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2023 AGIR en soutien du peuple birman

2 ans après le coup d'Etat militaire, le soutien au peuple birman doit d'amplifier. Il en va de la vie et de l'avenir de tout un peuple, il en va des valeurs démocratique

2 ans après le coup d'Etat militaire, le soutien au peuple birman doit d'amplifier. Il en va de la vie et de l'avenir de tout un peuple, il en va des valeurs démocratique

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AGIR

en soutien du peuple

Birman

L E S A C T E S D E L A C O N F É R E N C E | 1 F E V R I E R 2 0 2 3

2 a n s a p r è s l e c o u p d ' E t a t m i l i t a i r e ,

l e s o u t i e n a u p e u p l e b i r m a n d o i t s ' a m p l i f i e r .

I l e n v a d e l a v i e e t d e l ' a v e n i r d e t o u t u n p e u p l e ,

i l e n v a d e s v a l e u r s d é m o c r a t i q u e s .


2 0 2 3 | A G I R E N S O U T I E N D U P E U P L E B I R M A N

A V A N T - P R O P O S

En ce jour de commémoration des

deux ans du coup d'Etat militaire

du 1er février 2021, nous sommes

résolus à exprimer toute notre

solidarité avec les Birmanes et les

Birmans.

Face à la terreur de la junte, face au

courage incroyable du peuple

birman entré en résistance, le

sentiment d'urgence qui nous

anime ne nous quitte pas. Il reste

tant à faire pour soutenir les

aspirations démocratiques de tout

un peuple porté par sa jeunesse.

Mais la communauté internationale

fait encore si peu.

Les organisateurs de cette

conférence, Info Birmanie et Doh

Atu Ensemble pour le Myanmar -

rejoints par 7 organisations de la

société civile française et

nternationale, ont la volonté de

mettre en avant les actions qui

peuvent, et qui doivent, être

entreprises en soutien du peuple

birman, que soit par la France,

l'Union Européenne ou l'Onu.

Toutes les interventions qui vont

suivre indiquent que notre pays, la

France, a un rôle à jouer aux côtés

des aspirations démocratiques du

peuple birman, en écho à son

son courage, à sa détermination et

à ses sacrifices.

Nous avons toutes les raisons, que

nous soyons citoyens ou

représentants politiques, de nous

sentir concernés. Puisse la lecture

de ce actes inspirer des actions en

faveur d'un peuple dont la cause ne

mérite pas l'oubli.

La Mairie de Paris est résolument

engagée aux côtés du peuple

birman. Nous l'en remercions.

" L E S E N S D E C E T T E J O U R N É E , S E M O N T R E R S O L I D A I R E E T S U R T O U T

M O N T R E R D E S L E V I E R S D ' A C T I O N , C ' E S T Ç A Q U E L ' O N V E U T M E T T R E

E N A V A N T "

S O P H I E B R O N D E L

C O O R D I N A T R I C E D ' I N F O B I R M A N I E

Organisé par :

Avec la participation de :


2 0 2 3 | A G I R E N S O U T I E N D U P E U P L E B I R M A N

S O M M A I R E

O U V E R T U R E

0 1 Jean-Luc Romero-Michel, Adjoint à

la Maire de Paris, chargé des droits

humains, de l'intégration et la

lutte contre les discriminations

P L A I D O Y E R D E L A

S O C I É T É C I V I L E

P O U R L A

B I R M A N I E

3 0

Soutenir les Rohingya et tarir

les revenus de la junte

Nay San Lwin, co-fondateur de Free

Rohingya Coalition et membre de

Blood Money Campaign

0 3

0 5

1 2

Aung Myo Min, Ministre des droits

humains du Gouvernement d'Unité

Nationale

L A S I T U A T I O N E N

B I R M A N I E D E U X

A N S A P R È S L E

C O U P D ' E T A T

M I L I T A I R E

Etat des lieux et principaux

enjeux en 2023

Tin Tin Htar Myint, Présidente de

"Doh Atu, Ensemble pour le

Myanmar"

Daniel Bastard, Responsable du

Bureau Asie-Pacifique de Reporters

sans frontières

1 8

2 3

Quels recours envisageables à

la justice internationale avec

l’appui de la société civile?

Patrick Baudouin, Président de la

Ligue des droits de l'Homme,

Président d’honneur de la FIDH

Faire cesser les violations des

droits humains et du droit

international, lutter contre

l’impunité

Léna Collette, Coordinatrice

plaidoyer et relations extérieures,

Amnesty International France

3 4

3 8

Agir face à la peine de mort et

aux exécutions capitales

Diane Fogelman, Responsable

Programmes & Plaidoyer Asie, ACAT-

France

Appuyer la société civile

birmane, au coeur de la

révolution birmane

Juliette Segard, Responsable du

service Asie, CCFD-Terre Solidaire

S O M M A I R E


2 0 2 3 | A G I R E N S O U T I E N D U P E U P L E B I R M A N

O U V E R T U R E

J E A N - L U C R O M E R O - M I C H E L , A D J O I N T À L A

M A I R E D E P A R I S , C H A R G É D E S D R O I T S

H U M A I N S , D E L ' I N T É G R A T I O N E T L A L U T T E

C O N T R E L E S D I S C R I M I N A T I O N S

"Aujourd'hui, on est tous un peu birmans et la

mairie de Paris est birmane aujourd'hui"

Bonjour, je suis très content que

vous soyez là. D’autant qu'à chaque

fois qu'on fait une manifestation sur

pour soutenir le Myanmar et le

peuple birman, on a droit à des

attaques extrêmement violentes de

l'ambassadeur qui écrit au Ministre

des affaires étrangères pour dire

qu'en vous recevant, Monsieur le

Ministre, nous recevons des

terroristes à l'Hôtel de Ville.

Je veux donc dire qu'on a l'habitude

de ces méthodes, de ces

gouvernements autoritaires, mais je

trouve qu'il y a quand même un

moment où il y a des limites à ne

pas dépasser. C'est pour cela que je

suis d'autant plus volontiers avec

vous en ce début de matinée et que

je serai là, avec vous, ce soir. Je crois

qu'il faut vous soutenir plus que

jamais. Cela fait déjà deux ans, ,

malheureusement, qu'a eu lieu ce

coup d'État. Je suis très heureux

d'abord de voir que vous êtes

nombreux. Merci encore à Sophie, à

Tin Tin, à Patrick Baudouin, que je

suis heureux de revoir et que l'on

voit dès qu'il y a des droits humains

à défendre. Je remercie

évidemment Amnesty International

et les autres associations ici

présentes.

L'actualité fait que l’on parle

énormément de l'Ukraine,

heureusement aussi de l'Iran, et que

ce qui se passe dans bien d'autres

pays est souvent occulté. En France,

on n'a pas forcément toujours un

prisme suffisant vis-à-vis de l'Asie,

comme si peut-être cela paraîssait

loin pour un certain

O U V E R T U R E

0 1


2 0 2 3 | A G I R E N S O U T I E N D U P E U P L E B I R M A N

J E A N - L U C R O M E R O - M I C H E L , A D J O I N T À L A M A I R E D E P A R I S , C H A R G É D E S

D R O I T S H U M A I N S , D E L ' I N T É G R A T I O N E T L A L U T T E C O N T R E L E S

D I S C R I M I N A T I O N S

nombre d'entre nous. Mais je trouve

que ce qui se passe actuellement,

et depuis plus de 2 ans, dans ce

pays mérite en tout cas l'attention

de la communauté internationale

et de la Ville de Paris, qui quelque

part est un symbole - on dit

toujours « c'est la ville des droits

humains ». Je ne sais pas si elle l'est

réellement, mais en tout cas nous,

on essaie, avec Anne Hidalgo, avec

Arnaud Ngatcha, de faire en sorte

que notre message de liberté,

d'égalité, de fraternité et de

démocratie soit entendu. C'est

pour cela que c'est important de

vous recevoir ici, symboliquement,

en attendant la prochaine lettre

que nous allons recevoir de

l'ambassadeur. Cela nous conforte

quand des représentants de

dictature vousécrivent pour vous

dénoncer. Cela vous donne encore

plus envie de défendre celles et

ceux qui se battent.

Merci Monsieur le Ministre. Je suis

très content de recevoir Aung Myo

Min, même si à chaque fois, ça

suscite bien des réactions. Je trouve

qu'il est très courageux de porter la

parole pour le Myanmar partout.

C'est essentiel qu'ici on soit

sensibilisé, que la France soit

sensibilisée à ce qui se passe et

qu'elle soit aux côtés du peuple

birman. Deux ans, c'est quand

même énorme. Bravo en tout cas

pour l'organisation de cet

événement, avec de nombreuses

associations. Je sais que ce n’est

pas facile à organiser, avec en plus

ce moment plus culturel prévu en

fin de journée. Je pense que vous

aurez l'occasion d'en reparler mais,

j'invite chacune et chacun d'entre

vous à venir à la Mairie du 14e en fin

d'après-midi pour qu'on ait cette

journée complète.

Aujourd'hui en fait on est tous un

peu birmans et la Mairie de Paris

est birmane aujourd'hui.

Merci encore Monsieur le Ministre

et puis merci à vous toutes et tous,

militants associatifs, militants et

militantes des droits humains. On a

plus que jamais besoin de vous.

O U V E R T U R E

0 2


2 0 2 3 | A G I R E N S O U T I E N D U P E U P L E B I R M A N

O U V E R T U R E

A U N G M Y O M I N , M I N I S T R E D E S D R O I T S

H U M A I N S D U G O U V E R N E M E N T D ' U N I T É

N A T I O N A L E

"Au moment où vous soutenez le peuple ukrainien,

s'il vous plaît, soutenez aussi le peuple birman qui

lutte aussi contre la dictature. Ce sont les mêmes

combats qui sont menés."

Permettez-moi d'exprimer ma

solidarité avec la vôtre envers le

peuple birman, c'est un moment

important de solidarité et de

témoignage envers le peuple

birman. Je vous remercie de votre

présence et je suis content d'être ici

avec vous aujourd'hui. Paris, La

France. La France est un pays des

droits de l'Homme, le pays de la

déclaration des droits de l'Homme.

Je suis très content de pouvoir

parler de la situation des droits de

l'Homme en Birmanie, ici en France,

à Paris. Je pense à cette déclaration

des droits de l'Homme avec ses 30

articles qui rappellent les droits de

chaque être humain et tous ces

droits et libertés qui doivent être

préservés. Hélas, le peuple birman

est menacé dans sa dignité et dans

ses droits par cette junte

oppressive, cette dictature au

quotidien. Ils sont soumis à des

détentions arbitraires, à des

arrestations arbitraires et

beaucoup sont victimes aussi de

bombardements aériens et doivent

prendre la fuite à cause des

bombardements aériens menés par

la junte contre la population civile.

Cela fait deux ans maintenant que

le coup d'État a eu lieu. Mais la

population birmane est toujours en

résistance et se bat pour ses droits.

La junte cherche à éradiquer la

résistance et se bat contre la

population par la violence. Tout

moyen de terreur est utilisé,

O U V E R T U R E

0 3


2 0 2 3 | A G I R E N S O U T I E N D U P E U P L E B I R M A N

A U N G M Y O M I N , M I N I S T R E D E S D R O I T S H U M A I N S D U G O U V E R N E M E N T

D ' U N I T É N A T I O N A L E

mais elle ne parvient pas à ses fins,

elle n'arrive pas à faire taire la

résistance du peuple birman.

Aujourd'hui en Birmanie, c'est les

« silent strike », les grèves

silencieuses, la population ne

descend pas dans la rue pour

manifester son refus de la junte.

Aujourd'hui à travers le pays on a

donc pu voir ces grèves

silencieuses, ces rues vidées de tout

habitant en protestation. La

population utilise le pouvoir du

silence pour dire à la junte qu'elle

ne veut pas d'elle.

