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Robby Naish<br />
Le rêve d’un ado : en 1976, Naish, 16 ans, sur la plage du Diamond Head on Oahu, Hawaï.<br />
Cela peut être préjudiciable à un<br />
sport comme le windsurf ?<br />
Je ne me fais pas de souci pour le<br />
sport, mais cela change la donne. Le<br />
lien spontané avec la nature disparaît.<br />
Avant, on sautait dans un avion<br />
sans savoir quelle météo on aurait à<br />
destination. Maintenant, vous savez<br />
à l’avance quelle houle il y aura aux<br />
Fidji dans deux jours. Je vois beaucoup<br />
de jeunes doués en surf, et ils<br />
semblent s’amuser tout autant que<br />
nous à leur âge. Mais une fois rentrés<br />
chez eux, ils s’empressent de poster<br />
leurs figures au lieu d’apprécier l’instant<br />
et de se réjouir à l’idée de renouveler<br />
l’expérience.<br />
À quel moment vous êtes-vous dit :<br />
« Je peux vivre de cette passion » ?<br />
Ma première compétition de planche<br />
à voile remonte à 1981, j’étais en<br />
classe de terminale. Mon dilemme<br />
était le suivant : soit je passais pro,<br />
soit je restais amateur pour espérer<br />
partir aux Jeux olympiques (en 1984,<br />
la planche à voile intègre les disciplines<br />
pour la première fois, ndlr).<br />
À l’époque, si un athlète perçoit le<br />
moindre dollar, il passe pro de facto<br />
et donc exclu des Jeux réservés<br />
aux seuls amateurs. J’ai fait don<br />
de mes deux premiers gains à mon<br />
lycée. C’est à ce moment que cette<br />
possibilité s’est concrétisée. J’ai été<br />
admis à l’université de Santa Cruz,<br />
en Californie et des sponsors proposaient<br />
de me payer pour faire de la<br />
planche à voile. J’ai repoussé d’un an<br />
mes études pour tenter l’aventure. Je<br />
n’ai pas fait marche arrière depuis.<br />
Nombre d’athlètes au succès<br />
précoce se sont brûlé les ailes.<br />
Pas vous. Pourquoi ?<br />
Cela tient à la chance, au fait de faire<br />
partie des pionniers. Ma personnalité<br />
a joué aussi : j’étais solitaire,<br />
peu sociable et égocentrique. Je<br />
fréquente peu de monde et ne sors<br />
« Les regrets<br />
empoisonnent<br />
la vie. Ma vie,<br />
je l’aime. »<br />
quasi jamais avec des amis ; je suis<br />
un peu bizarre. J’ai ainsi évité les<br />
distractions susceptibles de déconcentrer<br />
un athlète. La lassitude peut<br />
parfois entamer la motivation chez<br />
certains. Je ne suis pas mû par des<br />
objectifs, je ne m’en suis d’ailleurs<br />
jamais fixé. Si l’objectif prend le pas<br />
sur le plaisir, l’envie de réussir finit<br />
par vous quitter. J’aime tout bonnement<br />
ce que je fais.<br />
Vous dites être peu sociable dans<br />
un monde pourtant dominé par les<br />
réseaux sociaux aujourd’hui…<br />
Ils permettent à chacun de se mettre<br />
en valeur et de se faire connaître<br />
sans l’aide d’un agent ou d’un photographe.<br />
Ça, c’est le côté positif.<br />
En revanche, il s’agit moins de devenir<br />
meilleur que d’obtenir des likes et<br />
un million de vues. L’auto- promotion<br />
des athlètes n’a rien de nouveau,<br />
mais ce n’est pas très valorisant —<br />
c’est à celui qui sera le plus bruyant<br />
et en général c’est rarement le plus<br />
brillant. Je déteste les réseaux, mais<br />
impossible d’y échapper.<br />
Avez-vous des regrets au regard de<br />
votre parcours ?<br />
Non, les regrets empoisonnent la vie<br />
et moi j’aime ma vie. Elle n’est pas<br />
parfaite, mais j’ai une sacrée chance<br />
d’être aujourd’hui qui je suis, comme<br />
je suis. D’avoir la liberté de faire ce<br />
que je veux, sans prendre pour acquis<br />
les gens qui financent ma passion.<br />
Cela peut s’arrêter à tout moment –<br />
l’avenir d’un sportif professionnel est<br />
des plus précaires. Alors je savoure<br />
ma vie comme il se doit.<br />
En quête de la vague<br />
la plus longue<br />
Un documentaire accompagne<br />
Naish dans sa dernière aventure.<br />
De la Namibie au Pérou en passant par le<br />
Costa Rica, Robby Naish a passé trois ans<br />
à sillonner le monde, chevauchant les<br />
plus grosses vagues sur son stand-up<br />
paddle. Accompagné du cinéaste Joe<br />
Berlinger, nommé aux Oscars, le surfeur<br />
découvre un nouveau sport, mais aussi<br />
une partie de lui-même. Cette aventure,<br />
probablement la plus émouvante de la<br />
carrière de Naish, est le sujet du documentaire<br />
The Longest Wave.<br />
Disponible sur <strong>Red</strong> Bull TV dès le 10 août ;<br />
infos : redbull.com<br />
THE LONGEST WAVE<br />
22 THE RED BULLETIN