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The Red Bulletin Septembre 2020 (FR)

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<strong>FR</strong>ANCE<br />

SEPTEMBRE <strong>2020</strong><br />

HORS DU COMMUN<br />

Votre magazine<br />

offert chaque<br />

mois avec<br />

FABIO WIBMER<br />

Comment la<br />

star de YouTube<br />

va vous rendre<br />

plus créatif


MANY PATHS. ONE TRAIL.<br />

MQM FLEX 2<br />

MERRELL.COM<br />

@MERRELLEU


Éditorial<br />

FABIO EST<br />

FABULEUX<br />

CONTRIBUTEURS<br />

NOS ÉQUIPIERS<br />

C’est fou ce que l’on peut faire à vélo. Surtout<br />

quand les options sont restreintes… Le pilote VTT<br />

autrichien Fabio Wibmer imagine et crée sans<br />

cesse, transformant son environnement en un terrain<br />

d’expression et de performance illimité. Vous<br />

avez probablement déjà vu ses vidéos incroyables<br />

sur YouTube, et pour <strong>The</strong> <strong>Red</strong> <strong>Bulletin</strong>, il présente<br />

sa méthode, vous invitant à élever votre jeu, que<br />

ce soit au taf, dans votre vie perso ou vos loisirs.<br />

Que dire de nos autres guests du mois, que la<br />

passion a menés loin : Ozzy Osbourne, issu d’une<br />

Angleterre ouvrière peu fertile côté carrière, mais<br />

qui fondera le heavy metal. Jill Heinerth qui, à<br />

55 ans, explore un monde sous-marin où la plupart<br />

d’entre nous n’oseraient pas tremper un doigt<br />

de pied. On vous parle aussi de Pablo Allison,<br />

ex-taggeur qui s’agrippe à des trains d’enfer pour<br />

documenter l’exode des migrants au Mexique –<br />

et changer notre point de vue sur ces populations.<br />

JILL HEINERTH<br />

Jill Heinerth est une exploratrice<br />

sous-marine, écrivaine,<br />

photographe, conférencière<br />

et vidéaste canadienne. Pionnière<br />

de la plongée technique<br />

en recycleur, elle a mené des<br />

expéditions dans les icebergs<br />

de l’Antarctique, les tubes de<br />

lave volcanique et les grottes<br />

submergées du monde entier.<br />

Son livre Into the planet a été<br />

salué par <strong>The</strong> Wall Street<br />

Journal et <strong>The</strong> New York<br />

Times. Reportage page 26.<br />

C’est le moment de passer en mode illimité.<br />

Votre Rédaction<br />

Aux racines d’un phénomène : Fabio Wibmer prépare<br />

une petite rampe naturelle pour grimper aux arbres.<br />

DAVE HOWARD<br />

« L’Eco-Challenge n’a pas<br />

d’équivalent, dit le journaliste<br />

américain à propos de cette<br />

émission d’aventure extrême.<br />

Quatre hélicos, des cameramen<br />

suspendus à des cordes<br />

et poursuivant des équipes à<br />

travers une jungle dense, des<br />

équipes de soutien s’étendant<br />

sur plus de 150 km de nature<br />

sauvage. C’est comme regarder<br />

Godzilla se tenir au-dessus<br />

de la ligne d’horizon de Hong<br />

Kong. En vrai. » Récit page 54.<br />

HANNES BERGER (COUVERTURE), SUUNTO UK<br />

4 THE RED BULLETIN


Copyright © <strong>2020</strong> MNA, Inc. All rights reserved.<br />

THE ENTIRE RIDE OUT,<br />

THERE WAS NEVER A SECOND THOUGHT.<br />

WHAT ARE YOU BUILDING FOR?<br />

150 years of engineering progress. Check it out at www.BFGoodrichTires.com/150years .


CONTENUS<br />

septembre <strong>2020</strong><br />

88<br />

Une selle pour deux<br />

ambiances. On vous<br />

présente le gravel,<br />

un vélo open.<br />

8 Galerie : que vous pratiquiez<br />

le VTT, le skateboard ou le surf,<br />

vous allez être refaits<br />

14 Quand vos légumes poussent<br />

en tournant… dans votre salon<br />

16 Le rappeur Lord Esperanza ne<br />

marche pas seul et s’investit<br />

18 Si ça continue, on ira clubber<br />

dans ce genre de tenues…<br />

20 Ólafur Elíasson nous questionne<br />

sur notre rapport au monde<br />

21 Les îles Faroé sans y aller !<br />

22 Jessica Nabongo se mobilise<br />

pour un tourisme différent<br />

24 Playlist : <strong>The</strong> 1975, en <strong>2020</strong><br />

72<br />

Le message de Pablo Allison pour sensibiliser au sort des migrants.<br />

DUNCAN PHILPOTT, JILL HEINERTH, GEORGE MARSHALL<br />

6 THE RED BULLETIN


26<br />

Jill Heinerth plonge son<br />

objectif là où de rares<br />

humains évoluent.<br />

26 La dame du dessous<br />

Habite un univers fait d’eau, de mystère et d’émerveillement.<br />

38 L’ordinaire extra<br />

Plus l’endroit est banal et limité, plus Fabio et son vélo s’éclatent.<br />

46 Monde miroir<br />

Quand l’entertainment vient s’incruster dans le gaming.<br />

54 Mission impossible<br />

Un défi en milieu hostile sur vos écrans : validé par Bear Grylls !<br />

64 Ici c’est Ozzy<br />

La villa du Prince des ténèbres est sympa. Comme ses toutous.<br />

72 Le facteur humain<br />

Enfermé ou en liberté, ce que Pablo apprend des migrants.<br />

80 Vélo : passez en catégorie pro<br />

sans vraiment toucher le sol<br />

84 Course auto en simulateur :<br />

pour rouler à vélo, sans sa F1<br />

86 Ce mois-ci, l’événement est<br />

aussi sur votre écran<br />

88 On fait le point sur le gravel<br />

96 Ils et elles font <strong>The</strong> <strong>Red</strong> <strong>Bulletin</strong><br />

98 Iggy et ses amis en sueur<br />

THE RED BULLETIN 7


STEPHEN SHANNON/RED BULL ILLUME<br />

FARWELL CANYON,<br />

CANADA<br />

On a vu<br />

bien pire<br />

Une session photo dans le Farwell Canyon<br />

qu’il décrit comme « le berceau du VTT<br />

freeride » : voilà un projet longuement<br />

convoité par Steve Shannon, originaire de<br />

Colombie-Britannique. Après des tentatives<br />

infructueuses, le photographe a enfin<br />

réalisé son rêve en avril dernier, avec l’aide<br />

de Cory « Coco » Brunelle, mécano et<br />

virtuose du VTT. « Nous sommes arrivés au<br />

sommet juste avant l’aube et avons pu<br />

assister à un magnifique lever de soleil sur<br />

la rivière Chilcotin. Comme il a grandi dans<br />

le coin, Coco est familier des lignes raides<br />

de Farwell, qu’il achève toujours de dévaler<br />

avec un petit twist très stylé. »<br />

steveshannonphoto.com<br />

9


<strong>FR</strong>ANCFORT,<br />

ALLEMAGNE<br />

Le plein<br />

de vide<br />

Cette image étonnante, prise avant<br />

le confinement par Robert Garo dans<br />

les souterrains du métro de Francfort,<br />

a demandé beaucoup de patience<br />

au photographe croate et à son<br />

modèle, le skateur allemand Milan<br />

Hruska. « Nous nous sommes donné<br />

rendez- vous ici un soir car mon ami<br />

Milan travaille juste à côté de la<br />

station, raconte Garo, qui réside lui<br />

aussi à Francfort. Seulement nous<br />

avons sous-estimé le trafic en heure<br />

de pointe. Il nous a fallu attendre<br />

quelques heures jusqu’à ce que<br />

les couloirs soient déserts pour<br />

obtenir cette photo finale. »<br />

robertgaro.net


ROBERT GARO/RED BULL ILLUME<br />

11


WILL SAUNDERS/RED BULL ILLUME<br />

BARACOA, CUBA<br />

Où est le<br />

surfeur ?<br />

Will Saunders, photographe basé en<br />

Utah, suivait un groupe de surfeurs<br />

et de skateurs à Cuba depuis une<br />

quinzaine de jours quand ils l’ont<br />

finalement emmené sur l’un de leurs<br />

spots favoris. « J’avais du mal à en<br />

croire mes yeux, s’exclame Saunders<br />

à propos de cette épave rouillée. On<br />

aurait dit une scène tout droit sortie<br />

du jeu vidéo Tony Hawk’s Pro Skater.<br />

Nous avons passé une matinée entière,<br />

moi à prendre des photos et<br />

eux à surfer cette vague incomparable,<br />

jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de<br />

houle. Le jeu consistait à surfer sous<br />

la proue du bateau et glisser à côté<br />

en effleurant la coque de la main –<br />

tout en évitant de choper le tétanos.<br />

Pour Yojany Pérez, ça a vraiment<br />

l’air d’être un jeu d’enfant ! »<br />

willsaundersphoto.com<br />

13


ROTOFARM<br />

Circuit très court<br />

L’horticulture high-tech durable prend racine grâce à un<br />

inventeur australien. Et ça se passe chez vous.<br />

Contempler<br />

un buffet de<br />

crudités est<br />

plus captivant<br />

que jamais.<br />

Un anneau argenté fixé à un<br />

socle tourne sur lui-même.<br />

En son sein, une myriade de<br />

plantes pousse en silence.<br />

L’élégance de l’objet évoque<br />

une pièce sortie tout droit<br />

d’une galerie d’art. Il n’en est<br />

rien. Cet appareil moderne est<br />

un potager d’intérieur, qui se<br />

passe de terre et de soleil.<br />

Créé pour un monde au climat<br />

imprévisible et où la terre<br />

arable se raréfie, le Rotofarm<br />

est présenté comme une<br />

« révolution dans l’agriculture<br />

urbaine ».<br />

Grâce à la culture hydroponique,<br />

il permet de cultiver des<br />

légumes-feuilles, des herbes,<br />

des micropousses et bien<br />

d’autres choses encore. Son<br />

inventeur Toby Farmer l’a<br />

habillé d’une esthétique<br />

contemporaine. « Le concept<br />

étant inédit, cela m’a laissé une<br />

plus grande liberté créative<br />

pour ajouter une touche de<br />

magie et de poésie au produit »,<br />

confie l’Australien de 23 ans.<br />

Farmer s’inspire de la<br />

méthode utilisée par les astronautes<br />

dans l’espace. « La<br />

NASA a démontré que les<br />

plantes peuvent pousser sans<br />

géotropisme, c’est-à-dire sans<br />

l’influence de la pesanteur sur<br />

les racines et les tiges. Ainsi,<br />

la culture des plantes en cercle,<br />

configuration spatiale la plus<br />

optimale, est viable. » Cette<br />

belle structure dans laquelle<br />

les légumes effectuent une<br />

rotation autour d’une lampe<br />

LED toutes les 46 minutes<br />

assure un rendement trois fois<br />

supérieur à la méthode classique<br />

en extérieur. « La source<br />

de lumière unique permet par<br />

ailleurs de profiter des angles<br />

des faisceaux lumineux et de<br />

réduire ainsi la consommation<br />

d’énergie, poursuit Farmer.<br />

L’hydratation et le drainage en<br />

rotation assurent aux racines<br />

un apport continu d’oxygène<br />

pour une meilleure santé des<br />

plantes. »<br />

Bien plus qu’une innovation<br />

chic, le Rotofarm est selon<br />

Farmer une première étape<br />

vers un mode de vie respectueux<br />

de l’environnement.<br />

« Chaque heure, d’énormes<br />

étendues de terres sont réaffectées<br />

à la culture biologique,<br />

explique-t-il. Beaucoup disposent<br />

déjà d’un espace de vie<br />

suffisant pour cultiver leurs<br />

propres légumes. » Ce dispositif<br />

sans effort avec son élégant<br />

dispositif aérien risque d’en<br />

inciter certains à se lancer<br />

dans la culture de salon.<br />

bace.co/rotofarm<br />

BACE LOU BOYD<br />

14 THE RED BULLETIN


CARE FOR THE<br />

OCEAN *<br />

* PRENEZ SOINS DE L’OCÉAN<br />

SEASTRONG DIVER GYRE<br />

Montre de Plongée Professionnelle Suisse<br />

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LORD ESPERANZA<br />

Le collectif<br />

au pouvoir<br />

“In us we trust” (trad. nous croyons en nous), c’est la devise<br />

du label de vêtements écoresponsables lancé par le rappeur<br />

Lord Esperanza. Il évoque la puissance du travail collectif.<br />

the red bulletin : Quelles furent<br />

vos collaborations artistiques les<br />

plus marquantes ?<br />

lord esperanza : Je suis arrivé à la<br />

musique par l’écriture, et puis j’ai eu<br />

un groupe de rock qui s’est arrêté<br />

au bout d’un an et demi à cause des<br />

aléas de la vie, mais aussi des ego<br />

et des jalousies. Avec un ami rappeur<br />

de Lille, Pollux, j’ai ensuite monté<br />

un duo (Lord & Lux, ndlr). À ce<br />

moment, j’étais très avide de collaborations<br />

parce que pour moi, la<br />

musique est avant tout quelque<br />

chose qui se partage. Dès que je<br />

trouvais quelqu’un prêt à me suivre<br />

dans ma folie créative, je me lançais.<br />

Je voulais tout le temps être en studio,<br />

mais je n’avais pas d’argent, il<br />

fallait trouver des sessions gratuites,<br />

emprunter un micro ou un logiciel…<br />

Plus tard, j’ai monté une tournée<br />

pour créer des clips vidéo avec un<br />

réalisateur dans chaque ville, et on<br />

faisait élire le gagnant par les fans.<br />

Je donne aussi des cours d’écriture<br />

bénévoles à des enfants souvent<br />

issus de quartiers défavorisés qui<br />

ont des destins incroyables. Certains<br />

ont traversé la Méditerranée sur un<br />

bateau en plastique. J’ai envie de<br />

faire participer la communauté le<br />

plus possible.<br />

Qu’est-ce qui vous anime dans ces<br />

projets collectifs ?<br />

La notion de transmission collective.<br />

Quand j’ai commencé le rap à<br />

14-15 ans, j’ai eu la chance de rencontrer<br />

un ami de dix ans mon aîné.<br />

Il m’a fait confiance, m’a enregistré<br />

gratuitement chez lui et m’a donné<br />

des conseils. Il m’a accueilli avec<br />

beaucoup de générosité. Et très vite,<br />

il m’a dit : « Tu sais, ce que je fais<br />

pour toi, il faudra que tu le fasses<br />

pour d’autres. » Ça m’a marqué et<br />

c’est resté ancré dans mon rapport<br />

à autrui. Même si j’ai beaucoup travaillé,<br />

j’ai une chance unique par<br />

rapport à d’autres artistes qui ne<br />

vivent pas de leur musique. Cette<br />

reconnaissance, j’essaye de la transformer<br />

et ça passe par des projets<br />

comme ceux-là.<br />

Comment se déroule le processus<br />

d’écriture à plusieurs sur un titre ?<br />

En général, chacun écrit son couplet,<br />

puis on trouve le refrain et l’idée<br />

ensemble. Mon souvenir de collaboration<br />

le plus notable, c’était un séminaire<br />

d’écriture pour Patrick Bruel.<br />

On a écrit la chanson Le Fil, qui<br />

évoque la relation entre un père et<br />

son fils. J’ai travaillé avec un auteur<br />

de 45 ans qui avait des enfants,<br />

contrairement à moi. Je me suis donc<br />

mis à la place de mon père pour<br />

écrire. Pour d’autres chansons, je me<br />

suis mis à la place de femmes. C’était<br />

un défi assez excitant, qui cassait les<br />

codes du « moi, je ». Quand je suis<br />

revenu au rap, j’avais l’impression<br />

d’avoir un point de vue différent.<br />

En 2018, vous avez créé un label de<br />

musique, Paramour, nouvelle forme<br />

d’aventure collective. Pourquoi ?<br />

L’idée était d’officialiser des collaborations<br />

avec des gens qui étaient là<br />

depuis le début et qui donnaient<br />

« Quand tu<br />

collabores avec<br />

des artistes<br />

que tu produis,<br />

tu as une partie<br />

de leur vie entre<br />

les mains. »<br />

#EnFeatAvecLord<br />

Au printemps dernier, le<br />

<strong>Red</strong> Bull Studios Paris a<br />

proposé à Lord Esperanza<br />

de se rapprocher encore<br />

plus de sa communauté<br />

en lançant le projet<br />

#EnFeatAvecLord : composer<br />

un morceau collaboratif<br />

avec des centaines de personnes.<br />

Le rappeur proposait<br />

quatre mesures et<br />

les fans pouvaient ensuite<br />

envoyer les leurs, chaque<br />

semaine, sur une plateforme<br />

digitale dédiée. L’artiste<br />

a sélectionné les meilleurs<br />

textes, et au bout de<br />

6 300 sets de mesures et<br />

80 000 visiteurs venus lire<br />

les propositions ou voter,<br />

le morceau (qui sortira bientôt)<br />

compte seize contributeurs<br />

: les trois artistes<br />

Lord Esperanza, Nelick<br />

et Fouki, ainsi que treize<br />

utilisateurs de la plateforme<br />

qui le rencontreront en<br />

septembre.<br />

Excité par l’idée de « sortir<br />

de sa zone de confort »<br />

avec ce nouveau défi créatif,<br />

Lord Esperanza a été agréablement<br />

surpris par la qualité<br />

des propositions, et<br />

notamment cette image<br />

qui l’a fait rêver : « Funambule<br />

au bord du trou noir /<br />

en blouson sombre. » Il a<br />

aussi fallu s’adapter à cette<br />

méthode de composition :<br />

« Ça représente plus de<br />

travail de composer avec<br />

les idées d’autrui, dit Lord.<br />

On est dans un rapport plus<br />

rationnel que quand on écrit<br />

seul. Avec ses propres<br />

mots, il y a un côté un peu<br />

magique dans l’inspiration.<br />

Là, c’était plus scientifique,<br />

parce qu’il faut trouver les<br />

bonnes formules pour que<br />

tout s’agence bien. »<br />

Pour lui, ce sera une chanson<br />

qui compte. « Ce titre<br />

a une valeur émotionnelle<br />

forte. En général, en studio,<br />

le morceau est plié en<br />

quelques heures. Ce texte<br />

a été écrit, travaillé, élaboré<br />

pendant quasiment six<br />

semaines donc j’ai eu le<br />

temps de le voir évoluer,<br />

ce qui est rare. Cela nous a<br />

permis de prendre plus de<br />

recul pour ne garder que le<br />

meilleur. C’était vraiment<br />

un exercice intéressant. »<br />

JASON PIEKAR SMAËL BOUAICI<br />

16 THE RED BULLETIN


eaucoup pour moi. Ce label, c’était<br />

un moyen de les remercier de<br />

manière concrète.<br />

Est-ce qu’on se sent plus fort en<br />

équipe ?<br />

Au contraire, ça me donne un sentiment<br />

de vulnérabilité, ça nécessite<br />

de prendre des décisions et d’apprendre<br />

un langage qui m’était<br />

étranger il y a un an et demi, celui<br />

des tableaux Excel et des contrats<br />

juridiques. Quand tu collabores avec<br />

des artistes que tu produis, tu as une<br />

partie de leur vie entre les mains.<br />

Le fait d’être artiste permet de mieux<br />

aborder la question. Le problème<br />

de la plupart des chefs de projets<br />

en maisons de disques, c’est qu’ils<br />

sortent d’école de commerce et que<br />

leur vision repose sur un point de<br />

vue très rationnel. Ils n’ont pas toujours<br />

cette sensibilité artistique.<br />

Qu’est-ce qui vous a motivé à<br />

lancer votre marque de vêtements<br />

en mai dernier, à 23 ans ?<br />

J’avais fait beaucoup de merchandising<br />

et je voulais développer des<br />

vêtements à part entière, pas juste<br />

des produits dérivés. Et aussi, je souhaitais<br />

toucher une autre clientèle<br />

que ma communauté. Ce sont des<br />

vêtements sobres, écoresponsables,<br />

sans logo. Je voulais créer des<br />

coupes et vivre l’expérience de toucher<br />

au tissu. Mon grand-père était<br />

tailleur, il y avait toujours une<br />

machine à coudre chez lui. Cette<br />

envie était donc en moi depuis longtemps.<br />

Et je l’ai concrétisée grâce<br />

à l’un de mes meilleurs amis, Léo<br />

Delolme, qui m’accompagne depuis<br />

le début sur de nombreux aspects<br />

de ma carrière, que ce soit le community<br />

management ou la direction<br />

artistique. Il est mon bras droit et<br />

un véritable couteau suisse.<br />

Cette collaboration avec Léo a-t-elle<br />

été essentielle à votre carrière ?<br />

Complètement, Léo a été fondamental.<br />

Plusieurs personnes de mon<br />

entourage ont joué un rôle important<br />

dans ma carrière. Elles m’ont fait<br />

confiance à un moment où tout était<br />

flou, à une époque où il ne se passait<br />

pas grand-chose dans ma vie. Les<br />

avoir autour de moi a tout changé.<br />

Instagram : @lordesperanza<br />

THE RED BULLETIN 17


MICRASHELL<br />

En mode ultra-looké<br />

Si un clubbing sous protection devait s’instaurer à l’avenir, cette combi<br />

pourrait préfigurer l’accoutrement de certains fêtards de demain.<br />

pandémie, Production Club,<br />

l’une des sociétés de Miguel<br />

Risueño, développe un équipement<br />

de protection pour<br />

fêtards.<br />

Le Micrashell confère au<br />

clubbeur l’allure d’un personnage<br />

sorti d’un film de SF, mais<br />

sa technologie intégrée est<br />

bien réelle. « Nous avons privilégié<br />

la sécurité avec un système<br />

de filtration similaire à celui<br />

des combinaisons PAPR (avec<br />

appareil respiratoire et purificateur<br />

d’air), explique Risueño.<br />

Mais les fonctionnalités et l’esthétique<br />

ne sont pas en reste. »<br />

Un dispositif pour boire et<br />

vapoter, des haut-parleurs et<br />

des LEDs sont aussi prévus.<br />

« Le système de boisson en<br />

canette évite les files d’attente<br />

et le risque d’être drogué à son<br />

insu, et les enceintes intégrées<br />

réduisent l’impact sonore. »<br />

Le Micrashell est en phase<br />

de prototype, testé par Miguel<br />

Risueño lui-même. « J’écris<br />

ces lignes en portant un casque<br />

très bruyant, très résistant<br />

et très laid », confie-t-il. La<br />

société envisage même un<br />

usage au-delà de la piste de<br />

danse. « Se rendre aux toilettes<br />

ou avoir un rapport sexuel<br />

sont des situations que nous<br />

ne pouvons négliger, ajoutet-il.<br />

Cela explique pourquoi le<br />

Micrashell ne couvre que la<br />

moitié du corps. »<br />

production.club/micrashell<br />

On le sait désormais, les nuits<br />

passées à danser dans des<br />

lieux bondés, enlacés les uns<br />

aux autres ou à trinquer sont<br />

des plaisirs qui peuvent être<br />

mis sur pause en un instant.<br />

Mais c’est sans compter sur<br />

la détermination d’un collectif<br />

passionné de fêtes en clubs.<br />

« Le contact humain procure<br />

une sensation que rien ne remplace,<br />

explique Miguel Risueño,<br />

directeur de création à Los<br />

Angeles. Les émotions ainsi<br />

partagées sont plus riches et<br />

plus gratifiantes. »<br />

Pour répondre au besoin<br />

d’un potentiel clubbing sous<br />

PRODUCTION CLUB LOU BOYD<br />

18 THE RED BULLETIN


LITENING C:68X<br />

RACE<br />

SORTEZ DU PELOTON,<br />

PRENEZ LA TÊTE<br />

DE LA COURSE.<br />

Comment définiriez-vous la vitesse ? Pour certain, c’est parcourir la plus grande distance, en un minimum<br />

de temps. Pour nos ingénieurs, c’est réaliser plus de 100 heures d’analyse en soufflerie, pour optimiser<br />

chaque partie du cadre de notre nouveau Litening C:68X. C’est intégrer au maximum chacun de ses<br />