Ici, vous bénéficiez de la liberté

d'expression, d'association et vous

devez utiliser ces droits en soutien

du peuple birman. S'il vous plaît,

n'oubliez pas le courage du peuple

birman. Utilisez votre liberté

d'expression, vos droits pour le

soutenir, l'appuyer, interpeller votre

gouvernement. Parlez-en à vos

amis, autour de vous. Il faut utiliser

nos droits pour soutenir les Birmans

qui, eux, sont privés de tout droit.

Le peuple birman exprime sa

solidarité avec le peuple ukrainien.

Le peuple birman est aussi victime

d'un assaut contre sa dignité, sa

liberté, ses droits et du coup, il

s'identifie à la cause du peuple

ukrainien. Les deux sont liés. Il faut

se battre contre l'oppression et

l'injustice. Au moment où vous

soutenez le peuple ukrainien, s'il

vous plaît, soutenez aussi le peuple

birman qui lutte aussi contre la

dictature. Ce sont les mêmes

combats qui sont menés. Je crois

en notre pouvoir de changement et

de transformation, que ce soit en

Ukraine ou en Birmanie.

Merci pour votre solidarité et votre

présence. Travaillons ensemble

pour la justice, pour la paix et les

droits humains pour tous.

O U V E R T U R E

0 4


2 0 2 3 | A G I R E N S O U T I E N D U P E U P L E B I R M A N

L A S I T U A T I O N E N

B I R M A N I E D E U X A N S

A P R È S L E C O U P

D ' E T A T M I L I T A I R E

T I N T I N H T A R M Y I N T , P R É S I D E N T E D E

" D O H A T U , E N S E M B L E P O U R L E M Y A N M A R "

Je tiens à remercier Monsieur

Romero Michel qui nous a

accueilli à bras ouverts tout le

temps, à tout moment, pour qu'on

parle de la Birmanie - comme

pour cette conférence - et qui

reste toujours solidaire avec les

birmans dans leurs combats pour

la liberté, pour la paix. Merci aussi

à notre cher Ministre, Aung Myo

Min, qui a fait beaucoup de

kilomètres pour être parmi nous

en cette journée de solidarité à

Paris. Merci aussi à

la Ville de Paris tout entière et aux

associations plus spécifiquement

à Info Birmanie, Sophie et

Johanna, pour leur soutien sans

faille depuis le début de notre

combat. Aujourd'hui, où en est-on

au bout de deux ans ? Je suis

désolée, je n'ai pas pu mettre des

photos des rues vides de Rangoun,

de Mandalay etc.... De 10h00

jusqu'à 4h00 de l'après-midi, les

rues ont été vides pour montrer la

volonté, la détermination.

Constance Decorde

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T I N T I N H T A R M Y I N T , P R É S I D E N T E D E

" D O H A T U , E N S E M B L E P O U R L E

M Y A N M A R "

Chaque fois qu’il y a un appel à la

grève du silence le peuple est là. Le

silence est tellement bruyant et

tellement frappant, qu’il rappelle

qu’on ne baissera jamais les bras

pour notre rêve. Comme vous le

savez, le Birmanie a subi le 4ème

coup d'État de son Histoire, le 1

février 2021. J'espère que ce sera le

dernier et que ce sera la dernière

fois dans notre Histoire où les

militaires sont au pouvoir. C'est pour

ça que nous luttons.

Depuis ce coup d'État, la Birmanie

est face à un régime qui est contre

son propre peuple, un régime qui

tue, qui torture son peuple. Je

prendrai quelques exemples. Le 17

septembre 2022, la junte a mené

une attaque aérienne sur une école

primaire, avec des enfants de 5 à 10

ans, située dans la plaine centrale

de la Birmanie. Des frappes

aériennes ont été menées pendant

les heures scolaires. 11 enfants ont

été tués et il y a eu beaucoup de

dégâts. Au prétexte qu'il y avait des

forces de défense du peuple, des

résistants qui étaient là. La scène de

meurtre décrite par les survivants

est terrifiante.

En juin 2022, des villageois ont été

pris, ligotés et massacrés sans raison.

Plus de 33 personnes ont été

massacrées d'un seul coup. Nous

avons appris ce massacre par un

téléphone portable oublié par un

soldat contenant des photos et des

vidéos faites par les soldats. Ils

racontaient ces scènes de meurtre

avec une légèreté insoutenable. Tuer

pour eux, ce n’est rien. Ce n’est

même pas vraiment un crime, c'est

quelque chose de quotidien.

Ces meurtres sont vraiment

insoutenables, et la manière dont le

soldat le raconte.

Un autre événement est survenu

dans l'État Kachin, où la junte a

ciblé une festivité collective, lors de

la commémoration de la création de

l'organisation de l'indépendance

Kachin, un Etat du nord. Leur

bombardement aérien a fait plus

d'une centaine de morts et le bilan

doit être beaucoup plus lourd parce

qu’il y avait beaucoup de blessés

mais l'accès aux soins a été interdit,

ainsi que le transport vers les

hôpitaux qui ont été complètement

bloqués par la junte. Le bilan serait

beaucoup plus lourd car les blessés

n’ont pas reçu les soins appropriés.

Dernier exemple, en une seule

journée, la junte a incendié 19

villages en laissant plus de 10 000

sans-abris un seul jour. La Birmanie

en deux mots? Je devrais dire "à feu

et à sang". Ces exemples, c'est

quotidien et c'est tout, partout en

Birmanie. Deux ans après, le bilan

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T I N T I N H T A R M Y I N T , P R É S I D E N T E D E

" D O H A T U , E N S E M B L E P O U R L E

M Y A N M A R "

est lourd, il y a plus de 17 000

arrestations politiques, avec plus de

13 000 prisonniers politiques qui

sont encore détenus. Il y a plus de 5

000 tués liés au ciblage des civils, Ils

ciblent intentionnellement et

spécifiquement des civils sans

raison. Il y a plus de 48 000 maisons

brûlées. Ces chiffres sont

extrêmement sous-estimés et

pourtant terrifiants.

En terme de bilan humanitaire, c'est

beaucoup plus triste à dire parce

que l’humanitaire, ça explique tout.

Quand vous voyez sur la carte les

cercles orange montrant les zones

où les gens ont le plus besoin d’aide

humanitaire ! Il y a 1,5 million de

déplacés internes depuis le coup

d'État et ça ne va pas s'arrêter là.

C'est énorme aussi. Et 17 millions de

birmans ont besoin d'aide

humanitaire, parce qu’avec la

déstabilisation du système et de

tous les secteurs du gouvernement,

ça fait beaucoup de besoins, surtout

dans les grandes villes et dans le

centre. 4 millions d'enfants sont sans

école, parce qu’ils sont en fuite

permanente. Ils sont réfugiés. Le

COVID, plus le coup d'État, ça fait 4

millions d'enfants sans école. Il faut

imaginer. C’est l'avenir du pays. Sans

école, pas d'éducation.

La couverture vaccinale de TP polio

et en dessous de 50 %, C'est

vraiment très alarmant, Car la polio

est une maladie qui a été déjà

éradiquée de la planète il y a

quelques années.

Maintenant, en dessous de 50 %, la

menace sanitaire elle est là. Mais ce

n'est pas local, ce n'est pas birman,

c'est n’est pas pour l’Asie du Sud-

Est. Un cas de polio, c'est énorme

pour la planète.

Malgré toutes ces répressions et

toutes les oppressions, les birmans

s'organisent, résistent.

Les jeunes, surtout les jeunes. Ils

parlent beaucoup de cette

résistance en disant « Vous vous

trompez de génération. Nous ne

sommes pas comme les autres, nous

ne sommes pas comme les vieux, on

va s'organiser ». Vous avez entendu

parler beaucoup de CDM, de PDF,

du NUG, du NUCC, des EAO. Ce sont

les gros piliers en fait, qui organisent

et aussi qui résistent.

Le CDM, c'est un mouvement de

désobéissance civile, on refuse de

travailler sous un gouvernement qui

n'est pas pour le peuple. Ça a été

largement initié par les médecins et

suivi par toute la Birmanie et dans

tous les secteurs. Les plus touchés

sont le secteur de la santé, les

cheminots et les professeurs.

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T I N T I N H T A R M Y I N T , P R É S I D E N T E D E

" D O H A T U , E N S E M B L E P O U R L E

M Y A N M A R "

le bilan est lourd, il y a plus de 17

000 arrestations politiques, avec

plus de 13 000 prisonniers politiques

qui sont encore détenus. Il y a plus

de 5 000 tués liés au ciblage des

civils, Ils ciblent intentionnellement

et spécifiquement des civils sans

raison. Il y a plus de 48 000 maisons

brûlées. Ces chiffres sont

extrêmement sous-estimés et

pourtant terrifiants.

En terme de bilan humanitaire, c'est

beaucoup plus triste à dire parce

que l’humanitaire, ça explique tout.

Quand vous voyez sur la carte les

cercles orange montrant les zones

où les gens ont le plus besoin d’aide

humanitaire ! Il y a 1,5 million de

déplacés internes depuis le 1er

fevrier 2021.

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T I N T I N H T A R M Y I N T , P R É S I D E N T E D E

" D O H A T U , E N S E M B L E P O U R L E

M Y A N M A R "

opposant et la junte. En fait, ce n'est

pas vrai. La résistance a été

transformée en une vraie révolution

en Birmanie. Ce n'est pas du tout

une lutte de pouvoir. Maintenant, on

a une détermination et on a des

buts : mettre fin à toute forme de

dictature, plus jamais les militaires

dans la politique. On n’acceptera

plus jamais ça. Il y a aussi des

changements profonds vers une

société plus égalitaire. J'aimerais

bien parler un petit peu par

exemple des LGBTQ, ils sont

vraiment sur le front, en première

ligne de la résistance, de la lutte,

qu'elle soit non-violente ou armée. Il

y a aussi une prise de conscience

envers les Rohingya, avec une

journée d’excuse. Sur la misogynie, il

y a aussi des évolutions. L'armée

n'est pas que pour les hommes.

Une femme qui était étudiante dans

la Birmanie centrale est maintenant

chef de brigade pour l'armée

résistante BPLA. Tout un ensemble

d’idéologies a complètement

changé. La révolution, la résistance,

ont déjà prouvé que la société a

changé, c’est déjà un terrain de

gagné.

Je vais parler un petit peu du

Gouvernement d'Unité Nationale

(NUG) qui pour nous, représente le

peuple, représente les birmans et

qui est légitime. La reconnaissance

de sa légitimité par la communauté

internationale n'est pas à la hauteur,

mais pour nous, c'est notre

gouvernement. Il a été créé le 16

avril 2021. Il y a beaucoup de progrès

à faire, mais ce que je voudrais dire,

c'est que depuis juin/juillet 2022, on

commence à avoir des écoles dans

les zones libérées mais aussi des

systèmes sanitaires, des hôpitaux. Il

y a une administration du NUG déjà

implantée dans ces zones là.

L’année dernière, en décembre

2022, il y a eu la création de

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T I N T I N H T A R M Y I N T , P R É S I D E N T E D E

" D O H A T U , E N S E M B L E P O U R L E

M Y A N M A R "

commandements régionaux qui

sont une combinaison des

Organisations Armées Ethniques

(EAO) et des PDF. 2023 doit être

décisif et les offensives vont

s’intensifier dans un avenir proche.

Pour résumer la situation actuelle,

nous sommes vraiment tous contre

l'ennemi commun, la junte. Toutes

les coopérations stratégiques et

militaires entre le NUG, les PDF et

les EAO qui sont là, c'est une guerre

perdue pour la junte. C'est une

question de temps. Actuellement, il

y a plus de 50 % du territoire qui

n’est plus contrôlé par la junte, mais

elle continue à cibler par les frappes

aériennes parce qu’elle n’a pas la

capacité terrestre dans ces zones là.

