2023 AGIR en soutien du peuple birman
2 ans après le coup d'Etat militaire, le soutien au peuple birman doit d'amplifier. Il en va de la vie et de l'avenir de tout un peuple, il en va des valeurs démocratique
2 ans après le coup d'Etat militaire, le soutien au peuple birman doit d'amplifier. Il en va de la vie et de l'avenir de tout un peuple, il en va des valeurs démocratique
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AGIR
en soutien du peuple
Birman
L E S A C T E S D E L A C O N F É R E N C E | 1 F E V R I E R 2 0 2 3
2 a n s a p r è s l e c o u p d ' E t a t m i l i t a i r e ,
l e s o u t i e n a u p e u p l e b i r m a n d o i t s ' a m p l i f i e r .
I l e n v a d e l a v i e e t d e l ' a v e n i r d e t o u t u n p e u p l e ,
i l e n v a d e s v a l e u r s d é m o c r a t i q u e s .
2 0 2 3 | A G I R E N S O U T I E N D U P E U P L E B I R M A N
A V A N T - P R O P O S
En ce jour de commémoration des
deux ans du coup d'Etat militaire
du 1er février 2021, nous sommes
résolus à exprimer toute notre
solidarité avec les Birmanes et les
Birmans.
Face à la terreur de la junte, face au
courage incroyable du peuple
birman entré en résistance, le
sentiment d'urgence qui nous
anime ne nous quitte pas. Il reste
tant à faire pour soutenir les
aspirations démocratiques de tout
un peuple porté par sa jeunesse.
Mais la communauté internationale
fait encore si peu.
Les organisateurs de cette
conférence, Info Birmanie et Doh
Atu Ensemble pour le Myanmar -
rejoints par 7 organisations de la
société civile française et
nternationale, ont la volonté de
mettre en avant les actions qui
peuvent, et qui doivent, être
entreprises en soutien du peuple
birman, que soit par la France,
l'Union Européenne ou l'Onu.
Toutes les interventions qui vont
suivre indiquent que notre pays, la
France, a un rôle à jouer aux côtés
des aspirations démocratiques du
peuple birman, en écho à son
son courage, à sa détermination et
à ses sacrifices.
Nous avons toutes les raisons, que
nous soyons citoyens ou
représentants politiques, de nous
sentir concernés. Puisse la lecture
de ce actes inspirer des actions en
faveur d'un peuple dont la cause ne
mérite pas l'oubli.
La Mairie de Paris est résolument
engagée aux côtés du peuple
birman. Nous l'en remercions.
" L E S E N S D E C E T T E J O U R N É E , S E M O N T R E R S O L I D A I R E E T S U R T O U T
M O N T R E R D E S L E V I E R S D ' A C T I O N , C ' E S T Ç A Q U E L ' O N V E U T M E T T R E
E N A V A N T "
S O P H I E B R O N D E L
C O O R D I N A T R I C E D ' I N F O B I R M A N I E
Organisé par :
Avec la participation de :
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S O M M A I R E
O U V E R T U R E
0 1 Jean-Luc Romero-Michel, Adjoint à
la Maire de Paris, chargé des droits
humains, de l'intégration et la
lutte contre les discriminations
P L A I D O Y E R D E L A
S O C I É T É C I V I L E
P O U R L A
B I R M A N I E
3 0
Soutenir les Rohingya et tarir
les revenus de la junte
Nay San Lwin, co-fondateur de Free
Rohingya Coalition et membre de
Blood Money Campaign
0 3
0 5
1 2
Aung Myo Min, Ministre des droits
humains du Gouvernement d'Unité
Nationale
L A S I T U A T I O N E N
B I R M A N I E D E U X
A N S A P R È S L E
C O U P D ' E T A T
M I L I T A I R E
Etat des lieux et principaux
enjeux en 2023
Tin Tin Htar Myint, Présidente de
"Doh Atu, Ensemble pour le
Myanmar"
Daniel Bastard, Responsable du
Bureau Asie-Pacifique de Reporters
sans frontières
1 8
2 3
Quels recours envisageables à
la justice internationale avec
l’appui de la société civile?
Patrick Baudouin, Président de la
Ligue des droits de l'Homme,
Président d’honneur de la FIDH
Faire cesser les violations des
droits humains et du droit
international, lutter contre
l’impunité
Léna Collette, Coordinatrice
plaidoyer et relations extérieures,
Amnesty International France
3 4
3 8
Agir face à la peine de mort et
aux exécutions capitales
Diane Fogelman, Responsable
Programmes & Plaidoyer Asie, ACAT-
France
Appuyer la société civile
birmane, au coeur de la
révolution birmane
Juliette Segard, Responsable du
service Asie, CCFD-Terre Solidaire
S O M M A I R E
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J E A N - L U C R O M E R O - M I C H E L , A D J O I N T À L A
M A I R E D E P A R I S , C H A R G É D E S D R O I T S
H U M A I N S , D E L ' I N T É G R A T I O N E T L A L U T T E
C O N T R E L E S D I S C R I M I N A T I O N S
"Aujourd'hui, on est tous un peu birmans et la
mairie de Paris est birmane aujourd'hui"
Bonjour, je suis très content que
vous soyez là. D’autant qu'à chaque
fois qu'on fait une manifestation sur
pour soutenir le Myanmar et le
peuple birman, on a droit à des
attaques extrêmement violentes de
l'ambassadeur qui écrit au Ministre
des affaires étrangères pour dire
qu'en vous recevant, Monsieur le
Ministre, nous recevons des
terroristes à l'Hôtel de Ville.
Je veux donc dire qu'on a l'habitude
de ces méthodes, de ces
gouvernements autoritaires, mais je
trouve qu'il y a quand même un
moment où il y a des limites à ne
pas dépasser. C'est pour cela que je
suis d'autant plus volontiers avec
vous en ce début de matinée et que
je serai là, avec vous, ce soir. Je crois
qu'il faut vous soutenir plus que
jamais. Cela fait déjà deux ans, ,
malheureusement, qu'a eu lieu ce
coup d'État. Je suis très heureux
d'abord de voir que vous êtes
nombreux. Merci encore à Sophie, à
Tin Tin, à Patrick Baudouin, que je
suis heureux de revoir et que l'on
voit dès qu'il y a des droits humains
à défendre. Je remercie
évidemment Amnesty International
et les autres associations ici
présentes.
L'actualité fait que l’on parle
énormément de l'Ukraine,
heureusement aussi de l'Iran, et que
ce qui se passe dans bien d'autres
pays est souvent occulté. En France,
on n'a pas forcément toujours un
prisme suffisant vis-à-vis de l'Asie,
comme si peut-être cela paraîssait
loin pour un certain
O U V E R T U R E
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J E A N - L U C R O M E R O - M I C H E L , A D J O I N T À L A M A I R E D E P A R I S , C H A R G É D E S
D R O I T S H U M A I N S , D E L ' I N T É G R A T I O N E T L A L U T T E C O N T R E L E S
D I S C R I M I N A T I O N S
nombre d'entre nous. Mais je trouve
que ce qui se passe actuellement,
et depuis plus de 2 ans, dans ce
pays mérite en tout cas l'attention
de la communauté internationale
et de la Ville de Paris, qui quelque
part est un symbole - on dit
toujours « c'est la ville des droits
humains ». Je ne sais pas si elle l'est
réellement, mais en tout cas nous,
on essaie, avec Anne Hidalgo, avec
Arnaud Ngatcha, de faire en sorte
que notre message de liberté,
d'égalité, de fraternité et de
démocratie soit entendu. C'est
pour cela que c'est important de
vous recevoir ici, symboliquement,
en attendant la prochaine lettre
que nous allons recevoir de
l'ambassadeur. Cela nous conforte
quand des représentants de
dictature vousécrivent pour vous
dénoncer. Cela vous donne encore
plus envie de défendre celles et
ceux qui se battent.
Merci Monsieur le Ministre. Je suis
très content de recevoir Aung Myo
Min, même si à chaque fois, ça
suscite bien des réactions. Je trouve
qu'il est très courageux de porter la
parole pour le Myanmar partout.
C'est essentiel qu'ici on soit
sensibilisé, que la France soit
sensibilisée à ce qui se passe et
qu'elle soit aux côtés du peuple
birman. Deux ans, c'est quand
même énorme. Bravo en tout cas
pour l'organisation de cet
événement, avec de nombreuses
associations. Je sais que ce n’est
pas facile à organiser, avec en plus
ce moment plus culturel prévu en
fin de journée. Je pense que vous
aurez l'occasion d'en reparler mais,
j'invite chacune et chacun d'entre
vous à venir à la Mairie du 14e en fin
d'après-midi pour qu'on ait cette
journée complète.
Aujourd'hui en fait on est tous un
peu birmans et la Mairie de Paris
est birmane aujourd'hui.
Merci encore Monsieur le Ministre
et puis merci à vous toutes et tous,
militants associatifs, militants et
militantes des droits humains. On a
plus que jamais besoin de vous.
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A U N G M Y O M I N , M I N I S T R E D E S D R O I T S
H U M A I N S D U G O U V E R N E M E N T D ' U N I T É
N A T I O N A L E
"Au moment où vous soutenez le peuple ukrainien,
s'il vous plaît, soutenez aussi le peuple birman qui
lutte aussi contre la dictature. Ce sont les mêmes
combats qui sont menés."
Permettez-moi d'exprimer ma
solidarité avec la vôtre envers le
peuple birman, c'est un moment
important de solidarité et de
témoignage envers le peuple
birman. Je vous remercie de votre
présence et je suis content d'être ici
avec vous aujourd'hui. Paris, La
France. La France est un pays des
droits de l'Homme, le pays de la
déclaration des droits de l'Homme.
Je suis très content de pouvoir
parler de la situation des droits de
l'Homme en Birmanie, ici en France,
à Paris. Je pense à cette déclaration
des droits de l'Homme avec ses 30
articles qui rappellent les droits de
chaque être humain et tous ces
droits et libertés qui doivent être
préservés. Hélas, le peuple birman
est menacé dans sa dignité et dans
ses droits par cette junte
oppressive, cette dictature au
quotidien. Ils sont soumis à des
détentions arbitraires, à des
arrestations arbitraires et
beaucoup sont victimes aussi de
bombardements aériens et doivent
prendre la fuite à cause des
bombardements aériens menés par
la junte contre la population civile.