éléments, de la fourche à la tige de selle, en passant par le cintre et les câbles, pour plus de performance<br />

face au vent. Et c’est flirter avec les limites des règlementations UCI, pour plus d’aérodynamisme. Le<br />

résultat, un vélo de course rapide et léger, au design exceptionnel.<br />

CUBEBIKES.<strong>FR</strong>


La calotte glaciaire<br />

du Groenland (ici en<br />

noir) a enregistré une<br />

fonte record en 2019 :<br />

environ 370 milliards<br />

de tonnes.<br />

ÓLAFUR ELÍASSON<br />

Une planète multiple<br />

Rendre le monde meilleur exige sûrement un changement de perspective.<br />

La dernière création de<br />

Ólafur Elíasson (ici à gauche)<br />

entend faire de nous des<br />

artistes du changement.<br />

Earth Perspectives, le projet<br />

de cet artiste islando-danois<br />

de réputation mondiale,<br />

réunit neuf images fluorescentes<br />

de notre planète ; afin<br />

d’en saisir le sens, le spectateur<br />

est invité à les observer<br />

avec attention. En fixant par<br />

exemple le point blanc au<br />

centre de l’image ci-dessus<br />

pendant dix secondes avant<br />

de déplacer le regard sur<br />

une surface neutre. L’image<br />

produite par vos yeux<br />

devient votre propre œuvre<br />

d’art, une vision nouvelle<br />

et unique de la Terre.<br />

Si l’interaction avec Earth<br />

Perspectives est aisée, la<br />

démarche de l’artiste reste<br />

complexe. Plus connu pour<br />

ses grandes installations<br />

conceptuelles, Elíasson a<br />

créé cette œuvre participative<br />

à petite échelle pour<br />

contribuer, en cette ère de<br />

crise écologique, à modifier<br />

notre vision de la planète.<br />

Les zones menacées par le<br />

changement climatique qu’il<br />

présente — la Grande Barrière<br />

de Corail, la calotte glaciaire<br />

du Groenland ou le site<br />

de la catastrophe nucléaire<br />

de 1986 à Tchernobyl, en<br />

Ukraine — appellent à rectifier<br />

notre vision du monde.<br />

« Earth Perspectives repré-<br />

sente à travers différents<br />

points de vue la Terre où<br />

nous souhaitons vivre,<br />

explique Elíasson. La perspective<br />

des humains, mais<br />

aussi celles des plantes, des<br />

animaux, de la nature. Celle<br />

d’un glacier diffère de celle<br />

d’un humain. Cela vaut aussi<br />

pour une rivière. »<br />

Le travail d’Elíasson s’inscrit<br />

dans le cadre du programme<br />

Back To Earth initié<br />

par les galeries Serpentine.<br />

Ce projet pluriannuel réunit<br />

plus de soixante artistes,<br />

architectes, cinéastes,<br />

poètes, scientifiques, penseurs<br />

et designers mobilisés<br />

contre la crise climatique.<br />

La récente pandémie a renforcé<br />

l’urgence de l’action.<br />

« La crise sanitaire actuelle<br />

a paralysé nos sociétés,<br />

affecté nos économies, nos<br />

libertés et nos liens sociaux,<br />

poursuit Elíasson. Nous<br />

devons nous montrer solidaires<br />

de tous ceux que la<br />

crise a frappés, et saisir<br />

cette occasion pour imaginer,<br />

ensemble, un monde<br />

meilleur, soucieux de ses<br />

merveilles et de sa beauté,<br />

ainsi que des défis qui nous<br />

attendent. »<br />

Retrouvez Earth Perspectives<br />

et les œuvres des<br />

autres artistes, dont Judy<br />

Chicago et Jane Fonda, sur le<br />

site des galeries Serpentine.<br />

serpentinegalleries.org<br />

OLAFUR ELIASSON, GETTY IMAGES LOU BOYD<br />

20 THE RED BULLETIN


Un type aux<br />

Féroé est là<br />

pour faire<br />

(presque)<br />

tout ce qui<br />

vous botte.<br />

KIRSTIN VANG/VISIT FAROE ISLANDS LOU BOYD<br />

Pour les habitants des îles<br />

Féroé, la distanciation sociale<br />

introduite en <strong>2020</strong> est un épiphénomène.<br />

Cet archipel autonome<br />

de l’Atlantique Nord est<br />

l’une des sociétés humaines<br />

les plus isolées de la planète.<br />

Un éloignement géographique<br />

qui n’empêche pas les 52 110<br />

âmes qui y vivent d’être très<br />

sociables, à commencer par<br />

leur Premier ministre dont le<br />

numéro de téléphone est<br />

connu de tous.<br />

En 2016, les îles s’ouvrent<br />

au monde en lançant Google<br />

Sheep View, des visites virtuelles<br />

avec des webcams<br />

fixées sur des moutons. En avril<br />

dernier, alors que le monde se<br />

confine, les Féroïens renouvellent<br />

leur geste d’ouverture :<br />

des visites virtuelles de leurs<br />

dix-huit îles aux paysages sauvages,<br />

grâce aux habitants<br />

équipés d’une caméra et d’un<br />

micro. « Le visiteur sélectionne<br />

les instructions sur l’écran de<br />

son appareil mobile qui les<br />

transmet à l’oreillette du guide<br />

en quelques millisecondes,<br />

explique Levi Hanssen, de<br />

l’office du tourisme des Féroé.<br />

Nous informons nos visiteurs<br />

virtuels que nous nous plaçons<br />

sous leur contrôle total, à<br />

condition de ne pas nous<br />

mettre en danger. » Les excursions<br />

virtuelles se font à pied,<br />

à cheval et même en hélicoptère.<br />

« Certains demandent<br />

à nos guides de sauter dans<br />

l’océan, ou de pourchasser des<br />

moutons. Nous nous contentons<br />

d’en rire en expliquant<br />

que cela n’est pas possible, et<br />

proposons une alternative. »<br />

Grâce à cette initiative touristique<br />

innovante, les visiteurs<br />

sont plus nombreux qu’avant le<br />

confinement. « La rigueur des<br />

éléments qui nous entourent<br />

façonne notre peuple depuis<br />

des générations, souligne<br />

Hanssen. Nous sommes un<br />

savant mélange de solitude,<br />

de résilience, d’authenticité et<br />

de chaleur. » Avec la réouverture<br />

des frontières, les Féroïens<br />

espèrent attirer des visiteurs<br />

bien réels cette fois.<br />

remote-tourism.com<br />

TOURISME À DISTANCE<br />

Demandez<br />

au guide !<br />

Alors que l’humanité s’installait dans le<br />

confinement, l’une de ses communautés<br />

parmi les plus isolées innovait afin<br />

d’accueillir des visiteurs en toute sécurité.<br />

THE RED BULLETIN 21


JESSICA NABONGO<br />

Une tout autre idée<br />

du tourisme<br />

Jessica Nabongo est une photographe, influenceuse et entrepreneure<br />

déterminée à secouer l’industrie du voyage. En l’humanisant.<br />

En octobre dernier, Jessica Nabongo<br />

devient la première femme noire<br />

à visiter tous les pays de la planète.<br />

Son arrivée aux Seychelles, sa<br />

195 e destination, achève un périple<br />

de deux ans et demi qui a mené<br />

l’Américaine d’origine ougandaise<br />

de 36 ans des villes africaines aux<br />

plages indonésiennes, des déserts<br />

du Moyen-Orient aux campagnes<br />

d’Europe. Un voyage suivi en ligne<br />

par ses quelque 180 000 abonnés.<br />

Toutefois, Nabongo ne se limite<br />

pas à promouvoir des voyages sur<br />

Instagram et son site web ; elle y<br />

interroge aussi les idées préconçues<br />

des Occidentaux sur les destinations<br />

touristiques et les publics cibles<br />

associés. Grâce à sa tournée historique<br />

et à sa société de voyage Jet<br />

Black, Nabongo défend la nécessité<br />

d’une représentation plus équilibrée<br />

dans une industrie qui reste majoritairement<br />

blanche. Cinq mois<br />

après la fin de son circuit, voyager<br />

librement à travers le monde devenait<br />

impossible. Pour Nabongo, un<br />

esprit vagabond et curieux reste<br />

néanmoins un bon moyen de tisser<br />

de solides liens.<br />

the red bulletin : D’où vous est<br />

venue l’idée de visiter tous les<br />

pays ?<br />

jessica nabongo: Je m’étais fixé<br />

ce but au début de mes vingt ans.<br />

En 2017, j’en étais à soixante pays<br />

visités, j’ai alors décidé de me rendre<br />

dans tous les autres avant mes<br />

35 ans. J’ai réussi cinq mois après<br />

mon anniversaire.<br />

Vous êtes la première femme noire<br />

à y parvenir. Pourquoi est-ce<br />

important pour vous ?<br />

L’accès des Noirs au voyage n’a pas<br />

toujours été aussi aisé que pour les<br />

Blancs. Une situation liée aux nombreuses<br />

discriminations coloniales,<br />

mais aussi à celles internes à certains<br />

pays. Brandir un passeport<br />

américain ou un passeport ougandais<br />

ne produit pas les mêmes effets.<br />

J’ai compris l’importance pour les<br />

titulaires d’un passeport africain,<br />

que les douaniers du monde entier<br />

comprennent qu’il peut aussi servir<br />

à faire du tourisme.<br />

Qu’est-ce qui a motivé la création<br />

de votre agence de voyages ?<br />

L’envie de proposer une offre spécialisée<br />

dans l’Afrique, l’Amérique<br />

centrale, l’Amérique du Sud, et les<br />

Caraïbes. Ces régions abritent des<br />

coins exceptionnels, mais demeurent<br />

peu visitées parce que mal connues.<br />

Les touristes n’ont d’yeux que pour<br />

Paris, mais Dakar, Accra ou Lagos<br />

c’est bien aussi. L’idée est de changer<br />

le discours afin de développer ces<br />

destinations.<br />

Quelle est la leçon la plus importante<br />

que votre expérience vous<br />

a apprise ?<br />

Partout où j’allais, je posais cette<br />

question aux habitants : « Qu’est-ce<br />

qui vous rend heureux ? » La réponse<br />

était toujours la même : être avec<br />

ceux qu’ils aiment et voir leurs<br />

enfants heureux. Quelles que soient<br />

nos différences – ethniques, sociales,<br />

sexe, religion, nationalité – nous<br />

aspirons à peu près aux mêmes<br />

choses. La pandémie nous a rapprochés.<br />

Mes échanges avec des citoyens<br />

européens, africains ou asiatiques<br />

ont montré que nous vivons partout<br />

une expérience similaire. Nos actes<br />

n’affectent pas seulement notre voisin<br />

direct, mais la planète entière.<br />

Nous sommes tous voisins.<br />

Comment avez-vous vécu le<br />

confinement ?<br />

J’adore voyager et cela me manque<br />

terriblement, mais nous sommes<br />

tous soumis à cette situation. J’ai<br />

connu un moment difficile. Je mangeais<br />

peu, buvais avec excès et maigrissais<br />

à vue d’œil. Mais j’ai fini<br />

par me reprendre. J’ai téléchargé<br />

Headspace (une application de méditation,<br />

ndlr). Je désirais pratiquer la<br />

méditation depuis des années, mais<br />

les déplacements fréquents et mon<br />

manque de discipline ont retardé ce<br />

moment. La méditation m’apporte<br />

calme et pleine conscience et développe<br />

ma capacité de concentration.<br />

Comment explore-t-on le monde<br />

quand on est confiné ?<br />

On l’explore localement. Des<br />

Kenyans me disaient que leur passeport<br />

ne leur servait à rien. Qu’à cela<br />

ne tienne, visitez Lamu, Mombasa,<br />

le mont Kenya, leur ai-je conseillé.<br />

Le pays natal reste à découvrir. L’interdiction<br />

de voyager vise à protéger<br />

la santé de chacun. Mais les vidéos<br />

et les livres nous font voyager sans<br />

se déplacer et nous font mieux<br />

connaître une destination avant<br />

de s’y rendre.<br />

Pourquoi les voyages sont-ils si<br />

importants ?<br />

Cela nous aide à voir l’autre avant<br />

tout comme un semblable et pas<br />

seulement comme un Pakistanais,<br />

un Anglais, un Français, un Sénégalais<br />

ou un Ghanéen. L’Occidental a<br />

peur des épouvantails, surtout s’ils<br />

ont les traits d’une personne noire<br />

ou typée. Avec les voyages, les gens<br />

se rencontrent, s’apprivoisent. Ainsi,<br />

les peurs ancestrales se dissipent et<br />

laissent place à plus de tolérance et<br />

d’amour. Nous nous humanisons.<br />

thecatchmeifyoucan.com ;<br />

Instagram : @thecatchmeifyoucan<br />

ELTON ANDERSON JESSICA HOLLAND<br />

22 THE RED BULLETIN


« Les touristes<br />

n’ont d’yeux<br />

que pour Paris,<br />

mais Dakar, c’est<br />

bien aussi. »<br />

THE RED BULLETIN 23


THE 1975<br />

Message<br />

reçu 5/5<br />

Matty Healy, le leader de<br />

l’un des groupes les plus<br />

engagés du Royaume-Uni,<br />

revient sur quatre chansons<br />

qui l’ont stimulé.<br />

Pourquoi se limiter à un seul genre<br />

musical quand on peut tous les<br />

jouer ? Avec trois albums numéro<br />

un au Royaume-Uni, <strong>The</strong> 1975 ont<br />

chaque fois étoffé leur éventail<br />

sonore, créant un mélange unique<br />

de R&B, punk, ambient et synth pop<br />

leur assurant une base de fans tout<br />

aussi éclectique. Basé à Manchester,<br />

le quatuor est aussi connu pour<br />

son activisme politique plaidant<br />

notamment en faveur de spectacles<br />

durables, des droits des<br />

LGBTQ+ et de la parité hommesfemmes<br />

dans les festivals. Le<br />

morceau d’ouverture du dernier<br />

album, Notes On A Conditional<br />

Form, inclut un discours de Greta<br />

Thunberg. Vocaliste du groupe,<br />

Matty Healy nous fait part de sa<br />

playlist aux messages forts…<br />

Notes On A Conditional Form<br />

est déjà disponible ; the1975.com<br />

Peter Tosh<br />

Equal Rights (1977)<br />

« J’adore ce morceau. Un<br />

manifeste aux paroles (Peter<br />

Tosh, artiste reggae jamaïcain,<br />

y défend la priorité de la justice<br />

et de l’égalité des droits<br />

sur la paix, ndlr) très justes et<br />

réalistes. L’esprit de la chanson<br />

constitue la matrice de<br />

tous nos textes. Voilà le genre<br />

de morceau qui change le<br />

cours d’une vie. »<br />

James Brown<br />

It’s A Man’s Man’s Man’s World<br />

(1966)<br />

« Voilà une chanson épatante<br />

dont le sujet reste d’actualité.<br />

James Brown y aborde les<br />

droits civils et la misogynie,<br />

et chante que le monde “ne<br />

serait rien, sans une femme<br />

ou une jeune fille” — une vérité<br />

imparable. Je l’écoutais encore<br />

récemment et j’en avais<br />

des frissons. »<br />

Refused<br />

Rather Be Dead (1996)<br />

« Ce groupe suédois hardcore<br />

exerce une influence majeure<br />

sur nous — People, notre<br />

récent single peut en témoigner<br />

— cela tient à son activisme<br />

politique, mais aussi<br />

à son énergie et son urgence.<br />

Ce morceau est pour moi la<br />

quintessence du punk rock.<br />

Refused, c’est le dernier<br />

groupe heavy notable. »<br />

Radiohead<br />

<strong>The</strong> Daily Mail (2011)<br />

« Thom Yorke peut écrire des<br />

chansons d’une incroyable singularité.<br />

Celle-ci me rappelle<br />

l’Angleterre et la désillusion<br />

qui l’anime. Nous sommes<br />

déçus de nous-même, mais<br />

en plus nous célébrons cette<br />

déception de manière excessive<br />

et systématique. C’est<br />

une attitude bien britannique<br />

somme toute. »<br />

BRETT LLOYD MARCEL ANDERS<br />

24 THE RED BULLETIN


Jill Heinerth en train<br />

de tester un rebreather :<br />

cet appareil permet<br />

de recycler l’air expiré,<br />

et donc de plonger<br />

plus longtemps.<br />

PASSION ABYSSALE<br />

Grande dame de la plongée-spéléo, la Canadienne JILL HEINERTH<br />

explore les endroits les plus inaccessibles du monde sous-marin.<br />

Un métier où le risque et l’émerveillement sont toujours au rendez-vous.<br />

Texte ANDREAS WOLLINGER<br />

Photos JILL HEINERTH<br />

26 THE RED BULLETIN


Plongée en mer inconnue<br />

Dans ce gigantesque cénote<br />

( appelé « <strong>The</strong> Pit »), situé sous la<br />

péninsule du Yucatán au Mexique,<br />

Jill Heinerth a eu un grave accident<br />

qui a bien failli mettre fin à sa<br />

carrière. Pourquoi n’a-t-elle jamais<br />

raccroché ? « Il n’y a pas de plus<br />

belle sensation que de pénétrer<br />

dans un endroit où aucun Homme<br />

n’a encore plongé. »


Paradis interdit<br />

Pour pouvoir admirer ces paysages<br />

sous-marins à couper le souffle,<br />

il faut une autorisation spéciale,<br />

la grotte étant fermée depuis<br />

quarante ans pour des raisons<br />

de sécurité. « Cette beauté m’a<br />

toujours fascinée, s’exclame Jill.<br />

Je crois que c’est une des plus<br />

belles choses que j’aie jamais vues. »<br />

29


Le Sahara dans<br />

les Bahamas<br />

Plongée au fin fond de Dan’s Cave sur<br />

l’île d’Abaco, au nord des Bahamas.<br />

Cette grotte vieille de 350 000 ans est<br />

fréquentée par les plongeurs mais<br />

aussi les climatologues. Sur ses<br />

stalagmites, on trouve en effet<br />

du sable provenant du Sahara, ce qui<br />

permet de retracer les périodes de<br />

sécheresse sur Terre.<br />

31


Pas de panique !<br />

Dans la plongée-spéléo, mieux vaut<br />

ne pas être claustrophobe : « L’idée<br />

est toujours de garder la balance<br />

entre la peur et la confiance en soi »,<br />

explique Jill Heinerth.<br />

Le monde des ténèbres<br />

Même si le Crystal Palace de la Dan’s Cave<br />

est toujours plongé dans le noir, il regorge<br />

d’êtres vivants : des petits crustacés sans<br />

yeux ni pigments qui n’ont pas changé<br />

depuis la fin des dinosaures.<br />

32 THE RED BULLETIN


Vestiges de guerre<br />

devant Terre-Neuve<br />

Ce navire français fut coulé<br />

en novembre 1942 par un sousmarin<br />

allemand devant l’île de<br />

Terre-Neuve (Canada). Échouée<br />

près de Bell Island, l’épave sert<br />

aujourd’hui d’habitation à de<br />

nombreux animaux marins.