Ce régime est de plus en plus isolé.

La junte n'a jamais été invitée par la

communauté internationale, sauf

par ses grands frères - Russie, Chine

et Inde. Le NUG gagne du terrain

tout doucement, mais à mon sens

trop lentement car la communauté

internationale n'a pas apporté un

soutien suffisant. C’est ce que l’on

attend en 2023.

Par exemple, le soutien et

l'engagement de l'Union

Européenne sont de plus en plus

publics. Avant, c'était plutôt

confidentiel, derrière les portes

fermées. En ce moment, l'Indonésie

préside l’ASEAN, un pays prodémocratie

et NUG. Il peut en

résulter quelque chose de positif.

Les États-Unis viennent de voter

pour l'autorisation de dépenses

militaires pour soutenir de façon

non létale le NUG, le NUCC, les PDF

et les EAO. L'unité de tous les corps

de résistants est de plus en plus

positive.

Le peuple birman est déterminé à

mettre fin à cette dictature et à

ouvrir une nouvelle page pour la

Birmanie. Mais on a besoin de vous,

on a besoin de la communauté

internationale. Je souhaiterais faire

un appel : il faut reconnaître le NUG,

Il faut un engagement public et

légitime. Il faut refuser toute

légitimité à la junte, à ses élections

truquées qu'elle déclare vouloir faire

d'ici quelques mois. Il faut engager

les aides humanitaires avec des

moyens efficaces, flexibles et

pragmatiques. On dit toujours que

l'aide humanitaire est là, mais elle

passe par les organisations de l'ONU

et ne parvient absolument pas à

ceux qui en ont besoin. Les aides

sont là, mais ce n'est pas du tout

efficace, il faut vraiment trouver des

moyens efficaces, pragmatiques.

Parce que les gens en ont besoin. Il

faut soutenir toute procédure

auprès de la Cour internationale de

justice, de la Cour pénale

internationale. Il faut mettre fin à

l’impunité. Il faut que justice soit

faite. La France doit aider en

appuyant des procédures juridiques

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" D O H A T U , E N S E M B L E P O U R L E

M Y A N M A R "

et l'adoption de sanctions ciblées,

notamment sur le fuel d'aviation et

contre les personnes liées au

régime.

Il y a beaucoup de sanctions qui ont

déjà été adoptées mais leur

application n’est pas là, ou très peu,

Il faut pousser dans ce sens-là et

faciliter le plaidoyer sur la situation

birmane en collaboration avec des

organisations de la diaspora comme

nous, comme Doh Atu, et aussi de la

solidarité internationale comme la

FIDH, comme Info Birmanie. On a

besoin de plus de voix, on a besoin

d'être vocal, on a besoin de vous.

Merci beaucoup.

Constance Decorde

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S A N S F R O N T I È R E S

Je commencerai en citant Tom

Andrews, le rapporteur spécial des

Nations Unies sur la Birmanie. En

septembre/octobre, devant le

Conseil des droits de l'Homme de

l'ONU, il a exposé les choses très

clairement. Il a dit "la Birmanie,

tout le monde s'en fout".

C'est abrupt, c'est direct mais c'est

assez vrai et cet état de fait est lié

au fait que la junte birmane

depuis sa reprise du pouvoir en

février 2021 a tout fait pour qu'on

ne sache pas ce qui se passe en

Birmanie. Sur les réseaux sociaux,

dès qu'on parle de la Birmanie

dans les médias anglophones, le

mot dièse qui revient tout le

temps,

c'est

#WhatsHappeningInMyanmar.

Qu'est ce qui se passe en Birmanie

? Il y a une vraie soif de savoir ce

qui se passe en Birmanie. Sauf que

le gouvernement militaire fait tout

pour qu'on ne sache pas ce qui se

passe, qu'on ne connaisse pas le

détail des violations des droits

humains et la réalité de la

dictature sur le terrain.

Très tôt, dès le 1 février 2021, les

premières actions du nouveau

gouvernement militaire ont été

bien sûr de mettre en prison

l'opposition, et, très vite,

d'interdire tous les médias

indépendants du pays qui

s'étaient épanouis durant le

l'expérience de transition

démocratique entre 2011 et 2021.

Du jour au lendemain, les médias

Constance Decorde

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S A N S F R O N T I È R E S

se sont retrouvés hors-la-loi.

Les journalistes qui travaillaient pour ces médias se

sont retrouvés hors-la -loi. Je vous ai apporté une

petite courbe qui reprend les données qu'on a

compilées depuis 2 ans. La courbe en jaune

représente le nombre d'arrestations qu'il y a eu

depuis 2 ans. En un an, il y a eu plus de 130

journalistes qui ont été

jetés en prison après avoir

été arrêtés. C'est énorme.

Juste avant le coup

d'État, on avait 2

journalistes en prison.

Donc le chiffre a été

multiplié par 50 en un an,

tout simplement.

On voit sur ce graphique

qu'au bout d'un an en fait

le nombre des

arrestations a commencé

à arriver à un plafond. Ce

n'est pas que la

répression de la junte se

soit soudainement

adoucie, c'est tout

simplement que les

journalistes ont appris à

se planquer ou à fuir tout

simplement. C'est les

seules issues qu'ils ont.

La hausse qu'on voit au tout début

correspond un peu à l'époque où il y

avait énormément de

manifestations ouvertes dans les

rues birmanes, dans les campagnes

et donc les journalistes étaient en

première loge pour couvrir ces

manifestations, sauf que la machine

répressive militaire a fait que, d'une

part, ces manifestations ont dû être

transformées en manifestation

silencieuse et, de la même façon, les

journalistes ont appris à se cacher

quand ils couvrent ce genre de

manifestation.

J'ai en tête le nom d'un journaliste

qui s'appelait Saw Maung, qui a

couvert à Rangoun, en décembre

2021, un genre de manifestation un

peu flash mob qui avait été

improvisée, et qui était retenu dans

le secret. Il a voulu couvrir ça en

faisant des photos. Il a été arrêté, il a

été torturé. La séance

d'interrogatoire est allée trop loin, il

est mort. Et depuis 2 ans, on a 4

journalistes qui sont morts

simplement parce qu'ils ont fait leur

travail.

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On voit aussi sur ces 2 courbes

comment la méthode s'est durcie et

comment les cours de justice qui

sont installées à l'intérieur des

prisons, les cours de justice militaire,

ont pris le relais des forces de

sécurité en matière de répression

sur le terrain : au moment où le

nombre d'arrestations commence à

ralentir, le nombre des

condamnations

augmente

sensiblement. On n'a vraiment pas

affaire à un relâchement mais

simplement à un changement, à un

durcissement dans la méthode de

répression du journalisme. Quand

on s'intéresse à ces condamnations

justement, on s'aperçoit que l’on a

une augmentation constante du

nombre de condamnations.

Dès février/mars 2021, la junte a

durci un article de loi qu'on appelle

la section 505A du code pénal.

Je ne vais pas rentrer dans les

détails, mais c'est un article de loi

très vague qui punit la diffusion de

fausses informations pouvant porter

préjudice à l'armée. Enfin, c'est très

très vague donc c'est très fourretout.

On peut tout mettre dedans,

C'est une charge qui appelle 3 ans

de prison. Depuis un an, les

tribunaux sont devenus très créatifs

et se sont mis à condamner les

journalistes pour d'autres motifs :

terrorisme, financement du

terrorisme, espionnage, acte

préjudiciable à la sécurité de l'État.

Il y a des choses comme ça, qui

permettent maintenant aux

tribunaux de condamner des

journalistes à des peines de 9, 10

ans, 15 ans de prison. On a eu 15 ans

pour un journaliste en décembre

dernier. Depuis un an, la durée des

peines a été multipliée par 3.

On voit donc que ce durcissement

dans la méthode que j'évoquais tout

à l'heure est aussi un durcissement

dans le temps dans la façon dont la

machine répressive terrorise en

quelque sorte l'ensemble des

journalistes, en faisant un peu un

exemple des journalistes qui sont

condamnés à des peines très

lourdes. Il y a un élément aussi

qu'on voit à peu près apparaître,

c'est le cas des journalistes

étrangers. La junte est extrêmement

cynique avec les journalistes

étrangers puisqu'on a eu le cas de 2

journalistes États-uniens je crois et 2

documentaristes japonais, qui ont

été condamnés à des peines de 9 et

10 ans de prison.

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C'était des peines très lourdes, en général, pour

espionnage. L'idée, d'après les militaires, vu qu'ils ne sont

pas vraiment en odeur de sainteté dans la communauté

internationale (ils savent que c'est de la mauvaise

publicité de condamner, d'emprisonner des journalistes

étrangers à des peines extrêmement lourdes), c’est de

s'arranger avec les gouvernements de ces journalistes pour

obtenir leur libération. Mais cette libération s'accompagne

d'une expulsion du territoire et est accordée par grâce et

non par un tribunal. En fait, si les journalistes qui ont été

condamnés veulent retourner en Birmanie, ils savent qu'ils

iront en prison.

C'est extrêmement radical pour décourager les

journalistes étrangers d'aller couvrir ce qui se passe en

Birmanie. La machine de la terreur birmane est

extrêmement bien huilée. On sent que l’on a quand

même des décennies de dictature derrière nous et cet

acharnement de la junte à vouloir contrôler l'information

en réprimant la liberté de la presse est tout à fait

édifiante. Je parlais d'un durcissement dans la méthode,

avec ces peines de prison qui s'allongent et on voit aussi

sur cette carte là l'ensemble des lieux d'emprisonnement

de journalistes. On voit que c'est réparti sur tout le

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territoire, on a donc dans la grande

prison d'Insein à Rangoun une

trentaine de journalistes

actuellement détenus. Mais à l’heure

où je vous parle, on a 72 journalistes

détenus sur l'ensemble du territoire.

La terreur s'est déployée sur tout le

territoire, sauf les zones frontalières.

.On voit que les zones frontalières

près de l'État Shan à l'Est, Kachin au

Nord, ou Chin à l'Ouest sont

relativement épargnées. Alors il

serait très intéressant de superposer

les cartes avec celles que Tin Tin

nous a montrées sur les combats.

C'est très intéressant de corroborer

cette carte avec les témoignages de

journalistes, notamment à Reporters

sans frontières. On est beaucoup en

lien avec des journalistes qui ont fui

le pays, qui sont réfugiés de l'autre

côté de la frontière, côté Thaïlande

et qui font en quelque sorte des

incursions dans le territoire pour

ramener des reportages pour les

médias pour lesquels ils travaillent,

qui eux sont basés à l'étranger.

J'ai commencé avec un constat un

peu pessimiste sur la Birmanie ("tout

le monde s'en fout"), mais

heureusement, tout le monde ne

s'en fout pas et il y a sur le terrain

des journalistes qui sont vraiment

sur le front pour raconter ce qui se

passe en Birmanie, pour raconter

WhatshappeninginMyanmar. En

termes d'information, on est sur un

front aussi où les journalistes

mènent un vrai combat pour qu'on

sache ce qui se passe en Birmanie et

qu'on puisse prendre conscience de

l'ampleur de la terreur que la junte

exerce sur le peuple birman.

C’est pour cela que je vous remercie

chaudement d'être parmi nous ce

matin, c'est quelque chose de

vraiment très important.

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C I V I L E P O U R L A B I R M A N I E

Constance Decorde

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J U S T I C E I N T E R N A T I O N A L E A V E C

L ’ A P P U I D E L A S O C I É T É C I V I L E ?

