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FORTERESSE<br />
EUROPE<br />
FACE À L’AFFLUX DES MIGRANTS, LE CONTINENT<br />
N’A QU’UNE SEULE VISION, CELLE DE SE BARRICADER<br />
+<br />
INTERVIEWS<br />
◗ MAHI BINEBINE<br />
« La culture est un ascenseur<br />
exceptionnel »<br />
◗ HABIB SELMI « L’être humain<br />
est un continent »<br />
◗ ABDOULAYE KONATÉ<br />
Éloge de l’optimisme<br />
BUSINESS<br />
Le pari risqué du bitcoin<br />
IDENTITÉ<br />
LA LUTTE DES MASSAÏS<br />
POUR LA SURVIE<br />
ET POUR LEUR TERRE<br />
France 4,90 € – Afrique du Sud 49,95 rands (taxes incl.) – Algérie 320 DA<br />
– Allemagne 6,90 € – Autriche 6,90 € – Belgique 6,90 € – Canada 9,99 $C<br />
DOM 6,90 € – Espagne 6,90 € – États-Unis 8,99 $ – Grèce 6,90 € – Italie 6,90 € –<br />
Luxembourg 6,90 € – Maroc 39 DH – Pays-Bas 6,90 € – Portugal cont. 6,90 €<br />
Royaume-Uni 5,50 £ – Suisse 8,90 FS – TOM 990 F CFP – Tunisie 7,50 DT – Zone CFA 3 000 FCFA<br />
ISSN 0998-9307X0<br />
Le mur d'Evros,<br />
sur la frontière<br />
gréco-turque.<br />
N°<strong>430</strong> - JUILLET 2022<br />
L 13888 - <strong>430</strong> H - F: 4,90 € - RD
Je conjugue<br />
efficacité et<br />
durabilité.<br />
NICOLAS KOUASSI<br />
CONDUCTEUR D’ENGIN, FORMATEUR<br />
SC BTL-06/22- Crédits photos : © Révolution plus.<br />
MOBILISER plus POUR FAIRE FACE AUX ENJEUX ENVIRONNEMENTAUX<br />
Grâce à des pratiques vertueuses et par l’innovation, Bolloré Transport & Logistics se<br />
mobilise pour préserver l’environnement. Des solutions sont mises en place pour réduire<br />
l’impact de nos activités. Nous sommes engagés dans des démarches de certifications<br />
pointues, à l’image du Green Terminal déployé sur tous nos terminaux portuaires.<br />
NOUS FAISONS BIEN plus QUE DU TRANSPORT ET DE LA LOGISTIQUE
édito<br />
PAR ZYAD LIM<strong>AM</strong><br />
L’EUROPE SI PROCHE, SI LOIN…<br />
L’Europe donc. 27 États membres (on a perdu<br />
récemment le 28 e , le Royaume-Uni, décidé à<br />
s’ auto-isoler dans un Brexit assez suicidaire…). 450 millions<br />
d’habitants libres de s’installer sur tout le territoire<br />
de l’Union. Un espace unique où des États à la très<br />
longue histoire ont décidé de renoncer à une partie<br />
de leur souveraineté pour favoriser la création d’un<br />
marché commun, l’application de normes exigeantes<br />
en matière d’environnement, de couverture sociale,<br />
de liberté politique, de respect des droits de l’homme.<br />
Un espace aussi de paix, pour des nations qui se sont<br />
sauvagement combattues au fil des siècles. Tout n’est<br />
pas parfait, les divisions ne sont jamais loin et les forces<br />
qui veulent miner le système de l’intérieur non plus,<br />
mais l’un dans l’autre, c’est la zone la plus riche, la plus<br />
libre, la plus égalitaire et la plus protectrice du monde.<br />
Une exception précieuse, à ce moment de l’histoire<br />
où les autocraties, Russie, Chine et alliés, cherchent<br />
à renverser l’équilibre géostratégique. Au moment<br />
aussi où les États-Unis se déchirent, où la démocratie<br />
la mieux établie montre qu’elle peut sombrer. L’Union<br />
est surtout particulièrement riche. Avec un PIB de<br />
près de 15 000 milliards d’euros, l’UE est la deuxième<br />
puissance économique du monde, juste derrière les<br />
États-Unis et encore un peu devant la Chine. Le PIB<br />
par habitant s’élève à plus de 30 000 euros par an. Et<br />
sachant que l’Union investit des dizaines de milliards<br />
d’euros par an pour soutenir et accélérer le développement<br />
de ses membres les plus pauvres.<br />
Voilà où nous en sommes. D’un côté, cet<br />
Europe-là. Et de l’autre, l’Afrique, avec plus de 1,3 milliard<br />
d’habitants, 3 000 euros par an (qui varient selon<br />
les calculs) pour chacun d’entre eux, et un PIB global<br />
de 2 600 milliards d’euros – presque autant que l’Italie,<br />
et moins que la France. D’un côté, une Europe vieillissante<br />
et richissime, et de l’autre, à sa frontière sud, un<br />
immense continent, une terre à la fois de promesses,<br />
mais aussi de pauvreté et de conflits pour des centaines<br />
de millions de personnes.<br />
Les migrations sont une donnée de l’humanité<br />
et de l’histoire des peuples. Les femmes et les<br />
hommes n’ont qu’une seule vie. L’énergie du<br />
désespoir les porte à essayer d’atteindre un possible<br />
eldorado. Les frontières, les armes ne les retiendront<br />
pas. Ils et elles traverseront les déserts, ils monteront<br />
à bord de rafiots innommables, ils se feront racketter<br />
par des passeurs sans âme, mais ils iront en Europe.<br />
Quelle que soit la hauteur des barbelés, ils et elles<br />
tenteront de passer, au risque de leur vie.<br />
Dominée par les discours populistes, par la<br />
peur des électeurs face à ces vagues de migrants,<br />
par la difficile intégration aussi de ces populations<br />
nouvelles, l’Europe se barricade en l’absence de toute<br />
autre vision. Soixante ans après la fin de la longue<br />
nuit coloniale, elle a bien du mal à penser son sud<br />
autrement qu’en matière de menaces : l’islam en tout<br />
premier lieu, les Arabes, les Noirs, le terrorisme, etc. Ou<br />
de clichés : ils ne s’en sortiront pas, c’est la corruption,<br />
la violence ou les maladies. Le paradigme reste de se<br />
protéger de ce chaos. Et de cette différence.<br />
De déclarations d’intentions en promesses de<br />
financements, l’Union européenne n’a jamais véritablement<br />
considéré son flanc sud – dont la vitalité<br />
démographique est une donnée structurante du<br />
futur – comme une véritable opportunité stratégique,<br />
une priorité à long terme. Son approche reste largement<br />
dictée par les schémas classiques, États-Unis,<br />
OTAN, tentative de séduction de la Russie (dont on voit<br />
aujourd’hui à quel point ce calcul était erroné). L’Europe<br />
ne mesure pas le potentiel africain, le marché tel<br />
qu’il existe avec ses dizaines de millions de consommateurs<br />
middle class, les ressources minières, le pétrole et<br />
le gaz, les terres arables, l’eau, le soleil, les défis communs<br />
de la sécurité et du changement climatique…<br />
La mise en place réelle et progressive d’un tel<br />
partenariat changerait la donne, y compris pour<br />
les migrations. La mise en place d’un tel partenariat<br />
supposerait aussi que l’Afrique entre de manière plus<br />
décisive dans les « critères européens », en matière<br />
de gouvernance, de droits de l’homme, d’institutions.<br />
De part et d’autre, le chemin sera long. Et pendant<br />
ce temps-là, des femmes, des hommes, des<br />
enfants tenteront toujours encore la traversée du<br />
désert et de la mer. ■<br />
AFRIQUE MAGAZINE I <strong>430</strong> – JUILLET 2022 3
France 4,90 € – Afrique du Sud 49,95 rands (taxes incl.) – Algérie 320 DA<br />
– Allemagne 6,90 € – Autriche 6,90 € – Belgique 6,90 € – Canada 9,99 $C<br />
DOM 6,90 € – Espagne 6,90 € – États-Unis 8,99 $ – Grèce 6,90 € – Italie 6,90 € –<br />
Luxembourg 6,90 € – Maroc 39 DH – Pays-Bas 6,90 € – Portugal cont. 6,90 €<br />
Royaume-Uni 5,50 £ – Suisse 8,90 FS – TOM 990 F CFP – Tunisie 7,50 DT – Zone CFA 3000 FCFA<br />
ISSN 0998-9307X0<br />
Le mur d'Evros,<br />
sur la frontière<br />
gréco-turque.<br />
N°<strong>430</strong> JUILLET 2022<br />
3 ÉDITO<br />
L’Europe si proche, si loin…<br />
par Zyad Limam<br />
6 ON EN PARLE<br />
C’EST DE L’ART, DE LA CULTURE,<br />
DE LA MODE ET DU DESIGN<br />
À corps et à cris<br />
26 PARCOURS<br />
Fred Ebami<br />
par Astrid Krivian<br />
29 C’EST COMMENT ?<br />
Au-delà des cultures<br />
par Emmanuelle Pontié<br />
50 CE QUE J’AI APPRIS<br />
Denise Epoté<br />
par Astrid Krivian<br />
70 LE DOCUMENT<br />
Sucre, de l’esclavage<br />
à l’obésité<br />
par Catherine Faye<br />
90 VINGT QUESTIONS À…<br />
Djely Tapa<br />
par Astrid Krivian<br />
TEMPS FORTS<br />
30 Forteresse Europe<br />