Cela fait deux ans maintenant que
le coup d'État a eu lieu. Mais la
population birmane est toujours en
résistance et se bat pour ses droits.
La junte cherche à éradiquer la
résistance et se bat contre la
population par la violence. Tout
moyen de terreur est utilisé,
O U V E R T U R E
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A U N G M Y O M I N , M I N I S T R E D E S D R O I T S H U M A I N S D U G O U V E R N E M E N T
D ' U N I T É N A T I O N A L E
mais elle ne parvient pas à ses fins,
elle n'arrive pas à faire taire la
résistance du peuple birman.
Aujourd'hui en Birmanie, c'est les
« silent strike », les grèves
silencieuses, la population ne
descend pas dans la rue pour
manifester son refus de la junte.
Aujourd'hui à travers le pays on a
donc pu voir ces grèves
silencieuses, ces rues vidées de tout
habitant en protestation. La
population utilise le pouvoir du
silence pour dire à la junte qu'elle
ne veut pas d'elle.
Ici, vous bénéficiez de la liberté
d'expression, d'association et vous
devez utiliser ces droits en soutien
du peuple birman. S'il vous plaît,
n'oubliez pas le courage du peuple
birman. Utilisez votre liberté
d'expression, vos droits pour le
soutenir, l'appuyer, interpeller votre
gouvernement. Parlez-en à vos
amis, autour de vous. Il faut utiliser
nos droits pour soutenir les Birmans
qui, eux, sont privés de tout droit.
Le peuple birman exprime sa
solidarité avec le peuple ukrainien.
Le peuple birman est aussi victime
d'un assaut contre sa dignité, sa
liberté, ses droits et du coup, il
s'identifie à la cause du peuple
ukrainien. Les deux sont liés. Il faut
se battre contre l'oppression et
l'injustice. Au moment où vous
soutenez le peuple ukrainien, s'il
vous plaît, soutenez aussi le peuple
birman qui lutte aussi contre la
dictature. Ce sont les mêmes
combats qui sont menés. Je crois
en notre pouvoir de changement et
de transformation, que ce soit en
Ukraine ou en Birmanie.
Merci pour votre solidarité et votre
présence. Travaillons ensemble
pour la justice, pour la paix et les
droits humains pour tous.
O U V E R T U R E
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L A S I T U A T I O N E N
B I R M A N I E D E U X A N S
A P R È S L E C O U P
D ' E T A T M I L I T A I R E
T I N T I N H T A R M Y I N T , P R É S I D E N T E D E
" D O H A T U , E N S E M B L E P O U R L E M Y A N M A R "
Je tiens à remercier Monsieur
Romero Michel qui nous a
accueilli à bras ouverts tout le
temps, à tout moment, pour qu'on
parle de la Birmanie - comme
pour cette conférence - et qui
reste toujours solidaire avec les
birmans dans leurs combats pour
la liberté, pour la paix. Merci aussi
à notre cher Ministre, Aung Myo
Min, qui a fait beaucoup de
kilomètres pour être parmi nous
en cette journée de solidarité à
Paris. Merci aussi à
la Ville de Paris tout entière et aux
associations plus spécifiquement
à Info Birmanie, Sophie et
Johanna, pour leur soutien sans
faille depuis le début de notre
combat. Aujourd'hui, où en est-on
au bout de deux ans ? Je suis
désolée, je n'ai pas pu mettre des
photos des rues vides de Rangoun,
de Mandalay etc.... De 10h00
jusqu'à 4h00 de l'après-midi, les
rues ont été vides pour montrer la
volonté, la détermination.
Constance Decorde
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" D O H A T U , E N S E M B L E P O U R L E
M Y A N M A R "
Chaque fois qu’il y a un appel à la
grève du silence le peuple est là. Le
silence est tellement bruyant et
tellement frappant, qu’il rappelle
qu’on ne baissera jamais les bras
pour notre rêve. Comme vous le
savez, le Birmanie a subi le 4ème
coup d'État de son Histoire, le 1
février 2021. J'espère que ce sera le
dernier et que ce sera la dernière
fois dans notre Histoire où les
militaires sont au pouvoir. C'est pour
ça que nous luttons.
Depuis ce coup d'État, la Birmanie
est face à un régime qui est contre
son propre peuple, un régime qui
tue, qui torture son peuple. Je
prendrai quelques exemples. Le 17
septembre 2022, la junte a mené
une attaque aérienne sur une école
primaire, avec des enfants de 5 à 10
ans, située dans la plaine centrale
de la Birmanie. Des frappes
aériennes ont été menées pendant
les heures scolaires. 11 enfants ont
été tués et il y a eu beaucoup de
dégâts. Au prétexte qu'il y avait des
forces de défense du peuple, des
résistants qui étaient là. La scène de
meurtre décrite par les survivants
est terrifiante.
En juin 2022, des villageois ont été
pris, ligotés et massacrés sans raison.
Plus de 33 personnes ont été
massacrées d'un seul coup. Nous
avons appris ce massacre par un
téléphone portable oublié par un
soldat contenant des photos et des
vidéos faites par les soldats. Ils
racontaient ces scènes de meurtre
avec une légèreté insoutenable. Tuer
pour eux, ce n’est rien. Ce n’est
même pas vraiment un crime, c'est
quelque chose de quotidien.
Ces meurtres sont vraiment
insoutenables, et la manière dont le
soldat le raconte.
Un autre événement est survenu
dans l'État Kachin, où la junte a
ciblé une festivité collective, lors de
la commémoration de la création de
l'organisation de l'indépendance
Kachin, un Etat du nord. Leur
bombardement aérien a fait plus
d'une centaine de morts et le bilan
doit être beaucoup plus lourd parce
qu’il y avait beaucoup de blessés
mais l'accès aux soins a été interdit,
ainsi que le transport vers les
hôpitaux qui ont été complètement
bloqués par la junte. Le bilan serait
beaucoup plus lourd car les blessés
n’ont pas reçu les soins appropriés.
Dernier exemple, en une seule
journée, la junte a incendié 19
villages en laissant plus de 10 000
sans-abris un seul jour. La Birmanie
en deux mots? Je devrais dire "à feu
et à sang". Ces exemples, c'est
quotidien et c'est tout, partout en
Birmanie. Deux ans après, le bilan
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" D O H A T U , E N S E M B L E P O U R L E
M Y A N M A R "
est lourd, il y a plus de 17 000
arrestations politiques, avec plus de
13 000 prisonniers politiques qui
sont encore détenus. Il y a plus de 5
000 tués liés au ciblage des civils, Ils
ciblent intentionnellement et
spécifiquement des civils sans
raison. Il y a plus de 48 000 maisons
brûlées. Ces chiffres sont
extrêmement sous-estimés et
pourtant terrifiants.
En terme de bilan humanitaire, c'est
beaucoup plus triste à dire parce
que l’humanitaire, ça explique tout.
Quand vous voyez sur la carte les
cercles orange montrant les zones
où les gens ont le plus besoin d’aide
humanitaire ! Il y a 1,5 million de
déplacés internes depuis le coup
d'État et ça ne va pas s'arrêter là.
C'est énorme aussi. Et 17 millions de
birmans ont besoin d'aide
humanitaire, parce qu’avec la
déstabilisation du système et de
tous les secteurs du gouvernement,
ça fait beaucoup de besoins, surtout
dans les grandes villes et dans le
centre. 4 millions d'enfants sont sans
école, parce qu’ils sont en fuite
permanente. Ils sont réfugiés. Le
COVID, plus le coup d'État, ça fait 4
millions d'enfants sans école. Il faut
imaginer. C’est l'avenir du pays. Sans
école, pas d'éducation.
La couverture vaccinale de TP polio
et en dessous de 50 %, C'est
vraiment très alarmant, Car la polio
est une maladie qui a été déjà
éradiquée de la planète il y a
quelques années.
Maintenant, en dessous de 50 %, la
menace sanitaire elle est là. Mais ce
n'est pas local, ce n'est pas birman,
c'est n’est pas pour l’Asie du Sud-
Est. Un cas de polio, c'est énorme
pour la planète.
Malgré toutes ces répressions et
toutes les oppressions, les birmans
s'organisent, résistent.
Les jeunes, surtout les jeunes. Ils
parlent beaucoup de cette
résistance en disant « Vous vous
trompez de génération. Nous ne
sommes pas comme les autres, nous
ne sommes pas comme les vieux, on
va s'organiser ». Vous avez entendu
parler beaucoup de CDM, de PDF,
du NUG, du NUCC, des EAO. Ce sont
les gros piliers en fait, qui organisent
et aussi qui résistent.
Le CDM, c'est un mouvement de
désobéissance civile, on refuse de
travailler sous un gouvernement qui
n'est pas pour le peuple. Ça a été
largement initié par les médecins et
suivi par toute la Birmanie et dans
tous les secteurs. Les plus touchés
sont le secteur de la santé, les
cheminots et les professeurs.
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" D O H A T U , E N S E M B L E P O U R L E
M Y A N M A R "
le bilan est lourd, il y a plus de 17
000 arrestations politiques, avec
plus de 13 000 prisonniers politiques
qui sont encore détenus. Il y a plus
de 5 000 tués liés au ciblage des
civils, Ils ciblent intentionnellement
et spécifiquement des civils sans
raison. Il y a plus de 48 000 maisons
brûlées. Ces chiffres sont
extrêmement sous-estimés et
pourtant terrifiants.
En terme de bilan humanitaire, c'est
beaucoup plus triste à dire parce
que l’humanitaire, ça explique tout.
Quand vous voyez sur la carte les
cercles orange montrant les zones
où les gens ont le plus besoin d’aide
humanitaire ! Il y a 1,5 million de
déplacés internes depuis le 1er
fevrier 2021.
