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DISCRIMINATION POSITIVE ET<br />

LA CONSTITUTION DE LA<br />

RÉPUBLIQUE DU MALI, 21<br />

DÉCEMBRE 2006 CENTRE<br />

AOUA KEÏTA<br />

Le projet <strong>RECOFEM</strong> a organisé un<br />

atelier sur «la Discrimination positive<br />

et la constitution de la<br />

République du Mali» Il avait pour objectif<br />

de:(i) Discuter de la pertinence de la<br />

discrimination positive comme moyen<br />

d’action pour la promotion femme et<br />

l’équité de genre (ii) Echanger sur le<br />

principe de la discrimination positive à<br />

l’égard de la Constitution malienne (iii)<br />

Proposer des solutions et stratégies<br />

permettant la prise en compte des dispositions<br />

discriminatoires dans les textes<br />

réglementaires du Mali.<br />

Dr. Makan Moussa SISSOKO, ancien<br />

Ministre de la Fonction Publique et de<br />

l’Emploi, actuellement président de<br />

l’association des constitutionalistes du<br />

Mali, a défini la discrimination positive<br />

comme étant «l’institution des inégalités<br />

pour promouvoir l’égalité en accordant<br />

à certains un traitement préférentiel».<br />

Cette définition est soutenue par la<br />

recherche de la correction des inégalités<br />

des désavantages accumulés au fil des<br />

générations pour certains groupes<br />

sociaux du fait du mécanisme de reproduction<br />

sociale.<br />

Au départ, il ne s’agit pas d’un instrument<br />

de lutte contre les pratiques sexistes<br />

seulement. Ainsi, la mise en œuvre des<br />

politiques de discrimination positive<br />

obéit à deux logiques à savoir:<br />

• Réduire et résorber les pratiques<br />

racistes et sexistes pour la définition<br />

d’une population cible,<br />

• Réduire les inégalités socio-économiques<br />

par la définition des bénéficiaires.<br />

Selon le constitutionaliste Dr SISSOKO,<br />

la constitution du Mali n’est pas indifférente<br />

à la question de l’inégalité des<br />

sexes.<br />

La discrimination positive est un instrument<br />

de lutte contre les pratiques sexistes<br />

dans la vie, il a été retenu que la discri-<br />

ACTIVITES<br />

<strong>RECOFEM</strong><br />

mination positive en politique est «un<br />

mal temporaire mais nécessaire».<br />

En terme de caractéristiques, la discrimination<br />

positive remet en cause les<br />

principes fondateurs de la<br />

République«le Républicanisme» qui stipule<br />

que «tous les individus doivent être<br />

traités de manière égale, uniforme sans<br />

tenir compte de leur appartenance<br />

ethnoculturelle ou de leur sexe» ce qui<br />

suppose qu’il faut transgresser l’égalité<br />

des hommes en droit pour corriger l’inégalité<br />

ce qui nécessite des mesures<br />

compensatrices, correctives conduisant<br />

à une égalité effective. Conçue comme<br />

telle, la discrimination positive passe<br />

par la mise en place de «quotas» destinés<br />

à améliorer la représentation politique<br />

des femmes, une représentation Miroir»<br />

de la société qui peut être réelle et qui doit<br />

être étendue à tous (jeunes, handicapés,<br />

minorités ethniques etc.…) donc élargir<br />

le débat à la participation de toutes les<br />

couches minoritaires, tous les défavorisés<br />

et laissés pour comptes de la société.<br />

En terme de Fondement, la discrimination<br />

positive repose sur des pensées philosophiques<br />

très anciennes; comme le<br />

disait un philosophe de l’antiquité grecque<br />

Aristote dans «Ethique à Nicomaque<br />

Livre IV» : «Il y a autant d’injustice dans<br />

le traitement inégal de cas égaux que<br />

dans le traitement égal des cas inégaux».<br />

De façon substantielle, les<br />

tenants de cette philosophie estiment<br />

que «la distribution des richesses selon<br />

les talents et les mérites est arbitraire<br />

d’un point de vue moral» car selon<br />

D. Workin «les talents et handicaps font<br />

parties des circonstances sur lesquelles<br />

on ne peut rien».<br />

Cela suppose que les inégalités se justifient<br />

dans les choix et la liberté individuelle<br />

si elles résultaient de ceux-ci sur<br />

les projets de vie. Outre ces assertions,<br />

le philosophe Alain Touraine propose<br />

«la démocratie culturelle» qui repose<br />

sur une distribution équitable des ressources<br />

entre les différents groupes<br />

culturels représentés au sein du corps<br />

social ce qui lui fait dire que ce sont des<br />

droits conçus comme des «ressources<br />

rares». Elle doit se tenir en n’empêchant<br />

pas les autres groupes d’exercer leurs<br />

droits comme le stipule l’article 1 de la<br />

déclaration universelle des droits de<br />

l’homme et du citoyen en référence au<br />