par Cédric Gouverneur<br />
et Frida Dahmani<br />
40 La lutte des Massaïs<br />
pour leur terre<br />
par Erwan Le Moal<br />
52 Abdoulaye Konaté :<br />
« Je suis optimiste »<br />
par Luisa Nannipieri<br />
58 Habib Selmi :<br />
« L’être humain<br />
est un continent »<br />
par Astrid Krivian<br />
64 Mahi Binebine :<br />
« La culture<br />
est un ascenseur<br />
exceptionnel »<br />
par Astrid Krivian<br />
P.40<br />
P.06<br />
FORTERESSE<br />
EUROPE<br />
FACE À L’AFFLUX DES MIGRANTS, LE CONTINENT<br />
N’A QU’UNE SEULE VISION, CELLE DE SE BARRICADER<br />
+<br />
INTERVIEWS<br />
MAHI BINEBINE<br />
« La culture est un ascenseur<br />
exceptionnel »<br />
HABIB SELMI « L’être humain<br />
est un continent »<br />
ABDOULAYE KONATÉ<br />
Éloge de l’optimisme<br />
BUSINESS<br />
Le pari risqué du bitcoin<br />
IDENTITÉ<br />
LA LUTTE DES MASSAÏS<br />
POUR LA SURVIE<br />
ET POUR LEUR TERRE<br />
N°<strong>430</strong> - JUILLET 2022<br />
L 13888 - <strong>430</strong> H - F: 4,90 € - RD<br />
<strong>AM</strong> <strong>430</strong> COUV.indd 1 04/07/2022 21:33<br />
PHOTOS DE COUVERTURE : NOËL QUIDU/FIGARO<br />
MAGAZINE - MICHEL RENAUDEAU/ONLYWORLD.NET<br />
DR - SVEN TORFINN/PANOS/RÉA<br />
Afrique Magazine est interdit de diffusion en Algérie depuis mai 2018. Une décision sans aucune justification. Cette grande<br />
nation africaine est la seule du continent (et de toute notre zone de lecture) à exercer une mesure de censure d’un autre temps.<br />
Le maintien de cette interdiction pénalise nos lecteurs algériens avant tout, au moment où le pays s’engage dans un grand mouvement<br />
de renouvellement. Nos amis algériens peuvent nous retrouver sur notre site Internet : www.afriquemagazine.com<br />
4 AFRIQUE MAGAZINE I <strong>430</strong> – JUILLET 2022
LUISA NANNIPIERI - BRUNO LEVY/DIVERGENCE - K<strong>AM</strong>AL AÏT<br />
P.52<br />
BUSINESS<br />
74 RCA : le pari risqué du bitcoin<br />
78 Nicolas Dufrêne : « Au niveau<br />
de son utilisation par la<br />
population, c’est un fiasco »<br />
80 Le Groupe OCP renforce<br />
son programme « Eau »<br />
81 Record d’investissements<br />
directs étrangers au Rwanda<br />
82 Abderrahmane Berthé :<br />
« Les chiffres sont en hausse »<br />
84 Ecobank va déployer<br />
Farm Pass<br />
85 La Namibie mise<br />
sur l’hydrogène vert<br />
par Cédric Gouverneur<br />
VIVRE MIEUX<br />
86 Les vacances, c’est fait<br />
pour être heureux<br />
87 Éviter la colique néphrétique<br />
88 L’alimentation santé :<br />
Démêlons le vrai du faux<br />
89 Les bons réflexes<br />
face à l’acné<br />
par Annick Beaucousin<br />
et Julie Gilles<br />
P.64<br />
P.58<br />
FONDÉ EN 1983 (38 e ANNÉE)<br />
31, RUE POUSSIN – 75016 PARIS – FRANCE<br />
Tél. : (33) 1 53 84 41 81 – Fax : (33) 1 53 84 41 93<br />
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Zyad Limam<br />
DIRECTEUR DE LA PUBLICATION<br />
DIRECTEUR DE LA RÉDACTION<br />
zlimam@afriquemagazine.com<br />
Assisté de Laurence Limousin<br />
llimousin@afriquemagazine.com<br />
RÉDACTION<br />
Emmanuelle Pontié<br />
DIRECTRICE ADJOINTE<br />
DE LA RÉDACTION<br />
epontie@afriquemagazine.com<br />
Isabella Meomartini<br />
DIRECTRICE ARTISTIQUE<br />
imeomartini@afriquemagazine.com<br />
Jessica Binois<br />
PREMIÈRE SECRÉTAIRE<br />
DE RÉDACTION<br />
sr@afriquemagazine.com<br />
Amanda Rougier PHOTO<br />
arougier@afriquemagazine.com<br />
ONT COLLABORÉ À CE NUMÉRO<br />
Jean-Marie Chazeau, Frida Dahmani,<br />
Catherine Faye, Cédric Gouverneur,<br />
Dominique Jouenne, Astrid Krivian,<br />
Erwan Le Moal, Luisa Nannipieri,<br />
Sophie Rosemont.<br />
VIVRE MIEUX<br />
Danielle Ben Yahmed<br />
RÉDACTRICE EN CHEF<br />
avec Annick Beaucousin, Julie Gilles.<br />
VENTES<br />
EXPORT Laurent Boin<br />
TÉL. : (33) 6 87 31 88 65<br />
FRANCE Destination Media<br />
66, rue des Cévennes - 75015 Paris<br />
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ABONNEMENTS<br />
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AFRIQUE MAGAZINE<br />
EST UN MENSUEL ÉDITÉ PAR<br />
31, rue Poussin - 75016 Paris.<br />
SAS au capital de 768 200 euros.<br />
PRÉSIDENT : Zyad Limam.<br />
Compogravure : Open Graphic<br />
Média, Bagnolet.<br />
Imprimeur : Léonce Deprez, ZI,<br />
Secteur du Moulin, 62620 Ruitz.<br />
Commission paritaire : 0224 D 85602.<br />
Dépôt légal : juillet 2022.<br />
La rédaction n’est pas responsable des textes et des photos<br />
reçus. Les indications de marque et les adresses figurant<br />
dans les pages rédactionnelles sont données à titre<br />
d’information, sans aucun but publicitaire. La reproduction,<br />
même partielle, des articles et illustrations pris dans Afrique<br />
Magazine est strictement interdite, sauf accord de la rédaction.<br />
© Afrique Magazine 2022.<br />
AFRIQUE MAGAZINE I <strong>430</strong> – JUILLET 2022 5
ON EN PARLE<br />
C’est maintenant, et c’est de l’art, de la culture, de la mode, du design et du voyage<br />
6 AFRIQUE MAGAZINE I <strong>430</strong> – JUILLET 2022
DR - TRACEY ROSE<br />
« TRACEY ROSE: SHOOTING<br />
DOWN BABYLON »,<br />
Musée d’art contemporain<br />
africain Zeitz Mocaa,<br />
Le Cap (Afrique du Sud),<br />
jusqu’au 28 août.<br />
zeitzmocaa.museum<br />
ÉVÉNEMENT<br />
La plasticienne devant le Zeitz Mocaa, lieu de l’expo.<br />
À CORPS<br />
ET À CRIS<br />
Au Cap, la rétrospective dédiée<br />
à Tracey Rose, l’une des artistes<br />
les plus CONTESTATAIRES<br />
de la scène internationale, cloue au pilori<br />
les stéréotypes liés à la race et au genre.<br />
ELLE A FAIT DE SON CORPS un acte politique et artistique.<br />
Et n’a de cesse d’en explorer et d’en interroger les limites. La<br />
voix radicale de Tracey Rose dans le monde de l’art international<br />
et sud-africain propose une vision tranchante et sans compromis<br />
de la post-colonialité, des discriminations raciales, du<br />
métissage, du genre et de la sexualité. Née à Durban en 1974,<br />
elle fait partie d’une génération de plasticiens qui ont réinventé<br />
le geste artistique et s’est fait connaître du grand public<br />
à la fin des années 1990 avec ses performances subversives,<br />
notamment à la deuxième biennale de Johannesbourg,<br />
en 1997 – elle s’y était présentée aux spectateurs nue, la tête<br />
rasée, assise et tricotant ses propres cheveux, dans une boîte<br />
en verre. Une façon inédite de déconstruire la représentation<br />
du corps des femmes. Souvent décrit comme absurde, son<br />
travail artistique puise son inspiration aussi bien dans les<br />
faits historiques que dans l’idéologie populaire. Et frappe<br />
là où ça fait mal. Sans concession. ■ Catherine Faye<br />
AFRIQUE MAGAZINE I <strong>430</strong> – JUILLET 2022 7
ON EN PARLE<br />
Zar Amir Ebrahimi<br />
a remporté le prix<br />
d’interprétation féminine<br />
au dernier Festival de<br />
Cannes pour ce rôle.<br />
POLICIER<br />
LE PURIFICATEUR<br />
Un thriller féministe sur fond<br />
de BIGOTERIE MEURTRIÈRE<br />
dans une ville sainte iranienne…<br />
SEXE, POLITIQUE ET RELIGION : un cocktail que l’on n’attendait<br />
pas forcément dans un film se déroulant en Iran, inspiré d’une<br />
affaire réelle survenue au début des années 2000. Dans la ville<br />
sainte de Mashhad, haut lieu de pèlerinage chiite et troisième ville<br />
d’Iran, des prostituées sont mystérieusement assassinées, dans<br />
l’indifférence des autorités locales. Mais la presse s’en mêle, et<br />
le pouvoir à Téhéran s’inquiète. Une journaliste réputée arrive de<br />
la capitale alors que 10 cadavres de jeunes femmes ont déjà été<br />
retrouvés… Un rôle incarné avec beaucoup d’aplomb par Zahra<br />
Amir Ebrahimi, ce qui lui a valu le prix<br />
d’interprétation féminine au dernier<br />
Festival de Cannes. Cette ex-star de<br />
la télévision avait dû s’exiler à Paris,<br />
à la suite de la diffusion d’une vidéo<br />
intime volée qui aurait pu lui<br />
valoir prison et coups de fouet. Le<br />