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M Y A N M A R "
opposant et la junte. En fait, ce n'est
pas vrai. La résistance a été
transformée en une vraie révolution
en Birmanie. Ce n'est pas du tout
une lutte de pouvoir. Maintenant, on
a une détermination et on a des
buts : mettre fin à toute forme de
dictature, plus jamais les militaires
dans la politique. On n’acceptera
plus jamais ça. Il y a aussi des
changements profonds vers une
société plus égalitaire. J'aimerais
bien parler un petit peu par
exemple des LGBTQ, ils sont
vraiment sur le front, en première
ligne de la résistance, de la lutte,
qu'elle soit non-violente ou armée. Il
y a aussi une prise de conscience
envers les Rohingya, avec une
journée d’excuse. Sur la misogynie, il
y a aussi des évolutions. L'armée
n'est pas que pour les hommes.
Une femme qui était étudiante dans
la Birmanie centrale est maintenant
chef de brigade pour l'armée
résistante BPLA. Tout un ensemble
d’idéologies a complètement
changé. La révolution, la résistance,
ont déjà prouvé que la société a
changé, c’est déjà un terrain de
gagné.
Je vais parler un petit peu du
Gouvernement d'Unité Nationale
(NUG) qui pour nous, représente le
peuple, représente les birmans et
qui est légitime. La reconnaissance
de sa légitimité par la communauté
internationale n'est pas à la hauteur,
mais pour nous, c'est notre
gouvernement. Il a été créé le 16
avril 2021. Il y a beaucoup de progrès
à faire, mais ce que je voudrais dire,
c'est que depuis juin/juillet 2022, on
commence à avoir des écoles dans
les zones libérées mais aussi des
systèmes sanitaires, des hôpitaux. Il
y a une administration du NUG déjà
implantée dans ces zones là.
L’année dernière, en décembre
2022, il y a eu la création de
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M Y A N M A R "
commandements régionaux qui
sont une combinaison des
Organisations Armées Ethniques
(EAO) et des PDF. 2023 doit être
décisif et les offensives vont
s’intensifier dans un avenir proche.
Pour résumer la situation actuelle,
nous sommes vraiment tous contre
l'ennemi commun, la junte. Toutes
les coopérations stratégiques et
militaires entre le NUG, les PDF et
les EAO qui sont là, c'est une guerre
perdue pour la junte. C'est une
question de temps. Actuellement, il
y a plus de 50 % du territoire qui
n’est plus contrôlé par la junte, mais
elle continue à cibler par les frappes
aériennes parce qu’elle n’a pas la
capacité terrestre dans ces zones là.
Ce régime est de plus en plus isolé.
La junte n'a jamais été invitée par la
communauté internationale, sauf
par ses grands frères - Russie, Chine
et Inde. Le NUG gagne du terrain
tout doucement, mais à mon sens
trop lentement car la communauté
internationale n'a pas apporté un
soutien suffisant. C’est ce que l’on
attend en 2023.
Par exemple, le soutien et
l'engagement de l'Union
Européenne sont de plus en plus
publics. Avant, c'était plutôt
confidentiel, derrière les portes
fermées. En ce moment, l'Indonésie
préside l’ASEAN, un pays prodémocratie
et NUG. Il peut en
résulter quelque chose de positif.
Les États-Unis viennent de voter
pour l'autorisation de dépenses
militaires pour soutenir de façon
non létale le NUG, le NUCC, les PDF
et les EAO. L'unité de tous les corps
de résistants est de plus en plus
positive.
Le peuple birman est déterminé à
mettre fin à cette dictature et à
ouvrir une nouvelle page pour la
Birmanie. Mais on a besoin de vous,
on a besoin de la communauté
internationale. Je souhaiterais faire
un appel : il faut reconnaître le NUG,
Il faut un engagement public et
légitime. Il faut refuser toute
légitimité à la junte, à ses élections
truquées qu'elle déclare vouloir faire
d'ici quelques mois. Il faut engager
les aides humanitaires avec des
moyens efficaces, flexibles et
pragmatiques. On dit toujours que
l'aide humanitaire est là, mais elle
passe par les organisations de l'ONU
et ne parvient absolument pas à
ceux qui en ont besoin. Les aides
sont là, mais ce n'est pas du tout
efficace, il faut vraiment trouver des
moyens efficaces, pragmatiques.
Parce que les gens en ont besoin. Il
faut soutenir toute procédure
auprès de la Cour internationale de
justice, de la Cour pénale
internationale. Il faut mettre fin à
l’impunité. Il faut que justice soit
faite. La France doit aider en
appuyant des procédures juridiques
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M Y A N M A R "
et l'adoption de sanctions ciblées,
notamment sur le fuel d'aviation et
contre les personnes liées au
régime.
Il y a beaucoup de sanctions qui ont
déjà été adoptées mais leur
application n’est pas là, ou très peu,
Il faut pousser dans ce sens-là et
faciliter le plaidoyer sur la situation
birmane en collaboration avec des
organisations de la diaspora comme
nous, comme Doh Atu, et aussi de la
solidarité internationale comme la
FIDH, comme Info Birmanie. On a
besoin de plus de voix, on a besoin
d'être vocal, on a besoin de vous.
Merci beaucoup.
Constance Decorde
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Je commencerai en citant Tom
Andrews, le rapporteur spécial des
Nations Unies sur la Birmanie. En
septembre/octobre, devant le
Conseil des droits de l'Homme de
l'ONU, il a exposé les choses très
clairement. Il a dit "la Birmanie,
tout le monde s'en fout".
C'est abrupt, c'est direct mais c'est
assez vrai et cet état de fait est lié
au fait que la junte birmane
depuis sa reprise du pouvoir en
février 2021 a tout fait pour qu'on
ne sache pas ce qui se passe en
Birmanie. Sur les réseaux sociaux,
dès qu'on parle de la Birmanie
dans les médias anglophones, le
mot dièse qui revient tout le
temps,
c'est
#WhatsHappeningInMyanmar.
Qu'est ce qui se passe en Birmanie
? Il y a une vraie soif de savoir ce
qui se passe en Birmanie. Sauf que
le gouvernement militaire fait tout
pour qu'on ne sache pas ce qui se
passe, qu'on ne connaisse pas le
détail des violations des droits
humains et la réalité de la
dictature sur le terrain.
Très tôt, dès le 1 février 2021, les
premières actions du nouveau
gouvernement militaire ont été
bien sûr de mettre en prison
l'opposition, et, très vite,
d'interdire tous les médias
indépendants du pays qui
s'étaient épanouis durant le
l'expérience de transition
démocratique entre 2011 et 2021.
Du jour au lendemain, les médias
Constance Decorde
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se sont retrouvés hors-la-loi.
Les journalistes qui travaillaient pour ces médias se
sont retrouvés hors-la -loi. Je vous ai apporté une
petite courbe qui reprend les données qu'on a
compilées depuis 2 ans. La courbe en jaune
représente le nombre d'arrestations qu'il y a eu
depuis 2 ans. En un an, il y a eu plus de 130
journalistes qui ont été
jetés en prison après avoir
été arrêtés. C'est énorme.
Juste avant le coup
d'État, on avait 2
journalistes en prison.
Donc le chiffre a été
multiplié par 50 en un an,
tout simplement.
On voit sur ce graphique
qu'au bout d'un an en fait
le nombre des
arrestations a commencé
à arriver à un plafond. Ce
n'est pas que la
répression de la junte se
soit soudainement
adoucie, c'est tout
simplement que les
journalistes ont appris à
se planquer ou à fuir tout
simplement. C'est les
seules issues qu'ils ont.
La hausse qu'on voit au tout début
correspond un peu à l'époque où il y
avait énormément de
manifestations ouvertes dans les
rues birmanes, dans les campagnes
et donc les journalistes étaient en
première loge pour couvrir ces
manifestations, sauf que la machine
répressive militaire a fait que, d'une
part, ces manifestations ont dû être
transformées en manifestation
silencieuse et, de la même façon, les
journalistes ont appris à se cacher
quand ils couvrent ce genre de
manifestation.
J'ai en tête le nom d'un journaliste
qui s'appelait Saw Maung, qui a
couvert à Rangoun, en décembre
2021, un genre de manifestation un
peu flash mob qui avait été
improvisée, et qui était retenu dans
le secret. Il a voulu couvrir ça en
faisant des photos. Il a été arrêté, il a
été torturé. La séance
d'interrogatoire est allée trop loin, il
est mort. Et depuis 2 ans, on a 4
journalistes qui sont morts
simplement parce qu'ils ont fait leur
travail.
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On voit aussi sur ces 2 courbes
comment la méthode s'est durcie et
comment les cours de justice qui
sont installées à l'intérieur des
prisons, les cours de justice militaire,
ont pris le relais des forces de
sécurité en matière de répression
sur le terrain : au moment où le
nombre d'arrestations commence à
ralentir, le nombre des
condamnations
augmente
sensiblement. On n'a vraiment pas
affaire à un relâchement mais
simplement à un changement, à un
durcissement dans la méthode de
répression du journalisme. Quand
on s'intéresse à ces condamnations
justement, on s'aperçoit que l’on a
une augmentation constante du
nombre de condamnations.
Dès février/mars 2021, la junte a
durci un article de loi qu'on appelle
la section 505A du code pénal.
Je ne vais pas rentrer dans les
détails, mais c'est un article de loi
très vague qui punit la diffusion de
fausses informations pouvant porter
préjudice à l'armée. Enfin, c'est très
très vague donc c'est très fourretout.
On peut tout mettre dedans,
C'est une charge qui appelle 3 ans
de prison. Depuis un an, les
tribunaux sont devenus très créatifs
et se sont mis à condamner les
journalistes pour d'autres motifs :
terrorisme, financement du
terrorisme, espionnage, acte
préjudiciable à la sécurité de l'État.
Il y a des choses comme ça, qui
permettent maintenant aux
tribunaux de condamner des
journalistes à des peines de 9, 10
ans, 15 ans de prison. On a eu 15 ans
pour un journaliste en décembre
dernier. Depuis un an, la durée des
peines a été multipliée par 3.