Patrick Baudouin, Président de la Ligue des droits de l'Homme,

Président d’honneur de la FIDH

Merci à la mairie de Paris, merci

Info Birmanie. Il va sans dire que

nous soutenons cette initiative et

aussi l'action du Gouvernement

d'Unité Nationale dont on a

entendu tout à l'heure le Ministre

des droits humains.

Il va sans dire aussi que je vais

vous parler de justice, mais que

c'est un des volets, un des aspects

de l'action que nous pouvons et

devons entreprendre, et nous

allons voir quels sont les

mécanismes qui peuvent être

utilisés. Mais cela va bien au-delà,

on est en présence d'un problème

qui est d'abord un problème

politique, un problème au niveau

de la communauté internationale

avec beaucoup d'autres formes

d'action et de pression qui doivent

être exercées sur l'actuel pouvoir

de la junte birmane.

Alors on parle aujourd'hui de la

Birmanie. Je ne peux pas

m'empêcher de dire, avant de

venir à cette question de justice,

qu'évidemment il ne faut pas

fermer les yeux, Il faut parler au

maximum, car malgré tout, les

bourreaux, les tyrans, détestent

qu'on mette en lumière leur vrai

visage, leurs exactions. Et ce n’est

pas pour rien. Je crois qu'il y a des

pressions qui ont pu être exercées,

y compris pour la tenue

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J U S T I C E I N T E R N A T I O N A L E A V E C

L ’ A P P U I D E L A S O C I É T É C I V I L E ?

de cette manifestation aujourd'hui

auprès de la mairie de Paris pour

essayer d'éviter que l'on parle de la

réalité de la Birmanie d'aujourd'hui.

Et c'est vrai pour bien d'autres

contrées, car, comme vous le savez

de l'Éthiopie au Soudan en passant

par la Syrie, l'Ukraine, le Congo et

beaucoup d'autres contrées, il y a

malheureusement fort à faire et on

nous dit souvent à la Ligue des

droits de l'Homme, à la Fédération

internationale des ligues des droits

de l'Homme : mais vous oubliez,

vous ne parlez pas assez. On essaie,

on essaie, mais on a vraiment besoin

de beaucoup de soutien, de

beaucoup de concours, tant il est

vrai que le monde d'aujourd'hui

(celui d'hier n'était pas forcément

parfait) connaît quand même des

situations absolument

épouvantables avec des armes de

guerre, des procédés de recours aux

exactions qui se sont multipliés,

affinés et développés.

Je ne voudrais pas être trop long sur

la justice pour laisser la place aux

autres intervenants et aux débats.

Sur la justice, qu'est-ce qui peut être

envisagé au niveau de ce qui se

passe en Birmanie ?

Alors premièrement sur la

qualification. Qu'est-ce qui se passe

en Birmanie ? Comment peut-on

qualifier sur un plan pénal les

exactions ? Tout ce qui vous a été

relaté, décrit en résumé tout à

l'heure, relève incontestablement de

deux catégories de crimes.

Premièrement, les crimes de guerre.

Dans les zones où vraiment il y a

conflit, crime de guerre, ça veut dire

que vous êtes dans une situation de

guerre, donc une situation de

conflit. Crime de guerre. Pourquoi ?

Parce qu'il y a des atteintes. Je

résume, on ne va pas rentrer dans la

définition détaillée, mais parce qu'il

y a des atteintes contre la

population civile, contre les civils et

parce qu’il y a des mauvais

traitements réservés aux prisonniers,

c'est les crimes de guerre, ça tourne

autour de ces notions. Et puis crime

aussi contre l'Humanité.

Le crime contre l'Humanité parce

qu’il y a une volonté systématique et

délibérée, de la part des militaires,

du pouvoir de la junte, de porter

atteinte aux populations civiles, c'est

une sorte de programmation, de

plan, donc sans réserve on choisit de

porter atteinte aux populations

civiles. Et vous l'avez vu tout à

l'heure. Par des atteintes aux biens,

c'est à dire les destructions de

maisons, de villages, tout ce qui

peut porter en plus à des

déportations, le fait que la

population doit fuir, partir en exil,

Vous connaissez notamment la

Patrick Baudouin, Président de la Ligue des droits de l'Homme, Président d’honneur de la FIDH

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situation des Rohingya, dont

beaucoup sont partis au Bangladesh

etc. La qualification est certaine.

Une fois que l'on a retenu la

qualification, quelles sont les

possibilités d'action en matière de

justice? La règle, et vous allez

sourire, c'est que ce soit la justice

nationale qui poursuive les

exactions commises par les

ressortissants du pays dans lequel

on se trouve. Alors vous allez sourire

parce qu’il est évident que ce n’est

pas en Birmanie que l'on va trouver

aujourd'hui une justice nationale qui

va poursuivre les auteurs de tous ces

crimes et toutes ces exactions. La

deuxième possibilité, c'est le recours

à une justice internationale puisqu'il

ne peut pas y avoir de justice

nationale. Quelles sont aujourd'hui

les possibilités au niveau de la

justice internationale?

Il y a la Cour pénale internationale.

Seulement, la Cour pénale

internationale, elle, a ses limites. Et

la première limite, c'est que la Cour

pénale internationale est

compétente vis-à-vis des pays dont

les territoires ou les ressortissants

sont soumis à sa compétence. Par

exemple, pour la Birmanie il faut

qu'elle ait ratifiée le statut de la

Cour pénale internationale, mais

malheureusement ce n'est pas le

cas. Cela veut dire que ce qui se

passe en Birmanie, a priori, ne relève

pas de la compétence de la Cour

pénale internationale, faute pour la

Birmanie d'avoir ratifié le Statut de

Rome. Alors, il y a quand même une

autre possibilité qui

malheureusement aujourd'hui est

théorique.

Elle consiste pour le Conseil de

sécurité à saisir la Cour pénale

internationale pour que soit

entamée des enquêtes et des

poursuites. Sauf que, comme vous le

savez, le Conseil de sécurité, il est

victime d'une situation qui n'a

jamais été levée et qu'on aura bien

des difficultés à lever, tout au moins

dans le contexte actuel qui est le

problème du droit de veto.

Vous savez que 5 États peuvent

utiliser leur droit de veto et qu'un

seul d'entre eux peut bloquer toute

décision du Conseil de sécurité.

Aujourd'hui, pour la Birmanie, si l'on

veut s'adresser au Conseil de

sécurité pour saisir la Cour pénale

internationale, on a le véto de la

Chine et de la Russie. Il y a donc là

aussi blocage. Alors il y a une

troisième idée qui a été lancée, mais

elle est un peu acrobatique je dirais,

qui consiste à estimer que, dans la

mesure où il y a beaucoup de

réfugiés birmans qui vont dans les

pays limitrophes et par exemple au

Bangladesh, État qui a ratifié le

statut, essayé de créer une

Patrick Baudouin, Président de la Ligue des droits de l'Homme, Président d’honneur de la FIDH

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L ’ A P P U I D E L A S O C I É T É C I V I L E ?

compétence de la Cour pénale

internationale à travers le fait qu'il y

a des Birmans qui se trouvent sur le

territoire d'un pays voisin ayant

ratifié. Alors je dis que c'est un peu

acrobatique parce qu'il n'en

demeure pas moins que les

responsables, les coupables, si l'on

peut dire, de ces crimes restent des

Birmans, ce n’est pas le pouvoir du

Bangladesh, donc c'est quand

même un peu acrobatique, mais

c'est une piste qui est à explorer.

Donc il faut revendiquer d'une part

que le Conseil de sécurité prenne

ses responsabilités. On peut quand

même continuer de le demander. Et

d'autre part, continuer à voir s’il n’y a

pas d'autres pistes pour saisir la

Cour pénale internationale.

Autre possibilité, ça serait la

création, vous savez que c'est ce qui

s'est passé dans certains cas, pour

des pays qui n'ont pas ratifié,

justement, c'est de créer ce qu'on

appelle des juridictions ad hoc,

c'est-à-dire des tribunaux pénaux

spéciaux. Mais là aussi, ça suppose

l'accord des Nations unies, donc ce

n’est pas si évident. Alors on a aussi

essayé d'imaginer, à la façon

cambodgienne je dirais, que soit

créé des tribunaux, alors

siégeraient-ils aujourd'hui cela

paraît compliqué en Birmanie ou

siégeraient-ils à proximité, mais ils

seraient des tribunaux à caractère

mixte. Aujourd'hui, ça paraît quand

même, il faut le dire, extrêmement

compliqué.

Autre possibilité, c’est ce qu'on

appelle le recours à la compétence

universelle. La compétence

extraterritoriale. Cela implique le

pouvoir d'un État autre que celui où

les crimes sont commis de juger des

des auteurs de ces crimes. Dès lors

que le suspect passe sur le territoire

de l'État concerné. On va prendre un

exemple concret. Imaginons que

des militaires, des responsables

d’exactions en Birmanie, passent sur

le territoire de l'Allemagne, on va

citer l'Allemagne car elle est assez

ouverte en matière de compétence

universelle, plus hélas que la France.

A ce moment-là, si vous avez un

responsable présumé coupable,

pour respecter la présomption

malgré tout d'innocence, qui passe

en Allemagne, on peut, pour des

crimes commis en Birmanie contre

des Birmans, par quelqu'un de

nationalité birmane, au titre de la

compétence universelle, avoir des

poursuites. Alors c'est là aussi limité

parce qu’évidemment, les

responsables de la junte birmane,

les responsables des exactions, je ne

pense pas qu'ils aient tendance à

voyager énormément à travers le

monde et en particulier dans des

pays où on peut exercer le

mécanisme de compétence

Patrick Baudouin, Président de la Ligue des droits de l'Homme, Président d’honneur de la FIDH

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L ’ A P P U I D E L A S O C I É T É C I V I L E ?

universelle. Mais il ne faut pas

totalement négliger ce point car,

cela peut arriver à l'occasion de

conférences internationales.

Dernier volet, vraiment judiciaire,

c'est le recours à la Cour

internationale de justice. La Cour

internationale de justice, il faut bien

préciser que c'est une juridiction qui

n'a pas une compétence à

proprement parler répressive,

pénale. C'est une juridiction qui est

chargée de juger les litiges à priori

entre les États et qui ne peut donc

être saisi que par un État contre un

autre État. C’est ce qui s'est passé

avec la Birmanie à l'initiative de la

Gambie à l'époque où la junte

n'était pas encore au pouvoir

d'ailleurs, qui à propos des Rohingya

a saisi la Cour internationale de

justice. Après bien des péripéties,

dont je vous épargne, la Cour

internationale de justice a quand

même reconnu sa compétence, sa

possibilité donc d'investiguer et

potentiellement de juger. Donc il

faut utiliser ce mécanisme.

Alors ce n’est pas pour condamner

avec des condamnations de peines

pénales, des individus responsables,

mais c'est pour condamner un État

avec son pouvoir en place. Une des

possibilités de la Cour de justice

Internationale est d’aller vers des

condamnations pécuniaires mais

qui permettent de mettre en

exergue toutes les exactions

commises.

Tout dernier point, il y a

évidemment d'autres mécanismes

qui peuvent être utilisés, qui ne sont

pas à parlé totalement judiciaires,

mais qui relèvent au sens

large de l'institution onusienne. Avec

des comités, comme vous savez, le

comité contre la torture, le comité

contre les disparitions forcées,

comités au regard des arrestations

arbitraires, enfin de toute une série

de de violations des droits de

l'Homme… Tous ces mécanismes

doivent quand même être utilisés,

même si on en connaît le caractère

difficile, le caractère limité. Mais il

faut sans cesse réclamer qu’on aille

vers cette justice, vers la fin de

l'impunité. Il faut garder à l'esprit

que le pouvoir de la junte, ça a été

dit tout à l'heure, n'est pas éternel,

ne durera pas indéfiniment et qu'il

faudra, avec plus de facilité quand

ce pouvoir sera tombé, quand on

reviendra à des institutions

démocratiques ou plus

démocratiques en Birmanie,

reprendre le flambeau. Il faut que

ceux qui sont au pouvoir aujourd'hui

en Birmanie sachent qu’ils risquent

de ne pas dormir en paix par la suite

et que cette lutte contre l'impunité

les menace aujourd'hui et demain.