réalisateur, Ali Abbasi, est également<br />
réfugié, installé au Danemark : il a<br />
tourné son film en Jordanie, mais le<br />
spectateur est plongé dans l’ambiance<br />
pesante et misogyne d’une ville<br />
iranienne fréquentée par 20 millions<br />
de pèlerins chaque année… Le poids de la religion se révèle<br />
un peu plus lorsque le tueur en série devient un héros patriote<br />
aux yeux de bien des habitants qui applaudissent son action<br />
pour « nettoyer » la cité de ces pauvres malheureuses. Rien<br />
ne nous est épargné des conditions dans lesquelles elles sont<br />
tuées, comme un écho à la scène finale, implacable, après<br />
bien des rebondissements. Car il y a un suspense, une tension,<br />
et quelques surprises jusqu’au bout… ■ Jean-Marie Chazeau<br />
LES NUITS DE MASHHAD (Danemark-Allemagne-Suède),<br />
d’Ali Abbasi. Avec Mehdi Bajestani, Zar Amir Ebrahimi. En salles.<br />
❶<br />
SOUNDS<br />
À écouter maintenant !<br />
Avalanche<br />
Kaito<br />
Avalanche Kaito,<br />
Glitterbeat/Modulor<br />
Le chanteur et<br />
multi-instrumentiste<br />
Kaito Winse, dernier né d’une famille<br />
de griots burkinabée, a fait ses armes sur<br />
la scène alternative belge où il a rencontré<br />
un duo de punk bruxellois formé par<br />
Benjamin Chaval et Arnaud Paquotte.<br />
Ensemble, ils repoussent les limites d’une<br />
musique prompte à la transe, entre jazz<br />
et post-punk, riche d’improvisations<br />
et de poétiques distorsions. Tripant.<br />
❷ Céphaz<br />
L’Homme aux mille<br />
couleurs, Sprint<br />
Records/Play Two<br />
Né au Ghana, Céphaz<br />
a grandi entre l’Afrique<br />
du Sud, Mayotte et la France. Son socle<br />
durant ces années nomades ? La musique<br />
et le football. Il a fini par choisir la première,<br />
fort d’une voix perfectionnée dans une<br />
chorale et d’un apprentissage au saxo et<br />
à la clarinette. Enregistré par le producteur<br />
de Vianney ou de Boulevard des Airs, Antoine<br />
Essertier, ce premier album cultive une jolie<br />
chanson entre pop et folk francophone.<br />
❸<br />
Oum<br />
et M-Carlos<br />
Hals, MDC/Believe<br />
« Fear », « Desire »,<br />
« Truth » ou encore<br />
« Empathy » : voici les<br />
noms de quelques-unes des sept pistes de<br />
cet album évoquant en musique les ressentis<br />
traversés depuis le début de la pandémie.<br />
Ces émotions sont imaginées par le duo formé<br />
pour l’occasion par la chanteuse marocaine<br />
Oum et le saxophoniste cubain M-Carlos.<br />
On y entend aussi bien du darija, de l’espagnol<br />
ou de l’anglais. Le résultat est atmosphérique,<br />
groovy… et un peu planant ! ■ Sophie Rosemont<br />
DR (5)<br />
8 AFRIQUE MAGAZINE I <strong>430</strong> – JUILLET 2022
Histoires<br />
de petites gens<br />
propose de<br />
(re)découvrir<br />
La Petite<br />
Vendeuse<br />
de Soleil<br />
et Le Franc<br />
(ci-contre).<br />
LÉGENDE<br />
LES CONTES D’AUJOURD’HUI<br />
DE DJIBRIL DIOP M<strong>AM</strong>BÉTY<br />
La restauration de deux moyens-métrages de l’ICONIQUE<br />
RÉALISATEUR SÉNÉGALAIS permet de redécouvrir des pépites<br />
flamboyantes du cinéma africain, toujours aussi pertinentes.<br />
DR (2)<br />
CE DEVAIT ÊTRE UNE TRILOGIE, mais le troisième film<br />
(L’Apprenti voleur) ne sera jamais réalisé : en 1998, à 53 ans,<br />
Djibril Diop Mambéty meurt juste après avoir terminé La<br />
Petite Vendeuse de Soleil, quatre ans après Le Franc, tourné<br />
en pleine dévaluation du FCFA. Ces deux films de 45 minutes<br />
chacun ont été restaurés par les laboratoires Éclair, qui ont<br />
redonné tout leur éclat aux couleurs franches utilisées par<br />
le réalisateur : noir, rouge, vert, jaune et bleu. Dans Le Franc,<br />
c’est en rouge qu’est habillé Marigo, pauvre musicien dont la<br />
logeuse a confisqué l’instrument pour cause de loyers impayés.<br />
Ce personnage chaplinesque, avec sa silhouette dégingandée,<br />
voit pourtant la chance lui sourire après avoir acheté un billet<br />
de loterie qui va s’avérer gagnant, mais qu’il a trop bien caché<br />
en le collant sur une porte… On va alors suivre son périple<br />
jusqu’au centre de Dakar pour tenter de récupérer le gros lot<br />
(avec sa porte sur le dos, sur le toit d’un bus ou en traversant<br />
à pied des étendues envahies de déchets plastiques), sur fond<br />
de musique jazzy au saxo (composée par le frère du cinéaste,<br />
Wasis Diop, père de la réalisatrice Mati Diop). Une épopée<br />
tragicomique, avec très peu de dialogues et un montage qui fait<br />
souvent basculer le conte vers le fantastique. D’un personnage<br />
tout en rouge, qui évolue comme un danseur maladroit,<br />
on passe à une fillette handicapée vêtue de jaune dans le<br />
second film. Sili vit dans la rue avec sa grand-mère et l’une<br />
de ses deux jambes pendouille entre les deux béquilles qui<br />
soutiennent sa démarche claudicante, mais que pourtant rien<br />
n’arrête. Afin de s’en sortir, elle va demander à vendre à la<br />
criée le quotidien Le Soleil, comme le font exclusivement des<br />
garçons, qui la moquent et la bousculent régulièrement. « Ce<br />
que les garçons font, les filles peuvent le faire », lance-t-elle.<br />
Elle recevra le soutien d’un vendeur du quotidien concurrent,<br />
Le Sud, « le journal du peuple » lui explique-t-il, alors que le<br />
premier est le journal du gouvernement. « Alors je vendrai Le<br />
Soleil, comme ça, le gouvernement se rapprochera du peuple »,<br />
lui répond Sili. La vie est un combat de chaque jour pour ces<br />
miséreux, mais le récit ne les enferme pas dans leurs conditions<br />
et nous montre les chemins empruntés pour en réchapper par<br />
le haut, dans une réalisation épurée qui n’alourdit rien. Deux<br />
beaux films toujours actuels et définitivement cultes. ■ J.-M.C.<br />
HISTOIRES DE PETITES GENS<br />
(France-Suisse-Sénégal), de Djibril Diop Mambéty.<br />
Avec Dieye Ma Dieye, Lisa Balera, Aminata Fall. En salles.<br />
AFRIQUE MAGAZINE I <strong>430</strong> – JUILLET 2022 9
ON EN PARLE<br />
10 AFRIQUE MAGAZINE I <strong>430</strong> – JUILLET 2022
BLUES<br />
ALUNE WADE<br />
SULTAN OF SWING<br />
Pour son cinquième album, le bassiste<br />
sénégalais embrasse les quatre coins<br />
de l’Afrique pour livrer un SUPERBE<br />
RÉCIT SONORE hybride et fédérateur.<br />
HELA <strong>AM</strong>AR - DR<br />
« GRÂCE AU SON, la musique est<br />
une partie de la nature, explique Alune<br />
Wade. Elle est comme la terre, elle<br />
nous rend ce qu’on lui donne. Unir les<br />
peuples par le biais de ma musique a<br />
toujours été pour moi de l’abnégation. »<br />
En témoignent les émotions de<br />
son nouvel album solo, Sultan.<br />
Cela fait déjà trente ans qu’il<br />
joue de la musique. Il garde peu de<br />
souvenirs de ses débuts, mais « une<br />
chose est sûre, c’était à côté de [s]on<br />
père, qui était lui-même musicien ».<br />
Ce dernier dirigeait l’orchestre<br />
symphonique de l’armée sénégalaise.<br />
Grâce à lui, le jeune Alune apprend<br />
le piano, la guitare et la basse, où<br />
il excelle. Ses armes, il les fait auprès<br />
d’Ismaël Lo, qu’il accompagne durant<br />
huit ans, dès sa majorité. Et il s’impose<br />
rapidement sur la scène nationale<br />
avec ses compositions boisées, qui<br />
racontent la vie telle qu’elle est, tout<br />
en pansant les blessures. « J’ai aimé<br />
le blues avant de savoir ce que c’était,<br />
ce son qui vient du cœur », confesse-t-il.<br />
Cependant, son prisme n’est pas<br />
monomaniaque, et Alune Wade cultive<br />
les terres jazz comme celles du folk,<br />
la transe gnawa, qu’il a largement<br />
parcourues au sein de son groupe<br />
University of Gnawa, fondé en 2010<br />
avec Aziz Sahmaoui. Depuis, tout<br />
le monde fait appel à lui, de Marcus<br />
Miller à Harold López-Nussa. Ce sens<br />
du partage, c’est ce qui s’entend<br />
dans Sultan – qui convoque aussi<br />