On voit donc que ce durcissement
dans la méthode que j'évoquais tout
à l'heure est aussi un durcissement
dans le temps dans la façon dont la
machine répressive terrorise en
quelque sorte l'ensemble des
journalistes, en faisant un peu un
exemple des journalistes qui sont
condamnés à des peines très
lourdes. Il y a un élément aussi
qu'on voit à peu près apparaître,
c'est le cas des journalistes
étrangers. La junte est extrêmement
cynique avec les journalistes
étrangers puisqu'on a eu le cas de 2
journalistes États-uniens je crois et 2
documentaristes japonais, qui ont
été condamnés à des peines de 9 et
10 ans de prison.
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C'était des peines très lourdes, en général, pour
espionnage. L'idée, d'après les militaires, vu qu'ils ne sont
pas vraiment en odeur de sainteté dans la communauté
internationale (ils savent que c'est de la mauvaise
publicité de condamner, d'emprisonner des journalistes
étrangers à des peines extrêmement lourdes), c’est de
s'arranger avec les gouvernements de ces journalistes pour
obtenir leur libération. Mais cette libération s'accompagne
d'une expulsion du territoire et est accordée par grâce et
non par un tribunal. En fait, si les journalistes qui ont été
condamnés veulent retourner en Birmanie, ils savent qu'ils
iront en prison.
C'est extrêmement radical pour décourager les
journalistes étrangers d'aller couvrir ce qui se passe en
Birmanie. La machine de la terreur birmane est
extrêmement bien huilée. On sent que l’on a quand
même des décennies de dictature derrière nous et cet
acharnement de la junte à vouloir contrôler l'information
en réprimant la liberté de la presse est tout à fait
édifiante. Je parlais d'un durcissement dans la méthode,
avec ces peines de prison qui s'allongent et on voit aussi
sur cette carte là l'ensemble des lieux d'emprisonnement
de journalistes. On voit que c'est réparti sur tout le
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territoire, on a donc dans la grande
prison d'Insein à Rangoun une
trentaine de journalistes
actuellement détenus. Mais à l’heure
où je vous parle, on a 72 journalistes
détenus sur l'ensemble du territoire.
La terreur s'est déployée sur tout le
territoire, sauf les zones frontalières.
.On voit que les zones frontalières
près de l'État Shan à l'Est, Kachin au
Nord, ou Chin à l'Ouest sont
relativement épargnées. Alors il
serait très intéressant de superposer
les cartes avec celles que Tin Tin
nous a montrées sur les combats.
C'est très intéressant de corroborer
cette carte avec les témoignages de
journalistes, notamment à Reporters
sans frontières. On est beaucoup en
lien avec des journalistes qui ont fui
le pays, qui sont réfugiés de l'autre
côté de la frontière, côté Thaïlande
et qui font en quelque sorte des
incursions dans le territoire pour
ramener des reportages pour les
médias pour lesquels ils travaillent,
qui eux sont basés à l'étranger.
J'ai commencé avec un constat un
peu pessimiste sur la Birmanie ("tout
le monde s'en fout"), mais
heureusement, tout le monde ne
s'en fout pas et il y a sur le terrain
des journalistes qui sont vraiment
sur le front pour raconter ce qui se
passe en Birmanie, pour raconter
WhatshappeninginMyanmar. En
termes d'information, on est sur un
front aussi où les journalistes
mènent un vrai combat pour qu'on
sache ce qui se passe en Birmanie et
qu'on puisse prendre conscience de
l'ampleur de la terreur que la junte
exerce sur le peuple birman.
C’est pour cela que je vous remercie
chaudement d'être parmi nous ce
matin, c'est quelque chose de
vraiment très important.
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L ’ A P P U I D E L A S O C I É T É C I V I L E ?
Patrick Baudouin, Président de la Ligue des droits de l'Homme,
Président d’honneur de la FIDH
Merci à la mairie de Paris, merci
Info Birmanie. Il va sans dire que
nous soutenons cette initiative et
aussi l'action du Gouvernement
d'Unité Nationale dont on a
entendu tout à l'heure le Ministre
des droits humains.
Il va sans dire aussi que je vais
vous parler de justice, mais que
c'est un des volets, un des aspects
de l'action que nous pouvons et
devons entreprendre, et nous
allons voir quels sont les
mécanismes qui peuvent être
utilisés. Mais cela va bien au-delà,
on est en présence d'un problème
qui est d'abord un problème
politique, un problème au niveau
de la communauté internationale
avec beaucoup d'autres formes
d'action et de pression qui doivent
être exercées sur l'actuel pouvoir
de la junte birmane.
Alors on parle aujourd'hui de la
Birmanie. Je ne peux pas
m'empêcher de dire, avant de
venir à cette question de justice,
qu'évidemment il ne faut pas
fermer les yeux, Il faut parler au
maximum, car malgré tout, les
bourreaux, les tyrans, détestent
qu'on mette en lumière leur vrai
visage, leurs exactions. Et ce n’est
pas pour rien. Je crois qu'il y a des
pressions qui ont pu être exercées,
y compris pour la tenue
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L ’ A P P U I D E L A S O C I É T É C I V I L E ?
de cette manifestation aujourd'hui
auprès de la mairie de Paris pour
essayer d'éviter que l'on parle de la
réalité de la Birmanie d'aujourd'hui.
Et c'est vrai pour bien d'autres
contrées, car, comme vous le savez
de l'Éthiopie au Soudan en passant
par la Syrie, l'Ukraine, le Congo et
beaucoup d'autres contrées, il y a
malheureusement fort à faire et on
nous dit souvent à la Ligue des
droits de l'Homme, à la Fédération
internationale des ligues des droits
de l'Homme : mais vous oubliez,
vous ne parlez pas assez. On essaie,
on essaie, mais on a vraiment besoin
de beaucoup de soutien, de
beaucoup de concours, tant il est
vrai que le monde d'aujourd'hui
(celui d'hier n'était pas forcément
parfait) connaît quand même des
situations absolument
épouvantables avec des armes de
guerre, des procédés de recours aux
exactions qui se sont multipliés,
affinés et développés.
Je ne voudrais pas être trop long sur
la justice pour laisser la place aux
autres intervenants et aux débats.
Sur la justice, qu'est-ce qui peut être
envisagé au niveau de ce qui se
passe en Birmanie ?
Alors premièrement sur la
qualification. Qu'est-ce qui se passe
en Birmanie ? Comment peut-on
qualifier sur un plan pénal les
exactions ? Tout ce qui vous a été
relaté, décrit en résumé tout à
l'heure, relève incontestablement de
deux catégories de crimes.
Premièrement, les crimes de guerre.
Dans les zones où vraiment il y a
conflit, crime de guerre, ça veut dire
que vous êtes dans une situation de
guerre, donc une situation de
conflit. Crime de guerre. Pourquoi ?
Parce qu'il y a des atteintes. Je
résume, on ne va pas rentrer dans la
définition détaillée, mais parce qu'il
y a des atteintes contre la
population civile, contre les civils et
parce qu’il y a des mauvais
traitements réservés aux prisonniers,
c'est les crimes de guerre, ça tourne
autour de ces notions. Et puis crime
aussi contre l'Humanité.
Le crime contre l'Humanité parce
qu’il y a une volonté systématique et
délibérée, de la part des militaires,
du pouvoir de la junte, de porter
atteinte aux populations civiles, c'est
une sorte de programmation, de
plan, donc sans réserve on choisit de
porter atteinte aux populations
civiles. Et vous l'avez vu tout à
l'heure. Par des atteintes aux biens,
c'est à dire les destructions de
maisons, de villages, tout ce qui
peut porter en plus à des
déportations, le fait que la
population doit fuir, partir en exil,
Vous connaissez notamment la
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situation des Rohingya, dont
beaucoup sont partis au Bangladesh
etc. La qualification est certaine.
Une fois que l'on a retenu la
qualification, quelles sont les
possibilités d'action en matière de
justice? La règle, et vous allez
sourire, c'est que ce soit la justice
nationale qui poursuive les
exactions commises par les
ressortissants du pays dans lequel
on se trouve. Alors vous allez sourire
parce qu’il est évident que ce n’est
pas en Birmanie que l'on va trouver
aujourd'hui une justice nationale qui
va poursuivre les auteurs de tous ces
crimes et toutes ces exactions. La
deuxième possibilité, c'est le recours
à une justice internationale puisqu'il
ne peut pas y avoir de justice
nationale. Quelles sont aujourd'hui
les possibilités au niveau de la
justice internationale?
Il y a la Cour pénale internationale.
Seulement, la Cour pénale
internationale, elle, a ses limites. Et
la première limite, c'est que la Cour
pénale internationale est
compétente vis-à-vis des pays dont
les territoires ou les ressortissants
sont soumis à sa compétence. Par
exemple, pour la Birmanie il faut
qu'elle ait ratifiée le statut de la
Cour pénale internationale, mais
malheureusement ce n'est pas le
cas. Cela veut dire que ce qui se
passe en Birmanie, a priori, ne relève
pas de la compétence de la Cour
pénale internationale, faute pour la
Birmanie d'avoir ratifié le Statut de
Rome. Alors, il y a quand même une
autre possibilité qui
malheureusement aujourd'hui est
théorique.
Elle consiste pour le Conseil de
sécurité à saisir la Cour pénale
internationale pour que soit
entamée des enquêtes et des
poursuites. Sauf que, comme vous le
savez, le Conseil de sécurité, il est
victime d'une situation qui n'a
jamais été levée et qu'on aura bien
des difficultés à lever, tout au moins
dans le contexte actuel qui est le
problème du droit de veto.
Vous savez que 5 États peuvent
utiliser leur droit de veto et qu'un
seul d'entre eux peut bloquer toute
décision du Conseil de sécurité.
Aujourd'hui, pour la Birmanie, si l'on
veut s'adresser au Conseil de
sécurité pour saisir la Cour pénale
internationale, on a le véto de la
Chine et de la Russie. Il y a donc là
aussi blocage. Alors il y a une
troisième idée qui a été lancée, mais
elle est un peu acrobatique je dirais,
qui consiste à estimer que, dans la
mesure où il y a beaucoup de
réfugiés birmans qui vont dans les
pays limitrophes et par exemple au
Bangladesh, État qui a ratifié le
statut, essayé de créer une
Patrick Baudouin, Président de la Ligue des droits de l'Homme, Président d’honneur de la FIDH
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compétence de la Cour pénale
internationale à travers le fait qu'il y
a des Birmans qui se trouvent sur le
territoire d'un pays voisin ayant
ratifié. Alors je dis que c'est un peu
acrobatique parce qu'il n'en
demeure pas moins que les
responsables, les coupables, si l'on
peut dire, de ces crimes restent des
Birmans, ce n’est pas le pouvoir du
Bangladesh, donc c'est quand
même un peu acrobatique, mais
c'est une piste qui est à explorer.