Patrick Baudouin, Président de la Ligue des droits de l'Homme, Président d’honneur de la FIDH

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L ’ I M P U N I T É

Léna Collette, Coordinatrice plaidoyer et relations

extérieures, Amnesty International France

Dans la continuité des propos qui

ont été tenus par Patrick

Baudouin, je vous présenterai les

demandes concrètes qu’on porte

auprès du gouvernement français,

mais aussi, plus largement, des

pouvoirs publics à l'international

pour faire cesser les violations des

droits humains et en punir les

auteurs. Avant peut-être de vous

présenter ces demandes, il faut

revenir aussi sur les violations des

droits humains qu’Amnesty

International a constaté et vous

dire qu’Amnesty International est

mobilisé depuis de nombreuses

années sur la Birmanie. Nous

avons mené des recherches très

poussées depuis, notamment les

années 90, sur les violations des

droits humains commises contre

le peuple birman par la junte. En

2017, nous avons notamment

documenté la campagne ciblée

d'assassinats, d'homicides, de

viols, de destructions par le feu

d'habitation et nous avons pu

notamment considérer que ce

déchaînement de violence produit

à la suite des décennies de

discrimination, constituait un

apartheid.

Depuis et a fortiori depuis le coup

d'État, en février 2021, notre

mobilisation n'a pas faibli. Nous

avons publié pas moins de 10

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L ’ I M P U N I T É

documents de recherche et

notamment des rapports qui nous

ont permis de dresser un bilan de la

situation en Birmanie sous le prisme

des droits humains et du droit

international. Alors, ce bilan, quel

est-il ?

Nous avons pu constater des

atteintes majeures à la liberté

d'expression et au droit à

l'information. Je ne reviendrai pas

sur ce que ce qui a été dit par

Reporters sans frontières, mais nous

avons aussi pu constater des

attaques massives au droit de

manifester en lien avec ce qui a été

dit également par Tin Tin et

Monsieur le Ministre. Nous avons

constaté également une

surveillance massive et généralisée

de la population qui a pu conduire à

des raids, à des arrestations, des

détentions arbitraires, des

disparitions forcées. On a pu

également constater des actes de

torture, des mauvais traitements en

détention et aussi lors

d'interrogatoires avec notamment

des violences sexistes et sexuelles

dont les femmes et les personnes

LGBT sont les premières victimes.

Nous avons aussi constaté des

entraves majeures à la liberté de

circulation des populations et

particulièrement des populations

Rohingya depuis le coup d'État en

février 2021.Et puis enfin, et cela a

déjà été évoqué par Tin Tin, nous

avons constaté des attaques

aveugles, des attaques

disproportionnées contre les

populations civiles et donc

constitutives de crimes de guerre et

de crimes contre l'Humanité.

Nous nous sommes aussi intéressés

à la question de la responsabilité

des acteurs privés dans la situation

en Birmanie. Nous avons publié

notamment un rapport sur la

contribution de Meta - Facebookdans

la propagation de discours de

haine, d'appels au meurtre - c'est

réellement ce dont il s'agit - qui ont

contribué au nettoyage ethnique

des Rohingya. Nous avons aussi

ublié un rapport récemment sur la

question du carburant d'aviation qui

a été évoquée très rapidement

précédemment. Ce rapport

interroge le rôle qui a pu être joué

par des compagnies pétrolières

dans la fourniture de carburant

d'aviation à l'armée birmane et

donc finalement la contribution aux

crimes de guerre qui sont commis

par l'armée birmane.

Tout ce bilan que je viens de vous

résumer le plus brièvement possible

nous permet de dresser un constat,

ce constat, comme Monsieur

Baudoin l'a évoqué, est celui de

l'impunité. L'impunité pour les

auteurs des crimes, des violations

des droits humains, et l'impunité

aussi pour tous les autres acteurs

Léna Collette, Coordinatrice plaidoyer et relations extérieures, Amnesty International France

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L ’ I M P U N I T É

qui ont pu contribuer à ces crimes

et à ces violations de droits

humains. Amnesty International

considère que ce cycle d'impunité

est lui-même enrichi par l'inaction,

l'insuffisante action de la

communauté internationale, et que

finalement la situation en Birmanie

est le résultat direct de l'incapacité

collective à amener l'armée birmane

à rendre compte de ses crimes

passés.

Face à cette mobilisation

insuffisante et aussi décroissante de

la communauté internationale, de

l'État français notamment, nous

portons des demandes précises et

notamment 3 grands axes de

demandes au gouvernement

français et plus largement aux

décideurs à l'international.

Tout d'abord, la demande centrale

que l'on porte, c'est celle de

l'embargo. Un embargo global pour

tous les pays, sur toutes les armes,

c'est-à-dire sur tous les

équipements militaires, notamment

le carburant. Actuellement, il existe

un embargo. Cet embargo a été

décrété mais la question qui se

pose, c'est de faire respecter cet

embargo par tous les pays, pour

toutes les livraisons, la vente et le

transfert direct ou indirect des

ressources militaires, à la fois des

armes et des équipements et donc

du carburant d'aviation. C'est-à-dire

qu’il s'agit pour la France et pour les

États de mettre en place un

mécanisme qui permette de

contrôler effectivement et de faire

respecter cet embargo. Et ça, c'est

vraiment une demande centrale

que l'on porte parce que l'embargo

existe mais il n'est pas respecté par

tous les pays et on le sait. Son

champ d'application est trop

restreint.

Concernant le carburant d'aviation

militaire, imposer cet embargo

signifie pour les États et donc la

France également, de s'assurer

qu'aucune de leur entreprise ne soit

impliquée dans des chaînes

d'approvisionnement,

donc

globales, liées à la junte militaire. Ça

signifie pour tous les États et donc

pour la France, et c'est ce qu'on

demande, soit de proposer à

l'international, soit d'imposer à

l'échelle nationale, une suspension

de la fourniture de la vente, du

transfert de ces carburants

d'aviation, dans l'attente d'un cadre

qui nous permette de savoir

véritablement que ce carburant

d'aviation n'est pas utilisé pour

commettre des crimes de guerre in

fine.

Ensuite, je ne vais pas répéter ce

que ce qu'a dit Monsieur Baudouin.

Mais pour briser le cycle de

l'impunité, la demande centrale que

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I N T E R N A T I O N A L , L U T T E R C O N T R E

L ’ I M P U N I T É

'on pose bien entendu, c'est celle de

l'accès à la justice, c'est celle de la

redevabilité, le devoir de rendre

compte pour les auteurs de crimes

et de violation des droits humains.

Comme pour la FIDH et la LDH, la

demande centrale que l'on porte est

celle de la saisine de la Cour pénale

internationale par le Conseil de

sécurité des Nations Unies. Mais

plus encore cela peut impliquer

pour les États, et c'est une demande

que l'on porte, d'infliger des

sanctions financières aux

représentants de l'État responsable

de crimes et d'autres violations. Cela

peut impliquer aussi pour les États

de soutenir l'établissement des faits,

la consolidation des preuves, la

matérialité des éléments

finalement, notamment en allouant

suffisamment de ressources

financières, techniques et humaines

à la fois aux mécanismes d'enquête

indépendante pour le Myanmar et,

de manière générale, à tous les

organes qui permettent

l'établissement des faits en

Birmanie. Ça implique également,

bien sûr, d'exhorter les autorités

birmanes à permettre l'accès sans

entrave à ces observateurs, ces

enquêteurs, en Birmanie. On sait

bien sûr à quel point c'est difficile.

Finalement, la demande centrale

que l'on porte auprès de la France,

c'est de se saisir des demandes que

je viens de vous évoquer, c'est de

porter haut et fort, de manière

ambitieuse et récurrente les

messages que je viens de vous

porter.

Actuellement, on assiste à une prise

de position de l'État français, de la

diplomatie française, des Nations

Unies, d'un certain nombre d'États

qui publient des déclarations, des

résolutions qui, pour la majeure

partie, se contentent de condamner

la situation actuelle. Ce qu'on

demande, c'est que la situation en

Birmanie soit évoquée de manière

régulière, au plus haut niveau, à la

fois dans les instances onusiennes,

donc bien sûr au Conseil des droits

de l'Homme et à l'Assemblée

générale des Nations Unies et

surtout au Conseil de sécurité des

Nations Unies. Dans ces enceintes,

des décisions concrètes doivent être

prises, notamment des résolutions,

avec un pouvoir contraignant en ce

qui concerne le Conseil de sécurité.

On considère que condamner la

situation est insuffisante, il faut

adopter des résolutions précises qui

comportent 5 éléments. Bien sûr, la

condamnation des violations des

droits humains, mais aussi l'appel à

l'accès à la justice, c'est-à-dire que

les résolutions adoptées notamment

par les Nations Unies doivent

appeler à contribuer aux

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L ’ I M P U N I T É

efforts internationaux destinés à

amener les auteurs des crimes à

rendre compte devant la justice

pénale. Les résolutions doivent

appeler aux sanctions des hauts

représentants coupables de

violation des droits humains.

Les résolutions, les déclarations,

tous ces échanges doivent appeler

tous les États à respecter un

embargo total sur les armes, sur les

carburants d'aviation et sur toutes

les ressources militaires que

j'évoquais précédemment. Et enfin,

on considère que toutes les

résolutions, les déclarations portées

par les États et notamment par la

France doivent exhorter la junte à

autoriser l'accès sans entrave des

enquêteurs sur leur territoire.

La grande majorité des résolutions

appellent à la mise en œuvre du

consensus en 5 points de l’ASEAN

qu'on a évoqué brièvement

précédemment, sans constater sa

non mise en œuvre sans constater

son inadaptation. Il est nécessaire

que les résolutions adoptées et que

les déclarations actuelles fassent

état de l'inadaptation et de

l'inefficacité de ce consensus en 5

points. Sur la question de

l'engagement diplomatique, de la

mobilisation de la communauté

internationale, il s'agit de montrer

que bien sûr, on a des engagements

diplomatiques, on a des prises de

position de la diplomatie française.

On a pu constater un certain

nombre de déclarations publiées

par le Ministère des affaires

étrangères français. L'ancien

ministre des affaires étrangères

français, Jean-Yves Le Drian, l'année

dernière en février, lors de la session

du Conseil des droits de l'Homme,

avait considéré et évoqué la

Birmanie comme l'une des priorités

de la diplomatie des droits humains

françaises. On va pouvoir faire le

suivi et voir si la nouvelle ministre

des Affaires étrangères lors de la

prochaine session du Conseil des

droits de l’Homme, se saisit aussi de

cet enjeu.

L'enjeu véritable, c'est que souvent,

ces déclarations sont incomplètes,

elles ne comportent pas de

condamnation véritable de la

situation et elles révèlent surtout

une insuffisante volonté politique,

une insuffisante mobilisation de la

communauté internationale. La

résolution adoptée par le Conseil de

sécurité en décembre dernier en est

une bonne illustration. Vous avez

sûrement entendu parler de cette

résolution, adoptée le 21 décembre

dernier, qui effectivement constitue

un signal positif. Signal positif parce

qu'elle exige l'arrêt immédiat de

toutes les formes de violence sur

l'ensemble du territoire birman. Elle

demande également à l'armée du

pays de libérer toutes les personnes

détenues arbitrairement.

