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Hors série Sénégal

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COMPRENDRE<br />

Tendances, chiffres et évolutions<br />

par Zyad Limam<br />

Politique<br />

Macky Sall<br />

au centre<br />

du jeu<br />

CE N’EST PAS SIMPLE, c’est le moins que l’on puisse dire, les débats sont souvent vifs, excessifs,<br />

la tension sociale accentue les clivages et l’opportunisme de certains, la presse ne ménage<br />

personne, et souvent le fond cède la place au « verbe » et à la forme. Mais le <strong>Sénégal</strong> reste une<br />

démocratie, même en construction. Un exemple dans une région où les reculs sont frappants.<br />

Un pays où les élections ont encore du sens. Comme celles toutes récentes, municipales et<br />

départementales, qui ont eu lieu le dimanche 23 janvier. Et qui ont souligné la vigueur des<br />

oppositions, le caractère frondeur des grandes villes, comme Dakar et Ziguinchor, dont le<br />

premier édile est désormais Ousmane Sonko, ténor de l’opposition, pressenti pour être l’un<br />

des principaux candidats à l’élection présidentielle de 2024. Macky Sall sait que le chemin<br />

est ardu, avec comme prochaine étape des élections législatives en juillet 2022.<br />

L’enfant de Fatick, né le 11 décembre 1961 dans une grande famille du Fouta-Toro (région<br />

de l'extrême nord et nord-est), élu président une première fois en 2012 contre le supposé<br />

indéboulonnable Abdoulaye Wade, va vite prendre ses marques dans une société politique<br />

particulièrement compétitive et imposer son autorité. Macky Sall est un « omniprésident »,<br />

impliqué dans tous les dossiers, avec un agenda chargé du matin au soir. Il suit avec attention<br />

les projets qui lui tiennent à cœur, et ceux qui le côtoient dans le travail retrouvent le<br />

sens du détail propre à sa formation d’ingénieur géologue. Les ministres sont « marqués »<br />

de près, et tout ce qui compte ou presque remonte vers un arbitrage présidentiel. Il navigue<br />

avec habileté dans les différents <strong>Sénégal</strong>, à l’aise à l’intérieur du pays, attaché aux traditions,<br />

au confrérisme, à la culture religieuse, tout en étant décidé, dans une forme de « en même<br />

temps », à réformer le pays, à le moderniser vraiment sur le plan économique. Macky Sall<br />

aime la politique, le contact, il ne craint pas le rapport de force. Mais il veut être avant tout<br />

le président de l’émergence.<br />

Il prend le temps d’« écouter » une scène en constante évolution, mais on sent un chef de<br />

l’exécutif dans une forme d’urgence, urgence de faire avancer les réformes, les projets, de<br />

contrôler l’avancement, de conclure les travaux, d’aller plus vite dans la mise en place des<br />

infrastructures, des réalisations, dans la concrétisation des promesses. Il faut que ça bouge<br />

dans un pays où les résistances peuvent être multiples. Et le président est jeune. Il aura 62 ans<br />

en 2024 à l’échéance de son mandat, on ne sent pas une personnalité usée par le pouvoir,<br />

bien au contraire.<br />

Il y a bien sûr le débat sur le possible troisième mandat présidentiel qui agite la classe<br />

politique. Macky Sall réserve sa décision, tout en soulignant, malgré les vives oppositions,<br />

que le droit lui ouvre cette possibilité (avec la mise en place de la réforme constitutionnelle<br />

de 2016). Et tout en martelant que le moment n’est pas venu, que la priorité, c’est le travail.<br />

Macky Sall connaît son pays, mesure l’importance de cette décision. Trop tôt ou trop tard, et<br />

tout peut basculer. Trop tôt ou trop tard, et la substance de son pouvoir pourrait lui échapper<br />

au profit d’une classe politique où les ambitions ne manquent pas. Il mesure aussi son<br />

influence sur la scène internationale, de Paris à Washington, il sait qu’il fait partie des éléments<br />

clés, stabilisateurs d’une région aux prises avec la menace djihadiste et la résurgence<br />

des coups d’État. Le mandat qui s’ouvre à la présidence de l’Union africaine (UA) lui permettra<br />

de s’investir à l’échelle continentale, de prendre du champ. Et le poste de Premier ministre<br />

supprimé au lendemain de l’élection présidentielle de 2019, devrait être très bientôt rétabli.<br />

L’échéance est dans un peu plus de deux ans, Macky Sall prend son temps, les transitions et<br />

les successions sont toujours complexes, et la décision sera historique. En attendant, il restera<br />

fermement au centre du jeu, chef d’État et chef politique.<br />

14 HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I FÉVRIER 2022

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