Donc il faut revendiquer d'une part
que le Conseil de sécurité prenne
ses responsabilités. On peut quand
même continuer de le demander. Et
d'autre part, continuer à voir s’il n’y a
pas d'autres pistes pour saisir la
Cour pénale internationale.
Autre possibilité, ça serait la
création, vous savez que c'est ce qui
s'est passé dans certains cas, pour
des pays qui n'ont pas ratifié,
justement, c'est de créer ce qu'on
appelle des juridictions ad hoc,
c'est-à-dire des tribunaux pénaux
spéciaux. Mais là aussi, ça suppose
l'accord des Nations unies, donc ce
n’est pas si évident. Alors on a aussi
essayé d'imaginer, à la façon
cambodgienne je dirais, que soit
créé des tribunaux, alors
siégeraient-ils aujourd'hui cela
paraît compliqué en Birmanie ou
siégeraient-ils à proximité, mais ils
seraient des tribunaux à caractère
mixte. Aujourd'hui, ça paraît quand
même, il faut le dire, extrêmement
compliqué.
Autre possibilité, c’est ce qu'on
appelle le recours à la compétence
universelle. La compétence
extraterritoriale. Cela implique le
pouvoir d'un État autre que celui où
les crimes sont commis de juger des
des auteurs de ces crimes. Dès lors
que le suspect passe sur le territoire
de l'État concerné. On va prendre un
exemple concret. Imaginons que
des militaires, des responsables
d’exactions en Birmanie, passent sur
le territoire de l'Allemagne, on va
citer l'Allemagne car elle est assez
ouverte en matière de compétence
universelle, plus hélas que la France.
A ce moment-là, si vous avez un
responsable présumé coupable,
pour respecter la présomption
malgré tout d'innocence, qui passe
en Allemagne, on peut, pour des
crimes commis en Birmanie contre
des Birmans, par quelqu'un de
nationalité birmane, au titre de la
compétence universelle, avoir des
poursuites. Alors c'est là aussi limité
parce qu’évidemment, les
responsables de la junte birmane,
les responsables des exactions, je ne
pense pas qu'ils aient tendance à
voyager énormément à travers le
monde et en particulier dans des
pays où on peut exercer le
mécanisme de compétence
Patrick Baudouin, Président de la Ligue des droits de l'Homme, Président d’honneur de la FIDH
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universelle. Mais il ne faut pas
totalement négliger ce point car,
cela peut arriver à l'occasion de
conférences internationales.
Dernier volet, vraiment judiciaire,
c'est le recours à la Cour
internationale de justice. La Cour
internationale de justice, il faut bien
préciser que c'est une juridiction qui
n'a pas une compétence à
proprement parler répressive,
pénale. C'est une juridiction qui est
chargée de juger les litiges à priori
entre les États et qui ne peut donc
être saisi que par un État contre un
autre État. C’est ce qui s'est passé
avec la Birmanie à l'initiative de la
Gambie à l'époque où la junte
n'était pas encore au pouvoir
d'ailleurs, qui à propos des Rohingya
a saisi la Cour internationale de
justice. Après bien des péripéties,
dont je vous épargne, la Cour
internationale de justice a quand
même reconnu sa compétence, sa
possibilité donc d'investiguer et
potentiellement de juger. Donc il
faut utiliser ce mécanisme.
Alors ce n’est pas pour condamner
avec des condamnations de peines
pénales, des individus responsables,
mais c'est pour condamner un État
avec son pouvoir en place. Une des
possibilités de la Cour de justice
Internationale est d’aller vers des
condamnations pécuniaires mais
qui permettent de mettre en
exergue toutes les exactions
commises.
Tout dernier point, il y a
évidemment d'autres mécanismes
qui peuvent être utilisés, qui ne sont
pas à parlé totalement judiciaires,
mais qui relèvent au sens
large de l'institution onusienne. Avec
des comités, comme vous savez, le
comité contre la torture, le comité
contre les disparitions forcées,
comités au regard des arrestations
arbitraires, enfin de toute une série
de de violations des droits de
l'Homme… Tous ces mécanismes
doivent quand même être utilisés,
même si on en connaît le caractère
difficile, le caractère limité. Mais il
faut sans cesse réclamer qu’on aille
vers cette justice, vers la fin de
l'impunité. Il faut garder à l'esprit
que le pouvoir de la junte, ça a été
dit tout à l'heure, n'est pas éternel,
ne durera pas indéfiniment et qu'il
faudra, avec plus de facilité quand
ce pouvoir sera tombé, quand on
reviendra à des institutions
démocratiques ou plus
démocratiques en Birmanie,
reprendre le flambeau. Il faut que
ceux qui sont au pouvoir aujourd'hui
en Birmanie sachent qu’ils risquent
de ne pas dormir en paix par la suite
et que cette lutte contre l'impunité
les menace aujourd'hui et demain.
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L ’ I M P U N I T É
Léna Collette, Coordinatrice plaidoyer et relations
extérieures, Amnesty International France
Dans la continuité des propos qui
ont été tenus par Patrick
Baudouin, je vous présenterai les
demandes concrètes qu’on porte
auprès du gouvernement français,
mais aussi, plus largement, des
pouvoirs publics à l'international
pour faire cesser les violations des
droits humains et en punir les
auteurs. Avant peut-être de vous
présenter ces demandes, il faut
revenir aussi sur les violations des
droits humains qu’Amnesty
International a constaté et vous
dire qu’Amnesty International est
mobilisé depuis de nombreuses
années sur la Birmanie. Nous
avons mené des recherches très
poussées depuis, notamment les
années 90, sur les violations des
droits humains commises contre
le peuple birman par la junte. En
2017, nous avons notamment
documenté la campagne ciblée
d'assassinats, d'homicides, de
viols, de destructions par le feu
d'habitation et nous avons pu
notamment considérer que ce
déchaînement de violence produit
à la suite des décennies de
discrimination, constituait un
apartheid.
Depuis et a fortiori depuis le coup
d'État, en février 2021, notre
mobilisation n'a pas faibli. Nous
avons publié pas moins de 10
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L ’ I M P U N I T É
documents de recherche et
notamment des rapports qui nous
ont permis de dresser un bilan de la
situation en Birmanie sous le prisme
des droits humains et du droit
international. Alors, ce bilan, quel
est-il ?
Nous avons pu constater des
atteintes majeures à la liberté
d'expression et au droit à
l'information. Je ne reviendrai pas
sur ce que ce qui a été dit par
Reporters sans frontières, mais nous
avons aussi pu constater des
attaques massives au droit de
manifester en lien avec ce qui a été
dit également par Tin Tin et
Monsieur le Ministre. Nous avons
constaté également une
surveillance massive et généralisée
de la population qui a pu conduire à
des raids, à des arrestations, des
détentions arbitraires, des
disparitions forcées. On a pu
également constater des actes de
torture, des mauvais traitements en
détention et aussi lors
d'interrogatoires avec notamment
des violences sexistes et sexuelles
dont les femmes et les personnes
LGBT sont les premières victimes.
Nous avons aussi constaté des
entraves majeures à la liberté de
circulation des populations et
particulièrement des populations
Rohingya depuis le coup d'État en
février 2021.Et puis enfin, et cela a
déjà été évoqué par Tin Tin, nous
avons constaté des attaques
aveugles, des attaques
disproportionnées contre les
populations civiles et donc
constitutives de crimes de guerre et
de crimes contre l'Humanité.
Nous nous sommes aussi intéressés
à la question de la responsabilité
des acteurs privés dans la situation
en Birmanie. Nous avons publié
notamment un rapport sur la
contribution de Meta - Facebookdans
la propagation de discours de
haine, d'appels au meurtre - c'est
réellement ce dont il s'agit - qui ont
contribué au nettoyage ethnique
des Rohingya. Nous avons aussi
ublié un rapport récemment sur la
question du carburant d'aviation qui
a été évoquée très rapidement
précédemment. Ce rapport
interroge le rôle qui a pu être joué
par des compagnies pétrolières
dans la fourniture de carburant
d'aviation à l'armée birmane et
donc finalement la contribution aux
crimes de guerre qui sont commis
par l'armée birmane.
Tout ce bilan que je viens de vous
résumer le plus brièvement possible
nous permet de dresser un constat,
ce constat, comme Monsieur
Baudoin l'a évoqué, est celui de
l'impunité. L'impunité pour les
auteurs des crimes, des violations
des droits humains, et l'impunité
aussi pour tous les autres acteurs
Léna Collette, Coordinatrice plaidoyer et relations extérieures, Amnesty International France
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L ’ I M P U N I T É
qui ont pu contribuer à ces crimes
et à ces violations de droits
humains. Amnesty International
considère que ce cycle d'impunité
est lui-même enrichi par l'inaction,
l'insuffisante action de la
communauté internationale, et que
finalement la situation en Birmanie
est le résultat direct de l'incapacité
collective à amener l'armée birmane
à rendre compte de ses crimes
passés.
Face à cette mobilisation
insuffisante et aussi décroissante de
la communauté internationale, de
l'État français notamment, nous
portons des demandes précises et
notamment 3 grands axes de
demandes au gouvernement
français et plus largement aux
décideurs à l'international.
Tout d'abord, la demande centrale
que l'on porte, c'est celle de
l'embargo. Un embargo global pour
tous les pays, sur toutes les armes,
c'est-à-dire sur tous les
équipements militaires, notamment
le carburant. Actuellement, il existe
un embargo. Cet embargo a été
décrété mais la question qui se
pose, c'est de faire respecter cet
embargo par tous les pays, pour
toutes les livraisons, la vente et le
transfert direct ou indirect des
ressources militaires, à la fois des
armes et des équipements et donc
du carburant d'aviation. C'est-à-dire
qu’il s'agit pour la France et pour les
États de mettre en place un
mécanisme qui permette de
contrôler effectivement et de faire
respecter cet embargo. Et ça, c'est
vraiment une demande centrale
que l'on porte parce que l'embargo
existe mais il n'est pas respecté par
tous les pays et on le sait. Son
champ d'application est trop
restreint.