Jill Heinerth, 55 ans, devant le Wookey Hole,<br />

au sud-ouest de l’Angleterre. C’est ici qu’a eu<br />

lieu la première plongée-spéléo en 1935.<br />

SUUNTO UK<br />

L’indispensable<br />

fil d’Ariane<br />

Le collègue de Jill Heinerth est en<br />

train de monter le filin de sécurité<br />

à l’entrée du Devil’s Eye Spring,<br />

une grotte souterraine en Floride.<br />

Surnommé « fil d’Ariane »,<br />

il est parfois le seul moyen de<br />

retrouver la sortie quand les particules<br />

soulevées par les plongeurs<br />

empêchent toute visibilité.<br />

Un peu plus près<br />

des étoiles… de mer<br />

C’est l’histoire d’une petite<br />

fille qui rêvait de devenir<br />

une astronaute.<br />

À défaut de pouvoir réaliser son rêve d’enfance,<br />

Jill Heinerth découvre, en grandissant,<br />

un autre univers fascinant : celui des<br />

abysses. Avant son trentième anniversaire,<br />

elle quitte sa vie tranquille et son boulot de<br />

graphiste pour se consacrer à sa passion<br />

et devenir exploratrice de grottes sousmarines.<br />

Depuis, la Canadienne de 55 ans<br />

s’est aventurée dans les grottes les plus<br />

étroites, les plus profondes et les plus longues<br />

du monde aquatique, notamment<br />

dans un iceberg de l’Antarctique : un exploit<br />

qui lui a valu cette année son entrée dans<br />

le Scuba Diving Hall of Fame.<br />

Se frayer un chemin dans ces labyrinthes<br />

de calcaire, plongés dans l’eau et l’obscurité,<br />

n’est évidemment pas sans risque. La plongée-spéléo<br />

fait en moyenne une vingtaine de<br />

victimes par an. Mais pour Jill, ce risque est<br />

largement compensé par l’émerveillement<br />

que l’on ressent lorsqu’on plonge dans des<br />

lieux où personne n’est jamais allé. La peur ?<br />

« Elle est présente, avoue-t-elle, mais vous<br />

ne devez jamais la laisser vous contrôler,<br />

pour ne pas gaspiller votre oxygène. » Comment<br />

fait-elle ? « Face au danger, il faut respirer<br />

un grand coup et se concentrer sur<br />

sa survie, un pas après l’autre. »<br />

intotheplanet.com<br />

35


Cadeau du ciel<br />

Un rai de lumière transperce<br />

la pénombre d’un cénote : Jill a<br />

baptisé ce cliché, pris au Yucatán,<br />

Beam Me Up. En le regardant,<br />

on comprend mieux pourquoi<br />

les Mayas considéraient ces puits<br />

naturels comme le territoire des<br />

dieux de l’inframonde.<br />

36 THE RED BULLETIN


La Floride en<br />

immersion totale<br />

Le Floridan Acquifer est un vaste<br />

réseau de canaux souterrains qui<br />

alimentent en eau potable 60 % de<br />

la population de cet État. Il attire<br />

aussi les (intrépides) plongeurs<br />

du monde entier. Sur la photo :<br />

l’entrée du Orange Grove Sink,<br />

au nord-est de la Floride.


ÊTES-VOUS<br />

BIEN ÉLEVÉ ?<br />

Le bonheur, la forme et le succès sont à portée de main.<br />

Difficile à croire ? C’est grâce à cet état d’esprit que<br />

FABIO WIBMER, un spécialiste du VTT trial, a séduit<br />

cinq millions de fans sur YouTube. Il révèle ses trucs<br />

pour voir votre quotidien différemment. Et vous élever.<br />

Texte ALEX LISETZ<br />

Photos HANNES BERGER


LA VOIE DES AIRS<br />

Les vélos sont interdits sur le ponton<br />

du Hallstättersee en Haute-Autriche.<br />

Fabio a la solution : ne pas toucher<br />

le sol, tout simplement.<br />

39


UNE ASCENSION<br />

FULGURANTE<br />

L’accrobranche, c’est<br />

surfait : à 14 ans, Fabio<br />

est passé du motocross<br />

au VTT trial. La suite de<br />

l’histoire, on la connaît.


Fabio Wibmer a passé son<br />

enfance dans un véritable terrain<br />

de jeu. Ses parents lui ont<br />

offert LE cadeau parfait pour<br />

lui permettre de développer ses<br />

talents. Et aujourd’hui, quand il se filme<br />

en faisant son activité préférée, 80 millions<br />

de personnes admirent le spectacle<br />

sur YouTube… Chanceux le type. Facile...<br />

La vérité, c’est que Fabio Wibmer a<br />

beaucoup plus d’imagination que nous.<br />

« Les choses les plus banales autour de<br />

moi, je les regarde toujours sous un autre<br />

angle, explique-t-il. Je réfléchis aux idées<br />

sympa qu’il pourrait y avoir derrière.<br />

Puis je les mets en pratique. »<br />

C’est en suivant ce principe que<br />

Fabio Wibmer s’est élevé, pour devenir<br />

un vététiste de niveau international et<br />

le YouTubeur le plus célèbre d’Autriche.<br />

Mais cette philosophie de vie, il l’applique<br />

aussi à des idées commerciales et<br />

des projets de vie d’un autre genre. Ainsi<br />

qu’à ses sorties VTT. « Pas besoin de budget<br />

ni de spots classieux pour faire marcher<br />

sa créativité. Parfois, on a même de<br />

meilleures idées quand les possibilités<br />

sont limitées. »<br />

Fabio Wibmer a grandi dans un village<br />

de l’est du Tyrol. Pas exactement<br />

l’endroit rêvé pour devenir célèbre.<br />

« J’adore Oberpeischlach, dit-il, mais il<br />

n’y avait rien à faire là-bas. On n’avait<br />

même pas de terrain plat. Quand on<br />

jouait au foot, au bout de cinq minutes,<br />

on perdait le ballon et il fallait aller le<br />

récupérer en bas de la pente. »<br />

Fabio Wibmer a six ans quand il fait<br />

cet important constat : un pré peut être<br />

plus qu’un simple pré et un arbre abattu<br />

peut être plus qu’un simple arbre abattu.<br />

Eh oui, car quand on pense de manière<br />

créative, un pré peut aussi être une piste<br />

de motocross et un arbre abattu peut<br />

devenir un obstacle de trial. Après une<br />

sortie en famille à la Coupe du monde<br />

de motocross en Carinthie, Fabio et son<br />

frère Gabriel supplient leurs parents<br />

de faire l’acquisition de mini motos<br />

cross. C’est ainsi que le champ de leur<br />

oncle passe du statut de mauvais terrain<br />

de foot à celui de parcours de motocross<br />

idoine. Et la forêt derrière la maison<br />

devient un véritable terrain de jeu<br />

offrant mille possibilités de défis et<br />

d’acrobaties.<br />

Leçon de créativité n°1 : continuer<br />

d’avoir six ans dans la tête. Et considérer<br />

le monde comme un terrain de jeu où<br />

mettre en pratique son talent et ses idées.<br />

Fabio, qui a aujourd’hui 25 ans et vit<br />

à Innsbruck, est devenu une véritable<br />

star : sa chaîne YouTube compte près de<br />

cinq millions d’abonnés et ses vidéos les<br />

plus populaires font entre 80 (Wibmer’s<br />

Law) et 100 millions de vues (Urban<br />

Freeride Lives).<br />

Fabio est un spécialiste<br />

du VTT trial et downhill<br />

de niveau international,<br />

et le YouTubeur le plus<br />

célèbre d’Autriche.<br />

LE QUOTIDIEN COMME<br />

SOURCE D’INSPIRATION<br />

Son succès, Fabio le doit – outre son<br />

talent exceptionnel en trial et en downhill<br />

– à sa créativité sans bornes. Ses<br />

vidéos racontent des histoires, ses tricks<br />

sont à la fois drôles et incroyables. Son<br />

secret pour arriver à un tel résultat : penser<br />

comme le gamin de six ans qu’il a été<br />

un jour. En pratique, il prend des choses<br />

du quotidien, les sort de leur contexte<br />

et en tire des idées géniales.<br />

Meilleur exemple : Fabiolous Escape, la<br />

vidéo avec laquelle il a percé, il y a maintenant<br />

quatre ans. « Au départ, j’ai tourné<br />

Escape pour un concours vidéo où il fallait<br />

filmer une séquence cool en une seule<br />

prise. Là, je me suis dit : pourquoi ne pas<br />

raconter une histoire – et faire participer<br />

tout mon village ? » Dans sa « fuite » face<br />

aux policiers – un peu patauds – du village,<br />

Fabio dévale les toits des maisons<br />

et les tables à manger, enchaînant avec<br />

« Ce qu’il me faut,<br />

c’est un trick que<br />

je retente 200<br />

ou 300 fois avant<br />

d’y arriver. »<br />

THE RED BULLETIN 41


une aisance déconcertante les frontflips,<br />

les drops, et même un numéro d’équilibriste<br />

sur le guidon de son vélo. Résultat :<br />

il a remporté le concours et sa vidéo en<br />

est aujourd’hui à 56 millions de vues.<br />

« Je prends des choses que tout le monde<br />

connaît et je les aborde d’une manière<br />

différente », explique l’ancien étudiant<br />

en marketing sportif au sujet du succès<br />

de son concept, dont pourraient aussi<br />

tout à fait s’inspirer les fondateurs de startup<br />

et sportifs amateurs. « Comme dans<br />

Urban Freeride Lives, où je descends des<br />

escaliers – tout le monde peut se projeter<br />

là-dedans, pas comme avec une rampe<br />

dont les dimensions échappent<br />

totalement aux profanes. »<br />

Quand il est en vadrouille, les idées<br />

jaillissent dans sa tête les unes après<br />

les autres. « Je vois un mur et je me<br />

demande comment je pourrais rouler<br />

dessus ou sauter par-dessus. » Un jour,<br />

en cherchant un lieu sympa, il a atterri<br />

dans la vallée de la Malta en Carinthie.<br />

Là-bas, il a flashé sur un mur de barrage<br />

de 200 mètres de haut, sécurisé par une<br />

rambarde en haut. « J’ai vu la rambarde<br />

et je me suis dit : si elle n’était qu’à dix<br />

centimètres du sol, je pourrais rouler<br />

dessus sans problème. Donc je dois juste<br />

m’enlever de la tête qu’il y a 200 mètres<br />

de vide en dessous. » Et il s’est retrouvé<br />

quelques jours plus tard, assuré par une<br />

corde, à rouler sur la rambarde – de la<br />

largeur d’un pneu – du début jusqu’à la<br />

fin du barrage, faisant fi de l’immense<br />

gouffre à sa gauche. « Une sensation<br />

indescriptible, surtout après coup »,<br />

raconte-t-il. Nous, rien qu’à regarder la<br />

vidéo Riding a Bike on a 200 m High Rail,<br />

on en a des sueurs froides.<br />

« Parfois, on a<br />

de meilleures<br />

idées quand<br />

les possibilités<br />

sont limitées. »<br />

LE DROIT DE SE PLANTER<br />

Fabio nous explique qu’il a aussi pas mal<br />

d’idées qui ne mènent nulle part. « Parce<br />

que dans la réalité, elles ne fonctionnent<br />

pas comme je me l’étais imaginé. Ou bien<br />

parce qu’elles sont complètement nulles,<br />

alors que je pensais qu’elles seraient<br />

super géniales. » Pas grave : la créativité,<br />

ça ne fonctionne que si on s’accorde le<br />

droit de se tromper, d’être ridicule et de<br />

faire n’importe quoi.<br />

Leçon de créativité n°2 : n’en avoir<br />

rien à foutre.<br />

En fait, parfois, ça vaut le coup de<br />

poursuivre des idées qui semblent vouées<br />

à l’échec. « Il y en a qui lâchent l’affaire<br />

quand ils n’arrivent pas à passer un trick<br />

au bout de trente tentatives, dit Fabio.<br />

Moi, quand il ne me faut que trente fois<br />

42 THE RED BULLETIN


LE JUSTE ÉQUILIBRE<br />

Dans ses vidéos YouTube,<br />

Fabio alterne tricks de dingue<br />

et séquences délirantes.<br />

THE RED BULLETIN 43


5 indispensables<br />

pour une<br />

journée de VTT<br />

mémorable<br />

pour y arriver, le trick ne m’intéresse<br />

plus. C’est qu’il n’était pas assez difficile.<br />

Ce qu’il me faut, c’est un trick que je<br />

retente 200 ou 300 fois – comme dans la<br />

vidéo Home Office où je mets un panier<br />

avec ma roue arrière. »<br />

Pour ses tricks (ici un 180<br />

depuis un Mercedes Marco<br />

Polo), Fabio s’inspire<br />

fréquemment des skateurs<br />

et athlètes de parkour.<br />

D’IDOLE À POTE<br />

Comment faire pour penser de manière<br />

aussi créative que Fabio Wibmer ?<br />

« Je me suis toujours inspiré de ce que<br />

faisaient les autres pour en faire mon<br />

truc à moi. » Revenons à ce propos à un<br />

fameux jour de printemps 2009, qui fut<br />

le plus important de sa vie. C’est ce jourlà,<br />

alors âgé de 14 ans, qu’il tombe par<br />

hasard sur la vidéo Inspired Bicycles de<br />

l’Écossais Danny MacAskill, la légende<br />

du VTT trial. « J’ai de suite su que je voulais<br />

faire ça moi aussi. »<br />

Fabio abandonne le motocross pour<br />

le VTT trial et se sert des vidéos de<br />

Danny MacAskill pour apprendre des<br />

tricks. En parallèle, il poste ses propres<br />

vidéos et se constitue une communauté<br />

qui compte de plus en plus de fans. Et en<br />

2012, il rencontre son idole en personne<br />

lors d’un atelier de la <strong>Red</strong> Bull Wings<br />

Academy. Ils ne se perdent pas de vue et<br />

Danny finit même par faire une proposition<br />

à Fabio : l’accompagner dans sa<br />

tournée de démonstration. Aujourd’hui,<br />

Fabio est l’un des piliers majeurs de<br />

l’équipe Drop and Roll qui fait tourner<br />

les têtes des fans en enchaînant les<br />

frontflips par-dessus les clôtures de<br />

jardin et les backflips au guidon d’anciens<br />

vélos pour dames.<br />

Leçon de créativité n°3 : commencer<br />

par regarder ce que font les autres. Et<br />

s’en inspirer pour en faire quelque chose<br />

de personnel.<br />

VOIR PLUS LOIN<br />

Le mieux serait peut-être de dévoiler tout<br />

de suite la leçon n°4 pour cette partie :<br />

voir plus loin que le bout de son nez.<br />

L’inspiration se trouve partout, parfois<br />

même dans les endroits les plus inattendus.<br />

« J’aime bien savoir comment les<br />

autres communautés ou disciplines<br />

gèrent tel ou tel challenge, explique<br />

Fabio. Parfois, j’observe un skateur et<br />

j’essaie de refaire les mêmes mouvements<br />

avec ma bécane. Dans la vidéo<br />

Home Office, je saute sur un arbre depuis<br />

le toit de la maison avant de glisser sur<br />

le côté et d’atterrir au sol – c’est une idée<br />

que j’ai eue en regardant des vidéos de<br />

parkour. »<br />

1. Un VTT (forcément)<br />

« S’il ne fonctionne pas parfaitement,<br />

un vélo n’est rien de plus qu’un tas<br />

de ferraille. Il est donc indispensable<br />

de s’assurer avant le départ que les<br />

freins marchent bien, que les roues<br />

tournent correctement et qu’il n’y<br />

a rien qui vibre ou qui frotte. »<br />

2. Les meilleurs potes<br />

« Le VTT, c’est encore plus cool entre<br />

potes. Mais pour que chacun puisse<br />

en profiter, il faut que tout le monde<br />

ait le même niveau. Je m’entraîne<br />

avec un crew pour la descente et<br />

un autre pour le trial et j’ai vécu des<br />

trucs incroyables avec les deux. »<br />

3. De quoi manger<br />

« Dès que j’ai la dalle, ça ne va pas.<br />

Donc je vérifie toujours avant qu’il y<br />

aura de quoi manger là où je vais rouler<br />

– et que le restaurant ou le snack<br />

en question sera bien ouvert. Quand<br />

j’ai faim, je suis insupportable. »<br />

4. Un temps parfait<br />

« De 20 à 25 degrés et du soleil.<br />

Simple, mais tellement important. »<br />

5. Un portable éteint<br />

« Il faut toujours avoir un portable<br />

avec soi quand on part en virée. Mais<br />

quand je ne filme pas, le mien, je préfère<br />

encore le laisser éteint. Le truc,<br />

c’est qu’on est connectés 24h/24,<br />

donc j’aime bien débrancher un peu.<br />

Au moins quand je suis sur mon VTT. »<br />

Récapitulons : les meilleures idées se<br />

trouvent juste sous notre nez ; on peut<br />

s’inspirer de gens qui partagent nos idées,<br />

mais l’inspiration peut aussi parfois se<br />

trouver là où l’on s’y attend le moins ; et<br />

pour trouver de bonnes idées, il ne faut<br />

pas avoir peur de se tromper. Quelque<br />

chose à rajouter, Fabio ?<br />

« Oui ! Idées et stress ne font pas bon<br />

ménage. Pour développer sa créativité, il<br />

faut avoir quelque chose qui aide à rester<br />

concentré. Donc il faut trouver un moyen<br />

de réussir à déconnecter et à écouter sa<br />

petite voix intérieure. »<br />

Fabio a trouvé, lui. On aurait pu continuer<br />

cette discussion éternellement, mais<br />

le rider doit y aller. Le ciel s’éclaircit<br />

au-dessus d’Innsbruck, et pour lui, cela<br />

ne signifie qu’une chose : ses potes du<br />

VTT l’attendent déjà dans la forêt.<br />

44 THE RED BULLETIN


À LA HAUTEUR<br />

Le fameux Handlebar<br />

Ride de Fabio offre une<br />

belle vue d’ensemble,<br />

mais réfléchissez avant<br />

de le tenter sur une<br />

piste cyclable.


Travis Scott surplombe l’île<br />

de Fortnite Battle Royale lors<br />

de l’événement Astronomical<br />

en avril. Près de 28 millions<br />

de joueurs y ont assisté.<br />

EPIC GAMES


REJOIGNEZ<br />

L’AUTRE<br />

UNIVERS<br />

Alexandria Ocasio-Cortez,<br />

Travis Scott ou encore Sting<br />

ont rejoint le MÉTAVERS,<br />

une société en parallèle au<br />

sein des jeux vidéo en ligne.<br />

Rencontrez les pionniers qui<br />

construisent une alternative<br />

numérique à notre existence<br />

analogique.<br />

Texte TOM GUISE<br />

47


Marc Goehring (à gauche) et Kara Chung animent leur défilé dans Animal Crossing.<br />

Travis Scott est énorme. C’est l’un des<br />

rappeurs les plus chauds de la planète en ce<br />

moment. Ce Texan de 28 ans est aussi<br />

énorme, littéralement : 100 m de haut,<br />

enjambant les immeubles pendant qu’il<br />

crache les paroles de son track à succès,<br />

Sicko Mode. La foule lévite. Ici encore, littéralement<br />

: elle tourne autour de lui en apesanteur.<br />

Nous sommes le 23 avril <strong>2020</strong>, et c’est<br />

l’Astronomical de Travis Scott, un concert virtuel<br />

dans le jeu vidéo en ligne Fortnite.<br />

Les spectacles de Scott dans le monde réel sont<br />

célèbres pour leur ambiance survoltée. Ses performances<br />

physiques entraînent son public dans une<br />

véritable frénésie. Il est connu pour survoler la foule<br />

à bord d’un aigle animatronique géant. Sa tournée<br />

Astroworld: Wish You Were Here de 2018-19 faisait<br />

apparaître des montagnes russes qu’il dévalait audessus<br />

du mosh pit. Mais ça, c’est d’un autre niveau.<br />

Alors que les joueurs de Fortnite se précipitent avec<br />

enthousiasme vers une île habituellement réservée<br />

aux combats entre joueurs, le titan du rap – qui surgit<br />

après qu’un astre pulsant se soit écrasé sur Terre<br />

– commence à se téléporter à travers le paysage,<br />

se transformant en un être translucide doté d’un<br />

système nerveux psychédélique.<br />

« OMG, il atteint les étoiles », crie Tyler « Ninja »<br />

Blevins, joueur et superstar de Fortnite, à son public<br />

sur Twitch, la plateforme de streaming en direct,<br />

alors que son propre personnage, de taille normale,<br />

cesse d’agiter un pied du micro flamboyant. Scott<br />

arrache deux corps célestes et les rassemble en un<br />

éclair aveuglant avant que le monde ne se reforme<br />

sous l’eau. Le chanteur géant est maintenant suspendu<br />

dans l’obscurité, vêtu d’une combinaison<br />

d’astronaute. Dix minutes plus tard, l’odyssée se<br />

termine dans l’espace avec le début de sa nouvelle<br />

chanson, <strong>The</strong> Scotts – une collab avec son collègue<br />

Kid Cudi – alors que tout le monde est entraîné à<br />

travers une stargate pour ressortir dans le Fortnite<br />

normal. Travis a quitté la planète et les joueurs,<br />

désorientés, retournent automatiquement au mode<br />

jeu, prêts à se friter avec des pioches et des armes.<br />

« C’est tout ? », s’exclame Ninja. C’est la célébrité<br />

la plus célèbre du jeu. Correction : c’était. Plus de<br />

12,3 millions de joueurs de Fortnite se sont connectés<br />

simultanément à Astronomical– plus que les<br />

populations de New York et Los Angeles réunies.<br />

Au cours des prochains jours, quatre autres concerts<br />

porteront ce total à 27,7 millions. Il s’agit de l’événement<br />

culturel de <strong>2020</strong> dont on a le plus parlé jusqu’à<br />

présent. Et il s’est déroulé dans le cadre d’un jeu.<br />

C<br />

e n’est pas la première fois que Fortnite secoue<br />

le monde réel. En janvier 2019, DJ Marshmello<br />

a attiré plus de 10 millions de joueurs à son<br />

concert virtuel, et onze mois plus tard, le réalisateur<br />

d’Hollywood J. J. Abrams est venu avec<br />

le Faucon Millenium avec des images du dernier épisode<br />

de Star Wars : L’ascension de Skywalker.<br />

En 1989, le sociologue urbain américain Ray<br />

Oldenburg a inventé le terme de « tiers-lieu » pour<br />

décrire nos environnements sociaux. À côté de notre<br />

demeure (le premier lieu) et de notre lieu de travail<br />

KARA CHUNG, ONDŘEJ VACHEK, MALTEEZ/BXBW<br />

48 THE RED BULLETIN


Le groupe de rock Against <strong>The</strong> Current sur la scène principale du Block by Blockwest.<br />

« IL Y A UNE DISCUSSION EN COURS AU SUJET<br />

DU MÉTAVERS. EST-ON EN TRAIN D’Y MIGRER ? »<br />

L’une des « photographies » d’Ondrej Vachek, prise par son perso dans <strong>Red</strong> Dead Online.<br />

