérique latine, où la majorité du peuple était <strong>pauvre</strong> <strong>et</strong> la hiérarchie ecclésiale encore trop dépendante <strong>de</strong> l’État <strong>et</strong> <strong>de</strong> l’oligarchie. Mais après le Concile une bonne partie <strong>de</strong> l’épiscopat était prête à poser un tout autre regard sur son statut <strong>et</strong> <strong>ses</strong> <strong>de</strong>voirs. La conférence épiscopale latino-américaine <strong>de</strong> Me<strong>de</strong>llín, en 1968, consacra c<strong>et</strong>te conversion, en reprenant parfois le <strong>Pacte</strong> terme <strong>pour</strong> terme. Après c<strong>et</strong> <strong>événement</strong>, l’auteur raconte l’accouchement non sans douleurs <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te nouvelle approche <strong>de</strong> l’épiscopat, ce qui est aussi une manière <strong>de</strong> relire une page fort peu connue, mais non moins essentielle, <strong>de</strong> la théologie <strong>de</strong> la libération. Chacun à sa manière, L. Martínez Saavedra <strong>et</strong> P. Sauvage répon<strong>de</strong>nt au défi lancé en 2005 par Giuseppe Alberigo, le grand historien du Concile : « Après bientôt quarante ans, on n’a pas encore tenté <strong>de</strong> bilan du r<strong>et</strong>entis - sement concr<strong>et</strong> <strong>de</strong> ces engagements solennels 1 . » Il y a plus. Si c<strong>et</strong>te publication entend m<strong>et</strong>tre au jour un épiso<strong>de</strong> <strong>méconnu</strong> — <strong>et</strong> en partie négligé — du concile <strong>Vatican</strong> <strong>II</strong>, ce n’est pas par pur souci <strong>de</strong> vérité historique ; en se penchant sur 1.¥G. Alberigo, « Changement d’époque ? », dans G. Alberigo (dir.), Histoire du concile <strong>Vatican</strong> <strong>II</strong> (1959-1965), t. V : Concile <strong>de</strong> transition, Cerf/P<strong>et</strong>eers, Paris/Louvain, 2005, p. 737.
Présentation 9 ce texte, <strong>les</strong> éditeurs ont d’abord été surpris par sa brûlante actualité. Ils ont même eu le sentiment que le pape François, sans <strong>les</strong> avoir signés — <strong>et</strong> <strong>pour</strong> cause —, a toujours fait siens ces engagements, <strong>et</strong> ainsi souhaité entraîner l’<strong>Église</strong> dont il a la charge à <strong>les</strong> pratiquer. Car c’est à la lumière <strong>de</strong> sa <strong>pauvre</strong>té, <strong>de</strong> son humilité, que l’<strong>Église</strong> sera jugée authentiquement peuple <strong>de</strong> Dieu. L’éditeur, juill<strong>et</strong> 2019.