Concernant le carburant d'aviation
militaire, imposer cet embargo
signifie pour les États et donc la
France également, de s'assurer
qu'aucune de leur entreprise ne soit
impliquée dans des chaînes
d'approvisionnement,
donc
globales, liées à la junte militaire. Ça
signifie pour tous les États et donc
pour la France, et c'est ce qu'on
demande, soit de proposer à
l'international, soit d'imposer à
l'échelle nationale, une suspension
de la fourniture de la vente, du
transfert de ces carburants
d'aviation, dans l'attente d'un cadre
qui nous permette de savoir
véritablement que ce carburant
d'aviation n'est pas utilisé pour
commettre des crimes de guerre in
fine.
Ensuite, je ne vais pas répéter ce
que ce qu'a dit Monsieur Baudouin.
Mais pour briser le cycle de
l'impunité, la demande centrale que
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L ’ I M P U N I T É
'on pose bien entendu, c'est celle de
l'accès à la justice, c'est celle de la
redevabilité, le devoir de rendre
compte pour les auteurs de crimes
et de violation des droits humains.
Comme pour la FIDH et la LDH, la
demande centrale que l'on porte est
celle de la saisine de la Cour pénale
internationale par le Conseil de
sécurité des Nations Unies. Mais
plus encore cela peut impliquer
pour les États, et c'est une demande
que l'on porte, d'infliger des
sanctions financières aux
représentants de l'État responsable
de crimes et d'autres violations. Cela
peut impliquer aussi pour les États
de soutenir l'établissement des faits,
la consolidation des preuves, la
matérialité des éléments
finalement, notamment en allouant
suffisamment de ressources
financières, techniques et humaines
à la fois aux mécanismes d'enquête
indépendante pour le Myanmar et,
de manière générale, à tous les
organes qui permettent
l'établissement des faits en
Birmanie. Ça implique également,
bien sûr, d'exhorter les autorités
birmanes à permettre l'accès sans
entrave à ces observateurs, ces
enquêteurs, en Birmanie. On sait
bien sûr à quel point c'est difficile.
Finalement, la demande centrale
que l'on porte auprès de la France,
c'est de se saisir des demandes que
je viens de vous évoquer, c'est de
porter haut et fort, de manière
ambitieuse et récurrente les
messages que je viens de vous
porter.
Actuellement, on assiste à une prise
de position de l'État français, de la
diplomatie française, des Nations
Unies, d'un certain nombre d'États
qui publient des déclarations, des
résolutions qui, pour la majeure
partie, se contentent de condamner
la situation actuelle. Ce qu'on
demande, c'est que la situation en
Birmanie soit évoquée de manière
régulière, au plus haut niveau, à la
fois dans les instances onusiennes,
donc bien sûr au Conseil des droits
de l'Homme et à l'Assemblée
générale des Nations Unies et
surtout au Conseil de sécurité des
Nations Unies. Dans ces enceintes,
des décisions concrètes doivent être
prises, notamment des résolutions,
avec un pouvoir contraignant en ce
qui concerne le Conseil de sécurité.
On considère que condamner la
situation est insuffisante, il faut
adopter des résolutions précises qui
comportent 5 éléments. Bien sûr, la
condamnation des violations des
droits humains, mais aussi l'appel à
l'accès à la justice, c'est-à-dire que
les résolutions adoptées notamment
par les Nations Unies doivent
appeler à contribuer aux
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efforts internationaux destinés à
amener les auteurs des crimes à
rendre compte devant la justice
pénale. Les résolutions doivent
appeler aux sanctions des hauts
représentants coupables de
violation des droits humains.
Les résolutions, les déclarations,
tous ces échanges doivent appeler
tous les États à respecter un
embargo total sur les armes, sur les
carburants d'aviation et sur toutes
les ressources militaires que
j'évoquais précédemment. Et enfin,
on considère que toutes les
résolutions, les déclarations portées
par les États et notamment par la
France doivent exhorter la junte à
autoriser l'accès sans entrave des
enquêteurs sur leur territoire.
La grande majorité des résolutions
appellent à la mise en œuvre du
consensus en 5 points de l’ASEAN
qu'on a évoqué brièvement
précédemment, sans constater sa
non mise en œuvre sans constater
son inadaptation. Il est nécessaire
que les résolutions adoptées et que
les déclarations actuelles fassent
état de l'inadaptation et de
l'inefficacité de ce consensus en 5
points. Sur la question de
l'engagement diplomatique, de la
mobilisation de la communauté
internationale, il s'agit de montrer
que bien sûr, on a des engagements
diplomatiques, on a des prises de
position de la diplomatie française.
On a pu constater un certain
nombre de déclarations publiées
par le Ministère des affaires
étrangères français. L'ancien
ministre des affaires étrangères
français, Jean-Yves Le Drian, l'année
dernière en février, lors de la session
du Conseil des droits de l'Homme,
avait considéré et évoqué la
Birmanie comme l'une des priorités
de la diplomatie des droits humains
françaises. On va pouvoir faire le
suivi et voir si la nouvelle ministre
des Affaires étrangères lors de la
prochaine session du Conseil des
droits de l’Homme, se saisit aussi de
cet enjeu.
L'enjeu véritable, c'est que souvent,
ces déclarations sont incomplètes,
elles ne comportent pas de
condamnation véritable de la
situation et elles révèlent surtout
une insuffisante volonté politique,
une insuffisante mobilisation de la
communauté internationale. La
résolution adoptée par le Conseil de
sécurité en décembre dernier en est
une bonne illustration. Vous avez
sûrement entendu parler de cette
résolution, adoptée le 21 décembre
dernier, qui effectivement constitue
un signal positif. Signal positif parce
qu'elle exige l'arrêt immédiat de
toutes les formes de violence sur
l'ensemble du territoire birman. Elle
demande également à l'armée du
pays de libérer toutes les personnes
détenues arbitrairement.
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L ’ I M P U N I T É
Mais néanmoins, et pour Amnesty
International comme pour le
rapporteur spécial Tom Andrews,
cette résolution est insuffisante car
elle reste muette sur le respect de
l'embargo dont on parlait. Elle est
muette également sur la question
des sanctions financières pour les
hauts représentants coupables de
violation des droits humains et elle
est muette également sur la saisine
de la Cour pénale internationale.
C'est précisément ce que Thomas
Andrews a dénoncé. Il a considéré
que cette résolution était
clairement insuffisante parce que, et
je cite « exiger que certaines actions
soient entreprises sans recourir à
l'autorité du Conseil de sécurité en
matière de sanction n'empêchera
pas la junte illégale du Myanmar
d'attaquer et de détruire la vie des
54 millions de personnes retenues
en otage dans le pays ».
Un autre levier qui semble
particulièrement essentiel et un
message qu'il est essentiel de porter
auprès de la diplomatie française et
qu'elle doit porter également, c'est
la question de l’ASEAN, C'est ce
qu'on évoquait tout à l'heure, le fait
d'afficher clairement l'insuffisance,
l'inadaptation du consensus en 5
points. Il faut que l’ASEAN
reconnaisse que le consensus en 5
points n'a pas mis fin aux violences
au Myanmar et bien au contraire. On
l'observe. La France doit également
demander à l'ASEAN de fournir un
calendrier précis de la mise en
œuvre de ce consensus en 5 points.
Elle s'y engagée en novembre
dernier. Il faut qu'elle précise les
modalités de cette mise en œuvre.
Enfin, et de manière générale, la
France, et les Etats plus
largement, ont le pouvoir d'exhorter
l’ASEAN à jouer un rôle plus ferme
en demandant des engagements
concrets aux autorités birmanes, en
matière de droits humains,
notamment, par la libération de
prisonniers politiques ou par la
suspension des condamnations
arbitraires.
Pour conclure, un des leviers qui est
à notre portée, c'est celui de
dénoncer cette mobilisation
politique encore insuffisante et de
porter des exigences concrètes pour
que l'implication de la France porte
des demandes bien précises qui,
seules, pourront faire cesser les
violations des droits humains dans
le pays. Pour conclure, je citerai
notre directrice régionale Asie qui
évoque notamment le fait que « si
de nombreux gouvernements ont
modestement répondu à certains
appels à l'action, ce n'est pas encore
suffisant pour mettre fin aux graves
violations commises par la junte. La
communauté internationale ne peut
pas laisser passer un jour de plus et
encore moins 2 années de plus,
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L ’ I M P U N I T É
avant de prendre des mesures
véritablement ambitieuses et
efficaces pour mettre fin aux
atrocités commises par l'armée ».
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Nay San Lwin, co-fondateur de Free Rohingya
Coalition et membre de Blood Money Campaign
Mesdames et Messieurs,
Tout d'abord, je remercie les
organisateurs de m'avoir invité à
prendre la parole lors de cet
événement important. De plus,
merci à tous les organisateurs
d'avoir organisé cet événement.
Je suis Nay San Lwin. Je
représente la Free Rohingya
Coalition et la Blood Money
Campaign.
Deuxièmement, alors que nous
marquons aujourd'hui le
deuxième anniversaire du coup
d'État militaire au Myanmar, le
peuple du Myanmar manifeste
une grève silencieuse dans tout le
pays. En tant que Rohingya, je
tiens à exprimer ma solidarité.
Comme j'ai toujours été aux côtés
de tous les habitants du Myanmar,
je continuerai à me battre pour
apporter la démocratie, l'égalité et
la justice pour tous au Myanmar,
sans distinction de race ou de
religion.
Les militaires au Myanmar se sont
appelés Conseil d'administration
de l'État, mais nous les avons tous
appelés le groupe terroriste SAC
parce qu'ils ont continuellement
commis des crimes de guerre, des
crimes contre l'humanité et un
génocide.