(le deuxième lieu), il s’agit d’un lieu de sociabilité<br />

et d’échange – un rôle traditionnellement rempli par<br />

les pubs, les cafés et les cinémas. Mais, à mesure que<br />

la jeune génération se tourne vers ses écrans pour<br />

sa participation sociale, la popularité de ces endroits<br />

a diminué. Une pandémie mondiale a ensuite frappé<br />

et ils ont complètement cessé d’exister. Lorsqu’un<br />

Travis Scott de la taille d’un gratte-ciel a émergé<br />

d’un astre en chute libre dans Fortnite, ce n’était pas<br />

seulement le plus grand concert au monde, c’était<br />

aussi le seul.<br />

« On parle beaucoup en ce moment des “métavers”<br />

et de la question de savoir si nous allons de<br />

plus en plus migrer vers ces espaces en ligne,<br />

explique Gary Whitta, un scénariste et podcasteur<br />

de jeux de 48 ans basé à San Francisco. Ce processus<br />

a été accéléré par la pandémie. » En tant qu’auteur<br />

des films de science-fiction dystopiques Le Livre<br />

d’Eli (2010) et After Earth (2013), ainsi que de<br />

Rogue One de la série des Star Wars réalisé en 2016,<br />

Whitta a de solides références en matière de futurisme.<br />

Mais, plus important encore, il anime un<br />

talk-show à succès qui se déroule tard dans la nuit.<br />

Vous connaissez le format : un monologue d’ouverture,<br />

des segments musicaux et de comédie, des<br />

célébrités sur le canapé. Parmi les invités récents,<br />

les acteurs Elijah Wood et Danny Trejo et le rappeur<br />

T-Pain. La différence, c’est que tout cela est diffusé<br />

dans le cadre d’un jeu vidéo Nintendo.<br />

Dans Animal Crossing, vous créez un personnage<br />

qui commence une nouvelle vie sur une île idyllique.<br />

Au cours de vos voyages, vous trouvez des<br />

THE RED BULLETIN 49


Travis Scott débute sa<br />

chanson <strong>The</strong> Scotts lors<br />

de l’Astronomical. Le<br />

streaming de sa musique<br />

a bondi de 138 % juste<br />

après cette performance.<br />

« LA TÉLÉ NE PEUT PAS RASSEMBLER<br />

LES GENS COMME LE MÉTAVERS. »<br />

objets qui peuvent être échangés avec le commerçant<br />

local – un raton laveur vêtu d’une chemise<br />

hawaïenne – en échange de devises pour acheter<br />

une maison et des objets cool pour la meubler. Avec<br />

ses graphismes sympas, le jeu propose une simulation<br />

positive du monde du travail, de l’économie,<br />

de la construction d’une maison – et de l’importance<br />

d’être prudent lorsque l’on secoue un arbre<br />

pour y trouver des pommes, de peur de déranger<br />

un nid de guêpes. Son créateur japonais, Katsuya<br />

Eguchi, a réalisé la première version en 2001 après<br />

avoir travaillé loin de sa famille et de ses amis.<br />

Whitta a commencé à se livrer à sa propre expérience<br />

à l’intérieur même de ce jeu. « Je voulais<br />

juste voir si je pouvais faire ressembler mon soussol<br />

d’Animal Crossing à un plateau de talk-show.<br />

Puis des gens sur Twitch ont commencé à me dire :<br />

“Tu devrais vraiment le faire”, explique-t-il. Au<br />

début, il n’y avait que moi et mes amis. Mais comme<br />

je travaille dans le show-business, certains d’entre<br />

eux sont bien connus. » Parmi eux, l’actrice Felicia<br />

Day, Justine Ezarik (alias Justine, la mégastar de<br />

YouTube) et le réalisateur de Jurassic World, Colin<br />

Trevorrow. En quatre épisodes, Twitch a mis la série<br />

de Whitta, Animal Talking, en première page, attirant<br />

15 000 spectateurs. À l’épisode 10, près de<br />

340 000 étaient au rendez-vous. « Maintenant,<br />

chaque fois qu’une célébrité se montre sur Twitter<br />

en jouant à Animal Crossing, je suis tagué. C’est<br />

comme ça que l’affaire AOC est arrivée. » Oui,<br />

EPIC GAMES, GARY WHITTA<br />

50 THE RED BULLETIN


L’acteur Elijah Wood (2 e depuis la gauche) dans le talk-show Animal Talking.<br />

E<br />

n ce qui concerne le métavers, <strong>Red</strong> Dead Online<br />

est fin prêt. Le jeu multijoueur en ligne Wild<br />

West se déroule dans une simulation des<br />

grands espaces de l’ouest américain. Il y a des<br />

missions hors la loi et des primes à réclamer,<br />

mais l’exploration de ce monde suffit déjà. Les<br />

forums sont remplis de récits d’attaques imprévues<br />

d’ours et de loups malades après s’être abreuvés en<br />

aval des installations minières ; les chasseurs de<br />

tempêtes ont dressé la carte des conditions météorologiques<br />

; même les testicules des chevaux se<br />

rétractent dans le froid.<br />

« Le monde est tellement bien conçu », dit Ondrej<br />

Vachek. Le terrain d’expérimentation du photographe<br />

de rue est Londres, mais lorsque la ville a été<br />

fermée, lui et son collègue Sean Tucker se sont tournés<br />

vers <strong>Red</strong> Dead Online. « Nous nous promenions<br />

à cheval ou pêchions au bord du lac, en parlant<br />

photo. Puis nous nous sommes dit : “Faisons quelque<br />

chose avec les appareils photo.” » L’avatar de chaque<br />

joueur est équipé d’une boîte photographique.<br />

« Dans la vie réelle, on peut attendre toute une<br />

journée pour dix minutes de bonne lumière, dit<br />

Tucker. Ici, elle change toutes les vingt minutes et<br />

elle est toujours bonne. Nous avons commencé à<br />

nous diriger les uns les autres, puis nous sommes<br />

allés à Saint Denis pour faire de la photo de rue. »<br />

Dans la reconstitution de la Nouvelle-Orléans du<br />

XVIII e siècle, ils ont fixé des personnages non-joueurs<br />

(PNJ) en train de vivre leurs vies simulées. « Quand<br />

vous sortez l’appareil photo, le monde continue de<br />

bouger ; vous devez saisir le moment, explique<br />

Vachek, 28 ans. C’est à peu près ce à quoi ressemble<br />

ma photographie normale. » Ils ont créé une commuthe<br />

AOC – la politicienne américaine Alexandria<br />

Ocasio-Cortez, qui tweete passionnément au sujet<br />

des réformes sociales et d’Animal Crossing, et qui<br />

attend son tour pour apparaître dans la série.<br />

« J’aimerais visiter les îles de gens au hasard…<br />

Je peux ? », a tweeté la représentante de New York<br />

le 7 mai dernier.<br />

Whitta préfère que les invités soient d’authentiques<br />

joueurs d’Animal Crossing qui peuvent amener<br />

leurs propres personnages dans la série. « Mais,<br />

pour les célébrités, nous pouvons en créer un.<br />

Quand Sting est arrivé, nous lui avons demandé<br />

“Que souhaitez-vous porter ?”, puis nous avons<br />

essayé de trouver quelque chose dans le rayon des<br />

costumes. Nous sommes en train de créer un avatar<br />

pour Shaggy (un musicien et DJ jamaïcain, ndlr). »<br />

Animal Talking a reçu des critiques élogieuses et<br />

<strong>The</strong> Verge, le site qui traite de l’actualité technologique,<br />

l’a proclamé « le talk-show le plus tendance<br />

de <strong>2020</strong> ». Les temps sont plus durs pour les homologues<br />

de Whitta à la télévision américaine : « Colbert,<br />

O’Brien, Fallon, tous ces gars sont géniaux, et je les<br />

admire de continuer à nous divertir quand nous en<br />

avons désespérément besoin, mais ils sont coincés<br />

dans leur sous-sol dans le monde réel. Je vis dans<br />

un monde virtuel : je suis assis derrière mon bureau,<br />

mon ami Adam est à la batterie. Hugh Howey<br />

(auteur, ndlr) et Jordan Mechner (concepteur de<br />

jeux vidéo, ndlr) sont assis sur le canapé. Mais dans<br />

le monde réel, je suis à San Francisco, Adam au<br />

Canada, Hugh à New York et Jordan à Montpellier.<br />

Nous sommes tout aussi légitimes que <strong>The</strong> Tonight<br />

Show. Le métavers rassemble les gens d’une manière<br />

que la télévision ne peut pas faire. »<br />

THE RED BULLETIN 51


nauté Twitch, <strong>The</strong> <strong>Red</strong> Dead Poets Society, invitant<br />

d’autres personnes à participer à des visites virtuelles<br />

de photographie de rue.<br />

Helen Fanthorpe est l’éditrice principale de <strong>The</strong><br />

Rough Guide to Xbox, le premier guide de voyage<br />

pour les destinations sur jeux vidéo. Avec des<br />

conseils sur les visites touristiques, l’hébergement<br />

et même le shopping dans des jeux comme Assassin’s<br />

Creed Odyssey et Forza Horizon 4, le livre décrit un<br />

nouveau type de voyageur : « le touriste virtuel ».<br />

« Voyager, c’est l’excitation créée par la découverte<br />

de nouveaux endroits, explique Fanthorpe. C’est la<br />

même chose avec ces jeux : le but est d’explorer. »<br />

L’ebook a été publié en novembre, mais il a récemment<br />

été rendu gratuit : « L’intérêt pour les voyages<br />

virtuels s’est accru pendant le confinement. Nous<br />

voulions aider les gens à s’échapper de leur salon. »<br />

Pour Vachek, c’est ce que le jeu lui offre actuellement,<br />

peut-être davantage que la photographie.<br />

« J’aime faire du camping sauvage, prendre mon<br />

équipement et ma bâche et aller dans les bois, mais<br />

le mois dernier, j’étais coincé à la maison, dit-il.<br />

Alors je me suis mis <strong>Red</strong> Dead, je suis allé à Tall<br />

Trees, j’ai construit un campement et je me suis<br />

détendu au coin du feu. C’était ce qu’il y avait de<br />

mieux à faire. »<br />

A<br />

lors<br />

que Travis Scott se déplaçait à travers<br />

Fortnite le 25 avril, un autre événement<br />

musical métavers procédait à ses dernières<br />

balances de sono. Block by Blockwest – ou<br />

BXBW, un festival sur Minecraft – est le bébé<br />

de Courier Club, un jeune groupe de dance-punk<br />

de Philadelphie.<br />

Le chanteur-guitariste Timothy Waldron, le guitariste<br />

Ryan Conway, le bassiste Michael Silverglade<br />

et le batteur Jack Kessler ont formé le groupe en<br />

2018. « Nous n’avons pas grandi<br />

en ville, nous n’étions pas au<br />

centre de la vie culturelle. Notre<br />

information nous venait des<br />

jeux vidéo. » Dont Minecraft.<br />

Lancé en 2009, c’est un jeu aux<br />

graphismes rétros dont les<br />

joueurs parcourent un paysage<br />

en 3D généré de façon aléatoire,<br />

en extrayant des matières premières pour fabriquer<br />

des outils et construire des structures. Alors qu’il est<br />

passé sur presque toutes les plateformes de jeu et est<br />

devenu le jeu vidéo le plus vendu de tous les temps,<br />

la version originale en open-source a été modifiée<br />

par les communautés en ligne pour créer d’innombrables<br />

personnalisations. Ses mécanismes sousjacents<br />

ont été appliqués à la modélisation moléculaire,<br />

à l’exploitation de Bitcoin, voire à la simulation<br />

d’ordinateurs quantiques. « Nous avons grandi avec<br />

Minecraft, dit Waldron. Mais nous l’avons choisi<br />

parce que c’est le seul jeu où nous pouvons<br />

construire des mondes. » Leur plan ? Un authentique<br />

festival de musique, d’une durée de sept heures, avec<br />

près de quarante concerts répartis sur trois scènes.<br />

Tous construits à partir de blocs numériques. « Au<br />

début, c’était “ faisons un spectacle pour nos fans”,<br />

mais chaque jour, le projet se développait de<br />

manière exponentielle », explique Waldron.<br />

Le groupe a fait appel aux membres de la communauté<br />

Minecraft. « Tous dans des fuseaux<br />

horaires différents. Personne ne se connaissait, mais<br />

nous avons construit ensemble le monde en entier,<br />

pièce par pièce. Je me disais, “merde, si nous pouvions<br />

faire cela dans la vraie vie, nous pourrions<br />

accomplir des milliers de choses”. » Leur manager,<br />

DJ Sutera, a approché les artistes invités. « Certains<br />

ont tout de suite sauté sur l’occasion. Cowgirl Clue<br />

(la musicienne de dance-pop texane Ashley Calhoun,<br />

ndlr) a été la première, dit-il. D’autres avaient<br />

besoin d’être convaincus du sérieux de la chose. »<br />

« Je ne suis pas une gameuse, mais j’aime l’esthétique<br />

», déclare Nadya Tolokonnikova, co-fondatrice<br />

du groupe féministe punk russe Pussy Riot. En mars,<br />

le groupe devait partir en tournée lorsque la pandémie<br />

a frappé. Pour cette femme de trente ans, qui<br />

a été incarcérée pendant près de deux ans pour avoir<br />

interprété une chanson anti-Poutine dans une cathédrale<br />

de Moscou en 2012, le confinement s’est avéré<br />

particulièrement éprouvant. « Je me sens dévastée.<br />

Je crois en la théorie de la performance de l’identité<br />

: si je ne fais pas les choses qui me forment, je<br />

me perds. » BXBW lui a donné cette chance. « S’il<br />

y a une opportunité de se connecter avec les gens,<br />

il n’y a pas à hésiter : il est toujours important de<br />

promouvoir mes idéaux politiques. »<br />

Les artistes ont été invités à fournir un certain<br />

nombre de chansons pré-enregistrées et ont reçu,<br />

s’ils n’étaient pas des Minecrafters, des conseils sur<br />

l’apparence souhaitée de leur avatar. « Nous leur<br />

avons également demandé d’aller sur Discord (une<br />

plateforme pour les communautés de gamers, ndlr)<br />

« NOTRE INFORMATION<br />

NOUS VENAIT DES JEUX. »<br />

KEVIN CONDON<br />

52 THE RED BULLETIN


« LA CRÉATION DE MONDES<br />

COMBLE AUSSI LE VIDE. »<br />

« Il ne s’agit pas que<br />

de créer de la musique,<br />

mais aussi de<br />

créer des mondes. »<br />

Les membres de<br />

Courier Club et<br />

organisateurs de<br />

Block by Blockwest .<br />

pour interagir le soir du concert », dit Sutera.<br />

Puis, la veille du festival, un autre groupe s’est<br />

ajouté : Massive Attack.<br />

« La presse a explosé », dit Conway. Le soir du<br />

concert, des dizaines de milliers de joueurs ont<br />

essayé de se connecter dès la première heure. « Cela<br />

s’est propagé plus rapidement que notre capacité à<br />

trouver la quantité de serveurs nécessaires », dit<br />

Steve Silverglade, le frère âgé de 18 ans du bassiste<br />

Michael, et leur expert Minecraft maison. Avec le<br />

festival sur le point de crasher, ils ont tiré la prise.<br />

« Nous avons réalisé que nous avions besoin d’un<br />

niveau de capital intellectuel que nous n’avions pas,<br />

dit Conway, avec regret. Mais, dans ce moment de<br />

désespoir, la communauté Minecraft est venue à la<br />

rescousse, dit Waldron : « Quelqu’un a envoyé un<br />

message à Steve : “Je vous ai vu aux infos. Je travaille<br />

dans la technologie ; je peux vous aider.” »<br />

Sa société, DigitalOcean, a offert au festival tout son<br />

centre de données. « Du coup, nous pouvions nous<br />

adapter à nos besoins : si 100 000 personnes décidaient<br />

de nous rejoindre, nous pouvions le faire. »<br />

Le festival a été reprogrammé pour le 16 mai,<br />

mais les musiciens de Massive Attack se sont désistés.<br />

« Ils ne voulaient pas participer à nouveau, dit<br />

Conway. Je pense qu’ils n’ont pas bien compris ce<br />

que l’événement était censé être », dit Steve.<br />

S<br />

eize mai. Il est 19 h 40. Les joueurs se précipitent<br />

vers la deuxième scène de BXBW, située<br />

dans un chalet de ski au sommet d’une montagne<br />

géante. Il y a un téléphérique, mais la<br />

plupart d’entre eux frappent la barre d’espace<br />

de leur clavier pour sauter les marches jusqu’au<br />

sommet. À l’intérieur, les Pussy Riot jouent leur<br />

chanson Macho. L’avatar de Tolokonnikova bondit<br />

sur la scène – une interprétation pixélisée de<br />

l’image de la cagoule verte rendue célèbre lors de<br />

la manifestation du groupe sur la Place Rouge en<br />

2012. Elle écrit des slogans comme « J’emmerde le<br />

capitalisme », qui défilent sur l’écran. « Je me suis<br />

agitée comme pour un rassemblement, dit-elle plus<br />

tard. C’est juste un festival dans un jeu, mais si ça<br />

donne un sens aux gens, c’est bien. »<br />

La scène principale est souterraine, on y entre<br />

en passant par un toboggan kaléidoscopique. C’est<br />

là que se produit le groupe californien post-hardcore<br />

Movements. Le chanteur Patrick Miranda s’écrie<br />

« Tout le monde, barre d’espace ! » et la foule se met<br />

à sauter à l’unisson ; parmi eux, un type avec un<br />

Rubik’s Cube à la place de la tête, Deadpool, un porc<br />

bipède, et Joe Mulherin, alias le rappeur américain<br />

nothing,nowhere. Son avatar ressemble à la grande<br />

faucheuse – c’est son propre logo. Alors qu’il court<br />

devant la scène, Mulherin est rejoint par des avatars<br />

identiques – ses fans, avec lesquels il communique<br />

via le chat de son flux Twitch. Il tape Reaper cult –<br />

circle pit ! et tous se précipitent en déployant une<br />

danse en cercle synchronisée.<br />

Le jeune homme de 28 ans, originaire du Massachusetts,<br />

parle ouvertement de son combat contre<br />

l’anxiété : « Quand j’ai commencé, je me suis éloigné<br />

de mes fans parce que j’étais nerveux à l’idée d’être<br />

sous les feux de la rampe. Mais depuis que je streame<br />

sur Twitch, que je plonge dans Discord, l’univers des<br />

joueurs, je me connecte avec des jeunes qui veulent<br />

seulement avoir des amis. Beaucoup font face aux<br />

mêmes trucs que moi. » Quand on lui a proposé de<br />

jouer dans le cadre de BXBW, « cela allait de soi. S’il<br />

y a une opportunité de me connecter avec mes fans<br />

pendant cette période, je vais la saisir. Le fait que<br />

ce soit dans Minecraft est encore mieux ».<br />

Mulherin emmène son entourage se promener.<br />

Ils prennent d’assaut un escalier à l’intérieur d’un<br />

arbre géant et vont voir le « magasin » qui présente<br />

des représentations numériques de T-shirts et<br />

d’œuvres d’art que les joueurs peuvent acheter dans<br />

le jeu et se faire expédier dans la vie réelle. Puis ils<br />

sautent tous ensemble du haut de l’arbre, pendant<br />

que Mulherin rit et répond à leurs commentaires sur<br />

son flux. « Je suis allé au concert Fortnite de Travis<br />

Scott avec Pete Wentz (le bassiste des Fall Out Boy,<br />

ndlr), raconte Mulherin. C’était génial, mais c’était<br />

comme regarder un feu d’artifice au loin. Ici, il y a<br />

de l’interaction, des discussions, des mini-jeux. Les<br />

gens ont besoin d’un sens d’appartenance à une<br />

communauté en ce moment, et vous le sentez. »<br />

« C’était juste un tour d’essai pour ce que nous<br />

voulons créer : un monde qui existe en permanence,<br />

où vous pouvez traîner même entre les concerts,<br />

explique Waldron. Nous avons un serveur d’avant<br />

les festivals où la communauté a construit deux<br />

énormes villes. Il y a une économie qui fonctionne,<br />

des mini-jeux… c’est génial. Si vous ne pouvez pas<br />

vendre un spectacle chez vous parce que le créneau<br />

n’est pas assez important, vendez-le à un public<br />

mondial dans un club en ligne. C’est quelque chose<br />

qui aura de la valeur au-delà du confinement. Nous<br />

aimons faire partie d’un groupe musical, mais ce<br />

n’est pas seulement la création de musique qui<br />

comble le vide pour nous, c’est aussi la création<br />

de mondes. »<br />

L’avatar de Mulherin fait les cent pas dans la<br />

chambre verte. « L’anxiété virtuelle, ça semble si<br />

réel », dit-il. Grâce à sa vue du jeu, ses adeptes de<br />

Twitch peuvent voir la foule – et se voir eux-mêmes<br />

dans leurs skins de la grande faucheuse – devant la<br />

scène ; nothing,nowhere continue. « Minecraft, faites<br />

du bruit ! » Son appel est accueilli par un flot de<br />

cœurs et de pyrotechnie. Quelques joueurs flottent,<br />

en courant dans les airs. La forme carrée de Mulherin<br />

saute autour de la scène avant de plonger dans la<br />

foule et de commencer un circle pit. Soudain, il disparaît.<br />

« LMAO, je me suis fait virer du serveur », tape le<br />

rappeur à l’écran alors qu’il retourne sur scène.<br />

THE RED BULLETIN 53


Vu d’en haut, ça a<br />

l’air facile : depuis<br />

les chutes d’eau de<br />

Vuwa, Bear Grylls<br />

observe la jungle<br />

des Fidji, où va se<br />

dérouler la course.<br />

COREY RICH/AMAZON PRIME VIDEO<br />

54


LA COURSE<br />

DE L’IMPOSSIBLE<br />

BEAR GRYLLS, l’aventurier spécialiste<br />

des émissions de survie en milieu (très)<br />

hostile, a poussé le concept de téléréalité<br />

d’aventure au-delà de ses limites :<br />

voici l’histoire de la périlleuse genèse de<br />

sa nouvelle émission, Eco-Challenge.<br />

Texte DAVID HOWARD


Va-t-il sauter de l’hélico ? Bear Grylls, casse-cou britannique le plus célèbre des temps modernes, anime la première édition de la série Eco-Challenge.<br />