principe de la discrimination positive<br />

dans la révolution française de 1789.<br />

Cette disposition repose sur:<br />

• le principe d’égalité de traitement<br />

(égalité de tous devant la loi)<br />

• la possibilité d’aménager des discriminations<br />

positives plutôt en faveur des<br />

citoyens si cela profite à l’ensemble.<br />

Ces différents points ont suscité des<br />

controverses entre les juristes et conduit<br />

à des interrogations par rapport à:<br />

• sa conformité avec la constitution du<br />

25 Février 1992 du Mali?<br />

• si la discrimination n’a pas d’effets pervers?<br />

• où quelle autre politique pouvant favoriser<br />

ou améliorer les quotas de présence<br />

des femmes sur l’arène politique?<br />

Ces différentes interrogations ont<br />

conduit à l’analyse suivante: le problème<br />

demeure sur le plan politique.<br />

L’expérience française à travers la décision<br />

N°82-146 du 18 Novembre 1982<br />

du conseil constitutionnel a annulé le<br />

dispositif insérant le principe de quota<br />

dans le code électoral pour motif d’égalité<br />

de tous les citoyens sans distinction<br />

d’origine, de race ou de religion. La<br />

récente réaction des députés maliens<br />

augure d’une réaction analogue de la<br />

cour constitutionnelle.<br />

Ces différents faits dénotent du champ<br />

d’application de la discrimination positive.<br />

Il a été conclu pour palier au problème<br />

qu’il ne saurait y avoir que la révision de<br />

Remise de fournitures d’une valeur de<br />

4 500 000 francs CFA aux organisations<br />

féminines.<br />

Les organisations bénéficiaires :<br />

CAFO, GP/DCF, Yiriba Suma entre<br />

autres ont appréciés à leur juste valeur<br />

ces fournitures qui permettront de<br />

renforcer de manière significative<br />

leur capacité d’intervention.<br />

la Constitution du 25 Février 1992.<br />

Cependant, l’égal accès des femmes et<br />

des hommes aux mandats et fonctions ne<br />

dépend pas des seules dispositions légales<br />

même si celles-ci sont indispensables.<br />

Il naîtra aussi d’une évolution, voire d’une<br />

révolution des mentalités au sein des forces<br />

politiques et parmi les électeurs.<br />

La mise en œuvre concrète de cette<br />

disposition, même si elle est adoptée,<br />

soulèvera des difficultés pratiques qui imposent<br />

une autre reforme constitutionnelle en<br />

ce qui concerne le mode de scrutin.<br />

Seul le scrutin proportionnel, le scrutin<br />

de liste, permet un système de quotas<br />

réaliste.<br />

Il faudra une réflexion menée par toutes<br />

les forces politiques pour adopter des<br />

mécanismes électoraux à même de<br />

favoriser l’égalité de représentation<br />

femmes / hommes.<br />

• Modulation de l’aide publique aux partis<br />

en fonction des efforts consentis pour<br />

présenter des candidatures féminines.<br />

• Dispositif inverse qui consisterait à<br />

favoriser financièrement le respect de<br />

l’objectif de parité.<br />

• Scrutin binominal proposé par Michel<br />

ROCARD etc….<br />

il s’impose la necessité d’une intervention<br />

du législateur pour contrebalancer<br />

les mécanismes structurels d’exclusion<br />

des femmes en politique que sont :<br />

• Le Poids de la tradition et de la société;<br />

• Le Poids de la haute fonction publique;<br />

• Le Poids des notabilités et des élus;<br />

• La Frilosité des partis politiques en<br />

matière d’investiture etc….<br />

Pour une véritable politique de promotion<br />

de la femme malienne, il appartient<br />

aux Associations féminines de travailler<br />

en profondeur la société. Il leur incombe<br />

un travail de veille, d’expertise et d’évaluation<br />

pour assurer l’émancipation<br />

sociale et économique de la femme<br />

malienne.<br />

La femme doit être autonome culturellement,<br />

économiquement et civilement<br />

pour avoir droit de cité.<br />

Pour ce faire, il ne faut pas se voiler la<br />

face, une longue lutte sera nécessaire<br />

pour obtenir l’amélioration des indicateurs<br />

sociaux fondamentaux que sont :<br />

• la scolarisation des filles ;<br />

• l’accès des femmes à l’Université ;<br />

• l’accès des femmes aux hautes<br />

fonctions administratives ;<br />

• La révision du code de la famille etc…<br />

Mme Diarra Afoussatou THIERO,<br />

magistrat, ancienne Ministre, de la<br />

Promotion de la Femme de l’Enfant et<br />

de la Famille, actuellement Conseillère<br />

à la Cour Suprême et membre du<br />

Comité des Femmes de l’Union<br />

Africaine (CFAUA) a mis l’accent sur<br />

différents fora et conventions internationales<br />

qui ont conduit à des réflexions générales<br />