Léna Collette, Coordinatrice plaidoyer et relations extérieures, Amnesty International France

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L ’ I M P U N I T É

Mais néanmoins, et pour Amnesty

International comme pour le

rapporteur spécial Tom Andrews,

cette résolution est insuffisante car

elle reste muette sur le respect de

l'embargo dont on parlait. Elle est

muette également sur la question

des sanctions financières pour les

hauts représentants coupables de

violation des droits humains et elle

est muette également sur la saisine

de la Cour pénale internationale.

C'est précisément ce que Thomas

Andrews a dénoncé. Il a considéré

que cette résolution était

clairement insuffisante parce que, et

je cite « exiger que certaines actions

soient entreprises sans recourir à

l'autorité du Conseil de sécurité en

matière de sanction n'empêchera

pas la junte illégale du Myanmar

d'attaquer et de détruire la vie des

54 millions de personnes retenues

en otage dans le pays ».

Un autre levier qui semble

particulièrement essentiel et un

message qu'il est essentiel de porter

auprès de la diplomatie française et

qu'elle doit porter également, c'est

la question de l’ASEAN, C'est ce

qu'on évoquait tout à l'heure, le fait

d'afficher clairement l'insuffisance,

l'inadaptation du consensus en 5

points. Il faut que l’ASEAN

reconnaisse que le consensus en 5

points n'a pas mis fin aux violences

au Myanmar et bien au contraire. On

l'observe. La France doit également

demander à l'ASEAN de fournir un

calendrier précis de la mise en

œuvre de ce consensus en 5 points.

Elle s'y engagée en novembre

dernier. Il faut qu'elle précise les

modalités de cette mise en œuvre.

Enfin, et de manière générale, la

France, et les Etats plus

largement, ont le pouvoir d'exhorter

l’ASEAN à jouer un rôle plus ferme

en demandant des engagements

concrets aux autorités birmanes, en

matière de droits humains,

notamment, par la libération de

prisonniers politiques ou par la

suspension des condamnations

arbitraires.

Pour conclure, un des leviers qui est

à notre portée, c'est celui de

dénoncer cette mobilisation

politique encore insuffisante et de

porter des exigences concrètes pour

que l'implication de la France porte

des demandes bien précises qui,

seules, pourront faire cesser les

violations des droits humains dans

le pays. Pour conclure, je citerai

notre directrice régionale Asie qui

évoque notamment le fait que « si

de nombreux gouvernements ont

modestement répondu à certains

appels à l'action, ce n'est pas encore

suffisant pour mettre fin aux graves

violations commises par la junte. La

communauté internationale ne peut

pas laisser passer un jour de plus et

encore moins 2 années de plus,

Léna Collette, Coordinatrice plaidoyer et relations extérieures, Amnesty International France

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L ’ I M P U N I T É

avant de prendre des mesures

véritablement ambitieuses et

efficaces pour mettre fin aux

atrocités commises par l'armée ».

Léna Collette, Coordinatrice plaidoyer et relations extérieures, Amnesty International France

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L E S R E V E N U S D E L A J U N T E

Nay San Lwin, co-fondateur de Free Rohingya

Coalition et membre de Blood Money Campaign

Mesdames et Messieurs,

Tout d'abord, je remercie les

organisateurs de m'avoir invité à

prendre la parole lors de cet

événement important. De plus,

merci à tous les organisateurs

d'avoir organisé cet événement.

Je suis Nay San Lwin. Je

représente la Free Rohingya

Coalition et la Blood Money

Campaign.

Deuxièmement, alors que nous

marquons aujourd'hui le

deuxième anniversaire du coup

d'État militaire au Myanmar, le

peuple du Myanmar manifeste

une grève silencieuse dans tout le

pays. En tant que Rohingya, je

tiens à exprimer ma solidarité.

Comme j'ai toujours été aux côtés

de tous les habitants du Myanmar,

je continuerai à me battre pour

apporter la démocratie, l'égalité et

la justice pour tous au Myanmar,

sans distinction de race ou de

religion.

Les militaires au Myanmar se sont

appelés Conseil d'administration

de l'État, mais nous les avons tous

appelés le groupe terroriste SAC

parce qu'ils ont continuellement

commis des crimes de guerre, des

crimes contre l'humanité et un

génocide.

Nous apprécions tous les pays qui

ont imposé des sanctions contre

la junte et certaines entreprises

liées à la junte, notamment la

Myanmar Economic Corporation

(MEC). Cependant, malgré les

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L E S R E V E N U S D E L A J U N T E

sanctions, nous sommes déçus que

le gouvernement américain ait

accordé à une entreprise japonaise

une exemption lui permettant de

payer 1,3 million de dollars US à la

MEC, qui appartient aux militaires.

Des centaines de groupes de la

société civile au Myanmar et à

l'étranger ont demandé à plusieurs

reprises au gouvernement des États-

Unis de couper l'accès aux flux de

revenus de l'industrie pétrolière et

gazière au groupe terroriste SAC. En

réponse, nous avons reçu des

déclarations d'empathie concernant

les meurtres brutaux et inhumains

perpétrés par la junte. Ces

déclarations ne sont pas des actions

significatives pour mettre fin à ces

atrocités. La junte ne ressent pas la

pression de ces déclarations. Le

gouvernement américain comprend

que des sanctions contre Myanmar

Oil and Gas Enterprise (MOGE)

contribueraient à faire pression sur

la junte pour qu'elle abandonne le

pouvoir, mais le fait de donner une

excuse infondée de crainte pour

l'électricité et la vie socioéconomique

des habitants de la

Thaïlande et du Myanmar va à

l'encontre de la volonté du peuple

du Myanmar. Environ 250 000

personnes ont signé une pétition

pour sanctionner la MOGE, mais les

États-Unis ont négligé cet appel.

Permettre à la junte d'accéder à ces

revenus revient à financer purement

et simplement les crimes qu'elle

commet. Avec cet argent, la junte

achète des armes à ses alliés, dont

la Russie. Le retard dans l'imposition

de sanctions à l'encontre de MOGE

permet à la junte de tuer davantage

de personnes chaque jour. Nous

apprécions la récente sanction

contre le directeur général et le

directeur général adjoint de MOGE,

mais ce n'est pas suffisant. Nous

avons demandé à plusieurs reprises

de sanctionner l'entité MOGE, et

non les individus qui la dirigent.

Vous savez tous que le groupe

terroriste SAC a tué au moins 3 000

personnes, dont de jeunes enfants,

des activistes, des civils et des

politiques. L'action insuffisante du

monde a permis à la junte

d'exécuter quatre militants, dont Ko

Jimmy et Ko Phyo Zeya Thaw. Des

dizaines de milliers de personnes se

trouvent toujours dans des prisons

tristement célèbres et subissent des

tortures innommables. Les habitants

des régions de Sagaing et de Magwe

et des zones ethniques craignent

toujours les frappes aériennes. Les

bombardements aériens ont tué de

nombreuses femmes, enfants et

personnes âgées. Après de longues

protestations, le Canada a imposé

une sanction pour cesser de fournir

des carburéacteurs, tandis que le

Royaume-Uni a imposé des

Nay San Lwin, co-fondateur de Free Rohingya Coalition et membre de Blood Money Campaign

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S O U T E N I R L E S R O H I N G Y A E T T A R I R

L E S R E V E N U S D E L A J U N T E

sanctions à deux entreprises qui

contribuaient à l'importation de

carburéacteurs. Les États-Unis et

l'Union européenne doivent agir

sans plus attendre. Le groupe

terroriste SAC a incendié ou détruit

des dizaines de milliers de maisons

dans tout le pays.

Permettez-moi maintenant de

parler d'un autre grand bailleur de

fonds qui aide la junte à continuer

de commettre tous les crimes, y

compris les crimes de guerre, les

crimes contre l'humanité et le

génocide. Ce groupe s'appelle

PTTEP - le gouvernement

thaïlandais en détient 51%. La Blood

Money Campaign a appris que

PPTEP a effectué un paiement d'au

moins 500 millions de dollars US à

la junte terroriste en 2021, malgré

les appels incessants à garder les

fonds sur un compte séquestre.

PTTEP est le principal bailleur de

fonds de la junte terroriste. PTTEP

donne la priorité à ses affaires plutôt

qu'aux souffrances de la population.

Leur attitude suggère qu'ils n'ont

aucun problème avec les crimes

que leur partenaire commercial

commet. Elle témoigne d'un

manque de pitié et d'humanité.

Permettez-moi

maintenant

d'évoquer brièvement la situation

des Rohingyas. 130 000 Rohingyas

sont confinés dans des camps

comme des camps de

concentration depuis plus d'une

décennie. Environ 500 000 vivent

dans des prisons à ciel ouvert dans

différentes communes de l'État

d'Arakan dit Rakhine. Depuis le

coup d'État, les militaires ont arrêté

plus de 3 000 Rohingyas fuyant vers

la Malaisie et les ont condamnés à

des peines allant jusqu'à cinq ans.

La junte n'épargne même pas les

mineurs. Récemment, la junte a

massacré un groupe de 13 jeunes

près de Yangon.

Alors que les survivants du génocide

des Rohingyas ou les réfugiés dans

les camps de Cox's Bazar au

Bangladesh sont sans espoir, les

trafiquants d'êtres humains

circulent librement à l'intérieur et

les persuadent d'entreprendre des

voyages risqués en bateau vers

l'Indonésie ou la Malaisie ou par voie

terrestre à travers le Myanmar. Rien

que l'année dernière, au moins 400

personnes sont mortes en mer, dont

un bateau de 180 personnes qui

s'est noyé.

Les enfants rohingyas rêvent de

l'avenir comme les autres enfants,

mais leur condition ne permet pas à

leur rêve de se réaliser. Les jeunes

hommes et les jeunes femmes

voient à travers les médias sociaux

comment leurs camarades, y

compris les réfugiés dans d'autres

pays, développent leur vie avec une

éducation supérieure et une

formation professionnelle.

Nay San Lwin, co-fondateur de Free Rohingya Coalition et membre de Blood Money Campaign

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S O U T E N I R L E S R O H I N G Y A E T T A R I R

L E S R E V E N U S D E L A J U N T E

Cependant, ils n'ont pas de telles

opportunités. Le rapatriement sous

cette junte terroriste est presque

impossible.

Permettez-moi de conclure.

L'ASEAN a essayé d'organiser l'avenir

du Myanmar avec un consensus en

cinq points, mais cela ne fonctionne

pas efficacement car la junte du

Myanmar ne veut pas l'appliquer. La

junte terroriste ne ressent pas les

cinq points de l'ASEAN comme une

pression.

La junte prévoit d'organiser un

simulacre d'élection cette année.

Après les élections, si la junte reste

au pouvoir en portant des

vêtements civils, le peuple birman

souffrira davantage, et les Rohingyas

seront encore plus détruits.

Alors que je m'exprime maintenant

à l'Hôtel de Ville de Paris, je

demande au gouvernement français

de se joindre à l'affaire du génocide

des Rohingyas devant la Cour

internationale de justice (CIJ). En

outre, une autre demande est que la

France, en tant que pays, un pays

superpuissant avec un siège

permanent au Conseil de sécurité

des Nations Unies, devrait désigner

la soi-disant SAC ou l'armée du

Myanmar comme une entité

terroriste.

Comme la communauté

internationale ne prend pas les

mesures nécessaires pour mettre fin

à la dictature militaire, la seule

option est de soutenir la révolution.

Le combat sur le terrain n'est pas

une guerre civile. C'est une

résistance armée pour apporter la

démocratie et la paix. Je n'approuve

pas la lutte violente, mais puisque

nos mouvements pacifiques sont

ignorés et que les gens souffrent

quotidiennement, il ne reste que

l'autre option. S'il vous plaît, prenez

les mesures qui s'imposent si la

communauté internationale ne veut

vraiment plus de violence au

Myanmar. Merci.

