14 - ICI MAG décembre 2021
HISTOIRE & PATRIMOINE SANGUINETLa garbure du résinierCrédits photos : Alain GUERIN pour ICI MAGElisabeth CASTELGuide au conservatoirede SanguinetCharles HOMUALK est un peintre affichiste qui aimaitcroquer sur le vif des scènes pittoresques etfolkloriques comme autant de témoignages descoutumes et traditions des régions qu’il visitait. « Lerepas du matin des résiniers » nous plonge d’embléedans le monde des sylviculteurs exploitantsde la forêt landaise au début du XX ème siècle. Uneoeuvre qui nous plonge au coeur des coutumes,des traditions alimentaires, de l'organisation familialeet sociale, des pratiques vestimentaires et del'habitat de l'époque.Le décor est posé dans cette pièce équipée sommairement avec le strictnécessaire du quotidien, où une famille typique de l'époque est réunie avecses deux générations vivant ensemble. Le sol en terre battue impose le portde sabots, l’âtre central éclairé d’un feu « bataille » sert pour la cuisine etpour se chauffer. Invité à leur table, le fumet de la soupe traditionnelle appelée« garbure ». Un aliment de base pour les paysans gascons qui adaptaientla recette selon le rythme des saisons et des ressources disponiblesau potager et au saloir. Les résiniers la consommaient en début de journéeen quantité suffisante pour disposer de l’énergie nécessaire à leur dur labeur.Charles HOMUALK « Le repas du matin des résiniers » - Gouache - 1932 - 33 x 49 cmLe personnage central, représenté de dos, debout, est on le voit, prêt àpartir travailler. En tendant l'oreille, on l’entendrait presque dire en patois« que cau qué’m hiqui au tribalh » (il faut que je me mette au travail). Il estmuni d’un hapchot à la main pour pratiquer la « carre » où s’écoulera larésine. A sa ceinture est accroché un regen (couvercle de bois) pour couvrirle pot de résine lors de la carre et éviter que les copeaux n’y tombent ainsique l’acout (pieyre à aguada et son affiloir) dans son dos. Sa large ceinturerouge en flanelle est, quant à elle, destinée à soutenir et à soulager seslombaires lors d'efforts particulièrement importants. Enfin, on remarque leport du béret de travail qui déborde en casquette pour protéger les yeuxdes chutes d’écorces.PROVERBEOn peut imaginer que lorsquepasseront les grues dans le ciel,les résiniers évoqueront entreeux ce bon vieux proverbe :« Quan la grua va capsustot l’ivern qu’avem dessus.Quan la grua va capvathTot l’ivern qu’avem passât .»"Quand la grue va versle sud, nous avons l’hiverdessus. Quand la grue vavers le nord, l’hiver estpassé."LA GARBUREUn mélange subtil de saveurs, composéde petit chou cuit, d'haricots blancs,d’oignon, d’ail, et de quartiers d’oieconfite. On y ajoute, quelques navetset carottes et un bon kilo de pommesde terre, le tout agrémenté de thym,laurier, persil, origan et romarin etcuit dans trois litres d’eau pendant aumoins deux heures. Une soupe du terroirqui se dégustait avec du pain decampagne rassis ou du pain de méteil(mélange égal de blé et de seigle).FAIRE CHABROTDans le bouillon qui reste dans l’assiette,on versait une bonne lampée devin rouge pour obtenir une revigoranteet savoureuse émulsion. Ce complémentrituel à la garbure bu à mêmel’assiette à grandes goulées se nomme« faire chabrot ». Personne n’est sûr àce jour de l’origine de cette expression :certains disent qu’elle viendrait de chevreau,ce serait donc boire comme lechevreau , en « hourlupant » (boire àgrandes lampées) ? Dans le sud-ouestde la France, on faisait chabrot courammentjusqu’au milieu du XX ème siècle etc’est un usage qui perdure encore.Article réalisé avec le concours du Conservatoire des Landes de Gascogne de Sanguinet et des membres de l'Associationdes Amis du conservatoire, présidée par Jean-Louis LAFFORT. Visites et infos au 06 60 88 51 78ICI MAG décembre 2021 - 15