bien les chants soufis que l’afrobeat ou<br />
les ritournelles arabo-andalouses –,<br />
où l’on retrouve des musiciens 5 étoiles<br />
tels le percussionniste Adriano<br />
Tenorio DD, le claviériste Cédric<br />
Duchemann, le trompettiste Carlos<br />
Sarduy, le batteur Daril Esso ou encore<br />
le saxophoniste Hugues Mayot…<br />
Et ce ne sont pas les seuls : au<br />
total, 20 instrumentistes participent<br />
à l’aventure, laquelle a vu le jour grâce<br />
à la soif du collectif de Wade : « J’ai<br />
pu enregistrer ces nouvelles chansons<br />
à partir du moment où je me suis senti<br />
prêt à raconter mes expériences vécues<br />
avec des musiciens de l’autre côté de<br />
notre continent, que Paris m’a permis<br />
de croiser sur mon chemin. » ■ S.R.<br />
ALUNE WADE, Sultan, Enja Yellow<br />
Bird/L’Autre Distribution.<br />
11
ON EN PARLE<br />
SÉRIE<br />
Dans ce thriller,<br />
une mannequin<br />
s’infiltre au sein<br />
d’une richissime<br />
famille détenant<br />
un empire de<br />
cosmétiques…<br />
UNE F<strong>AM</strong>ILLE TOXIQUE<br />
Ce show haletant confirme la qualité des PRODUCTIONS<br />
SUD-AFRICAINES pour les plates-formes.<br />
LES COSMÉTIQUES BENGHU veulent<br />
conquérir toute l’Afrique. Ils ont recruté<br />
une nouvelle égérie… sans savoir qu’avec<br />
d’autres enfants, elle a servi de cobaye pour<br />
leurs crèmes éclaircissantes, en toute illégalité<br />
(ces produits sont interdits en Afrique du Sud<br />
depuis trente ans)… Seule survivante – avec son<br />
frère resté à Soweto – de cette expérimentation<br />
qui a mal tourné, la top-modèle veut se venger<br />
en s’introduisant incognito au sein de la<br />
richissime famille qui possède cet empire<br />
afin de trouver des preuves de leur trafic. La<br />
voilà plongée dans un quotidien de luxe et de<br />
glamour (les stylistes s’en sont donné à cœur<br />
joie !) à Johannesbourg, mais aussi au milieu<br />
des tourments d’un clan dirigé d’une main de<br />
fer par un patriarche et l’une de ses épouses.<br />
Un thriller en six épisodes (pour l’instant) qui<br />
prouve avec éclat l’originalité des productions<br />
du pays écrites pour le streaming. ■ J.-M.C.<br />
SAVAGE BEAUTY<br />
(Afrique du Sud),<br />
de Lebogang Mogashoa.<br />
Avec Rosemary Zimu,<br />
Dumisani Mbebe. Sur Netflix.<br />
EXPOSITION<br />
De fil en aiguille Treize artistes venus du Liban, d’Algérie ou du Maroc<br />
interrogent les liens entre les êtres et la question de la transmission.<br />
SOUVENIRS, SYMBOLES, rituels… Toutes les formes d’attache sont explorées dans cette expo à la fois<br />
esthétisante et émouvante. Son titre, « Silsila » (« la chaîne » en arabe), évoque ces filiations qui unissent les<br />
êtres ou les événements, une succession de maillons individuels et collectifs, indissociables, comme autant de<br />
destinées entrelacées. Portés par un imaginaire où l’intime et la mémoire se confondent, les plasticiens alternent<br />
les médiums et les registres, la figuration et l’abstraction, tissent les fils de leurs origines. Lourds tapis à moitié<br />
décousus de Ouassila Arras, fleurs et allégories disséminées dans les toiles saisissantes d’inspiration persane de<br />
Rayan Yasmineh, ou encore silhouettes stylisées figurant sur les étiquettes de paquets de semoule ou de henné<br />
de M’barka Amor raniment les secrets d’histoires personnelles ou familiales, les parcours migratoires, tout ce<br />
qui constitue le passé et le présent de ces artistes pluriculturels. Un voyage onirique autant que constitutif. ■ C.F.<br />
« SILSILA, LE VOYAGE DES REGARDS », Institut des cultures de l’islam, Paris (France), jusqu’au 31 juillet. institut-cultures-islam.org<br />
NETFLIX - DR (2)<br />
12 AFRIQUE MAGAZINE I <strong>430</strong> – JUILLET 2022
NDUDUZO<br />
MAKHATHINI,<br />
In The Spirit<br />
of Ntu, Blue<br />
Note Africa.<br />
JAZZ<br />
Nduduzo Makhathini<br />
L’invocation du collectif<br />
À 39 ans, le Sud-Africain RÉINVENTE SON LANGAGE MUSICAL<br />
tout en documentant les tourments sociopolitiques de son pays. Magnifique !<br />
KGABO LEGORA - DR<br />
ON L’AVAIT QUITTÉ sur le très beau Modes of Communication:<br />
Letters from the Underworlds, son premier disque paru chez<br />
Blue Note Records en 2020. On le retrouve avec un superbe<br />
dixième album, In The Spirit of Ntu : « Ntu est une philosophie<br />
africaine ancienne d’où vient le concept d’Ubuntu, qui dit :<br />
"Je suis car tu es." C’est une profonde invocation du collectif »,<br />
explique Nduduzo Makhathini. Et en effet, ouvert à l’altérité,<br />
empreint des rites zoulous et témoignant du marasme<br />
sociopolitique de l’Afrique du Sud, son dernier opus s’avère une<br />
catharsis d’une trame sonore explorée jusqu’à la substantifique<br />
moelle depuis les débuts du musicien, au début des années<br />
2000. Autour de lui, la crème des instrumentistes jazz, de<br />
la saxophoniste Linda Sikhakhane au percussionniste Gontse<br />
Makhene, en passant par le batteur Dane Paris… Makhathini<br />
retrouve également la star du saxo américaine Jaleel Shaw,<br />
sur le très coltranien « Emlilweni ». Incontournable. ■ S.R.<br />
AFRIQUE MAGAZINE I <strong>430</strong> – JUILLET 2022 13
ON EN PARLE<br />
Le créateur<br />
joue avec<br />
des volumes<br />
étonnants.<br />
MODE<br />
L’UNIVERS FANTAISISTE<br />
D’ABDEL EL TAYEB<br />
L’étonnante première<br />
collection du STYLISTE<br />
FRANCO-SOUDANAIS<br />
fait la part belle aux<br />
formes et au travail<br />
sur les matières.<br />
LE BORDELAIS Abdel El Tayeb est<br />
une étoile montante dans le monde<br />
de la mode. À 28 ans, le designer<br />
franco-soudanais a remporté le Debut<br />
Talent Award à la Fashion Trust Arabia de Doha, en novembre<br />
dernier. Et en mai, la journaliste Rokhaya Diallo a porté sur<br />
le tapis rouge du Festival de Cannes la robe en perles colorées<br />
qu’il a dessinée pour elle avec la créatrice textile Cécile<br />
Feilchenfeldt. L’entente avec cette magicienne de la maille,<br />
rencontrée pendant ses études à l’école Olivier de Serres,<br />
à Paris, a été immédiate. Les deux partagent un intérêt pour la<br />
création de pièces qui ressemblent à des « sculptures sur corps »<br />
ainsi que pour la recherche sur les textures et les matériaux<br />
qui permettent de créer des volumes étonnants. Pour dessiner<br />
sa première collection et son manifeste, « El Tayeb Nation »,<br />
du nom de sa marque, le styliste a puisé son inspiration dans<br />
Les silhouettes<br />
mixent coupes<br />
classiques<br />
et tradition<br />
soudanaise.<br />
Ci-contre, le fondateur<br />
de la marque El Tayeb Nation.<br />
les formes arrondies des paniers tressés<br />
soudanais, mais aussi dans l’univers du<br />
sculpteur Alberto Giacometti et de sa Femme<br />
cuillère. Il a développé les coupes, travaillant<br />
notamment le tailoring et exploitant des<br />
renforts à l’intérieur des vêtements pour<br />
faire tenir les volumes, mais aussi employant<br />
des matières qui gardent d’elles-mêmes<br />
une forme bombée. Incarnation d’une<br />
nation fantaisiste, à mi-chemin entre la<br />
France et le Soudan, sa garde-robe met en avant son héritage<br />
multiculturel. Les silhouettes alternent coupes classiques à la<br />
française, brodées avec des motifs soudanais, et tenues inspirées<br />
de la tradition soudanaise, comme le thobe (morceau de tissu<br />
drapé autour du corps). On s’imagine devant une parade<br />
nationale, qui nous plonge dans l’univers du label, où défilent<br />
un officier en grande tenue à côté d’une Marianne parée du<br />
drapeau de ce nouveau pays. Depuis Milan, où il travaille pour<br />
Bottega Veneta et jongle entre la réalisation de commandes<br />
particulières et de projets artistiques, Abdel El Tayeb confie<br />
réfléchir à une nouvelle collection et ne cache pas l’envie<br />
d’ouvrir, à terme, un atelier au Soudan. ■ Luisa Nannipieri<br />