Nous apprécions tous les pays qui
ont imposé des sanctions contre
la junte et certaines entreprises
liées à la junte, notamment la
Myanmar Economic Corporation
(MEC). Cependant, malgré les
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sanctions, nous sommes déçus que
le gouvernement américain ait
accordé à une entreprise japonaise
une exemption lui permettant de
payer 1,3 million de dollars US à la
MEC, qui appartient aux militaires.
Des centaines de groupes de la
société civile au Myanmar et à
l'étranger ont demandé à plusieurs
reprises au gouvernement des États-
Unis de couper l'accès aux flux de
revenus de l'industrie pétrolière et
gazière au groupe terroriste SAC. En
réponse, nous avons reçu des
déclarations d'empathie concernant
les meurtres brutaux et inhumains
perpétrés par la junte. Ces
déclarations ne sont pas des actions
significatives pour mettre fin à ces
atrocités. La junte ne ressent pas la
pression de ces déclarations. Le
gouvernement américain comprend
que des sanctions contre Myanmar
Oil and Gas Enterprise (MOGE)
contribueraient à faire pression sur
la junte pour qu'elle abandonne le
pouvoir, mais le fait de donner une
excuse infondée de crainte pour
l'électricité et la vie socioéconomique
des habitants de la
Thaïlande et du Myanmar va à
l'encontre de la volonté du peuple
du Myanmar. Environ 250 000
personnes ont signé une pétition
pour sanctionner la MOGE, mais les
États-Unis ont négligé cet appel.
Permettre à la junte d'accéder à ces
revenus revient à financer purement
et simplement les crimes qu'elle
commet. Avec cet argent, la junte
achète des armes à ses alliés, dont
la Russie. Le retard dans l'imposition
de sanctions à l'encontre de MOGE
permet à la junte de tuer davantage
de personnes chaque jour. Nous
apprécions la récente sanction
contre le directeur général et le
directeur général adjoint de MOGE,
mais ce n'est pas suffisant. Nous
avons demandé à plusieurs reprises
de sanctionner l'entité MOGE, et
non les individus qui la dirigent.
Vous savez tous que le groupe
terroriste SAC a tué au moins 3 000
personnes, dont de jeunes enfants,
des activistes, des civils et des
politiques. L'action insuffisante du
monde a permis à la junte
d'exécuter quatre militants, dont Ko
Jimmy et Ko Phyo Zeya Thaw. Des
dizaines de milliers de personnes se
trouvent toujours dans des prisons
tristement célèbres et subissent des
tortures innommables. Les habitants
des régions de Sagaing et de Magwe
et des zones ethniques craignent
toujours les frappes aériennes. Les
bombardements aériens ont tué de
nombreuses femmes, enfants et
personnes âgées. Après de longues
protestations, le Canada a imposé
une sanction pour cesser de fournir
des carburéacteurs, tandis que le
Royaume-Uni a imposé des
Nay San Lwin, co-fondateur de Free Rohingya Coalition et membre de Blood Money Campaign
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sanctions à deux entreprises qui
contribuaient à l'importation de
carburéacteurs. Les États-Unis et
l'Union européenne doivent agir
sans plus attendre. Le groupe
terroriste SAC a incendié ou détruit
des dizaines de milliers de maisons
dans tout le pays.
Permettez-moi maintenant de
parler d'un autre grand bailleur de
fonds qui aide la junte à continuer
de commettre tous les crimes, y
compris les crimes de guerre, les
crimes contre l'humanité et le
génocide. Ce groupe s'appelle
PTTEP - le gouvernement
thaïlandais en détient 51%. La Blood
Money Campaign a appris que
PPTEP a effectué un paiement d'au
moins 500 millions de dollars US à
la junte terroriste en 2021, malgré
les appels incessants à garder les
fonds sur un compte séquestre.
PTTEP est le principal bailleur de
fonds de la junte terroriste. PTTEP
donne la priorité à ses affaires plutôt
qu'aux souffrances de la population.
Leur attitude suggère qu'ils n'ont
aucun problème avec les crimes
que leur partenaire commercial
commet. Elle témoigne d'un
manque de pitié et d'humanité.
Permettez-moi
maintenant
d'évoquer brièvement la situation
des Rohingyas. 130 000 Rohingyas
sont confinés dans des camps
comme des camps de
concentration depuis plus d'une
décennie. Environ 500 000 vivent
dans des prisons à ciel ouvert dans
différentes communes de l'État
d'Arakan dit Rakhine. Depuis le
coup d'État, les militaires ont arrêté
plus de 3 000 Rohingyas fuyant vers
la Malaisie et les ont condamnés à
des peines allant jusqu'à cinq ans.
La junte n'épargne même pas les
mineurs. Récemment, la junte a
massacré un groupe de 13 jeunes
près de Yangon.
Alors que les survivants du génocide
des Rohingyas ou les réfugiés dans
les camps de Cox's Bazar au
Bangladesh sont sans espoir, les
trafiquants d'êtres humains
circulent librement à l'intérieur et
les persuadent d'entreprendre des
voyages risqués en bateau vers
l'Indonésie ou la Malaisie ou par voie
terrestre à travers le Myanmar. Rien
que l'année dernière, au moins 400
personnes sont mortes en mer, dont
un bateau de 180 personnes qui
s'est noyé.
Les enfants rohingyas rêvent de
l'avenir comme les autres enfants,
mais leur condition ne permet pas à
leur rêve de se réaliser. Les jeunes
hommes et les jeunes femmes
voient à travers les médias sociaux
comment leurs camarades, y
compris les réfugiés dans d'autres
pays, développent leur vie avec une
éducation supérieure et une
formation professionnelle.
Nay San Lwin, co-fondateur de Free Rohingya Coalition et membre de Blood Money Campaign
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Cependant, ils n'ont pas de telles
opportunités. Le rapatriement sous
cette junte terroriste est presque
impossible.
Permettez-moi de conclure.
L'ASEAN a essayé d'organiser l'avenir
du Myanmar avec un consensus en
cinq points, mais cela ne fonctionne
pas efficacement car la junte du
Myanmar ne veut pas l'appliquer. La
junte terroriste ne ressent pas les
cinq points de l'ASEAN comme une
pression.
La junte prévoit d'organiser un
simulacre d'élection cette année.
Après les élections, si la junte reste
au pouvoir en portant des
vêtements civils, le peuple birman
souffrira davantage, et les Rohingyas
seront encore plus détruits.
Alors que je m'exprime maintenant
à l'Hôtel de Ville de Paris, je
demande au gouvernement français
de se joindre à l'affaire du génocide
des Rohingyas devant la Cour
internationale de justice (CIJ). En
outre, une autre demande est que la
France, en tant que pays, un pays
superpuissant avec un siège
permanent au Conseil de sécurité
des Nations Unies, devrait désigner
la soi-disant SAC ou l'armée du
Myanmar comme une entité
terroriste.
Comme la communauté
internationale ne prend pas les
mesures nécessaires pour mettre fin
à la dictature militaire, la seule
option est de soutenir la révolution.
Le combat sur le terrain n'est pas
une guerre civile. C'est une
résistance armée pour apporter la
démocratie et la paix. Je n'approuve
pas la lutte violente, mais puisque
nos mouvements pacifiques sont
ignorés et que les gens souffrent
quotidiennement, il ne reste que
l'autre option. S'il vous plaît, prenez
les mesures qui s'imposent si la
communauté internationale ne veut
vraiment plus de violence au
Myanmar. Merci.
Nay San Lwin, co-fondateur de Free Rohingya Coalition et membre de Blood Money Campaign
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A U X E X É C U T I O N S C A P I T A L E S
Diane Fogelman, Responsable Programmes &
Plaidoyer Asie, ACAT-France
Merci pour cette invitation en ce
jour si particulier pour le peuple
birman. Agir contre la peine de
mort, c'est d'abord comprendre
comment la junte l’utilise. La
peine de mort pourra vous
sembler un sujet « anecdotique »
au vu de toutes les violations et de
toutes les violences évoquées
aujourd'hui, mais il est
fondamental. Il est révélateur de
l'impunité de la junte birmane.
La Birmanie, c'était un pays - et je
parlerai au passé - qui était
abolitionniste de fait, en pratique,
depuis plus de 30 ans. Cela veut
dire que la peine de mort est une
sanction légale prévue par le code
birman, mais qu’on n'a pas eu
recours à cette sanction depuis
plus de 30 ans, jusqu'en juillet
2022. Quand la junte a rompu
avec cette abolitionisme de fait, 4
opposants politiques au régime
ont été exécutés. En novembre
2022, 7 étudiants ont été
condamnés à mort par le régime.
Depuis, c'est une escalade du
nombre de condamnés à mort en
Birmanie. On comptabilise, selon
l'ONU, 130 personnes condamnées
à mort à la fin de l'année 2022. Et
selon l'ONG locale AAPP -
Assistance Association for Political
Prisoners – il y a actuellement 143
personnes condamnées à mort.
Ces chiffres sont à prendre avec
précaution puisqu’ils pourraient
être en dessous de la réalité. On
ne sait pas combien de personnes
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ont été condamnées à mort.
D'ailleurs, j’irais jusqu'à dire qu'on
ne sait pas exactement combien de
personnes ont été exécutées à ce
jour. Ces données sont aussi sous le
sceau du secret. Les condamnations
à mort interviennent en général
après des procès injustes, tenus au
secret, à huis clos. La personne
condamnée à mort n'a pas la
possibilité de se défendre. Elle ne
peut pas faire appel ni recourir à un
avocat.
La peine de mort est une violation
du droit à la vie. C'est peut-être
évident pour certaines personnes,
mais je le rappelle. C'est une peine
et un traitement inhumain ou
dégradant. La peine de mort en ellemême
est une violation. Elle
intervient après un procès qui luimême
est en violation des
standards sur le procès équitable
selon lesquels toute personne a le
droit d'être jugée par un tribunal
indépendant, compétent et
impartial. Les tribunaux militaires,
qui condamnent à mort, ne
répondent à aucun de ces 3 critères,
se tiennent à huis clos et ne
prévoient pas d’accès à une
assistance juridique. Les personnes
qui sont condamnées à mort ne
peuvent pas recourir à un avocat. La
peine de mort, qui est en elle-même
une violation, intervient donc après
un certain nombre de violations des
droits au procès pour une personne.