L<br />

es premiers doutes sont arrivés<br />

à la fin d’une journée<br />

éprouvante, passée à escalader<br />

les parois d’une énorme<br />

cascade au beau milieu d’une île de l’archipel<br />

des Fidji : Kevin Hodder, 51 ans,<br />

se demande dans quel pétrin il est venu<br />

se fourrer. Nous sommes en mars 2019,<br />

et cela fait plus d’un mois que lui et son<br />

équipe sont en reconnaissance dans la<br />

jungle fidjienne, essayant tant bien que<br />

mal de définir une route pour la course<br />

Eco-Challenge, qui devait avoir lieu à<br />

l’automne pour être ensuite transformée<br />

en une série d’aventures extrêmes pour<br />

la télé. Il vient juste d’assurer, avec son<br />

collègue Scott Flavelle, 61 ans, et deux<br />

autres membres de l’équipe, un mur de<br />

200 mètres le long des chutes Vuwa, en<br />

plein cagnard. Le genre de paysages et de<br />

conditions météo absolument parfaits<br />

pour un show télévisé comme celui qu’ils<br />

préparent… Enfin, ça l’aurait été si des<br />

pluies torrentielles accompagnées de<br />

56 THE RED BULLETIN


« CELA POUVAIT TOURNER<br />

À LA CATASTROPHE<br />

DÈS LE DEUXIÈME JOUR. »<br />

Scott Flavelle, chargé du tracé de<br />

la course pour la production<br />

COREY RICH/AMAZON PRIME VIDEO,<br />

KRYSTLE WRIGHT/AMAZON PRIME VIDEO<br />

vent et de brouillard ne les avaient pas<br />

accueillis au sommet de la montagne.<br />

Un phénomène certes très courant<br />

dans les îles Fidji, dont le relief montagneux<br />

refroidit brusquement les courants<br />

chauds remontant de la mer, mais qui a<br />

donné lieu à une situation incongrue au<br />

sein de l’équipe : Ryan Vrooman, le coordinateur<br />

de la course, souffre d’insolation,<br />

tandis que Hodder, au bord de l’hypothermie,<br />

tremble comme une feuille.<br />

« Il fallait que je bouge pour me réchauffer,<br />

et Ryan en était évidemment incapable.<br />

» Finalement, l’équipe décide<br />

d’installer le bivouac pour la nuit, et<br />

Hodder cout se réfugier dans son sac de<br />

couchage. Le lendemain matin, au quatrième<br />

jour passé dans la jungle, l’équipe<br />

se réveille sous une pluie battante. Ils<br />

enfilent leurs affaires encore trempées et<br />

se remettent en route pour la prochaine<br />

section à tester.<br />

Hodder et Flavelle, qui ont déjà travaillé<br />

ensemble sur de nombreux projets<br />

de courses d’aventure, ont repéré un<br />

canyon long d’une dizaine de kilomètres<br />

et souhaitent l’inclure au trajet de la<br />

course : d’après les observations faites<br />

sur des cartes et Google Earth, le courant<br />

de la rivière forme des petits bassins<br />

qui se suivent comme des perles sur un<br />

collier, avec un niveau de difficulté apparemment<br />

acceptable. Apparemment.<br />

Parce qu’une fois sur place, Hodder se<br />

souvient d’un adage bien connu dans<br />

le milieu du sport extrême : ne crois<br />

jamais ce que tu vois sur une carte.<br />

En guise de bassins, des mares remplies<br />

« d’une eau glaciale » et trop profondes<br />

pour être traversées à pied. Les<br />

passages moins profonds sont un véritable<br />

enchevêtrement de rochers glissants<br />

recouverts d’algues, à peine visibles<br />

depuis la surface : un régal pour les<br />

chevilles fragiles. Flavelle : « Il fallait<br />

avancer à tâtons sans quoi on se pétait<br />

une jambe. »<br />

Pour couronner le tout, il leur est<br />

impossible de passer par les berges,<br />

tant la végétation est dense. Au bout du<br />

compte, après neuf heures de tâtonnements,<br />

de dérapages, de chutes et de<br />

jurons, nos quatre compères arrivent au<br />

bout de la section. Eux qui sont pourtant<br />

habitués aux conditions extrêmes (tous<br />

les quatre sont originaires de Colombie-<br />

Britannique) demeurent perplexes<br />

devant la difficulté de cette section : s’ils<br />

ne l’incluaient pas à la course, non seulement<br />

ils auraient fait tout ça pour rien,<br />

mais ils devraient surtout chercher un<br />

plan B pour pouvoir relier la côte est à la<br />

côte ouest de l’île. Hodder : « On aurait<br />

supprimé le cœur de la course. »<br />

THE RED BULLETIN 57


D’un autre côté, faire passer la course<br />

par cet endroit risqué nécessiterait toute<br />

une infrastructure pour gérer les hypothermies<br />

et les blessures – chevilles foulées,<br />

épaules déboîtées, etc. – dont le<br />

risque était bien réel. Avec 66 équipes de<br />

4 coureurs, on imagine le carnage. Sans<br />

compter que la couche de nuages omniprésente<br />

rendrait les opérations de sauvetage<br />

très compliquées.<br />

Mais au-delà des risques de blessures<br />

qu’elle comportait, cette section de dix<br />

kilomètres était située dans le dernier<br />

tiers de la course, et les coureurs, potentiellement<br />

épuisés par une semaine de<br />

course éreintante, n’allaient pas l’aborder<br />

dans la meilleure forme. Certes, cela<br />

aurait fait un grand show télévisé, mais<br />

il y avait une ligne éthique à ne pas<br />

dépasser : « Est-ce que cela n’était pas de<br />

trop ? », voilà la question qui les taraudait.<br />

Créer une course de l’extrême pour<br />

la télévision requiert les mêmes<br />

ingrédients qu’un grand film<br />

d’aventures : on doit y trouver des<br />

moments de doutes et de dangers (ou<br />

du moins l’impression qu’il y en a), des<br />

moments de joie et d’intense émotion et<br />

évidemment des défis qui puissent procurer<br />

tour à tour aux participants des<br />

sentiments de triomphe ou de profond<br />

abattement.<br />

Et pour assembler tous ces éléments<br />

narratifs en un scénario qui se tienne,<br />

il faut s’y connaître : c’est pour cela que<br />

lorsque les anciens producteurs d’Eco-<br />

Challenge, l’Anglais Mark Burnett et<br />

l’Américaine Lisa Hennessy, ont décidé<br />

« EST-CE QUE<br />

CELA N’ÉTAIT PAS<br />

DE TROP ? »<br />

Kevin Hodder<br />

en 2018 de redémarrer cette série de téléréalité<br />

d’aventure après une pause de<br />

seize ans, ils ont fait appel à Hodder et<br />

Flavelle. Burnett, qui est à l’origine non<br />

seulement d’Eco-Challenge (diffusé aux<br />

États-Unis entre 1995 et 2002), mais aussi<br />

d’autres émissions d’aventure comme<br />

<strong>The</strong> Apprentice et Survivor, est considéré<br />

comme le pionnier de ce type d’émissions<br />

dans le monde. Lors de la deuxième saison<br />

d’Eco-Challenge, qui avait lieu en<br />

Colombie-Britannique, il avait fait appel<br />

à Flavelle pour le tracé de la course. À<br />

38 ans, Flavelle était déjà un expert international<br />

de la montagne et avait travaillé<br />

à de nombreux films documentaires.<br />

Plongée dans le dur :<br />

ne jamais exiger des<br />

autres ce que l’on<br />

ne pourrait faire soimême<br />

– Bear Grylls<br />

approuve.<br />

Le Bear reste à venir : Grylls et sa prod rejoignent l’un des spots de tournage.<br />

58 THE RED BULLETIN


« CETTE COURSE EST<br />

OFFICIELLEMENT LA PLUS<br />

EXTRÊME DE L’HISTOIRE<br />

DE L’HUMANITÉ. »<br />

ANDY MANN/AMAZON PRIME VIDEO, POBY/AMAZON PRIME VIDEO, WYNN RUJI/AMAZON PRIME VIDEO<br />

THE RED BULLETIN 59


L’enfer est pour bientôt : Grylls délivre aux candidats les derniers conseils sur le déroulement de la course et les défis en vue.<br />

VÉTÉRANS, SPORTIFS,<br />

ADOS, RETRAITÉS : LES<br />

ECO-CHALLENGERS ONT<br />

CHACUN LEUR HISTOIRE.<br />

Pour l’aider dans cette mission, le Canadien<br />

embaucha son compatriote Hodder,<br />

ce qui marque le début d’une longue collaboration<br />

: Hodder, originaire lui aussi<br />

de Colombie- Britannique, a travaillé<br />

à d’autres projets de shows d’aventure<br />

comme Survivor, Big Brother et Get Out<br />

Alive with Bear Grylls.<br />

Pour ce premier opus d’Eco-Challenge<br />

« nouvelle génération », les deux acolytes<br />

ont vite fait leur choix : avec ses plages<br />

de sable fin et son arrière-pays recouvert<br />

de jungle impraticable, de cascades<br />

impressionnantes et de montagnes à<br />

escalader, l’archipel des Fidji constituait la<br />

destination idéale pour un show d’aventure.<br />

Mais cela ne suffisait pas : avec un<br />

nouveau partenariat avec Amazon Prime<br />

(et donc des ressources et des exigences<br />

bien supérieures à celles de Discovery<br />

Channel), Burnett voulait du grand spectacle,<br />

l’édition la plus difficile de la<br />

course la plus inhumaine du monde, avec<br />

Bear Grylls en guise de présentateur.<br />

Pour Flavelle cependant, il y avait une<br />

limite : « Hors de question de faire courir<br />

aux gens des risques inconsidérés. »<br />

Il fallait donc alterner le niveau de<br />

difficulté de chaque section, histoire de<br />

permettre aux participants de souffler un<br />

peu pendant la course. Les règles stipulent<br />

que l’abandon d’un seul participant<br />

entraîne la disqualification de toute<br />

son équipe. À cela s’ajoute l’immense<br />

variété de profils des concurrents, l’une<br />

des caractéristiques majeures de l’émission<br />

: on y trouve aussi bien des athlètes<br />

accomplis que des sportifs amateurs.<br />

60 THE RED BULLETIN


COREY RICH/AMAZON PRIME VIDEO, ANDY MANN/AMAZON PRIME VIDEO<br />

Et parce que ça reste un show télévisé,<br />

ces derniers doivent avoir une chance de<br />

terminer la course et de se dépasser physiquement<br />

et mentalement, sans quoi<br />

toute l’émission perdrait de son intérêt.<br />

Sans compter que le résultat final<br />

devait être, à l’écran, de haute qualité –<br />

comme au cinéma – ce qui est aujourd’hui<br />

possible grâce aux dernières avancées<br />

technologiques en matière de caméras :<br />

sur place, on aurait donc une armada de<br />

200 caméras, dont 23 VariCams et une<br />

petite armée de GoPro et de drones. Après<br />

une première phase de recherches à la<br />

maison, Hodder et Flavelle étaient arrivés<br />

en février 2019 aux Fidji pour la deuxième<br />

phase de prospection, pour une<br />

durée de deux mois, le projet final devant<br />

être présenté à Burnett en fin de séjour.<br />

Ne pas tomber dans la rivière. Les Canadiens de<br />

la Team Peak Pursuit sur un radeau de fortune.<br />

En théorie, leur mission était simple :<br />

« Une fois qu’on a défini les dix<br />

endroits que l’on veut inclure dans la<br />

course, il suffit a priori de les assembler<br />

comme un puzzle. » Sauf que terminer<br />

un puzzle, c’est parfois compliqué.<br />

Avant cette horrible journée passée<br />

dans le canyon, Hodder et Flavelle<br />

avaient eu l’idée de proposer un défi<br />

d’orientation : offrir aux équipes le choix<br />

de prendre un raccourci à travers la<br />

jungle pour éviter une longue marche le<br />

long d’un bras mort de rivière. « C’est le<br />

genre de décisions auxquelles on est parfois<br />

confronté en trek : on regarde un<br />

sentier sur la carte, puis on repère un<br />

raccourci sur Google Earth, et on se dit :<br />

“Pourquoi pas ?’’ »<br />

Mais après avoir bifurqué dans la<br />

jungle, les Canadiens se sont retrouvés<br />

pris au piège dans un mur impénétrable<br />

de végétation, se frayant péniblement un<br />

chemin à coups de machette. Quant au<br />

terrain, qui avait l’air plat sur la carte, il<br />

s’est avéré beaucoup plus escarpé et dangereux<br />

que prévu. Favelle : « À chaque<br />

fois qu’un passage dans la jungle nous<br />

paraissait relativement aisé, on s’est<br />

rendu compte, une fois sur place, qu’il<br />

ne l’était pas. »<br />

Ils ont ensuite réalisé que ce défi allait<br />

survenir dans les premiers jours de la<br />

course, dans une phase où les équipes<br />

sont encore pleines d’assurance, ce qui<br />

les aurait forcément poussées à opter<br />

pour le raccourci, les obligeant à s’orienter<br />

de nuit. Une mission impossible<br />

quand on n’a que des cartes et une boussole<br />

(le GPS étant interdit). Flavelle et<br />

Hodder ont imaginé le tableau : des<br />

hordes entières de coureurs errant, perdus,<br />

au beau milieu d’une jungle parsemée<br />

d’embûches. « Il y avait un vrai<br />

risque que toute cette aventure tourne<br />

à la catastrophe dès le deuxième jour. »<br />

L’idée du raccourci fut donc éliminée.<br />

Un peu plus tard, ils avaient repéré<br />

une grande prairie d’herbes hautes, qui<br />

pouvait (d’après Google Earth et les<br />

observations faites en hélico) être traversée<br />

pour rejoindre deux sections de la<br />

course. Hodder : « Mais quand on est<br />

arrivés, on s’est aperçus que la zone,<br />

recouverte de buissons, était difficilement<br />

praticable. » Les deux explorateurs<br />

comprennent enfin pourquoi, dans les<br />

îles Fidji, les communications se faisaient<br />

traditionnellement par voie d’eau. À<br />

maintes reprises, après s’être rendu<br />

compte qu’un endroit était inutilisable,<br />

ils n’avaient pas d’autre choix que de le<br />

traverser, n’ayant aucun réseau pour<br />

appeler les chauffeurs qui les attendaient<br />

de l’autre côté. « C’est tellement frustrant<br />

et démoralisant. Et le lendemain, tu dois<br />

retourner au point A et trouver une autre<br />

route pour rejoindre le point B. »<br />

Pour ne rien arranger, l’équipe de<br />

repérage jouait un contre-la-montre :<br />

Hodder devait dévoiler le tracé de la<br />

course à Burnett fin mars. Sans compter<br />

que tout repérage devait se faire de jour,<br />

afin d’évaluer précisément tous les aménagements<br />

(assurer les voies, installer<br />

des cordes, etc.) qu’il faudrait faire en<br />

amont de la course. Ce qui pouvait les<br />

amener, par exemple, à se taper la même<br />

section en VTT plusieurs fois de suite<br />

pour définir la meilleure route possible<br />

ou éviter un terrain privé. Les nuits, ils<br />

les passaient tantôt en pleine nature,<br />

tantôt dans les villages.<br />

Ah, les villages fidjiens ! Là encore,<br />

impossible de les traverser sans prendre<br />

le temps de discuter avec les villageois et<br />

présenter leur projet : « Tu dois toujours<br />

t’arrêter pour prendre le kava (une boisson<br />

de cérémonie qui a un effet sédatif,<br />

ndlr) avant de demander la permission<br />

de traverser le village, » raconte Flavelle.<br />

En dépit des difficultés, leur périple<br />

leur a aussi réservé de belles surprises :<br />

comme ce magnifique passage par une<br />

crête qui les a conduits à un village inaccessible<br />

par la route et qui vit coupé<br />

du monde.<br />

Mais davantage que la variété des<br />

paysages, la course Eco-Challenge, nous<br />

rappelle Hodder, doit surtout offrir aux<br />

participants un large éventail de sports<br />

THE RED BULLETIN 61


UNE COURSE HORS NORME<br />

DE 672 KILOMÈTRES, ET<br />

11 JOURS ET DEMI POUR<br />

LES PARCOURIR.<br />

d’aventure : outre l’escalade et le trek, les<br />

coureurs vont devoir utiliser des canots<br />

de rafting, des planches de paddle, des<br />

VTT et le fameux camakau, cette frêle<br />

embarcation traditionnelle, typique des<br />

Fidji mais très difficile à manœuvrer.<br />

Quand le tracé de la course fut terminé,<br />

Hodder exécuta chaque étape dans<br />

les mêmes conditions (moyens de transport<br />

et matériel) que celles prévues pour<br />

les participants, accompagné de Flavelle<br />

ou d’experts embauchés pour des disciplines<br />

sportives particulières. On fit également<br />

des simulations de chavirement,<br />

pour évaluer la facilité à redresser une<br />

embarcation et estimer le nombre des<br />

opérations de sauvetage nécessaires.<br />

Finalement, au bout de huit semaines<br />

intenses, le résultat était là : 672 kilomètres<br />

à parcourir en onze jours et demi,<br />

pour une course hors du commun où la<br />

performance physique compte autant<br />

que la résistance mentale. Avec<br />

9 062 mètres de dénivelé positif (soit<br />

214 mètres de plus que la distance entre<br />

l’Everest et le niveau de la mer), quatre<br />

sections d’escalade assurées par<br />

9 100 mètres de cordes et 600 mètres de<br />

falaises, cascades et descentes en rappel,<br />

la course promettait d’être chaude.<br />

Après huit semaines passées sur place,<br />

le projet fut bouclé in extremis fin mars<br />

2019, cinq mois avant l’arrivée des candidats<br />

et le début du tournage de la série.<br />

Automne 2019, au Pullman Nadi<br />

Bay Resort and Spa, à Viti Levu,<br />

l’île principale des Fidji. Depuis<br />

quelques jours, alors que le départ<br />

de la course approche, la tension est<br />

palpable : comme prévu, les équipes sont<br />

arrivées à l’avance pour participer aux<br />

briefings (sur les phases de navigation<br />

et d’escalade) et pour les séances photo.<br />

Celles et ceux qui viennent de loin en<br />

profitent pour se reposer du décalage<br />

horaire, mais l’inactivité de ces journées<br />

précédant le coup d’envoi commence<br />

à les rendre nerveux.<br />

Il y a les équipes des « vrais pros »,<br />

comme celles de Nouvelle-Zélande, de<br />

Suisse ou du Brésil : celles-ci sont en<br />

Un rare instant sans effort : la Team Costa Rica se laisse porter par le courant, le 6 e jour de la course.<br />

plein programme d’échauffement. Et<br />

puis il y a les autres, des équipes qui ne<br />

contiennent pas forcément des athlètes<br />

de haut niveau, mais qui ont une histoire<br />

à raconter : comme cette équipe constituée<br />

de vétérans de l’US Army – dont<br />

Gretchen Evans, une haute gradée de<br />

l’armée, devenue sourde au combat –<br />

ainsi que d’un physicien : tous participent<br />

à une course d’aventure pour la première<br />

fois de leur vie.<br />

On trouve aussi une équipe de quatre<br />

concepteurs de jeux vidéo, un père qui<br />

participe avec ses deux filles après avoir<br />

déjà fait un Eco-Challenge aux Fidji lors<br />

des premières éditions, des jumelles<br />

indiennes de 23 ans qui reviennent d’une<br />

ascension de l’Everest, deux adolescents<br />

qui vont devoir se mesurer à une autre<br />

équipe composée uniquement de retraités<br />

sexagénaires. On a aussi des passionnés<br />

de CrossFit, un acrobate de cirque et un<br />

joueur de beach-volley. Bref, un échantillon<br />

hétéroclite d’êtres humains motivés et<br />

prêts à en découdre. Pour l’heure, impossible<br />

de prédire qui va abandonner, et qui<br />

va tenir jusqu’au bout.<br />

Se frayant un chemin au milieu de<br />

cette foule bigarrée, Mark Burnett et<br />

Bear Grylls nous parlent de leur projet<br />

fou, avec l’emphase hyperbolique qui<br />

caractérise les pros de la télé : « une expédition<br />

avec un chronomètre dans la<br />

main », résume Burnett. Grylls, quant à<br />

lui, raconte avoir souvent, au cours des<br />

quinze dernières années, entendu Mark<br />

Burnett lui confier son désir de ressusciter<br />

la course et l’émission Eco-Challenge :<br />

COREY RICH/AMAZON PRIME VIDEO, ANDY MANN/AMAZON PRIME VIDEO<br />

62 THE RED BULLETIN


Les Suédois de l’équipe Swedeforce en action : faute de vent, il faudra jouer de la pagaie !<br />

« Il me disait : “Je vais te le donner, et tu<br />

vas en faire ton projet, tu vas en faire<br />

quelque chose d’encore plus grand et<br />

d’encore plus fou.’’ » Un pari tenu, selon<br />

Grylls : « Eco-Challenge est officiellement<br />

la course d’aventure la plus extrême de<br />

l’Histoire de l’humanité. » Et même s’il<br />

pense que toutes les équipes ont le<br />

potentiel pour y participer, il se peut<br />

aussi qu’aucune ne parvienne jusqu’au<br />

bout : « On a mis la barre vraiment très<br />

haut. »<br />

Un peu plus loin, Hodder, accroché à<br />

son talkie-walkie, est sur les dents. Cette<br />

aventure, qui a commencé avec Flavelle<br />

lors d’une rencontre dans un coffee shop<br />

aux États-Unis, est devenue au fil des<br />

mois une énorme entreprise qui a déjà<br />

englouti des dizaines de millions de dollars.<br />

Flavelle : « On aimerait éviter un<br />

trop grand nombre d’abandons… en<br />

même temps, on a peur que personne ne<br />

puisse terminer. Imaginez que l’on se<br />

dise le premier jour : “En fait, la course<br />

est trop difficile !’’ »<br />

Jour J, c’est le départ : tassées sur<br />

leurs camakaus, les 66 équipes s’élancent<br />

dans un brouhaha assourdissant,<br />

pagayant avec force pour rejoindre la<br />

mer et dresser les voiles. Tous se dirigent<br />

vers l’embouchure d’une rivière, qui va<br />

les amener au cœur de l’île. Certaines<br />

équipes, impatientes, ont déjà chaviré.<br />

Car évidemment, cette première journée<br />

ne se passe pas sans heurts : une des<br />

équipes a endommagé son embarcation<br />

après avoir percuté un pont, obligeant<br />

Hodder à intervenir sur place en hélicoptère.<br />

De même, l’absence totale de vent,<br />

cas pourtant extraordinaire aux Fidji, a<br />

rendu l’épreuve de navigation très compliquée,<br />

forçant les participants à effectuer<br />

tout le trajet à la rame. La première<br />

équipe à finir l’épreuve doit finalement<br />

arrêter après qu’un de ses membres a<br />

succombé à une insolation, et lorsque les<br />

vents décident de se lever, la dernière<br />

équipe de la journée se retrouve prise au<br />

milieu de rafales violentes. Et chavire.<br />

Tous ces incidents n’empêchent pas<br />

Kevin Hodder, le jour suivant, de pousser<br />

un gros soupir de soulagement : « Le test<br />

est passé », dit-il. Les jours suivants, certaines<br />

équipes abandonneront ou seront<br />

éliminées. D’autres poursuivront leur<br />

route vers ce terrible canyon aux eaux<br />

glaciales qui sera pour beaucoup l’heure<br />

de vérité : « l’épreuve du feu ».<br />

Passera, passera pas ? À vous de voir<br />

sur Amazon Prime, avec la diffusion de<br />

la série Eco-Challenge.<br />

THE RED BULLETIN 63


« MON NOUVEL<br />

ALBUM M’A<br />

SAUVÉ »<br />

Les diagnostics en début d’année étaient<br />

terribles : OZZY OSBOURNE souffre de la<br />

maladie de Parkinson et est en phase<br />

terminale. Mais cela n’a pas empêché le<br />

« prince des ténèbres » de sortir son<br />

premier album depuis dix ans. Discussion<br />

autour des extraterrestres, de son accident<br />

de quad et de la force positive du rock.<br />

Texte MARCEL ANDERS Photos ELLIOTT MORGAN/KINTZING<br />

64


PROMO SUR LES CANAPÉS<br />

La légende du metal Ozzy Osbourne reçoit<br />

dans sa villa de West Hollywood : « Je veux<br />

que les gens s’amusent - et moi aussi. »


« À rester allongé sur ton<br />

canapé toute la journée,<br />

tu deviens fou, lentement<br />

mais sûrement. »<br />

ON LE SURNOMME LE MADMAN<br />

Même si cette image n’en témoigne pas<br />

forcément : Ozzy Osbourne ne touche plus ni<br />

à l’alcool ni à la drogue depuis des années.