PIERRE DEBUSSCHERE (3) - DR<br />
14 AFRIQUE MAGAZINE I <strong>430</strong> – JUILLET 2022
DESIGN<br />
FROM<br />
DAKAR<br />
BEUZ/STUDIO 221<br />
FABRICS<br />
Le style<br />
et le confort<br />
avant tout<br />
Cette MARQUE<br />
DE SACS À DOS mélange<br />
culture sénégalaise et<br />
militantisme écologique.<br />
« SAHEL ROLLPACK », la première collection<br />
de cette marque dakaroise, inspirée des sacs<br />
des tirailleurs, a vu le jour en 2017 et est déjà<br />
un classique. « Nous avons utilisé des bâches et<br />
des vieillies ceintures de l’armée pour créer des<br />
sacs qui correspondent à notre style », raconte<br />
Moctar Ba, fondateur et designer de From<br />
Dakar Fabrics. C’est en discutant sur la plage<br />
avec sa future femme et un autre copain qu’ils<br />
ont décidé de lancer un label de sacs durables,<br />
imaginés pour et par des gens qui évoluent<br />
dans le milieu du surf, du skate ou du roller.<br />
Les modèles test, réalisés à partir de vieux<br />
draps et rideaux récupérés auprès d’hôtels de<br />
la capitale, avaient été distribués gratuitement<br />
pour pousser les jeunes à abandonner les sacs<br />
plastiques. Une démarche militante assumée<br />
qui caractérise les six collections de la marque,<br />
qui compte aujourd’hui trois ateliers : Dakar,<br />
Marrakech et en Gambie. Confortable et<br />
pratique, chaque pièce est réalisée à la main<br />
avec des matériaux de récupération, comme<br />
les bâches de l’Organisation internationale pour<br />
les migrations, utilisées pour la ligne spéciale<br />
outdoor « Fulfulde ». Ou le pagne naturel<br />
des tisserands manjak, particulièrement mis en<br />
avant dans le Bum Bag et le Mojo Laptop. ■ L.N.<br />
fromdakarfabrics.wixsite.com/fromdakarfabrics<br />
AFRIQUE MAGAZINE I <strong>430</strong> – JUILLET 2022 15
ON EN PARLE<br />
MUSIQUE<br />
SELMAN<br />
FARIS<br />
L’HOMME DE L’OMBRE<br />
Connu pour PRODUIRE DES STARS<br />
DU RAP français, ce multi-instrumentiste<br />
d’origine turc propose un premier<br />
opus au groove solaire.<br />
C’EST D’ABORD un homme de l’ombre, qui a activement participé<br />
à la production de disques récents de Stromae, Nekfeu, Laylow, PLK<br />
ou encore Alpha Wann. Un beau palmarès, donc ! Mais l’homme n’est<br />
pas que ça… Né à Paris, fils du célèbre joueur de ney Kudsi Ergüner,<br />
Selman Faris a étudié au conservatoire, puis au California Institute<br />
of the Arts, aux États-Unis. S’il joue le même instrument que son<br />
père, il maîtrise également la guitare, le violon, le saz, les claviers<br />
ou encore l’alto. Cette première aventure en solitaire, baptisée Neva,<br />
rend hommage à ses racines ottomanes tout en convoquant des<br />
sonorités pop et électro. C’est à la fois frais et spirituel, porté par le<br />
chant en turc très agréable de l’artiste. Un morceau comme « Yeni<br />
Gün » (« Nouveau jour ») sera l’idéale bande-son de notre été, tandis<br />
que « Yildizlar » encourage à l’introspection. Une belle réussite<br />
que ce Neva, qui laisse présager plusieurs successeurs… ■ S.R.<br />
SELMAN FARIS, Neva, Kiraz Records/GUM.<br />
LITTÉRATURE<br />
KHAOULA HOSNI<br />
NI BLANC NI NOIR<br />
Le sixième roman de la Tunisienne<br />
BOUSCULE LES CODES à travers<br />
le récit d’une femme trompée.<br />
GHALIA, mariée depuis dix-huit ans et mère de deux<br />
adolescents, découvre que son mari a une maîtresse.<br />
L’histoire est banale. Mais la réaction de l’épouse<br />
dupée est totalement inattendue. Le choc est tel qu’il<br />
la pousse à se lancer dans une remise en question<br />
et une réflexion, à la fois éprouvantes et libératrices,<br />
afin de comprendre le sens et les raisons de cet<br />
adultère. « C’est simple : traite les autres comme tu<br />
aimerais être traitée. Toujours », écrit en exergue la<br />
romancière, qui a vécu l’écriture de ce texte comme<br />
un exercice émotionnel. Court, intense, ce roman<br />
psychologique pointe du doigt le poids de la religion,<br />
de la famille et de la société en Tunisie. L’histoire,<br />
quant à elle, est si universelle que ses protagonistes<br />
pourraient être dans n’importe quelle ville du<br />
monde. Si tous les thèmes ont été déjà été abordés,<br />
c’est la manière d’en faire la narration qui diffère.<br />
Khaoula Hosni n’hésite pas à tremper sa plume dans<br />
le quotidien des blessures, des relations humaines,<br />
ou des chemins de traverse, pour en explorer les<br />
singularités. À travers ce drame social, l’auteure,<br />
qui a déjà publié six romans et deux recueils de<br />
nouvelles, et obtenu de nombreux prix en Tunisie,<br />
se fait le chantre de l’empathie. Tout le monde<br />
a raison et tout le monde a tort. Chacun cherche<br />
sa voie, surtout dans une société pesante, où les<br />
différences sont réprouvées. Ainsi, lorsque l’héroïne<br />
se rend à l’appartement où les deux amants ont pour<br />
habitude de se retrouver, c’est Wafa, la maîtresse, qui<br />
l’accueille et lui propose une solution. Une solution<br />
imprévue qui viendra déconstruire les poncifs<br />
de l’adultère. Et dont les conséquences mettront,<br />
des années plus tard, ces mots dans la bouche de<br />
Ghalia : « Je suis venue me recueillir sur la tombe<br />
de la femme avec laquelle tu m’as trompée. » ■ C.F.<br />
KHAOULA HOSNI, Le Prix du cinquième jour,<br />
Arabesques, 156 pages, 20 dinars tunisiens.<br />
LOCUS - DR (2)<br />
16 AFRIQUE MAGAZINE I <strong>430</strong> – JUILLET 2022
PORTRAIT<br />
INSOLITE<br />
LAETITIA<br />
KY<br />
Avec ses sculptures<br />
capillaires (présentées<br />
à la Biennale de Venise),<br />
l’Ivoirienne s’engage<br />
et célèbre la BEAUTÉ<br />
DES FEMMES NOIRES.<br />
LAETITIA KY - DR<br />
ELLE A COMMENCÉ le tressage capillaire à<br />
5 ans, implantant des extensions bouclées à la<br />
chevelure lisse de ses poupées Barbie. Depuis,<br />
sa passion pour la beauté est devenue un<br />
art militant, un combat politique dénonçant<br />
l’inégalité des sexes et l’impérialisme<br />
occidental. Née en 1996 à Abidjan, l’artiste<br />
autodidacte et influenceuse Laetitia Ky<br />
enflamme la Toile (plus de 500 000 abonnés<br />
sur Instagram, 6 millions sur TikTok) avec<br />
ses sculptures capillaires originales, réalisées<br />
avec ses cheveux, des rajouts, du fil de fer<br />
ou encore de la laine… Inspirées par les<br />
coiffures africaines ancestrales, souvent<br />
pleines d’humour et d’impertinence, ses<br />
œuvres brisent les tabous sur le corps féminin<br />
(poils, règles…), le harcèlement, les violences<br />
conjugales, le genre. Magnifiant le cheveu<br />
crépu, elle veut prodiguer fierté et estime de<br />
soi aux Africaines. Dans son livre Love and<br />
Justice: A Journey of Empowerment, Activism,<br />
and Embracing Black Beauty, illustré de<br />
sculptures inédites, elle raconte son parcours<br />
inspirant. Actrice dans La Nuit des rois de<br />
Philippe Lacôte, égérie pour des marques<br />
de mode, elle vient de rentrer dans le Livre<br />
Guinness des records, devenant « la personne<br />
qui saute le plus rapidement avec ses propres<br />
cheveux [s’en servant comme d’une corde à<br />
sauter, ndlr] en 30 secondes ». ■ Astrid Krivian<br />
LAETITIA KY, Love<br />
and Justice: A Journey of<br />
Empowerment, Activism, and<br />
Embracing Black Beauty,<br />
Princeton Architectural<br />
Press, 224 pages, 27,50 $.<br />
Avec ses<br />
500 000 abonnés<br />
sur Instagram<br />
et ses 6 millions<br />
sur TikTok, l’artiste<br />
est un véritable<br />
phénomène.<br />
AFRIQUE MAGAZINE I <strong>430</strong> – JUILLET 2022 17
ON EN PARLE<br />
Le MoMA lui consacre une exposition monographique,<br />
dans laquelle est visible l’Alphabet Bété.<br />
L’artiste<br />
en 1993.<br />
« FRÉDÉRIC BRULY BOUABRÉ :<br />
ON NE COMPTE PAS LES ÉTOILES »,<br />
galerie MAGNIN-A, Paris (France),<br />
jusqu’au 30 juillet. magnin-a.com<br />