sur les discriminations positives.<br />

Les discriminations positives sont instituées<br />

pour palier l’égalité des chances<br />

par le truchement des inégalités socio<br />

économiques d’une part, la généralisation<br />

ou la persistance des pratiques<br />

racistes d’autre part conduisant à des<br />

interrogations.<br />

• quelle est l’efficacité de la différence<br />

de traitement?<br />

• Un ciblage accru des prestations<br />

sociales et des dépenses publiques<br />

permettra – t – il de renforcer la cohésion<br />

sociale ?<br />

• faut-il craindre l’émergence d’effets<br />

pervers qui aboutiront à l’inverse du<br />

résultat recherché?<br />

• Les discriminations positives envers les<br />

femmes ne les marginalisent –elles pas ?<br />

• Les discriminations positives ne sontelles<br />

pas anticonstitutionnelles?<br />

• Les femmes ne doivent- elles pas se<br />

battre au même titre que les hommes<br />

pour accéder au pouvoir ?<br />

A ces questions s’ajoute la compatibilité<br />

entre les principes Républicains et ces<br />

politiques qui contreviennent aux principes<br />

d’universalité des prestations d’égalité.<br />

A ces différentes interrogations, le philosophe<br />

Eric Keslassy estime que «la<br />

discrimination positive peut renforcer la<br />

cohésion sociale» et la définit comme<br />

un «système de rattrapage» à<br />

travers«les mesures de discriminations<br />

positives en instaurant un traitement différencié<br />

et préférentiel s’avèrent en<br />

effet dans certains cas, plus efficaces<br />

que l’égalité de traitement».<br />

Ces différentes réflexions et interrogations<br />

ont conduit à la définition suivante:«la<br />

discrimination positive correspond<br />

à l’ensemble des mesures destinées<br />

à permettre le rattrapage de certaines<br />

inégalités en favorisant un<br />

groupe par rapport aux autres, quitte à<br />

transgresser de façon temporaire l’égalité<br />

des hommes en droit. Il s’agit de<br />

donner plus à ceux qui ont moins. Elle<br />

donne la priorité à certains groupes<br />

grâce à un système de quotas ou de<br />

places réservées».<br />

De cette définition, on note que la discrimination<br />

positive vise à rétablir l’égalité<br />

de droit théorique à l’égalité de droits<br />

réels et pratiques pour les uns tandis que<br />

d’autres les trouvent stigmatisant et inefficaces<br />

comme mesures en terme d’impact<br />

sur le processus d’accès des femmes<br />

aux instances de décision au Mali.<br />

Au Mali les différentes constitutions ont<br />

mis en exergue le rôle et la place (en<br />

terme de droit) dévolue à la femme à<br />

travers certaines dispositions. Les différents<br />

indicateurs enregistrés ont prouvé<br />

à suffisance le faible taux de participation<br />

de la femme à la vie publique à travers<br />

différentes instances de décision<br />

quelles soient nominatives ou électives.<br />

En outre la convention sur l’élimination de<br />

toutes formes de discrimination à l’égard de<br />

femmes fût largement étayée.<br />

C’est un instrument qui préconise des mesures<br />

temporaires de luttes contre la discrimination<br />

dans son article 4,5 et 6. Ce sont :<br />

* Pour accélerer l’instauration d’une<br />

égalité de fait entre les hommes et les<br />

femmes dans la société et sur le lieu de<br />

travail, les Etats sont autorisés à appliquer<br />

des mesures correctives spéciales<br />

tant que les inégalités n’ont pas disparus.<br />

La CEDEF va au delà d’un concept étroit<br />

d’égalité formelle, elle fixe comme objectif<br />

l’égalité de chances et l’égalité de traitement.<br />

Une nécessité de prendre des mesures<br />

positives pour atteindre ces objectifs.<br />

Ces mesures doivent être temporaires<br />

spéciales (actions positives, traitement<br />

préférentiel etc..) et doivent uniquement<br />

servir à accélérer l’instauration de<br />

l’égalité de fait entre les hommes et les<br />

femmes. Elles doivent cesser d’être<br />

appliquées dès lors que sont atteints les<br />

objectifs d’égalités.<br />

La question des quotas ne cessera<br />

d’alimenter les débats au niveau des<br />

constitutionnalistes qui pensent que le<br />

quota est une mesure anti – constitutionnelle<br />

qui transgresse le principe de<br />

l’égalité des sexes. Cependant dans la<br />

transformation sociale la situation des<br />

femmes présente un paradoxe remarquable<br />

alors que l’émancipation des<br />

femmes se développe à la fois dans la<br />

sphère privée et la sphère publique ;<br />

BULLETIN <strong>RECOFEM</strong> N° 02. 1 er Semestre 2007 2 BULLETIN <strong>RECOFEM</strong> N° 02. 1 er Semestre 2007 3

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