Jai rendez-vous dans l’énorme villa<br />

des Osbourne à Hancock Park, une<br />

enclave de célébrités dans le West<br />

Hollywood. Le chanteur d’origine<br />

britannique vit ici dans une imposante<br />

baraque de treize millions de dollars, avec sept<br />

chambres à coucher, six salles de bains, douze chiens,<br />

un assistant personnel, une gouvernante et un écriteau<br />

à la porte qui affiche : « Attention au propriétaire ».<br />

Le dangereux propriétaire porte des lunettes de soleil,<br />

marche avec une canne, baille – encore somnolent peu<br />

après 13 heures – et se met parfois à bégayer au point<br />

qu’il en devient incompréhensible. Pour échapper à l’agitation<br />

des chiens, il suggère que nous passions au soussol,<br />

dans son cinéma privé, meublé de fauteuils rembourrés.<br />

Sur les murs de l’escalier : ses disques d’or et de<br />

platine – ils brillent comme si l’on venait de les astiquer.<br />

Celui qui a fondé le heavy metal dans les années 70<br />

avec son groupe Black Sabbath prend une gorgée d’eau<br />

Fiji, se penche en avant dans son fauteuil et s’enquiert<br />

avec sollicitude de l’heure d’arrivée de mon vol, d’où je<br />

suis parti et de mon état général. « Tu souffres du putain<br />

de décalage horaire ? Je connais ça… »<br />

the red bulletin: Pour quelqu’un qui était sur<br />

le point de mourir il y a quelque temps, vous avez<br />

l’air incroyablement joyeux.<br />

ozzy osbourne : Oh oui...<br />

C’était sérieux à ce point ?<br />

L’année dernière a été un cauchemar. Avant cela aussi.<br />

Ça a vraiment été un truc après l’autre. Pourtant, j’ai<br />

arrêté de fumer et de boire il y a longtemps. Et je ne<br />

prends plus aucune drogue, rien du tout. Mais il y a<br />

toujours cette merde qui me tombe dessus. En gros,<br />

ce sont encore les conséquences de l’accident de quad<br />

en 2003 quand je me suis cassé le cou, la clavicule et<br />

plusieurs côtes.<br />

Se pourrait-il qu’avec l’âge, vous soyez devenu plus<br />

sensible à ces blessures ?<br />

Il semblerait. Parfois, c’est de ma faute. Par exemple,<br />

une fois, je me suis réveillé la nuit parce que j’avais<br />

envie de pisser. Je suis allé aux toilettes et en revenant,<br />

il faisait si sombre que j’ai trébuché et je me suis étalé<br />

de tout mon long. Je suis tombé, le dos contre le sol.<br />

Il y a eu un bruit horrible et j’ai vu des éclairs. Ma première<br />

pensée a été : « Espèce d’idiot ! » J’ai passé les<br />

trois mois suivants à l’hôpital.<br />

LA MAISON OZZY<br />

Le Prince des Ténèbres ne se cogne plus<br />

dans les murs : il dispose d’espace pour ses<br />

antiquités et ses fauteuils rembourrés.<br />

Le grand Ozzy Osbourne se soucie-t-il de la mort<br />

comme le suggèrent certaines de ses chansons,<br />

telles que Under <strong>The</strong> Graveyard (trad. sous le<br />

cimetière) ?<br />

Qui ne le fait pas ? Après tout, la mort est inévitable…<br />

Nous allons tous y passer un jour ou l’autre. Et puis,<br />

on ne peut rien emporter avec nous.<br />

L’enregistrement d’Ordinary Man, votre nouvel<br />

album, avait-il quelque chose de thérapeutique,<br />

comme un défi, un coup de pied au cul ?<br />

Absolument ! Je me sentais prisonnier dans ma propre<br />

maison. Quand tu restes allongé sur ton canapé toute<br />

la journée, et que tu fais toujours la même chose – et<br />

en plus, vraiment pas grand-chose –, tu deviens fou,<br />

lentement mais sûrement. Tu perds complètement la<br />

boule et tu te dis sans cesse : « Voilà. T’es fini. » Mais<br />

quand on a fait l’album, ça s’est brusquement arrêté.<br />

Ordinary Man m’a sauvé.<br />

Pourquoi n’avez-vous pas sorti d’album depuis si<br />

longtemps ? Cela fait dix ans depuis Scream.<br />

Parce que l’industrie a complètement changé. Il y a des<br />

trucs comme Spotify ou je ne sais quoi. Je n’ai aucune<br />

idée de ce que c’est ni de comment cela fonctionne. Je<br />

ne sais pas non plus ce que l’on reçoit pour sa musique.<br />

C’est un mystère pour moi. Tant de choses ont changé<br />

au cours des dix dernières années que je suis complètement<br />

dépassé.<br />

Vous ne pourriez donc pas imaginer commencer<br />

aujourd’hui une carrière comme celle que vous<br />

avez eue ?<br />

Je ne saurais pas quoi faire – je n’en ai vraiment pas<br />

la moindre idée.<br />

THE RED BULLETIN 67


Vous devriez probablement passer une<br />

audition...<br />

Ouais, tout est basé sur des putains de<br />

séries télé comme America’s Got Talent.<br />

C’est vraiment triste.<br />

Le rock’n’roll est-il mort ?<br />

Je ne sais pas, mais je pense qu’il y aura<br />

toujours un public pour la musique live –<br />

même si les albums se vendent de moins<br />

en moins. Maintenant, les gens dansent<br />

sur de la musique contenue sur des ordinateurs.<br />

(rires) Mais ce que je n’aime<br />

vraiment pas, c’est que certains artistes<br />

font aussi cela sur scène. Tout ce que je<br />

peux dire c’est putain de merde, il y a des<br />

trucs vraiment moches dans le monde de<br />

la musique aujourd’hui. Mon producteur,<br />

Andrew Watt, m’a dit que la plupart des<br />

jeunes avec lesquels il travaille ne savent<br />

pas chanter ou faire quoi que ce soit. Et<br />

c’est pourquoi ils disparaissent aussi vite<br />

qu’ils sont apparus.<br />

Après cinquante ans de métier, vous<br />

avez encore beaucoup de succès. Une<br />

explication à ce sujet ?<br />

Je ne peux pas répondre à cette question<br />

– parce que j’ignore la réponse, tout simplement.<br />

L’un des moments forts de vos années folles a été<br />

une réunion de votre label à Francfort au milieu<br />

des années 80. La légende veut que vous ayez dansé<br />

à poil sur une table de conférence et pissé dans les<br />

verres de bon vin des patrons.<br />

(rires) Oh, mec !<br />

Avez-vous vraiment fait cela ?<br />

Pourquoi penses-tu qu’il m’a fallu tant de temps pour<br />

avoir du succès en Europe ? Ma maison de disques<br />

m’a mis sur la voie de l’évitement. Il a fallu presque<br />

vingt ans pour me faire pardonner. J’étais incorrigible<br />

– je suis allé jusqu’à l’extrême.<br />

Et vous n’avez rien ménagé : l’alcool, la drogue,<br />

les fourmis…<br />

Ozzygraphie<br />

Une carrière en<br />

montagnes russes<br />

Abandon précoce de l’école,<br />

marginalité, petite délinquance<br />

: la vie de John<br />

Michael Osbourne, 71 ans,<br />

commence mal mais se poursuit<br />

mieux : il devient une<br />

star en tant que chanteur de<br />

Black Sabbath, groupe pionnier<br />

du heavy metal. À partir<br />

de 1979, il parcourt le monde<br />

et réalise onze albums qui se<br />

vendent à plus de cent millions<br />

d’exemplaires. Ozzy<br />

arrache la tête des chauvessouris<br />

avec ses dents, urine<br />

sur les monuments, et brille<br />

dans la série Les Osbournes.<br />

Il a 5 enfants, 15 tatouages<br />

et est sobre depuis 7 ans.<br />

Tout à fait. Mais le plus important c’est<br />

que je ne sois pas encore fini ! Je veux<br />

dire que je ne suis qu’au stade 2 de la<br />

maladie de Parkinson – qui n’est en<br />

aucun cas une condamnation à mort,<br />

ce n’est qu’une étape préliminaire. Mais<br />

quand j’ai eu cet accident de quad, j’ai<br />

vraiment réfléchi : est-ce la fin ? Quelle<br />

fin de course pathétique ! Et j’espère que<br />

c’est loin d’être la fin, que je peux encore<br />

faire de la musique.<br />

À 71 ans et avec cinquante ans<br />

d’expérience dans le monde de la<br />

musique : qu’est-ce qui vous met<br />

encore en colère aujourd’hui ?<br />

Les enfoirés comme Donald Trump. Il<br />

me rend furieux. Je sais bien que tous les<br />

politiciens mentent comme des malades.<br />

Chacun d’eux, quel que soit leur camp.<br />

Ils ne disent que ce qu’ils croient être<br />

approprié au moment présent – ce que<br />

les gens veulent entendre. Mais Trump<br />

n’attend même pas que tu digères le premier<br />

tas de merde qu’il te donne à manger,<br />

il te livre le suivant tout de suite.<br />

Que ferait le président Osbourne pour sauver<br />

le monde ?<br />

Oh, il y aurait un grand concert de rock’n’roll. Je m’assurerais<br />

certainement que l’ambiance ici soit meilleure.<br />

Et quand je regarde ce type en Angleterre – quel est son<br />

nom ? Boris Johnson ? Quel putain d’idiot ! Tout ce que<br />

je peux dire, c’est que je ne comprends pas. Les gens<br />

n’apprennent donc pas du passé ?<br />

Parlons de l’avenir. Que pensez-vous du mouvement<br />

Fridays For Future ?<br />

Du quoi ?<br />

Le mouvement de jeunes qui marchent tous les<br />

vendredis pour protester contre le réchauffement<br />

climatique.<br />

Quel intérêt ?<br />

« Ma maison de disques<br />

m’a mis sur la voie de<br />

l’évitement... Je suis<br />

allé jusqu’à l’extrême. »<br />

Tout d’abord, il est censé attirer l’attention.<br />

Et qu’est-ce que cela donne ? Je veux dire, comment<br />

penses-tu qu’ils réagiront quand ils manqueront d’électricité<br />

? Qui, comme nous le savons tous, provient en<br />

grande partie des combustibles fossiles ou de l’énergie<br />

nucléaire. Quand ils devront se passer complètement<br />

de ces commodités ? Nous nous plaignons tous<br />

constamment de choses qui nous manqueraient grandement<br />

si elles n’étaient plus là. À part cela, à quoi bon si<br />

quelque chose se passe dans un pays mais pas ailleurs ?<br />

Le monde devrait s’entendre sur ce point – et le plus<br />

rapidement possible. Sinon, nous sommes condamnés.<br />

Parlant de l’avenir… Dans la chanson Scary Little<br />

Green Men de votre nouvel album, vous affirmez<br />

GETTY IMAGES<br />

68 THE RED BULLETIN


MASTER OF PUPPIES<br />

Douze chiens sont à l’origine des méfaits<br />

sur la propriété d’Ozzy. La plupart d’entre<br />

eux viennent de refuges pour animaux.


METAL À L’EAU<br />

Dans son dernier album, le « parrain du<br />

metal » fait aussi entendre des nuances<br />

plus calmes et mélancoliques.<br />

Mais, vu la situation actuelle, il n’est pas encore<br />

certain que vous pourrez faire cette tournée.<br />

Bon, c’est sûr, si je ne me mets pas en forme à temps,<br />

je devrais tout remettre à plus tard. Tout simplement<br />

parce que je ne veux montrer aucune défaillance, monter<br />

sur scène et me casser la gueule. Autant que possible,<br />

je veux éviter un truc aussi gênant. Après tout, je<br />

ne veux pas m’autodétruire. Je ne veux pas m’effondrer<br />

sur scène, faire une sortie brutale ou devenir la risée<br />

du monde.<br />

Mais vous ne prévoyez pas de prendre votre<br />

retraite ?<br />

Pas encore. Je vais continuer à faire de la musique<br />

jusqu’à ce que je sois complètement paralysé.<br />

que nous sommes infiltrés par des extraterrestres<br />

depuis longtemps. Qu’est-ce qui vous fait dire cela ?<br />

Parce que c’est tout ce que l’on voit à la télévision : des<br />

extraterrestres. Et peux-tu imaginer ce que ce serait si<br />

des petits hommes verts venaient réellement sur Terre ?<br />

La première chose qui intéresserait tout le monde serait<br />

de savoir de quelles armes ils disposent et comment y<br />

avoir accès. Ensuite, ce serait : désolé, nous n’aimons pas<br />

la couleur de votre peau, alors cassez-vous. Si nous ne<br />

pouvons pas nous entendre entre nous, quelles sont les<br />

chances que nous nous entendions mieux avec les extraterrestres<br />

? À moins qu’on ne leur prépare un festin...<br />

Votre prochaine tournée mondiale No More Tours 2<br />

est prévue pour l’automne. Est-ce vraiment la<br />

dernière cette fois-ci ou risquez-vous encore une<br />

rechute ?<br />

C’est vraiment ma dernière tournée mondiale. Tout<br />

simplement parce que je ne suis plus capable de faire<br />

quelque chose d’aussi long. Mais je continuerai à donner<br />

des concerts, ici et là. Je pense que je serai meilleur<br />

à long terme, surtout en ce qui concerne la qualité des<br />

spectacles.<br />

« Je vais continuer à<br />

faire de la musique<br />

jusqu’à ce que je sois<br />

complètement paralysé. »<br />

Le titre de la chanson Ordinary Man – un duo avec<br />

votre vieil ami Elton John – parle du fait que l’une<br />

de vos plus grandes craintes est de mourir comme<br />

une personne normale et d’être rapidement oublié.<br />

C’est vrai ?<br />

Disons que lorsque j’ai commencé dans la musique,<br />

j’étais un type normal. J’étais le prototype d’un type<br />

normal. Et la musique était tout pour moi, elle m’a tout<br />

donné. Mais je n’avais pas de talent particulier. Je ne<br />

sais donc pas comment tout cela est arrivé. C’était probablement<br />

mon destin, et j’ai juste eu de la chance.<br />

Si les gens se souviennent de moi, c’est génial. Sinon,<br />

ce n’est pas grave. Mais je n’ai jamais fait cela pour<br />

devenir célèbre. Je voulais seulement que les gens<br />

s’amusent – et moi aussi.<br />

Est-il vrai que votre femme Sharon envisage de<br />

faire un film sur votre relation ?<br />

Oui, cela devrait raconter comment Sharon et moi nous<br />

sommes rencontrés, comment nous sommes tombés<br />

amoureux et quel genre de relation folle nous avons eu<br />

au fil des ans. Parce que c’était vraiment ça. J’ai déjà été<br />

marié avant elle, mais ça n’a pas marché. J’étais tout le<br />

temps maboule.<br />

Tandis que Sharon était de plus en plus stable ?<br />

Tu veux que je te dise ? Je pense que l’on ne rencontre<br />

l’âme sœur qu’une seule fois dans sa vie. Et c’est ce<br />

qu’elle est pour moi. Nous aimons les mêmes choses<br />

et nous détestons les mêmes choses. Je l’aime, et nous<br />

sommes ensemble depuis quarante ans, dont 38 ans<br />

de mariage. Bien sûr, nous avons eu des hauts et des<br />

bas. Et il est arrivé plus d’une fois que je ne rentre pas<br />

à la maison ou quelque chose comme ça. Mais elle m’a<br />

toujours repris, elle a même réussi à me faire lâcher<br />

l’alcool pour de bon.<br />

Dernière question, parce que vous êtes un fan<br />

avoué des géniaux comiques anglais Monty Python :<br />

quel est le sens de la vie pour Ozzy Osbourne ?<br />

Le sens de la vie est de regarder en arrière à la fin et<br />

de pouvoir dire : je l’ai fait à ma façon.<br />

L’album Ordinary Man est déjà disponible. ozzy.com<br />

70 THE RED BULLETIN


DONNE DES AIIILES.<br />

NOUVEAU : GOÛT PASTÈQUE.<br />

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Sur le dos de la Bête<br />

Au cours de son travail sur la piste des migrants<br />

mexicains, le photographe et graffeur anglais<br />

PABLO ALLISON a été emprisonné, dévalisé et<br />

tenu en joue. Mais il n’a jamais songé à renoncer.<br />

Texte RUTH McLEOD<br />

Photos PABLO ALLISON<br />

La poursuite d’un rêve (de haut en bas, de g. à dr.) : des migrants sur le toit d’un camion (Mexique) ;<br />

une peinture murale d’Allison à Shoreditch (Londres) ; après 15 jours de voyage à travers le sud du<br />

Mexique, la foule grimpe dans un train de marchandises ; hommage aux « braves migrants » ; au sommet<br />

de « la Bête » après plus de quatre semaines à travers l’Amérique centrale ; pneus, plastique,<br />

bois et tout autre matériau inflammable sont brûlés pour se réchauffer ; un message d’espoir ;<br />

David du Guatemala, échoué dans l’État de Sonora dans le but d’atteindre la frontière américaine.