« FRÉDÉRIC BRULY BOUABRÉ :<br />
WORLD UNBOUND », MoMA,<br />
New York (États-Unis), jusqu’au 13 août.<br />
moma.org<br />
HOMMAGEART VISIONNAIRE<br />
L’immense production de l’Ivoirien<br />
FRÉDÉRIC BRULY BOUABRÉ, des années<br />
1970 jusqu’à sa mort en 2014, est mise<br />
à l’honneur à New York et à Paris.<br />
ALORS QUE LE MUSEUM OF MODERN ART (MOMA) de New York consacre<br />
au dessinateur et poète une exposition monographique, la galerie Magnin-A<br />
expose un ensemble de dessins peu ou jamais montrés, réalisés par l’artiste<br />
entre 1983 et le début des années 2000. C’est dire la portée de l’approche<br />
singulière de l’image et du langage de Frédéric Bruly Bouabré, décédé<br />
en 2014. Dans sa démarche universaliste, celui qui a consacré sa vie à la quête<br />
du savoir voyait dans l’art un moyen de relier tous les peuples du monde.<br />
L’inventeur de l’Alphabet Bété (449 dessins exécutés au stylo-bille, crayon<br />
et crayon de couleur sur de petits cartons rectangulaires), premier système<br />
d’écriture pour le peuple Bété (ethnie ivoirienne à laquelle appartenait<br />
l’artiste), s’adonnait également à une quête poétique de signes. Sa vie durant,<br />
il n’a eu de cesse de capturer et de codifier des sujets provenant de diverses<br />
sources, notamment les traditions culturelles, le folklore, les systèmes de<br />
croyances religieuses et spirituelles, la philosophie ou encore la culture<br />
populaire. À la fois passeur et révélateur, son génie a ainsi toujours consisté<br />
à aborder simultanément le local et le global, reflétant à la fois l’expérience<br />
personnelle et universelle. Son œuvre, véritable condensé de la culture<br />
orale en une multiplicité vertigineuse de formes visuelles et d’annotations<br />
écrites, se découvre comme on feuillette un livre. Passionnément. ■ C.F.<br />
ROBERT GERHARDT - BORDAS<br />
18 AFRIQUE MAGAZINE I <strong>430</strong> – JUILLET 2022
DR (2)<br />
MORNA<br />
LUCIBELA<br />
SAUDADE, SAUDADE<br />
La chanteuse cap-verdienne revient<br />
avec un album d’une GRANDE<br />
ÉLÉGANCE. À son image.<br />
NHELAS SPENCER, Luis Lima, Toy Vieira, Tibau Tavares,<br />
Miquinha, Elida Almeida, Ary Duarte, Daya… Ils sont<br />
nombreux à être convoqués par Lucibela, l’une des plus<br />
douées héritières de Cesária Évora, qui, avec ce second<br />
album, débute aussi à la composition avec la morna « Ilha<br />
Formose », ode à son île natale de São Nicolau – où elle<br />
poussait son premier ci à Tarrafal il y a trente-six ans…<br />
L’artiste cap-verdienne incarne également un boléro du<br />
LUCIBELA,<br />
Amdjer,<br />
Lusafrica/<br />
Sony.<br />
Cubain Emílio Moret. Acoustique, nostalgique et pourtant<br />
contemporain : Amdjer aborde la condition féminine<br />
avec délicatesse, et néanmoins une grande honnêteté.<br />
À la production, Toy Vieira, complice de Lucibela depuis<br />
ses débuts en studio, signe une réalisation cristalline.<br />
Claviers, cuivres, cordes se mélangent au sein d’un écrin<br />
acoustique qui, inauguré par « Amdjer Ká Bitche », rappelle<br />
le bonheur d’être au monde, aussi imparfait soit-il. ■ S.R.<br />
AFRIQUE MAGAZINE I <strong>430</strong> – JUILLET 2022 19
ON EN PARLE<br />
NOUVELLE<br />
L’ÉNIGME DE<br />
MONSIEUR GÉRARD<br />
Un texte troublant et attachant, écrit<br />
d’une main de maître par l’académicien<br />
Dany Laferrière.<br />
SUSPENSE<br />
LA MARIÉE<br />
ÉTAIT EN ROUGE<br />
Une première<br />
SÉRIE NIGÉRIANE<br />
inégale pour Netflix.<br />
À QUELQUES MINUTES de son<br />
mariage, un homme d’affaires frappe<br />
violemment sa fiancée dans sa suite<br />
d’hôtel : il est aussitôt abattu par la<br />
meilleure amie de la future épouse…<br />
Les deux femmes vont alors<br />
découper le cadavre dans la salle de bains pour mieux<br />
s’en débarrasser et fuir pendant que des dizaines d’invités<br />
s’impatientent dans les salons du luxueux établissement…<br />
La cavale qui s’ensuit met beaucoup de temps à se<br />
mettre en place, et il faut attendre le troisième épisode<br />
(sur quatre) pour que la série trouve le bon tempo. Les<br />
comédiens (plusieurs stars de Nollywood) sont souvent<br />
en roue libre, et le scénario abuse de grosses ficelles (riche<br />
famille déchirée, médecin trafiquant d’organes, police<br />
corrompue…). Mais lorsque l’intrigue plonge enfin au<br />
cœur de la tentaculaire Lagos, ses routes et ses bidonvilles,<br />
ça fonctionne. La fin, abrupte, appelle une suite,<br />
d’autant que le succès est déjà au rendez-vous. ■ J.-M.C.<br />
BLOOD SISTERS (Nigeria), de Biyi Bandele<br />
et Kenneth Gyang. Avec Ini Dima Okojie,<br />
Nancy Isime, Deyemi Okanlawon. Sur Netflix.<br />
C’EST UN TOUT PETIT livre,<br />
un concentré, une histoire simple<br />
et mystérieuse. Un récit à hauteur<br />
d’enfant, comme dérobé aux adultes ; mieux encore,<br />
comme épié par le trou d’une serrure. Un bijou littéraire.<br />
Cette déambulation dans l’imaginaire et les sentiments est<br />
celle de Manuel, 10 ans. Il vit avec sa mère. N’a jamais connu<br />
son père. Lorsqu’il rencontre Monsieur Gérard, professeur<br />
de littérature congédié d’une école de jeunes filles, son<br />
quotidien bascule. L’homme raffiné et singulier, féru de<br />
Baudelaire et de Wagner, qui vit dorénavant cloîtré dans<br />
une chambre miséreuse de Port-au-Prince, va lui enseigner<br />
la poésie, la trigonométrie, tout un art de vivre. Plus encore,<br />
il va éveiller chez cet enfant sensible et intelligent une<br />
fascination et une curiosité, à la frontière de l’indiscrétion<br />
et du désir : une quête hypnotique dans le dédale d’une<br />
intimité équivoque, à la fois paternelle et inquiétante. ■ C.F.<br />
DANY LAFERRIÈRE, L’Enfant qui regarde,<br />
Grasset, 64 pages, 7,50 €.<br />
BD<br />
À LA FACE DU MONDE<br />
Un chant graphique et tragique,<br />
pour résister aux vents contraires<br />
et croire encore aux rêves.<br />
ENSEMBLE, ils avaient déjà fait dialoguer<br />
poésie, arts visuels et musique dans<br />
un ouvrage d’art, Fragments (éditions<br />
Bernard Chauveau, 2019). Le poète, slameur et romancier<br />
Marc Alexandre Oho Bambe et son complice de toujours,<br />
l’artiste pop art Fred Ebami [voir pp. 26-27], nous reviennent<br />
cette fois-ci avec un premier roman graphique, tout en orange,<br />
jaune et rouge brique. Un livre poème. Un livre cri. Pour<br />
dire l’incompréhension, la révolte et l’urgence devant le sort<br />
d’une jeunesse jetée sur les routes de l’exil. Pour chanter<br />
le destin tragique et les attentes anéanties de Yaguine Koïta<br />
et Fodé Tounkara, découverts morts de froid à l’aéroport<br />
international de Bruxelles, dans le train d’atterrissage<br />
arrière droit du vol 520 Sabena Airlines en provenance<br />
de Conakry, le 2 août 1999. Pour s’indigner. Et espérer<br />
encore : « Chaque voyage commence. Par un premier pas.<br />
Vers l’ailleurs horizon. Vers l’Autre. Et vers soi-même. » ■ C.F.<br />
MARC ALEXANDRE OHO B<strong>AM</strong>BE ET FRED EB<strong>AM</strong>I,<br />
Nobles de cœur, Calmann-Lévy, 160 pages, 19 €.<br />
NETFLIX - DR (3)<br />
20 AFRIQUE MAGAZINE I <strong>430</strong> – JUILLET 2022
HOUSE<br />
KIDDY<br />
SMILE<br />
Toujours<br />
en vogue<br />
Avec Paris’ Burning, il fait<br />
un retour fracassant SUR LES<br />
DANCE-FLOORS sans laisser<br />
son activisme au vestiaire.<br />
ROMAIN GUITTET/THE WOID PHOTOGRAPHY - DR<br />
SI LE NOUVEL EP de Kiddy Smile s’appelle<br />
Paris’ Burning, ce n’est pas pour rendre<br />
hommage au documentaire de Jennie<br />
Livingston, Paris is Burning, qui révélait<br />
les coulisses du voguing new-yorkais des<br />
années 1980. Le musicien pensait plutôt<br />
à représenter les possibilités de la house<br />
hexagonale, dont il est la seule incarnation<br />
noire et gay : « Paris est la deuxième capitale<br />
dans le monde où vit la culture ballroom,<br />