Nay San Lwin, co-fondateur de Free Rohingya Coalition et membre de Blood Money Campaign

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A G I R F A C E À L A P E I N E D E M O R T E T

A U X E X É C U T I O N S C A P I T A L E S

Diane Fogelman, Responsable Programmes &

Plaidoyer Asie, ACAT-France

Merci pour cette invitation en ce

jour si particulier pour le peuple

birman. Agir contre la peine de

mort, c'est d'abord comprendre

comment la junte l’utilise. La

peine de mort pourra vous

sembler un sujet « anecdotique »

au vu de toutes les violations et de

toutes les violences évoquées

aujourd'hui, mais il est

fondamental. Il est révélateur de

l'impunité de la junte birmane.

La Birmanie, c'était un pays - et je

parlerai au passé - qui était

abolitionniste de fait, en pratique,

depuis plus de 30 ans. Cela veut

dire que la peine de mort est une

sanction légale prévue par le code

birman, mais qu’on n'a pas eu

recours à cette sanction depuis

plus de 30 ans, jusqu'en juillet

2022. Quand la junte a rompu

avec cette abolitionisme de fait, 4

opposants politiques au régime

ont été exécutés. En novembre

2022, 7 étudiants ont été

condamnés à mort par le régime.

Depuis, c'est une escalade du

nombre de condamnés à mort en

Birmanie. On comptabilise, selon

l'ONU, 130 personnes condamnées

à mort à la fin de l'année 2022. Et

selon l'ONG locale AAPP -

Assistance Association for Political

Prisoners – il y a actuellement 143

personnes condamnées à mort.

Ces chiffres sont à prendre avec

précaution puisqu’ils pourraient

être en dessous de la réalité. On

ne sait pas combien de personnes

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ont été condamnées à mort.

D'ailleurs, j’irais jusqu'à dire qu'on

ne sait pas exactement combien de

personnes ont été exécutées à ce

jour. Ces données sont aussi sous le

sceau du secret. Les condamnations

à mort interviennent en général

après des procès injustes, tenus au

secret, à huis clos. La personne

condamnée à mort n'a pas la

possibilité de se défendre. Elle ne

peut pas faire appel ni recourir à un

avocat.

La peine de mort est une violation

du droit à la vie. C'est peut-être

évident pour certaines personnes,

mais je le rappelle. C'est une peine

et un traitement inhumain ou

dégradant. La peine de mort en ellemême

est une violation. Elle

intervient après un procès qui luimême

est en violation des

standards sur le procès équitable

selon lesquels toute personne a le

droit d'être jugée par un tribunal

indépendant, compétent et

impartial. Les tribunaux militaires,

qui condamnent à mort, ne

répondent à aucun de ces 3 critères,

se tiennent à huis clos et ne

prévoient pas d’accès à une

assistance juridique. Les personnes

qui sont condamnées à mort ne

peuvent pas recourir à un avocat. La

peine de mort, qui est en elle-même

une violation, intervient donc après

un certain nombre de violations des

droits au procès pour une personne.

C'est une tendance qui est

inquiétante, cela fait 30 ans qu'il n'y

avait pas eu d'exécution en

Birmanie.

Personne ne mérite la peine de

mort. C'est la position de l’ACAT

France évidemment, et la mienne

aujourd'hui. Or la junte l'utilise

comme un outil de persécution,

d'intimidation et de harcèlement de

ses opposants politiques. C'est un

schéma assez classique, si je peux

me permettre l'expression,

notamment dans la zone de l'Asie

du Sud-Est. On a déjà vu cette

utilisation de la peine de mort au

Vietnam ou aux Philippines par

exemple. Mais de manière plus

générale, la peine de mort est

utilisée par des régimes arbitraires

et répressifs. La peine de mort, c'est

ce qu'on appelle le reflet inversé de

la démocratie, révélateur du refus

des valeurs démocratiques dans

cette zone. La peine de mort permet

à la junte de réduire au silence la

résistance, de réduire au silence le

peuple.

Face à cette situation inquiétante. Il

y a eu au niveau de la communauté

internationale des cadres juridiques

qui ont été mis en place pour

l'abolir et lutter contre sa

réintroduction. Sans surprise

aucune, la Birmanie n'a pris

absolument aucun engagement en

faveur de l’abolition de la peine de

mort à l'international. La Birmanie

Diane Fogelman, Responsable Programmes & Plaidoyer Asie, ACAT-France

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n'a respecté aucun des

engagements qu'elle a pris avec

l’ASEAN, l'un de ces engagements

étant l'arrêt immédiat des violences.

On peut tout à fait voir le lien avec

la peine de mort qui est une

violence. On peut s'interroger - et je

pense que c'est une interrogation

commune - sur le statu quo de

l’ASEAN vis-à-vis de la Birmanie. On

dirait qu'il ne se passe rien. Et

pourtant, la Birmanie ne tient pas

ses engagements. Au niveau

international, la Birmanie n'a pas

pris d'engagement. Elle n’a signé

aucun des grands textes sur la

question et n'a pas non plus signé la

convention contre la torture. C’est

regrettable car ces deux textes

auraient pu permettre de la placer

face à ses engagements sur le sujet.

En fin d’année dernière, la Birmanie

a voté pour lors du vote pour la

9ème résolution pour un moratoire

sur la peine de mort de l'Assemblée

générale des Nations Unies (car elle

était représentée par l’Ambassadeur

de la Birmanie à l’Onu ayant fait

allégeance au gouvernement

d’unité nationale (NUG). Mais sur le

terrain, la junte n'a pris aucun

engagement en faveur de l'abolition

de la peine de mort ou contre les

exécutions. Elle ne répond à aucun

cadre juridique défini. Si on prend

par exemple le droit civil en

Birmanie, la junte a préféré imposer

sa loi martiale. Par contre au niveau

du droit pénal, qui prévoit la peine

de mort, la junte s'appuie sur les

sanctions qui préexistaient au coup

d'État. A l’heure actuelle, ce n'est

pas un cadre juridique qui fera la

différence, puisque le seul cadre

auquel la junte répond est

l'arbitraire.

lMalgré tous ces constats assez

négatifs, que peut-on exiger de ce

pays qui a repris les exécutions il y a

peu ? On peut exiger un moratoire.

Je sais que c'est peut-être

contradictoire avec ce que je viens

de dire, mais je vais vous l’expliquer.

Un moratoire est une suspension

temporaire des condamnations à

mort ou des exécutions. En

l'occurrence, je fais ici référence à

un moratoire sur les exécutions. Je

crois que ça a été mentionné par

RSF, l’ACAT France rejoint ce

constat : Aux Nations Unies, le

Secrétaire général et le Rapporteur

spécial sur la Birmanie ont déclaré

que la communauté internationale «

se fichait du Myanmar » et plus

précisément que la communauté

internationale avait échoué au

Myanmar. On parle d’échec parce

que la junte continue d'agir en

toute impunité. En dépit des

sanctions prononcées, des

déclarations faites, des

condamnations émises de la part de

la communauté internationale, la

junte continue de faire exactement

Diane Fogelman, Responsable Programmes & Plaidoyer Asie, ACAT-France

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ce qu'elle veut.

On a aussi parlé du manque de

visibilité politique et médiatique sur

le sujet précis de la peine de mort. Il

est flagrant, mais à ce stade, ça ne

suffira plus. Cela fait 2 ans depuis le

coup d'État ! Il faut une action claire

et ferme de l'ensemble de la

communauté internationale en

faveur d'un moratoire sur les

exécutions à venir. C’est une

solution de court terme, une

suspension temporaire des

exécutions, contrairement à

l'abolition qui, elle, est une mesure

qui est inscrite dans la loi. A titre

d’exemple, en décembre 2022, le

Haut-Commissaire des Nations

Unies aux droits de l'Homme a

explicitement appelé à imposer un

moratoire sur la peine de mort en

Iran. En décembre 2022 toujours - et

les dates ont une importance -

des experts de l'ONU ont appelé à

un moratoire immédiat sur les

exécutions pour des délits liés à la

drogue en Arabie Saoudite. Le

lendemain de ces déclarations, le 2

décembre 2022, on arrive à une

déclaration sur le Myanmar. Et là,

plus rien. Suite aux exécutions de

jeunes activistes en Birmanie, c’est

le même Haut-Commissaire des

Nations Unies qui s'est prononcé

très clairement sur l'Iran qui s’en

tient à exprimer un « choc » et à

souhaiter obtenir des « clarifications

» sur la situation. Pourquoi ces

différences de positionnement ? La

Birmanie est un régime autoritaire ?

L’Iran et l'Arabie saoudite aussi.

Il y a un autre exemple dans la

résolution du Conseil de sécurité de

l'ONU sur le Myanmar, où on ne

trouve qu'une seule mention de la

reprise des exécutions, en

préambule du texte. Finalement,

seul l'envoyé spécial de l'ONU pour

le Myanmar, s’est explicitement

prononcé sur la question des

exécutions, à une occasion, en

exhortant les dirigeants de la

Birmanie à imposer un moratoire

sur toutes les exécutions futures.

C'était en août 2022. Depuis, elle ne

s'est plus exprimée sur le sujet.

En résumé, l’ONU n'appelle pas

explicitement, ou très peu, à un

moratoire sur les exécutions à venir

ou sur la peine de mort en Birmanie.

Malheureusement, c'est un constat

que l'on peut également faire par

rapport aux communications de

l'Union Européenne ou de la France.

On en déduit que les prises de

position diffèrent selon les États

concernés. Quelle autre conclusion

tirer quand sur l'Iran, il n’y a aucun

problème à appeler à des prises de

position claires et explicites ?

Encore une fois, ce n'est pas pour

hiérarchiser les causes entre chaque

pays, c'est simplement pour

souligner que cela interroge. On

peut s'interroger sur la frilosité de la

communauté internationale sur

Diane Fogelman, Responsable Programmes & Plaidoyer Asie, ACAT-France

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A U X E X É C U T I O N S C A P I T A L E S

préambule du texte. Finalement,

cette question vis-à-vis de la junte.

Dans un second temps, on peut

constater que les déclarations

publiques sont peu fréquentes. Le

nombre de condamnés à mort a

augmenté depuis plus de 6 mois et

les chiffres sont parcellaires. Il y a

peut-être eu des exécutions dont on

n'a pas connaissance et il y en a

peut-être qui sont prévues sans

qu’on le sache.

Que peut-on donc faire pour agir

concrètement contre la peine de

mort et la reprise des exécutions ?

L’ACAT France demande à ce que

les peines de mort déjà prononcées

soient commuées, à suspendre tout

projet d'exécution à venir en

Birmanie et à instaurer un moratoire

sur la peine de mort. Et il y a aussi

un appel sur le plus long terme en

vue de son abolition définitive en

Birmanie. La situation illustre bien

ce besoin : les 30 ans sans aucune

exécution n’ont pas empêché la

junte de reprendre les exécutions

l'année dernière. Dans l'immédiat,

l’ACAT France recommande que les

institutions internationales, l’ASEAN,

l'UE et la France appellent

clairement et fermement à un

moratoire sur les exécutions à venir.

Nous recommandons par ailleurs

que le moratoire sur les exécutions

soit une des conditions du maintien

de la Birmanie en tant que pays

membre de l'ASEAN.

Plusieurs fois ce matin, ont été

mentionnés la nécessité de faire

pression et front commun. Nous

appelons également ceux qui sont

dans la salle à faire pression. Il existe

des possibilités d’action : écrire à

vos députés, par exemple, signer

des pétitions, envoyer des courriers.

peuvent éventuellement mettre ce

sujet dans l'agenda politique et faire

pression pour demander et obtenir

ce moratoire.