73


« Nous devrions tirer<br />

des enseignements de<br />

l’expérience des<br />

migrants plutôt que<br />

de les diaboliser. »


En long et en large : le message des graffitis d’Allison est limpide. L’amour est plus fort que la peur.<br />

GEORGE MARSHALL<br />

I<br />

l est minuit et Pablo Allison s’accroche<br />

au sommet d’un train de<br />

marchandises lancé à toute<br />

vitesse vers le sud à travers le<br />

désert mexicain. Une pluie intense meurtrit<br />

son corps, il fait un froid glacial. Le<br />

train tremble. Il roule bruyamment à<br />

100 km/h et Allison se cramponne à<br />

grand peine, de crainte de tomber dans<br />

l’obscurité pendant ce périple de dix<br />

heures. Voyager dans l’illégalité sur ce<br />

réseau industriel comporte de nombreux<br />

risques – il n’est pas rare non plus que ces<br />

longs trains déraillent. Il n’en reste pas<br />

moins que des rares possibilités de voyage<br />

offertes aux migrants qui traversent le<br />

Mexique, celle-ci est la plus sûre.<br />

Le photographe et graffeur Pablo<br />

Allison effectue ces voyages avec eux<br />

depuis plus de trois ans afin de documenter<br />

et de mieux comprendre les<br />

expériences de quelques-uns parmi les<br />

dizaines de milliers de migrants qui<br />

traversent le pays chaque année en<br />

direction des États-Unis. Allison a commencé<br />

à circuler dans ces trains en 2016,<br />

dans le but de photographier les paysages<br />

inaccessibles le long des lignes de<br />

chemin de fer privées du Mexique. « Sauf<br />

que j’ai réalisé que je ne pouvais pas<br />

détourner mon objectif des migrants que<br />

je rencontrais. Je suis fasciné par la persévérance,<br />

la force, la façon dont les gens<br />

effectuent ces voyages extraordinairement<br />

difficiles. Leur détermination pour<br />

s’échapper, pour chercher une vie meilleure,<br />

est stupéfiante. »<br />

La plupart des migrants qu’Allison<br />

rencontre fuient la pauvreté, la violence,<br />

voire les deux. Il y a des hommes, des<br />

femmes, des enfants, des jeunes et des<br />

moins jeunes issus de tous les milieux<br />

et toutes les situations, venus du monde<br />

entier, qui luttent contre les difficultés<br />

et des conditions souvent hostiles pour<br />

commencer une nouvelle vie.<br />

« Certains viennent d’aussi loin que<br />

l’Irak, la Syrie, l’Iran, le Bangladesh et<br />

se retrouvent en Amérique du Sud. Ils se<br />

lancent ensuite dans un périple à travers<br />

différents pays, traversent la célèbre<br />

jungle sans foi ni loi du sud de la Colombie,<br />

la région du Darién, puis arrivent de<br />

peine et de misère au Panama. Une fois<br />

au Mexique, ils sont loin d’être “arrivés”…<br />

Ce sont des gens dont nous, qui<br />

menons une vie passablement confortable,<br />

devrions tirer des enseignements,<br />

plutôt que de les diaboliser ou de les traiter<br />

comme des criminels. »<br />

Quand Allison rencontre <strong>The</strong> <strong>Red</strong><br />

<strong>Bulletin</strong> en février <strong>2020</strong>, il est loin<br />

du Mexique, dans la ville côtière<br />

de Hastings, en Angleterre. Allison<br />

est au Royaume-Uni pour animer un atelier<br />

sur la migration lors d’un événement<br />

de street art : peindre à la bombe un mur<br />

de la ville et y écrire le poème d’un<br />

migrant guatémaltèque avec lequel il<br />

a voyagé. Ces dernières années, Allison<br />

a animé des ateliers dans plusieurs pays,<br />

THE RED BULLETIN 75


dans des galeries d’art et des centres<br />

de réfugiés, utilisant à la fois ses talents<br />

de photographe et de graffeur pour<br />

rejoindre un large public. Il a publié un<br />

livre consacré à certains de ses travaux<br />

photographiques qui sortira dans le courant<br />

du mois. Cependant, Allison n’a pas<br />

de visées politiques. « Je fais toujours<br />

attention à ne pas prêcher au sujet des<br />

questions sociales et politiques, dit-il.<br />

On a tous notre opinion sur ce qu’est la<br />

migration et je ne suis pas là pour dire<br />

quoi penser. Je présente mon expérience<br />

telle que je l’ai documentée et nous discutons.<br />

Ce projet vise avant tout à m’aider<br />

à comprendre la réalité complexe des<br />

personnes qui doivent fuir des situations<br />

très difficiles. Le véritable objectif a toujours<br />

été pour moi de devenir une meilleure<br />

personne. »<br />

La passion d’Allison remonte à sa jeunesse.<br />

Né à Manchester, il a déménagé<br />

avec sa famille au Mexique, d’où sa mère<br />

est originaire, lorsqu’il avait trois ans. Le<br />

gamin avait un esprit curieux et ses<br />

parents étaient libéraux. « Les seules<br />

règles de ma mère: pas de drogue et pas<br />

d’amitié avec des partisans nazis »,<br />

explique-t-il. Il a donc commencé à explorer<br />

le Mexique des années 90. « Vers mes<br />

seize ans, je prenais l’appareil photo de<br />

mes parents et je photographiais des graffitis.<br />

J’allais dans les gares de la banlieue<br />

pour taguer des trains, raconte Allison,<br />

aujourd’hui âgé de 38 ans. J’ai constaté<br />

que des gens voyageaient sur le toit de<br />

ces trains qui circulent entre le Mexique,<br />

les États-Unis et le Canada. »<br />

Le parcours d’Allison a été tumultueux.<br />

Il a été emprisonné au Royaume-<br />

Uni et aux États-Unis, et détenu sous la<br />

menace d’une arme à feu au Mexique,<br />

des épisodes qui ont façonné son travail<br />

actuel. « Le fait qu’on m’ait privé de<br />

liberté m’a fait réaliser à quel point il est<br />

important d’être créatif. L’art, c’est la<br />

liberté. Même dans ces moments, j’étais<br />

toujours libre car je pouvais me servir<br />

de ma tête. »<br />

Allison a été envoyé en prison pour<br />

la première fois en 2012, dix ans après<br />

un retour au Royaume-Uni pour découvrir<br />

la scène du graffiti et étudier la photographie<br />

documentaire. « L’énergie de<br />

Londres était très inspirante. Le graffiti<br />

appartient aux environnements urbains<br />

et j’étais profondément intéressé. C’est<br />

l’adrénaline, la rébellion, la créativité,<br />

la curiosité. Le graffiti a joué un rôle<br />

important dans mon éducation. Je n’ai<br />

jamais considéré cela comme quelque<br />

chose de destructeur. »<br />

Mais à l’approche des Jeux olympiques,<br />

la police londonienne<br />

a fait le ménage. Allison a été<br />

condamné à 19 mois de prison,<br />

dont six à la prison de Wormwood<br />

Scrubs (Londres), pour avoir tagué des<br />

trains. « Je ne considère pas les graffitis<br />

comme un acte criminel, se défend-il.<br />

Mais j’ai toujours été conscient des<br />

risques de me faire arrêter. Il s’agissait<br />

de compléter ma peine afin que je puisse<br />

partir et commencer une nouvelle vie. »<br />

Pendant son incarcération, Allison<br />

a collaboré avec sa sœur Roxana, photographe<br />

elle aussi, sur un projet créatif<br />

consacré à cette expérience. Il a lu, écrit<br />

et dessiné. « Tout ce que je voulais, c’était<br />

rester enfermé dans ma cellule. J’avais<br />

tellement de choses à faire. Je ne voulais<br />

pas perdre de temps. » Il en sort plus<br />

sérieux, plus solitaire et moins agité. Il<br />

arrête le graffiti. Mais il continue à travailler<br />

sur des projets liés à la migration<br />

et à l’identité tout en exerçant plusieurs<br />

emplois à Londres, notamment au sein<br />

d’organisations caritatives comme<br />

Amnesty International et Action Aid.<br />

Son idée pour le projet consacré au<br />

Mexique commence à prendre forme.<br />

« J’ai réalisé que je voulais y retourner<br />

pour appliquer les connaissances que<br />

« L’idée de Trump que les migrants seraient tous des criminels,<br />

c’est de la foutaise. Il y aura toujours des exceptions,<br />

mais les gens avec lesquels je suis devenu ami travaillent dur. »<br />

L’hommage aux Migrantes Valientes. Les pierres tombales portent les noms de certains des pays de naissance des migrants.<br />

76 THE RED BULLETIN


GEORGE MARSHALL<br />

« Ces gens qui s’embarquent dans<br />

des voyages à l’issue incertaine sont<br />

plutôt optimistes et enthousiastes. »<br />

j’avais acquises au sein de ces organisations.<br />

J’étais très motivé pour repartir de<br />

zéro là-bas. » En 2016, il retourne à<br />

Mexico pour commencer à photographier<br />

les paysages que voient les migrants lorsqu’ils<br />

voyagent en train, un projet qu’il<br />

pensait pouvoir réaliser en un an mais<br />

qui s’est transformé en deux projets dans<br />

trois pays, qui sont toujours en cours<br />

près de quatre ans plus tard.<br />

Allison a rapidement fait l’expérience<br />

directe de la vulnérabilité des personnes<br />

qui empruntent ces trajets. « Pour aller<br />

du sud au nord, un seul train ne suffit<br />

pas. Il faut comprendre la route que l’on<br />

emprunte ; il faut monter et descendre.<br />

Ces trains de marchandises transportent<br />

des milliers et des milliers de dollars de<br />

marchandises vers les États-Unis ou le<br />

Canada. Des banditos volent régulièrement<br />

des céréales, des téléviseurs, etc.<br />

Il est donc très risqué de voyager de cette<br />

façon. » Allison a été témoin de violences,<br />

a été dévalisé et a failli être tué, il y a deux<br />

ans, par un gang de criminels alors qu’il<br />

voyageait avec deux amis. « Nous avons<br />

été détenus dans un train sous la menace<br />

d’une arme, dit Allison. J’ai prié pour<br />

avoir la vie sauve. Nous avons eu de la<br />

chance de nous en sortir vivants. » Et<br />

pourtant, Allison était de retour au travail<br />

le mois suivant, armé de son appareil<br />

photo, voyageant à pied et en train avec<br />

un convoi d’environ 7 000 personnes.<br />

« Il faut parfois arriver à oublier certaines<br />

choses pour pouvoir continuer. C’est ce<br />

que j’ai choisi de faire. »<br />

Puis l’année dernière, la détermination<br />

d’Allison a été une nouvelle fois mise à<br />

l’épreuve. Après s’être vu refuser l’entrée<br />

au Canada, des agents américains ont<br />

découvert qu’Allison avait dépassé la<br />

durée de validité du visa qui lui avait été<br />

délivré après avoir assisté à une exposition<br />

à New York quelques mois plus tôt.<br />

Il a été détenu par le département de l’immigration<br />

et des douanes et emprisonné<br />

à Tacoma, dans l’État de Washington. Une<br />

erreur administrative selon Allison, qui<br />

passera près d’un mois en prison.<br />

Enfermé à nouveau, il se plonge dans<br />

l’écriture et le dessin. Il fait poser ses<br />

codétenus pour des portraits et réussi à<br />

dégager pour chacun d’entre eux des<br />

aspects positifs, palliant ainsi à l’angoisse<br />

de ces immigrants illégaux en attente<br />

d’être expulsés. « Nous plaisantions sur<br />

la situation. J’ai tellement ri. Ce fut une<br />

véritable thérapie. J’ai réalisé que je<br />

n’avais pas besoin d’aller au Canada.<br />

J’avais besoin d’être dans cette prison.<br />

C’est là que le travail que je fais avec passion<br />

depuis quelques années devait me<br />

conduire: au centre de détention dont<br />

j’avais entendu parler par les migrants.<br />

Lorsque j’étais enfermé dans cette prison,<br />

j’étais traité comme n’importe quel autre<br />

prisonnier. C’était la première fois que je<br />

me sentais comme une personne non privilégiée<br />

travaillant sur ce sujet. »<br />

Après qu’Allison ait été autorisé à partir,<br />

il a attendu dans une cellule de détention.<br />

« La plupart des gens qui étaient là<br />

avec moi étaient en train d’être expulsés<br />

et perdaient tout ce qu’ils avaient, mais<br />

c’était une fête. Nous étions toujours<br />

enfermés, mais c’était une célébration<br />

de la liberté. »<br />

Allison est de nouveau sur la piste<br />

des migrants au Mexique. « Les<br />

gens essaient toujours d’échapper<br />

aux mauvaises conditions, dit-il,<br />

la migration ne s’arrête pas. » Comment<br />

envisage-t-il la fin de ses projets ?<br />

« Lorsque cela cesse de me stimuler, je<br />

m’arrête, déclare-t-il. Mais malgré les<br />

dangers, je me sens toujours vivre. J’ai vu<br />

des gens trouver la force d’aller de l’avant.<br />

Ces gens qui s’embarquent dans des<br />

voyages à l’issue incertaine pour essayer<br />

de survivre et de vivre – et peut-être un<br />

peu plus que cela – apprécient la vie. Ils<br />

sont plutôt optimistes, résistants et<br />

enthousiastes. Ils rigolent. Cela me fascine.<br />

Nous devrions célébrer la migration<br />

et la considérer non pas comme un problème<br />

mais comme un phénomène. L’idée<br />

de Trump qu’ils seraient tous des criminels,<br />

c’est de la foutaise. Il y aura toujours<br />

des exceptions, mais tous les gens avec<br />

lesquels je suis devenu ami sont des gens<br />

qui travaillent dur. »<br />

C’est ce concept d’optimisme dans la<br />

difficulté qui a inspiré le titre du prochain<br />

livre d’Allison, <strong>The</strong> Light of the Beast (trad.<br />

La lumière de la Bête). « La Bête est le nom<br />

que les migrants ont donné au train,<br />

explique-t-il. C’est dangereux, il y a le<br />

grondement du moteur. C’est comme un<br />

énorme monstre sur le dos duquel les<br />

gens doivent grimper. La lumière, c’est<br />

aussi l’espoir qu’il représente. »<br />

<strong>The</strong> Light of the Beast aux éditions<br />

Pavement (en anglais). La galerie Make<br />

Your Mark à Helsinki consacre une expo<br />

au travail d’Allison (2-30 septembre).<br />

pabloallison.co.uk<br />

THE RED BULLETIN 77


HORS DU COMMUN<br />

Retrouvez votre prochain numéro le 1 octobre avec et le 8 octobre avec<br />

dans une sélection de points de vente et en abonnement.<br />

JAANUS REE/RED BULL CONTENT POOL


PERSPECTIVES<br />

Expériences et équipements pour une vie améliorée<br />

L’AVENTURE<br />

INTÉRIEURE<br />

Comment les<br />

cyclistes pro<br />

restent en forme,<br />

même chez eux.<br />

TWO26 PHOTOGRAPHY<br />

THE RED BULLETIN 79


PERSPECTIVES<br />

fitness<br />

« Sur la ligne de départ,<br />

j’étais avec des champions et championnes<br />

olympiques, des athlètes<br />

Ironman et des stars du cyclisme que<br />

je n’aurais jamais pu côtoyer IRL. »<br />

Ruth Astle<br />

V<br />

oilà l’aube. Je suis sur mon<br />

vélo, le cœur battant à l’idée<br />

de me retrouver côte à côte avec des<br />

cyclistes du monde entier. C’est la<br />

toute première fois que je participe à<br />

un critérium : un circuit en ville comprenant<br />

quatorze tours intenses de<br />

1,9 km chacun. Dans quelques instants,<br />

tout le monde partira en flèche<br />

avec le coup de pistolet – j’aurai les<br />

poumons et les jambes en feu car je<br />

pédalerai à fond pour rester calée sur<br />

le peloton de tête.<br />

Après 38 minutes à tout donner et<br />

un sprint au mauvais moment, je passe<br />

la ligne d’arrivée, épuisée, mais cinquième<br />

derrière les championnes de<br />

triathlon Lucy Charles-Barclay et<br />

Sophie Coldwell. Ce ne sont pas des<br />

participantes typiques à un critérium,<br />

mais ce n’est pas non plus ma course<br />

standard. D’abord, je suis moi-même<br />

une triathlète Ironman plutôt habituée<br />

à des courses de vélo de 180 km après<br />

avoir nagé 3,9 km. Et je suis installée<br />

sur un home trainer… Nous sommes<br />

toutes en train de faire la course via<br />

Zwift, une plateforme virtuelle de<br />

cyclisme permettant d’entrer en compétition,<br />

lors de courses en temps réel,<br />

avec d’autres cyclistes du monde<br />

entier. Il y a quatre ans, je commençais<br />

juste avec Zwift, et m’entraînais tous<br />

les matins à 4 h 30 avant d’aller au<br />

travail. Depuis, cette plateforme de<br />

cyclisme a cartonné et fait partie intégrante<br />

de mon entraînement Ironman<br />

– tout particulièrement depuis ma fracture<br />

de la clavicule douze semaines<br />

seulement avant le championnat du<br />

monde à Kona, Hawaï, l’an dernier.<br />

Zwift répond aux besoins des<br />

cyclistes de tous niveaux. Tout ce qu’il<br />

vous faut est un vélo, un home trainer<br />

sur lequel vous le fixez (personnellement,<br />

j’utilise un Wahoo KICKR) et un<br />

ordinateur, Mac ou PC, une tablette,<br />

un smartphone, ou bien Apple TV.<br />

La plateforme convertit la puissance<br />

et la cadence produites sur le<br />

home trainer pour la transmettre à<br />

votre avatar qui avancera sur l’écran<br />

en fonction de vos performances sur<br />

votre vélo – imaginez un jeu vidéo où<br />

vous faites la course, mais ce sont vos<br />

propres muscles qui alimentent votre<br />

personnage. Il existe même des bonus<br />

pour profiter de l’aspiration, améliorer<br />

l’aérodynamique ou bien être invisible<br />

pendant dix secondes. Vous pouvez<br />

vous en servir de façon tactique tout<br />

en ayant d’éventuelles échappées sur<br />

le radar. Si vous lâchez le peloton de<br />

tête, c’est très dur de rattraper le coup.<br />

J’ai beau être seule sur mon vélo,<br />

il y a toujours des sportifs des quatre<br />

coins de la planète, et donc toujours<br />

quelqu’un avec qui s’entraîner ou pour<br />

Le même vélo sert à Astle en réel et sur Zwift. À droite : circuit Critérium Crit City Course.<br />

JEFF THOREN<br />

80 THE RED BULLETIN


PERSPECTIVES<br />

fitness<br />

Une pro<br />

en herbe<br />

Ruth Astle est une<br />

triathlète Ironman de<br />

31 ans ayant gagné<br />

une place à la Zwift Tri<br />

Academy en 2019.<br />

L’année dernière, lors<br />

du championnat du<br />

monde d’Ironman à<br />

Kona, elle a réalisé le<br />

meilleur temps parmi<br />

les sportifs amateurs.<br />

Cette année, elle<br />

débute comme athlète<br />

professionnelle.<br />

Instagram :<br />

@rastle50<br />

La maison Zwift pour les athlètes, à Kona, Hawaï, en octobre 2019. Astle s’entraîne pour le championnat du monde Ironman.<br />

faire la course. Nous sommes parfois<br />

près de 10 000. J’aime tout particulièrement<br />

mélanger différents « mondes »,<br />

dont certains reconstituent des villes<br />

comme Londres, ou bien les circuits<br />

de course des championnats du<br />

monde de l’UCI comme Innsbruck.<br />

L’île virtuelle de Zwift, Watopia, est<br />

mon monde préféré car on y trouve un<br />

peu de tout : du plat, des collines, des<br />

segments KOM (King of the Mountain)<br />

et même un volcan. J’aime faire mes<br />

séances courtes de vélo sur Zwift<br />

parce que je n’ai pas à me préoccuper<br />

des voitures ou des feux rouges – je<br />

fonce tête baissée. Mais il m’arrive<br />

également d’effectuer des courses<br />

de quatre ou cinq heures.<br />

THE RED BULLETIN 81


PERSPECTIVES<br />

fitness<br />

De l’un à l’autre<br />

Vos essentiels pour séances<br />

d’entraînement virtuel et réel.<br />

Montre de sport Suunto 5<br />

Rythme cardiaque et indicateurs<br />

de stress sont connectés à votre<br />

compte Strava combiné avec Zwift.<br />

L’épreuve de cyclisme du championnat du monde d’Ironman se déroule sur autoroute, donc Astle s’est<br />

préparée en terrain similaire sur Zwift. Cela l’a aidée lors de son passage en statut pro cette année.<br />

C’était notamment le cas l’année<br />

dernière, après mon opération de la<br />

clavicule, et j’ai eu la chance de gagner<br />

une place au sein de l’équipe mixte<br />

Zwift Tri Academy. Après être arrivés<br />

au championnat du monde de l’Ironman<br />

à Kona, nous étions dans une maison<br />

Zwift avec des écrans et des home<br />

trainers. Mes entraîneurs étaient des<br />

légendes de l’Ironman : Tim Don et<br />

Sarah True. Je pense que nous étions<br />

mieux accompagnés que 95 % des<br />

pros. Comme la course Ironman se<br />

déroule sur une autoroute, nous avons<br />

fait plusieurs séances Zwift pour nous<br />

entraîner en toute sécurité. Cela m’a<br />

beaucoup aidée pour passer du statut<br />

d’amateur à celui de pro au début<br />

de l’année.<br />

Avec ce concept, sur une ligne de<br />

départ, je me suis déjà retrouvée côte<br />

à côte avec des champions et championnes<br />

olympiques, des athlètes Ironman<br />

et des superstars du cyclisme sur<br />

piste – des personnes avec qui je n’aurais<br />

jamais eu l’occasion de faire la<br />

course dans la vraie vie. Ce n’est pas<br />

comparable à une rencontre dans le<br />

monde réel, mais c’est tout de même<br />

très motivant. Lorsque Lucy<br />

Charles-Barclay s’active devant moi,<br />

cela me donne envie de faire la course<br />

et de tout donner.<br />

zwift.com<br />

Parcours en ville<br />

Le segment critérium Bell Lap<br />

Distance : 1,9 km Dénivelé : 8 m Lead-in : 0,1 km<br />

« Voici un critérium bref et difficile de 14 tours,<br />

et 27 kilomètres au total, dit Astle. Mis à part<br />

quelques petites pentes de sept à dix pour cent<br />

qui vous coupent les jambes avant de récupérer<br />

en faisant l’aspi derrière le peloton, le terrain est<br />

plat. L’effort à fournir est bref et intense, donc restez<br />

avec le groupe en tête et surveillez ce que font<br />

les autres cyclistes. Chaque Zwifter a un PowerUp<br />

– un bonus – par tour, et pour faire un sprint, un<br />

Draft Boost permet d’augmenter l’aspi derrière<br />

les cyclistes de 50 % pendant 30 secondes.»<br />

Écouteurs Urbanista London<br />

Oreillettes sans fil à suppression de<br />

bruit active, commande vocale et<br />

tactile et quatre heures d’autonomie.<br />

Home trainer Wahoo KICKR<br />

Se connecte à Zwift via Bluetooth ou<br />

ANT+, afin de fournir une inertie et<br />

une résistance réalistes à votre vélo.<br />

Écran MSI Optix MPG341CQR<br />

Avec sa courbure de 1800R,<br />

ce moniteur gaming pro de 86cm<br />

est parfait pour des courses Zwift.<br />

JEFF THOREN<br />

82 THE RED BULLETIN


PERSPECTIVES<br />

gaming<br />

ESPORT<br />

Tous des<br />

pilotes !<br />

Les GP virtuels de Formule 1<br />

ont généré un nouveau type<br />

de pilote. Voici comment en<br />

devenir un à votre tour.<br />

La saison <strong>2020</strong> de F1 a décollé<br />

en juillet. Mais pendant son<br />

interruption de quatre mois,<br />

les fans ont été gâtés avec des<br />

compétitions de sim-racing<br />

avec les pilotes de F1 Alex<br />

Albon pour <strong>Red</strong> Bull Racing et<br />

Charles Leclerc pour Ferrari,<br />

qui ont rendu la vie dure à des<br />

adversaires novices, comme<br />

le footballeur Sergio Agüero<br />

de Manchester City.<br />

Ces participants exceptionnels<br />

ont eu droit à une<br />

préparation intensive pour<br />

apprendre à se servir d’un<br />

simulateur et du logiciel de<br />

simulation Codemasters F1<br />

2019. Marcel Kiefer, 21 ans,<br />

pro du sim- racing appartenant<br />

à l’équipe <strong>Red</strong> Bull<br />

Racing Esports a ainsi été<br />

surnommé « Le Technicien »<br />

par Albon, devenu son élève,<br />

qu’il a accompagné dans sa<br />

pratique du pilotage virtuel.<br />

Avec la dernière version<br />

du jeu F1 <strong>2020</strong>, devenons des<br />

pros de la course en simu<br />

grâce aux tuyaux de Kiefer...<br />

Décrochez la pole<br />

Le départ est crucial. « Soyez<br />

à l’avant et évitez l’air sale »,<br />

dit Marcel à propos des turbulences<br />

qui entraînent une<br />

réduction de la traînée dans<br />

le sillage des voitures. Pour<br />

cela, assurez vos qualifs.<br />

« Observez les pilotes les plus<br />

rapides, la ligne idéale ; et les<br />

phases de freinage pour des<br />

courses à faible consommation<br />

en carburant. »<br />

Démarrez en douceur<br />

« N’écrasez pas le champignon<br />

dès que les feux<br />

passent au vert, dit Kiefer.<br />

Le patinage fait relâcher la<br />

traction. Visez plutôt entre<br />

10 700 et 12 200 tr/min. »<br />

Maîtrisez vos virages<br />

La plupart des engagés ont<br />

tendance à survirer, Agüero<br />

inclus. « Si vous braquez trop,<br />

vous vous retrouverez en<br />

sous-virage, avec des températures<br />

de pneus plus élevées,<br />

et ça vous freine. »<br />

Restez vigilants<br />

Un tour parfait nécessite une<br />

certaine dextérité, mais la<br />

répétition nécessite de l’adrénaline.<br />

« C’est cela qui permet<br />

aux pilotes comme Alex<br />

Albon de rester concentrés<br />

pendant toute la course. De<br />

votre côté, développez une<br />

routine. Mémorisez et fixezvous<br />

des phases de freinage,<br />

de virage et d’accélération. »<br />

Le pilote <strong>Red</strong> Bull Racing Alex Albon dans son simu personnel.<br />