comme l’avait prédit et voulu Willi Ninja<br />
[danseur apparaissant dans le docu, ndlr],<br />
affirme-t-il. Paris brûle d’un feu ardent.<br />
Elle est en marche pour se réapproprier des<br />
cultures qui sont les siennes. Et pourquoi<br />
pas être une capitale de la musique house ? »<br />
Initié dans les clubs latinos, noirs et LGBT+,<br />
le voguing est la danse de cœur de Kiddy<br />
Smile, que l’on suit avec attention depuis<br />
son premier album sorti en 2018, One<br />
Trick Pony. Et il brille de son militantisme<br />
dans un Paris’ Burning aux beats acérés.<br />
Cet été, on le verra aussi en tant que juge<br />
dans l’adaptation francophone de l’émission<br />
télévisée américaine Ru Paul’s Drag Race,<br />
diffusée sur France TV Slash. Un rêve devenu<br />
réalité pour le chanteur : « Contrairement<br />
à ce que les gens pensent, le drag n’est pas<br />
clownesque, mais raffiné. Je suis heureux<br />
de participer à une émission qui explique<br />
au grand public sa technicité. » ■ S.R.<br />
KIDDY SMILE,<br />
Paris’ Burning vol. 1,<br />
Grand Neverbeener Records/Grand<br />
Musique Management.<br />
AFRIQUE MAGAZINE I <strong>430</strong> – JUILLET 2022 21
ON EN PARLE<br />
Le Klein Jan est au cœur<br />
de Tswalu Kalahari, la plus<br />
grande réserve privée<br />
d’Afrique du Sud.<br />
SPOTS<br />
DEUX LIEUX<br />
DU CŒUR<br />
Projet culinaire écoresponsable<br />
ou lieu de brassage culturel,<br />
ces ADRESSES GOURMANDES<br />
sont des rêves devenus réalités.<br />
POUR LE CHEF ÉTOILÉ Jan-Hendrik van der Westhuizen,<br />
patron du bijou gastronomique Jan, à Nice, depuis 2013,<br />
l’ouverture l’année dernière du micro-restaurant Klein Jan<br />
est un rêve qui se réalise. Ce nouveau projet au cœur de la<br />
plus grande réserve privée d’Afrique du Sud, Tswalu Kalahari,<br />
lui a permis de revenir dans son pays pour proposer une<br />
cuisine simple, qui sublime les ingrédients de la région du<br />
nord du Cap. À la carte, on trouve de la viande d’impala mais<br />
aussi du springbok cucumber (le concombre cornu d’Afrique)<br />
et des truffes du Kalahari, qui créent ensemble un millefeuille<br />
inédit. Le tout servi dans un cadre unique, à côté du poêle où<br />
la grand-mère du « petit (klein) Jan » lui a appris à cuisiner.<br />
Une expérience gastronomique hors du commun, accessible à<br />
très peu de monde dans un souci de durabilité des ingrédients.<br />
janonline.com/restaurantkleinjan<br />
AUTRE PAYS, autre ambition : celle de Paloma Sané,<br />
de sa mère et de sa sœur, de fédérer du monde autour<br />
de La Favela, ouvert fin 2020 dans le dynamique quartier<br />
du Point E, à Dakar. La Sénégalo-Capverdienne propose<br />
une cuisine métissée aux influences lusophones dans<br />
Ci-contre et ci-dessous, La Favela<br />
se situe dans le dynamique<br />
quartier du Point E, à Dakar.<br />
une belle cour ombragée. Un bar recouvert de faïence,<br />
des tables colorées, un coin dédié au yoga ou aux concerts<br />
live, et beaucoup de place pour jouer. Ici, tout le monde<br />
est bienvenu. Le plat phare, le Cubano Bowl, est une<br />
explosion de saveurs qui mélange fricassée de poulet épicé,<br />
riz safrané, haricots rouges et sauce à la mangue. Mais<br />
la carte propose également des mets à base de porc et,<br />
en semaine, deux plats du jour : un classique sénégalais,<br />
comme le thiep ou le yassa, et un plat international,<br />
comme la poêlée de gambas au citron vert. ■ L.N.<br />
KLEIN JAN/HANRU MARAIS PHOTOGRAPHY (2) - DR (2)<br />
22 AFRIQUE MAGAZINE I <strong>430</strong> – JUILLET 2022
ARCHI<br />
À ABIDJAN, ORANGE<br />
SE RÉINSTALLE !<br />
Koffi & Diabaté livrent un BÂTIMENT REMARQUABLE,<br />
qui incarne les ambitions du groupe dans la région :<br />
moderne, fonctionnel et déjà tourné vers le futur.<br />
FRANÇOIS XAVIER GBRÉ<br />
IMAGINÉ PAR LE CABINET IVOIRIEN Koffi & Diabaté comme<br />
le cœur du futur Orange Village, le nouveau siège d’Orange<br />
Côte d’Ivoire est un imposant bâtiment circulaire sur sept<br />
niveaux. L’anneau de 68 mètres de diamètre a été construit<br />
aux abords de la lagune d’Abidjan et est partiellement<br />
enveloppé par une double peau sophistiquée qui le protège<br />
de l’ensoleillement direct. Cet écran ajouré, composé de<br />
4 000 pièces arrondies, évoque la surface d’une balle de golf.<br />
Une forme qui a inspiré le projet, et fait un clin d’œil aux<br />
terrains de jeu du quartier de la Riviera Golf. À l’intérieur,<br />
les bureaux, les espaces de coworking, le centre de conférences<br />
ou encore le restaurant et la salle de sport bénéficient d’un<br />
éclairage naturel grâce au vaste patio central, végétalisé et<br />
décoré avec des motifs tirés du bogolan. À partir du quatrième<br />
niveau, les terrasses du bâtiment – qui peut accueillir plus<br />
de 900 employés – offrent des espaces de détente en plein<br />
air, et le dernier étage, réservé aux bureaux de la direction<br />
générale et décoré avec de précieuses œuvres d’art locales,<br />
jouit d’une vue imprenable sur la lagune. Dans une approche<br />
minimaliste, qui valorise l’architecture, les murs en béton brut<br />
de décoffrage ont été laissés tels quels. Le matériel, symbole<br />
de modernité, capte et adoucit la lumière des espaces, tout<br />
en contribuant à donner au bâtiment l’allure d’un lieu à la<br />
fois innovant et intemporel. ■ L.N. koffi-diabate.com<br />
AFRIQUE MAGAZINE I <strong>430</strong> – JUILLET 2022 23
ON EN PARLE<br />
DESTINATION<br />
MAHDIA<br />
LA MÉCONNUE<br />
Préservée du tourisme de masse, une CITÉ TUNISIENNE ENCORE<br />
AUTHENTIQUE, lieu idéal pour retrouver la Méditerranée.<br />
AVEC SES MAISONS d’une blancheur éclatante, ses portes<br />
vert émeraude, son centre-ville parsemé de petites places<br />
ombragées et son vieux port de pêcheurs, Mahdia a gardé<br />
le charme millénaire d’une Tunisie authentique. Cette<br />
ville de province située sur une presqu’île entre Sousse et<br />
Sfax est restée à l’écart des sentiers (touristiques) battus<br />
et a tout fait, dans les années 1960, pour préserver son<br />
magnifique cimetière marin de l’appétit des promoteurs,<br />
qui voulaient le transformer en resort balnéaire. Les<br />
modestes tombes blanches sont toujours à leur place,<br />
sur le cap Afrique, où les visiteurs peuvent flâner entre<br />
les bouquets de laurier et se laisser caresser par l’écume<br />
portée par le vent. Les hôtels, une vingtaine, ont été<br />
cantonnés au nord de la ville, le long d’un ruban de<br />
sable doré – l’une des plages, avec celles de Chebba et<br />
de Salakta, au sud, parmi les plus belles du pays.<br />
Réputée pour les structures spécialisées en soins thalasso<br />
et sa station balnéaire à taille humaine, Mahdia est une<br />
ville d’histoire, de culture et d’artisanat. Déjà connue du<br />
temps des Phéniciens sous le nom de Jemma, puis sous<br />
celui d’Aphrodisium, elle accueille l’un des plus riches sites<br />
archéologiques sous-marins de Tunisie. À l’intérieur du souk<br />
couvert et dans les ruelles de l’ancienne ville, on trouve<br />
encore les magnifiques robes de mariage traditionnelles<br />
SHUTTERSTOCK<br />
24 AFRIQUE MAGAZINE I <strong>430</strong> – JUILLET 2022
Ci-dessus, le Cafe El Enba, et ci-dessous, l’Hôtel Thalasso<br />
Mahdia Palace Spa & Kneipp.<br />
Ci-dessous, la maison d’hôtes Dar Evelyne.<br />
DR (3)<br />
et les ateliers des tisserands, qui filent depuis le XIV e siècle<br />
des soieries aux motifs et coloris flamboyants.<br />
Pour accéder au paisible centre historique, on peut<br />
emprunter la Skifa El Kahla (« la porte noire »), une<br />
énorme porte fortifiée et l’un des rares vestiges des anciens<br />
remparts de la citadelle. Si l’on veut en revanche profiter<br />
d’une imprenable vue d’ensemble sur la médina d’un côté<br />
et sur le golfe de l’autre, il faut grimper sur la terrasse<br />