En conclusion, on voit que

l'abolition de la peine de mort - qui

est une violence extrême - n'est

jamais complètement acquise. La

Birmanie n'est pas le seul pays dans

lequel un moratoire a été observé

depuis plusieurs années et les

exécutions ont repris. On a vu

l'exemple du Bélarus, du Japon ou

des Émirats Arabes Unis. L’abolition

n'est jamais acquise, bien que l’on

n’en soit pas encore là en Birmanie.

Mais plus le cadre juridique est

formel, plus l'État est placé face à

ses engagements. Il faut franchir le

pas en Birmanie, mettre fin à

l'impunité de la junte et cela

commence par un moratoire. La

situation en Birmanie est un drame

aussi du point de vue des

exécutions. C'est aussi pour ça que

des conférences comme celles-ci

sont importantes.

Je vous remercie.

Diane Fogelman, Responsable Programmes & Plaidoyer Asie, ACAT-France

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B I R M A N E , A U C O E U R D E L A

R É V O L U T I O N B I R M A N E

Juliette Segard, Responsable du service Asie, CCFD-

Terre Solidaire

Merci beaucoup Sophie, Bonjour à

tous et à toutes. Merci à la Mairie de

Paris de nous accueillir à nouveau

ici, merci à Info Birmanie et

l'association Doh Atu Ensemble

pour le Myanmar d'avoir organisé

cet événement, qui est important.

Evidemment on souhaiterait ne pas

avoir besoin de se réunir aujourd'hui

pour commémorer les 2 ans du

coup d’Etat, mais c'est important

qu'on puisse être ensemble, qu'on

puisse échanger, qu'on puisse aussi

témoigner de notre solidarité vis-àvis

du peuple birman et vis-à-vis des

organisations de la société civile

birmane.

Beaucoup de choses ont déjà été

dites par les autres organisations et

les collègues donc je ne vais pas les

répéter et je vais essayer de

raccourcir un peu ma présentation.

Mais je voulais quand même dire

que nous partageons largement les

analyses qui ont été exposées, ainsi

que les recommandations qui ont

été formulées.

Le CCFD - Terre Solidaire soutient

des organisations de la société civile

locale en Birmanie depuis les

années quatre-vingts, et ce, sans

discontinuer même si, bien sûr, les

soubresauts de l'histoire ont obligé

un certain nombre de ces

organisations, parfois, à s'implanter

en Thaïlande et à d'autres moments

à pouvoir se relocaliser en Birmanie

et agir localement.

À l'heure actuelle, nous continuons

à soutenir une dizaine

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B I R M A N E , A U C O E U R D E L A

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d'organisations qui sont des

mouvements syndicaux, des ONG

dites de développement, des

organisations de défense des droits

humains avec lesquels nous avons la

chance d'être toujours en contact

régulier et qui nous témoignent des

difficultés qu'elles vivent sur place,

du contexte local, mais aussi de

leurs demandes, de leurs actions et

de leurs espoirs. Et c'est ce que nous

souhaitions vous partager

aujourd'hui. Clairement dès le début

et dès le coup, la junte birmane a

essayé par tous les moyens

d'annihiler la société civile birmane.

Ça a commencé par des fermetures

d'organisations, l'interdiction de

leurs activités par la traque de

militants et de militantes et par leur

emprisonnement, le fait de geler les

comptes en banque des

organisations pour couper leur

accès à des financements étrangers,

de surveiller leurs activités, de les

harceler d'un point de vue

administratif en les obligeant à

s'enregistrer, ou se ré-enregistrer

pour pouvoir contrôler leur activité.

Ce qui fait qu'à l'heure actuelle de

très nombreuses organisations ont

refusé de s'enregistrer à nouveau et

sont donc de fait, entrées dans une

forme de clandestinité.

Et c'est également en essayant de

les isoler, de les atomiser et de faire

en sorte que les réseaux de

solidarité ne puissent plus exister: à

la fois en empêchant les

rassemblements de plus de 5

personnes (le COVID avait bon dos à

ce moment-là), mais aussi en

empêchant les déplacements des

personnes. Il y a de plus en plus de

points de surveillance et de contrôle

des déplacements - ce qui fait

qu’aller rencontrer les autres, sortir

de chez soi, expose à des risques

énormes - mais aussi de plus en

plus de coupures d’internet et des

communications pour empêcher les

gens d’échanger et d'agir ensemble.

Nous avons mentionné un certain

nombre de chiffres, notamment sur

les prisonniers politiques. Parmi eux

on trouve beaucoup de membres

des sociétés civiles et des

organisations, qui sont emprisonnés,

ont été assassinés ou qui sont de

plus en plus nombreux à devoir fuir

pour se réfugier dans des conditions

assez précaires soit dans les zones

libérées, soit en Thaïlande sans

statut vraiment officiel et pour

certains et certaines d'entre elles,

qui ont quand même pu se

relocaliser en Europe ou en

Amérique du Nord par exemple.

Malgré ce contexte extrêmement

difficile, les organisations

demeurent actives, se mobilisent

localement et essaient d'adapter

leurs actions, leurs interventions aux

besoins des populations, qui sont

criants.

Juliette Segard, Responsable du service Asie, CCFD-Terre Solidaire

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B I R M A N E , A U C O E U R D E L A

R É V O L U T I O N B I R M A N E

Je voulais partager avec vous 4

modes d'action privilégiés de ces

organisations. 4 chantiers sur

lesquels elles se mobilisent:

Action humanitaire: très

clairement, la situation est

catastrophique. Le bureau de

coordination des Nations Unies

mentionne que 1/3 de la population

birmane a un besoin d'assistance

humanitaire d'urgence, que la

moitié de la population est

maintenant sous le seuil de

pauvreté et que plus de 15 millions

de personnes souffrent de la faim.

De nombreuses organisations se

sont mobilisées dès le début pour

venir en appui aux personnes

déplacées, pour leur apporter

nourriture, abri, médicaments.

Elles essayent de plus en plus, à

mesure que la situation s'éternise,

de travailler à la résilience des

communautés locales. Elles font en

sorte que les communautés

puissent accéder à une nourriture

qu'elles produisent sur place, mais

aussi qu’elles puissent bénéficier

des compétences des CDMers dont

on parlait, et que tous ces

professionnels de la santé,

instituteurs, institutrices, puissent

également former des personnes

des communautés locales pour

pouvoir répondre aux besoins

immédiats d'appui. Et c'est le cas de

l’une de nos organisations

partenaires: des médecins ont formé

des sages-femmes afin de pouvoir

répondre aux besoins là où les

hôpitaux ne sont plus fonctionnels,

et où il n'y a plus de possibilité

d'accès aux soins.

Dialoguer et Soutenir: Les

organisations se mobilisent aussi sur

la question du dialogue, de l'appui

aux communautés déplacées ou qui

sont sous les bombes. Et elles

essaient de faire en sorte d'être

présentes, d'être en solidarité, de

parler et d'aborder aussi la question

des traumatismes parce qu'on sait

que ces personnes vivent dans des

conditions extrêmement difficiles et

qu'elles ont besoin d'un appui et

d'humanité.

Documenter les faits :D'autres

organisations sont extrêmement

actives également dans le registre

de la documentation des exactions

de la junte, les violations des droits

humains: les journalistes, bien sûr,

mais aussi les journalistes citoyens,

les organisations de défense des

droits humains, à la fois pour faire

savoir ce qu'il se passe et pour

témoigner à la communauté

internationale de ce qui se passe,

mais aussi pour récolter des

preuves, pour pouvoir ensuite

traduire en justice les criminels de

la junte.

Réfléchir à l’avenir: Et enfin, de

nombreuses organisations se

mobilisent pour l'avenir de la

Juliette Segard, Responsable du service Asie, CCFD-Terre Solidaire

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A P P U Y E R L A S O C I É T É C I V I L E

B I R M A N E , A U C O E U R D E L A

R É V O L U T I O N B I R M A N E

Birmanie et réfléchissent par

exemple au sein du NUCC, le

Conseil Consultatif pour l'Unité

Nationale, et travaillent à la

rédaction d'une nouvelle

Constitution, à de nouvelles

politiques publiques, comment

gérer à l’avenir les ressources

naturelles, l'éducation, se projeter

sur une feuille de route pour la

Birmanie de demain. Il est

important de se rendre compte que

le travail porte à la fois sur une

réponse d'urgence aux besoins des

populations mais aussi sur une

projection sur l'après.

Ces organisations ont besoin de

beaucoup plus d'appui qu'elles n'en

ont à l'heure actuelle, et

notamment d'un appui financier qui

est absolument insuffisant par

rapport aux besoins.

Et il est également essentiel que

l'aide internationale ne transite pas

uniquement par les agences

onusiennes ou par les ONG

internationales. A l'heure actuelle,

pour pouvoir agir en Birmanie,

celles-ci sont ou vont être

contraintes de signer des accords

avec la junte, ce qui rend leur

opération

extrêmement

compliquée, et ce qui empêche très

concrètement leur accès à une

grande partie du territoire birman. Il

est essentiel que l'aide

internationale augmente en volume

et qu’elle arrive aussi directement

aux organisations de la société civile

locale, à travers des corridors

humanitaires par la frontière

thaïlandaise ou la frontière indienne

et que ces organisations aient

davantage de moyens d'agir,

sachant qu'elles bénéficient aussi de

la confiance des populations.

Voilà pour cet appui et cette

demande renouvelée de soutien,

mais aussi de compréhension de la

situation locale. Il est important que

les organisations internationales

comprennent que la situation est

telle que nous avons besoin de

davantage de flexibilité et que pour

ce faire, il est crucial de revoir à la

baisse les exigences des bailleurs et

des donateurs. Nous avons besoin

d’être très pragmatiques à la fois

par rapport aux besoins et aux

possibilités locales, mais aussi pour

ne pas mettre en danger les

organisations quand elles agissent

localement.

J'avais l'intention de parler du

besoin aussi d'un soutien politique

et diplomatique beaucoup plus fort,

mais on a déjà parlé de l’ASEAN, de

l'Union Européenne et autres. Je

voulais juste dire qu'effectivement,

cette année 2023 est charnière à

plusieurs niveaux. Tout d'abord, la

junte ne contrôle pas le territoire de

la Birmanie. Il y a au moins toujours

50% du territoire qui n'est pas sous

son contrôle. Il y a même des

Juliette Segard, Responsable du service Asie, CCFD-Terre Solidaire

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B I R M A N E , A U C O E U R D E L A

R É V O L U T I O N B I R M A N E

documents de l’armée qui ont fuité

disant qu'ils perdent du terrain dans

certaines zones, donc tout espoir

n'est pas perdu. Il y a toujours des

milliers, des millions, de personnes

qui se mobilisent quotidiennement

pour essayer de restaurer la

démocratie. Il y a peut-être une

fenêtre d'opportunité aussi au

niveau de l’ASEAN avec la

présidence de l'Indonésie, qui a en

tout cas marqué une volonté de se

mobiliser. Également parce que de

nombreuses organisations de la

société civile asiatique, qu'elles

soient indiennes, indonésiennes ou

thaïlandaises, sont extrêmement

mobilisées aussi et de plus en plus,

et se structurent pour faire en sorte

de peser dans la région.

Voilà, il est important que nous tous,

vous tous, nous puissions continuer

à agir, nous souvenir, nous mobiliser

dans ce temps charnière et à mettre

tout notre poids dans la balance

pour faire en sorte que la Birmanie

soit enfin libérée de cette junte qui

est là depuis 70 ans et puisse

vraiment mettre en place une

démocratie fédérale inclusive et

vibrante. Je vous remercie.

Juliette Segard, Responsable du service Asie, CCFD-Terre Solidaire

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J O U R N É E D ' I N F O R M A T I O N E T D E C O M M É M O R A T I O N P O S S I B L E .

Organisé par :

Avec la participation de :


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AGIR

en soutien du peuple

Birman

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