« N’écrasez pas<br />

le champignon<br />

dès que ça<br />

passe au vert ! »<br />

Marcel Kiefer<br />

Le pilote esport allemand pratique<br />

le sim-racing depuis 2017 et a remporté<br />

le GP de Grande-Bretagne lors<br />

des F1 Esports Pro Series en 2019.<br />

Dépassez-les tous !<br />

En F1, cela revient à utiliser<br />

le DRS – le système de réduction<br />

de la traînée monté sur<br />

l’aileron arrière – lorsque<br />

vous êtes à moins d’une<br />

seconde de la voiture vous<br />

précédant. « Sur la ligne<br />

droite de Baku (2,22 km, ndlr)<br />

vous pouvez doubler, créer<br />

un espace et détruire le DRS<br />

de l’autre voiture », dit Kiefer.<br />

Faites simple<br />

Pour votre simulateur à la<br />

maison, Kiefer recommande<br />

un support avec bon retour<br />

d’effort et un bon pédalier,<br />

le volant étant secondaire.<br />

« Pas besoin de cockpit. J’ai<br />

commencé sur une chaise, le<br />

volant fixé à un bureau. L’important,<br />

c’est de s’éclater. »<br />

F1 <strong>2020</strong> by Codemasters disponible<br />

sur PS4, Xbox One, PC<br />

et Stadia ; codemasters.com<br />

ALEX ALBON, BRYN LENNON/RED BULL CONTENT POOL<br />

84 THE RED BULLETIN


PERSPECTIVES<br />

calendrier<br />

3<br />

et 4 octobre<br />

RED BULL BOWL RIPPERS : SEA, SKATE AND SUN<br />

Le skate de bowl à son top ! Le <strong>Red</strong> Bull Bowl Rippers revient avec ses riders internationaux et un concept<br />

qui a fait ses preuves : des jam sessions, un contest amateur avec deux places à gagner dans la compétition<br />

pro, des qualifs pros et une grande finale pro retransmise en live, notamment sur Twitch. Le tout<br />

hosté par le local Vincent Matheron. Comme le bowl de Marseille version <strong>Red</strong> Bull Bowl Rippers apparaîtra<br />

dans Tony Hawk’s Pro Skater 1+2, la nouvelle version du fameux jeu vidéo de skate, l’événement ne<br />

manquera pas d’activations digitales (Tony sera-t-il présent ?). Du soleil, la mer et du skate sur l’un des<br />

plus prestigieux bowls au monde : le bonheur ! Marseille, bowl du Prado ; redbull.fr<br />

déjà dispo<br />

THE LAST<br />

ASCENT<br />

Le grimpeur sur glace <strong>Red</strong> Bull, Will<br />

Gadd, s’est lancé dans une mission pour<br />

avoir une dernière chance d’escalader<br />

les glaciers du mont Kilimandjaro. Il y a<br />

cinq ans, Will a fait plusieurs premières<br />

ascensions des tours de glace du Kilimandjaro.<br />

Aujourd’hui, alors que l’emblématique<br />

calotte glaciaire de la montagne<br />

disparaît rapidement, il revient<br />

pour faire une dernière ascension. L’investissement<br />

personnel de Will dans la<br />

cause conduit à un récit chargé d’émotion,<br />

tandis que les défis de la glace instable<br />

et fondante et de la haute altitude<br />

font de son voyage historique une<br />

montre qui ronge les ongles.<br />

redbull.tv<br />

déjà dispo<br />

AROUND<br />

THE WORLD<br />

L’histoire inédite de l’un<br />

des nouveaux sports<br />

les plus passionnants<br />

au monde, le football<br />

freestyle. Le documentaire<br />

suit les voyages<br />

de dix freestylers de<br />

cultures et d’horizons<br />

très différents. Leur<br />

destination ? Le <strong>Red</strong><br />

Bull Freestyle Football,<br />

la Coupe du monde<br />

de la discipline. Si les<br />

chemins qui les ont<br />

menés là où ils sont<br />

aujourd’hui sont<br />

uniques, ils partagent<br />

un objectif commun :<br />

devenir le numéro un<br />

mondial du football<br />

freestyle. Réalisé et<br />

tourné par les Français<br />

Tom Chevé, David<br />

Amouzegh et Clément<br />

Reubrecht et décliné<br />

en long métrage documentaire<br />

et en série en<br />

six épisodes, Around<br />

the World a été filmé<br />

dans neuf pays, et présente<br />

notamment les<br />

participants d’un village<br />

du Kenya, d’autres<br />

venus de Tokyo, du<br />

Chili et des États-Unis.<br />

redbull.tv<br />

NICOLAS JACQUEMIN/RED BULL CONTENT POOL, CHRISTIAN PONDELLA/RED BULL CONTENT POOL, DEAN TREML/RED BULL CONTENT POOL<br />

86 THE RED BULLETIN


TRANSPORT EN COMMUN.<br />

TOUS ENSEMBLE, PARCOURONS 1 MILLION DE KM.<br />

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PERSPECTIVES<br />

spécial vélo<br />

Optez<br />

pour le<br />

GRAVEL<br />

Plus rapide que le VTT, plus coriace que le vélo de route : le gravel a tout pour plaire !<br />

Texte CHARLIE ALLENBY


Esprit libre : elle se fait<br />

plaisir sur le Cannondale<br />

Topstone Carbon Lefty 3.<br />

89


PERSPECTIVES<br />

spécial vélo<br />

Le gravel, c’est<br />

quoi en fait ?<br />

Depuis l’invention de la petite reine, le monde du<br />

cyclisme a connu peu de bouleversements majeurs<br />

: le dernier en date étant l’arrivée du Vélo Tous<br />

Terrains dans les années 70, événement qui a eu<br />

pour conséquence de scinder la communauté cycliste<br />

en deux. D’un côté, les aficionados de la<br />

route et de la vitesse, avec leurs maillots Lycra et<br />

leurs segments Strava, et de l’autre, une communauté<br />

de bikers davantage en recherche de sensations<br />

fortes et de nature. Bref, il fallait choisir son<br />

camp. Mais ça, c’était avant le gravel.<br />

Nés au milieu des années 2000 sur les chemins<br />

coupe-feux (les gravel roads, en gravier donc) et<br />

autres sentiers plus ou moins aménagés des forêts<br />

américaines, les vélos gravel sont en quelque<br />

sorte la symbiose de ces deux univers. Ces<br />

nouveaux- venus polyvalents apportent un regain<br />

de fraîcheur et de jeunesse que le monde du cyclisme<br />

classique, dominé jusque-là par les MA-<br />

MILS (pour Middle-Aged Men In Lycra, les quadras<br />

en Lycra !), semble accueillir avec bonheur.<br />

En gros, le gravel est fait pour pouvoir rouler<br />

avec un guidon de route sur tous les types de terrain,<br />

que ce soit en ville ou dans les sous-bois. Les<br />

amateurs de gravel vont donc pouvoir quitter le bitume<br />

à tout moment pour s’aventurer facilement<br />

sur les chemins forestiers ou les sentiers de rando,<br />

combinant à loisir les possibilités pour un<br />

maximum de plaisir et de sensations.<br />

Si pratiques qu’ils soient, les premiers vélos gravel<br />

ont été « improvisés » par des cyclistes passionnés<br />

de bricolage et en quête de polyvalence, empruntant<br />

les avancées technologiques des VTT<br />

(transmission mono plateau, freins à disque...)<br />

pour les transposer sur des vélos de route, histoire<br />

de les rendre plus robustes et plus confortables.<br />

Entretemps, toutes les grandes marques proposent<br />

maintenant leurs gammes de vélos et d’accessoires<br />

gravel, mais cet engouement pour le<br />

gravel va au-delà d’une simple mode. Si une gravel<br />

attitude existait, elle serait d’abord un état d’esprit<br />

: celui d’un retour aux sources. La sortie du<br />

Virée dans le Snowdonia (Pays de Galles) sur le Marin Nicasio + et le Gestalt X11.<br />

week-end que l’on fait pour le plaisir d’explorer des<br />

nouveaux coins, pour la joie de pédaler sans rechercher<br />

forcément la performance, la vitesse, le<br />

danger ou le besoin de se dépasser physiquement.<br />

C’est ce côté « back to the roots » que l’on retrouve<br />

au sein de la communauté gravel, un univers décontracté<br />

où le snobisme et la vantardise n’ont pas<br />

leur place. Bref, des gens qui préfèreront certainement<br />

embarquer un pack de bières ou une thermos<br />

de café avec eux plutôt qu’un stock de gels énergétiques<br />

ou de barres hyper-protéinées.<br />

Si l’on ajoute le fait que les sorties en gravel permettent<br />

de réduire les distances parcourues sur les<br />

routes asphaltées (et donc potentiellement dangereuses<br />

en raison du trafic), on comprend mieux<br />

pourquoi de plus en plus de cyclistes optent pour<br />

un vélo de gravel : tant les vététistes et les cyclistes<br />

de route en quête de nouvelles sensations que les<br />

débutants, pour qui le vélo représentait jusque-là<br />

un sport trop risqué, réservé (au choix) à des cassecous<br />

ou à des obsédés du chronomètre.<br />

Et c’est bien là que se trouve l’atout principal du<br />

gravel : il suffit de savoir tenir sur un vélo et d’avoir<br />

envie d’aventure pour se lancer. Mais avant de tailler<br />

la route sur votre monture, il va vous falloir<br />

quelques bases…<br />

90 THE RED BULLETIN


Qu’il vous guide vers les<br />

sentiers ou en dehors, ce<br />

CUBE Nuroad WS garantit<br />

un combo performance/<br />

style permanent.<br />

THE RED BULLETIN 91


PERSPECTIVES<br />

spécial vélo<br />

Plus gros que<br />

ceux de route,<br />

les pneus sont<br />

sculptés pour les<br />

tracés difficiles.<br />

Les cintres sont<br />

similaires à des<br />

guidons de route,<br />

avec une forme<br />

plus évasée en<br />

bas, plus confort.<br />

Comme sur les<br />

VTT, le boîtier de<br />

pédalier est bas,<br />

pour davantage<br />

de maniabilité.<br />

Le gravel :<br />

portrait-vélo<br />

Avec sa géométrie de cadre à deux triangles, son<br />

cintre de route et son absence de suspensions, le<br />

gravel ne se distingue pas forcément (à première<br />

vue) d’un vélo de route classique. Mais à y regarder<br />

de plus près, les différences sont bien là. La première<br />

: les pneus. Exit les fines roues qui adorent la<br />

vitesse mais crèvent au premier caillou rencontré,<br />

place aux gros pneus bien solides, taillés pour résister<br />

au gravier, aux bosses et aux racines.<br />

Évidemment, il ne suffit pas de les monter sur<br />

un vélo de route pour le transformer en gravel : car<br />

le gravel, à la base, est conçu pour pouvoir accueillir<br />

une pneumatique plus large, ce qui est tout simplement<br />

impossible pour les vélos de route. De<br />

même, on va trouver des bases plus longues sur<br />

un gravel – pour plus de contrôle dès que le terrain<br />

devient difficile – ainsi qu’un angle moins agressif<br />

pour le tube de direction, ce qui garantit davantage<br />

de confort et de stabilité sur des virées un<br />

peu plus longues.<br />

Enfin, le dernier (gros) atout d’un gravel est sa<br />

transmission, conçue pour assurer sur les pentes<br />

raides et dans les descentes. Une caractéristique<br />

qui le démarque encore de son cousin de route,<br />

beaucoup plus rapide sur l’asphalte, mais qui le<br />

place à égalité avec un VTT sur la plupart des<br />

trails, sauf les plus techniques.<br />

92 THE RED BULLETIN


Page opposée,<br />

partant du haut :<br />

vélo CANNONDALE<br />

Topstone Carbon<br />

Lefty 3,<br />

cannondale.com ;<br />

vélo CANYON<br />

Grail CF SL 8.0,<br />

canyon.com ;<br />

vélo RONDO<br />

Ruut CFO,<br />

rondo.cc<br />

Sur cette page (dans<br />

le sens des aiguilles<br />

d’une montre, du<br />

bas) : vélo CUBE<br />

Nuroad WS, cube.eu ;<br />

vélo PIVOT<br />

Vault, store.pivotcycles.com<br />

;<br />

vélo MARIN<br />

Headlands,<br />

marinbikes.com ;<br />

vélo en carbone<br />

SPECIALIZED<br />

Diverge Expert,<br />

specialized.com<br />

THE RED BULLETIN 93


PERSPECTIVES<br />

spécial vélo<br />

Sur soi<br />

Le gravel étant synonyme<br />

de polyvalence, il n’y a pas<br />

de règles pré-établies<br />

concernant la tenue du cycliste,<br />

chacun s’habillera<br />

donc comme il veut : maillot<br />

Lycra, combinaison short et<br />

T-shirt ou équipement VTT,<br />

peu importe (même si un<br />

gros casque VTT ne vous<br />

sera pas forcément utile).<br />

Cela dit, il faut bien<br />

avouer qu’un bon cuissard<br />

rembourré (porté par<br />

exemple sous un short classique)<br />

vous évitera bien des<br />

désagréments. De même,<br />

des chaussures gravel avec<br />

cales encastrées offrent une<br />

bien meilleure adhérence au<br />

pédalage tout en restant<br />

très confortables dès qu’on<br />

doit mettre pied à terre : pratique<br />

lorsqu’on doit passer<br />

des obstacles ou traverser<br />

des rivières.<br />

À gauche (du haut,<br />

de g. à dr.) : lunettes<br />

OAKLEY Split Time,<br />

oakley.com ; casque<br />

MET Allroad, methelmets.com<br />

; veste<br />

à capuche CHROME<br />

Merino Cobra 2.0,<br />

chromeindustries.<br />

com ; pompe LEZYNE<br />

Micro Floor Drive<br />

Digital HVG, ride.<br />

lezyne.com ; maillot<br />

vélo manches courtes<br />

en jersey GIRO New<br />

Road, giro.com ; maillot<br />

de corps HOWIES<br />

Classic Merino,<br />

howies.co.uk ; short<br />

CHROME Anza,<br />

chromeindustries.<br />

com ; gants GIRO<br />

D’Wool, giro.com ; sonnette<br />

LEZYNE Classic<br />

Brass bell, ride.lezyne.<br />

com ; veste isotherme<br />

FINISTERRE Cirrus,<br />

finisterre.com ; chaussures<br />

FI’ZI:K Terra X5<br />

Volume Control, fizik.<br />

com ; chaussettes<br />

STANCE Belfort<br />

Feel360, stance.eu.<br />

com ; sacoche guidon<br />

TOPEAK Frontloader,<br />

topeak.com<br />

JOE MCGORTY<br />

À droite : casque KASK<br />

Mojito X Peak, kask.<br />

com ; lunettes de soleil<br />

OAKLEY Sutro, oakley.<br />

com ; casquette CHA-<br />

PEAU! Lightweight,<br />

chapeau.cc ; maillot<br />

vélo manches courtes<br />

en jersey GIRO New<br />

Road, giro.com ; veste<br />

coupe-vent CHAPEAU!<br />

Mens Club, chapeau.<br />

cc ; chaussures GIRO<br />

Privateer Lace, giro.<br />

com ; gilet sans<br />

manches CHAPEAU!<br />

Club, chapeau.cc<br />

THE RED BULLETIN 95


MENTIONS LÉGALES<br />

THE RED<br />

BULLETIN<br />

WORLDWIDE<br />

<strong>The</strong> <strong>Red</strong> <strong>Bulletin</strong><br />

est actuellement<br />

distribué dans six pays.<br />

Vous voyez ici la une<br />

de l’édition UK, dédiée<br />

au fameux carnaval de<br />

Notting Hill.<br />

Le plein d’histoires<br />

hors du commun sur<br />

redbulletin.com<br />

Les journalistes de SO PRESS n’ont pas pris<br />

part à la réalisation de <strong>The</strong> <strong>Red</strong> <strong>Bulletin</strong>.<br />

SO PRESS n’est pas responsable des textes,<br />

photos, illustrations et dessins qui engagent<br />

la seule responsabilité des auteurs.<br />

Rédacteur en chef<br />

Alexander Macheck<br />

Rédacteur en chef adjoint<br />

Andreas Rottenschlager<br />

Directeur créatif<br />

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Directeurs artistiques<br />

Kasimir Reimann (DC adjoint),<br />

Miles English, Tara Thompson<br />

Directrice photo<br />

Eva Kerschbaum<br />

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Responsable des infos et du texte<br />

Jakob Hübner, Andreas Wollinger<br />

Responsable de la production<br />

Marion Lukas-Wildmann<br />

Managing Editor<br />

Ulrich Corazza<br />

Maquette Marion Bernert-Thomann, Martina de<br />

Carvalho-Hutter, Kevin Goll, Carita Najewitz<br />

Booking photo<br />

Susie Forman, Ellen Haas, Tahira Mirza<br />

Directeur de la publication<br />

Andreas Kornhofer<br />

Directeur du management<br />

Stefan Ebner<br />

Directeur des ventes médias et partenariats<br />

Lukas Scharmbacher<br />

Publishing Management Sara Varming (Dir.),<br />

Ivona Glibusic, Bernhard Schmied, Melissa Stutz<br />

Marketing B2B & Communication<br />

Katrin Sigl (Dir.), Alexandra Ita,<br />

Teresa Kronreif, Stefan Portenkirchner<br />

Directeur créatif global<br />

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Co-publishing Susanne Degn-Pfleger & Elisabeth<br />

Staber (Dir.), Mathias Blaha, Raffael Fritz,<br />

Thomas Hammerschmied, Valentina Pierer,<br />

Mariella Reithoffer, Verena Schörkhuber,<br />

Sara Wonka, Julia Bianca Zmek,<br />

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Maquette commerciale Peter Knehtl (Dir.),<br />

Simone Fischer, Alexandra Hundsdorfer,<br />

Martina Maier, Julia Schinzel, Florian Solly<br />

Emplacements publicitaires<br />

Manuela Brandstätter, Monika Spitaler<br />

Production Friedrich Indich, Walter O. Sádaba,<br />

Sabine Wessig<br />

Lithographie Clemens Ragotzky (Dir.),<br />

Claudia Heis, Nenad Isailovi c, ̀<br />

Sandra Maiko Krutz, Josef Mühlbacher<br />

Fabrication Veronika Felder<br />

MIT Christoph Kocsisek, Michael Thaler<br />

Opérations Melanie Grasserbauer,<br />

Alexander Peham, Yvonne Tremmel<br />

Assistante du Management général<br />

Patricia Höreth<br />

Abonnements et distribution Peter Schiffer (Dir.),<br />

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THE RED BULLETIN<br />

France, ISSN 2225-4722<br />

Country Editor<br />

Pierre-Henri Camy<br />

Country Coordinator<br />

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Country Project Management<br />

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alessandra.ballabeni@redbull.com<br />

Contributions,<br />

traductions, révision<br />

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Suzanne Kříženecký, Audrey Plaza,<br />

Claire Schieffer, Jean-Pascal Vachon,<br />

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Allemagne, ISSN 2079-4258<br />

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Hans Fleißner (Dir.),<br />

Petra Hannert, Monika Hasleder,<br />

Billy Kirnbauer-Walek<br />

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THE RED BULLETIN<br />

Autriche, ISSN 1995-8838<br />

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Billy Kirnbauer-Walek<br />

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THE RED BULLETIN<br />

Royaume-Uni, ISSN 2308-5894<br />

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Tom Guise<br />

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THE RED BULLETIN<br />

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marcel.bannwart@redbull.com<br />

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ISSN 2308-586X<br />

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Nora O’Donnell<br />

Éditeur en chef<br />

David Caplan<br />

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todd.peters@redbull.com<br />

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Tanya Foster,<br />

tanya.foster@redbull.com<br />

96 THE RED BULLETIN


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TRBMAG


Pour finir en beauté.<br />

On remet ça quand ?<br />

Une relique du rock pour certains, une icône immortelle pour la plupart.<br />

Iggy Pop et ses fans le 17 avril 2019 sur la scène du Sydney Opera House<br />

(Australie). Le Pape du punk et ses fidèles prêts à tout pour le toucher.<br />

Au moment où nous bouclons ce numéro, nous n’avons aucune idée de la<br />

potentielle reprise des concerts dans des conditions décentes. Alors si<br />

vous avez l’opportunité de voir un artiste sur scène, montrez-lui de l’amour !<br />

Le prochain<br />

THE RED BULLETIN<br />

sera disponible<br />

dès le 1 er octobre<br />

<strong>2020</strong><br />

ANTOINE VELING, AUSTRALIA, WINNER, OPEN, CULTURE, <strong>2020</strong> SONY WORLD PHOTOGRAPHY AWARDS<br />

98 THE RED BULLETIN


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On gagne toujours à aller plus loin


L’ABUS D’ALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTÉ. À CONSOMMER AVEC MODÉRATION.

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