du Borj El Kébir, un fort ottoman du XVI e siècle sur la route<br />
de la Falaise. L’occasion de s’arrêter prendre un café sur la<br />
corniche ou d’explorer l’incontournable marché du vendredi,<br />
qui regroupe les producteurs et les artisans locaux. ■ L.N.<br />
LES BONNES ADRESSES<br />
Restaurant Chez Naima : une cuisine familiale et épicée<br />
qui met les poissons à l’honneur, à côté de la Skifa El Kahla.<br />
Cafe El Enba : une halte pittoresque pour savourer un thé<br />
à la menthe sur la place du Caire, au cœur de la vieille ville.<br />
Hôtel Thalasso Mahdia Palace Spa & Kneipp<br />
et Hôtel Nour Palace Resort & Thalasso :<br />
deux adresses de charme pour un soin thalasso<br />
ou un séjour bien-être de qualité.<br />
Maison d’hôtes Dar Evelyne : un petit coin de paradis<br />
avec une terrasse de rêve nichée dans la médina.<br />
Musée de Mahdia : pour voir mosaïques, céramiques<br />
anciennes, objets artisanaux et précieux tissages.<br />
AFRIQUE MAGAZINE I <strong>430</strong> – JUILLET 2022 25
PARCOURS<br />
Fred Ebami<br />
L’ARTISTE FRANÇAIS D’ORIGINE C<strong>AM</strong>EROUNAISE<br />
apporte un souffle nouveau au pop art. Mêlant outils<br />
numériques et organiques, inspirées par le panafricanisme,<br />
ses œuvres conscientes interpellent l’œil et l’esprit.<br />
par Astrid Krivian<br />
Enfant, il était féru de musique classique et de dessin. Artiste français d’origine<br />
camerounaise, Fred Ebami, 45 ans, a grandi en région parisienne jusqu’à ses<br />
10 ans, puis au Cameroun. « Je gribouillais, dessinais sans cesse. Je m’exprimais<br />
ainsi. Je représentais ma société à travers les superhéros. Et je rêvais de<br />
superpouvoirs pour sauver le monde », se souvient-il. De la pop culture des<br />
comics au pop art, il n’y a qu’un pas. Marqué par les photographies publicitaires<br />
d’Oliviero Toscani pour Benetton, il est aussi ébloui, bousculé par les œuvres<br />
d’Andy Warhol, de Roy Lichtenstein, de Jean-Michel Basquiat et, plus récemment,<br />
de Banksy, artiste de street art. Après des études parisiennes et une traversée<br />
des États-Unis à 22 ans, il met le cap sur l’Angleterre, à Oxford, où il étudie l’infographie.<br />
Alors qu’il se destine à une carrière de publicitaire, son ami, l’écrivain, poète et slameur camerounais<br />
Marc Alexandre Oho Bambe, alias Capitaine Alexandre, lui propose d’illustrer son premier recueil de<br />
poésies et de préparer une exposition. Publié en 2009, le succès de son ouvrage ADN : Afriques Diaspora<br />
Négritude propulse le travail de Fred Ebami sous la lumière. Sa carrière est lancée. Depuis, ses œuvres<br />
ont notamment été exposées à la biennale de Dakar, à la galerie M<strong>AM</strong> de Douala, à Johannesbourg,<br />
à la Tate Modern de Londres ou encore à la foire d’art contemporain 1:54 de Marrakech…<br />
Son pop art, son « souffle de vie », croise le numérique et l’organique, la toile et l’ordinateur.<br />
Sa boîte à outils brasse divers matériaux et techniques (mobilier, masques africains touristiques, feutres<br />
acryliques, peinture à l’huile, fusain, crayons…). « La même folie d’inspiration me guide. Je mélange<br />
les genres pour casser les codes, faire respirer les œuvres. J’aime surprendre, bousculer. » Il s’approprie<br />
les codes publicitaires de la société de consommation pour délivrer ses messages d’espoir, d’ouverture,<br />
d’émerveillement. Avec ses couleurs vives, ses lignes marquées, ses slogans, son humour, son sarcasme,<br />
ses réalisations accrochent le regard, interpellent : « Je veux éveiller les gens à leurs univers intérieurs,<br />
dans un monde qui édicte des façons d’être. » Il représente des personnalités africaines devenues des<br />
icônes – Cheikh Anta Diop, Miriam Makeba, Salif Keita, Thomas Sankara… « C’est important de les faire<br />
connaître aux nouvelles générations. Ils m’ont éduqué, aidé à comprendre l’histoire de mes aïeux, de mon<br />
continent, et la mienne. Ainsi, je connais ma culture, mes origines. Apaisé, je ne me sens pas déraciné. »<br />
Pour lui, l’art se conjugue à l’amitié. Avec Capitaine Alexandre – ils viennent de cosigner le roman graphique<br />
Nobles de cœur – et le slameur Manalone (Albert Morisseau Leroy à la ville), ils ont fondé le collectif On a<br />
slamé sur la lune. L’objectif ? Faire dialoguer les arts, les cultures, créer des œuvres plurielles, des spectacles<br />
inclassables, sensibiliser le public à la création, à la poésie. Cultiver cette capacité à rêver. Ou, comme ils<br />
l’ont écrit au sein de leur installation multimédia Expoésie : Transmission, présentée au festival littéraire<br />
Aux quatre coins du mot, à La-Charité-sur-Loire : « Regarde le ciel / La porte des étoiles est ouverte. » ■<br />
26 AFRIQUE MAGAZINE I <strong>430</strong> – JUILLET 2022
« Je mélange les<br />
genres pour casser<br />
les codes, faire<br />
respirer les<br />
œuvres. J’aime<br />
surprendre,<br />
bousculer. »<br />
De gauche à droite,<br />
Dr Mukwege et Sankara<br />
Yellow.<br />
GABRIEL DIA - FRED EB<strong>AM</strong>I (2)
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C’EST COMMENT ?<br />
PAR EMMANUELLE PONTIÉ<br />
AU-DELÀ DES CULTURES<br />
DOM<br />
Le 24 juin, un véritable séisme pour des millions de femmes s’est produit<br />
aux États-Unis : l’arrêt Roe vs Wade, qui autorisait l’avortement depuis 1973,<br />
a été révoqué. Dorénavant, chaque État pourra choisir de l’interdire ou non. Sept<br />
États ont décidé dans les jours qui ont suivi de priver les femmes de ce droit. Et une<br />
vingtaine d’autres devraient suivre. Pour des millions d’Américaines, c’est un retentissant<br />
retour en arrière. Depuis, des manifestations et des inquiétudes grandissantes<br />
en Europe et en Occident s’enchaînent ou montent.<br />
Ailleurs dans le monde, et en particulier en Afrique,<br />
l’émotion est moins grande. En effet, à part en Tunisie, au<br />
Mozambique, en Afrique du Sud, au Cap-Vert, et très récemment<br />
au Bénin, l’IVG est interdite par la loi. La loi « officielle », coutumière,<br />
religieuse, culturelle, sociale… Certains pays, comme le Gabon<br />
ou la Côte d’Ivoire, ont réussi à assouplir un peu la règle, en autorisant<br />
l’avortement thérapeutique pour le premier, ou en cas de<br />
viol ou d’inceste pour le second. Mais globalement, le sujet agite<br />
des démons, qui vont de l’autonomisation des femmes à la mise<br />
en péril de la descendance.<br />
Dans certaines régions où l’inceste, le viol et le violent<br />
rejet des filles-mères sont une réalité quotidienne, les femmes<br />
sont confrontées à un mur « culturélo-religieux » ancestral<br />
infranchissable. L’objet n’est pas ici d’ouvrir le débat sur les pro<br />
ou anti-IVG, sur les justifications des opinions de X ou Y, bref, sur<br />
une question particulièrement épineuse et complexe en Afrique.<br />
Mais nous souhaitons rappeler quelques chiffres, capables de<br />
donner à penser. Car évidemment, que l’on soit pour ou contre,<br />
6,2 millions d’avortements clandestins ont lieu chaque année en<br />
Afrique subsaharienne. Et malheureusement, 44 % des femmes<br />
qui meurent dans le monde des suites d’un avortement à risque<br />
sont africaines. Un total de 300 000 femmes en moyenne par an.<br />
Elles ont recours à des méthodes épouvantables, en<br />
solitaire, ou encouragées et facturées par des « cliniques<br />
de rue ». Hormis celles qui décèdent, la plupart des rescapées<br />
finissent leur vie avec un utérus perforé, des hémorragies et des infections à répétition.<br />
Et deviennent souvent définitivement stériles. Alors, peut-être faudrait-il peu<br />
à peu considérer cette triste réalité comme un moyen de faire bouger le curseur,<br />
et appréhender aussi la question inévitable de l’avortement comme un problème<br />
majeur de santé publique. Au-delà des cultures… ■<br />
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