C'est une tendance qui est
inquiétante, cela fait 30 ans qu'il n'y
avait pas eu d'exécution en
Birmanie.
Personne ne mérite la peine de
mort. C'est la position de l’ACAT
France évidemment, et la mienne
aujourd'hui. Or la junte l'utilise
comme un outil de persécution,
d'intimidation et de harcèlement de
ses opposants politiques. C'est un
schéma assez classique, si je peux
me permettre l'expression,
notamment dans la zone de l'Asie
du Sud-Est. On a déjà vu cette
utilisation de la peine de mort au
Vietnam ou aux Philippines par
exemple. Mais de manière plus
générale, la peine de mort est
utilisée par des régimes arbitraires
et répressifs. La peine de mort, c'est
ce qu'on appelle le reflet inversé de
la démocratie, révélateur du refus
des valeurs démocratiques dans
cette zone. La peine de mort permet
à la junte de réduire au silence la
résistance, de réduire au silence le
peuple.
Face à cette situation inquiétante. Il
y a eu au niveau de la communauté
internationale des cadres juridiques
qui ont été mis en place pour
l'abolir et lutter contre sa
réintroduction. Sans surprise
aucune, la Birmanie n'a pris
absolument aucun engagement en
faveur de l’abolition de la peine de
mort à l'international. La Birmanie
Diane Fogelman, Responsable Programmes & Plaidoyer Asie, ACAT-France
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n'a respecté aucun des
engagements qu'elle a pris avec
l’ASEAN, l'un de ces engagements
étant l'arrêt immédiat des violences.
On peut tout à fait voir le lien avec
la peine de mort qui est une
violence. On peut s'interroger - et je
pense que c'est une interrogation
commune - sur le statu quo de
l’ASEAN vis-à-vis de la Birmanie. On
dirait qu'il ne se passe rien. Et
pourtant, la Birmanie ne tient pas
ses engagements. Au niveau
international, la Birmanie n'a pas
pris d'engagement. Elle n’a signé
aucun des grands textes sur la
question et n'a pas non plus signé la
convention contre la torture. C’est
regrettable car ces deux textes
auraient pu permettre de la placer
face à ses engagements sur le sujet.
En fin d’année dernière, la Birmanie
a voté pour lors du vote pour la
9ème résolution pour un moratoire
sur la peine de mort de l'Assemblée
générale des Nations Unies (car elle
était représentée par l’Ambassadeur
de la Birmanie à l’Onu ayant fait
allégeance au gouvernement
d’unité nationale (NUG). Mais sur le
terrain, la junte n'a pris aucun
engagement en faveur de l'abolition
de la peine de mort ou contre les
exécutions. Elle ne répond à aucun
cadre juridique défini. Si on prend
par exemple le droit civil en
Birmanie, la junte a préféré imposer
sa loi martiale. Par contre au niveau
du droit pénal, qui prévoit la peine
de mort, la junte s'appuie sur les
sanctions qui préexistaient au coup
d'État. A l’heure actuelle, ce n'est
pas un cadre juridique qui fera la
différence, puisque le seul cadre
auquel la junte répond est
l'arbitraire.
lMalgré tous ces constats assez
négatifs, que peut-on exiger de ce
pays qui a repris les exécutions il y a
peu ? On peut exiger un moratoire.
Je sais que c'est peut-être
contradictoire avec ce que je viens
de dire, mais je vais vous l’expliquer.
Un moratoire est une suspension
temporaire des condamnations à
mort ou des exécutions. En
l'occurrence, je fais ici référence à
un moratoire sur les exécutions. Je
crois que ça a été mentionné par
RSF, l’ACAT France rejoint ce
constat : Aux Nations Unies, le
Secrétaire général et le Rapporteur
spécial sur la Birmanie ont déclaré
que la communauté internationale «
se fichait du Myanmar » et plus
précisément que la communauté
internationale avait échoué au
Myanmar. On parle d’échec parce
que la junte continue d'agir en
toute impunité. En dépit des
sanctions prononcées, des
déclarations faites, des
condamnations émises de la part de
la communauté internationale, la
junte continue de faire exactement
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ce qu'elle veut.
On a aussi parlé du manque de
visibilité politique et médiatique sur
le sujet précis de la peine de mort. Il
est flagrant, mais à ce stade, ça ne
suffira plus. Cela fait 2 ans depuis le
coup d'État ! Il faut une action claire
et ferme de l'ensemble de la
communauté internationale en
faveur d'un moratoire sur les
exécutions à venir. C’est une
solution de court terme, une
suspension temporaire des
exécutions, contrairement à
l'abolition qui, elle, est une mesure
qui est inscrite dans la loi. A titre
d’exemple, en décembre 2022, le
Haut-Commissaire des Nations
Unies aux droits de l'Homme a
explicitement appelé à imposer un
moratoire sur la peine de mort en
Iran. En décembre 2022 toujours - et
les dates ont une importance -
des experts de l'ONU ont appelé à
un moratoire immédiat sur les
exécutions pour des délits liés à la
drogue en Arabie Saoudite. Le
lendemain de ces déclarations, le 2
décembre 2022, on arrive à une
déclaration sur le Myanmar. Et là,
plus rien. Suite aux exécutions de
jeunes activistes en Birmanie, c’est
le même Haut-Commissaire des
Nations Unies qui s'est prononcé
très clairement sur l'Iran qui s’en
tient à exprimer un « choc » et à
souhaiter obtenir des « clarifications
» sur la situation. Pourquoi ces
différences de positionnement ? La
Birmanie est un régime autoritaire ?
L’Iran et l'Arabie saoudite aussi.
Il y a un autre exemple dans la
résolution du Conseil de sécurité de
l'ONU sur le Myanmar, où on ne
trouve qu'une seule mention de la
reprise des exécutions, en
préambule du texte. Finalement,
seul l'envoyé spécial de l'ONU pour
le Myanmar, s’est explicitement
prononcé sur la question des
exécutions, à une occasion, en
exhortant les dirigeants de la
Birmanie à imposer un moratoire
sur toutes les exécutions futures.
C'était en août 2022. Depuis, elle ne
s'est plus exprimée sur le sujet.
En résumé, l’ONU n'appelle pas
explicitement, ou très peu, à un
moratoire sur les exécutions à venir
ou sur la peine de mort en Birmanie.
Malheureusement, c'est un constat
que l'on peut également faire par
rapport aux communications de
l'Union Européenne ou de la France.
On en déduit que les prises de
position diffèrent selon les États
concernés. Quelle autre conclusion
tirer quand sur l'Iran, il n’y a aucun
problème à appeler à des prises de
position claires et explicites ?
Encore une fois, ce n'est pas pour
hiérarchiser les causes entre chaque
pays, c'est simplement pour
souligner que cela interroge. On
peut s'interroger sur la frilosité de la
communauté internationale sur
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préambule du texte. Finalement,
cette question vis-à-vis de la junte.
Dans un second temps, on peut
constater que les déclarations
publiques sont peu fréquentes. Le
nombre de condamnés à mort a
augmenté depuis plus de 6 mois et
les chiffres sont parcellaires. Il y a
peut-être eu des exécutions dont on
n'a pas connaissance et il y en a
peut-être qui sont prévues sans
qu’on le sache.
Que peut-on donc faire pour agir
concrètement contre la peine de
mort et la reprise des exécutions ?
L’ACAT France demande à ce que
les peines de mort déjà prononcées
soient commuées, à suspendre tout
projet d'exécution à venir en
Birmanie et à instaurer un moratoire
sur la peine de mort. Et il y a aussi
un appel sur le plus long terme en
vue de son abolition définitive en
Birmanie. La situation illustre bien
ce besoin : les 30 ans sans aucune
exécution n’ont pas empêché la
junte de reprendre les exécutions
l'année dernière. Dans l'immédiat,
l’ACAT France recommande que les
institutions internationales, l’ASEAN,
l'UE et la France appellent
clairement et fermement à un
moratoire sur les exécutions à venir.
Nous recommandons par ailleurs
que le moratoire sur les exécutions
soit une des conditions du maintien
de la Birmanie en tant que pays
membre de l'ASEAN.
Plusieurs fois ce matin, ont été
mentionnés la nécessité de faire
pression et front commun. Nous
appelons également ceux qui sont
dans la salle à faire pression. Il existe
des possibilités d’action : écrire à
vos députés, par exemple, signer
des pétitions, envoyer des courriers.
peuvent éventuellement mettre ce
sujet dans l'agenda politique et faire
pression pour demander et obtenir
ce moratoire.
En conclusion, on voit que
l'abolition de la peine de mort - qui
est une violence extrême - n'est
jamais complètement acquise. La
Birmanie n'est pas le seul pays dans
lequel un moratoire a été observé
depuis plusieurs années et les
exécutions ont repris. On a vu
l'exemple du Bélarus, du Japon ou
des Émirats Arabes Unis. L’abolition
n'est jamais acquise, bien que l’on
n’en soit pas encore là en Birmanie.
Mais plus le cadre juridique est
formel, plus l'État est placé face à
ses engagements. Il faut franchir le
pas en Birmanie, mettre fin à
l'impunité de la junte et cela
commence par un moratoire. La
situation en Birmanie est un drame
aussi du point de vue des
exécutions. C'est aussi pour ça que
des conférences comme celles-ci
sont importantes.
Je vous remercie.
Diane Fogelman, Responsable Programmes & Plaidoyer Asie, ACAT-France
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Juliette Segard, Responsable du service Asie, CCFD-
Terre Solidaire
Merci beaucoup Sophie, Bonjour à
tous et à toutes. Merci à la Mairie de
Paris de nous accueillir à nouveau
ici, merci à Info Birmanie et
l'association Doh Atu Ensemble
pour le Myanmar d'avoir organisé
cet événement, qui est important.
Evidemment on souhaiterait ne pas
avoir besoin de se réunir aujourd'hui
pour commémorer les 2 ans du
coup d’Etat, mais c'est important
qu'on puisse être ensemble, qu'on
puisse échanger, qu'on puisse aussi
témoigner de notre solidarité vis-àvis
du peuple birman et vis-à-vis des
organisations de la société civile
birmane.
Beaucoup de choses ont déjà été
dites par les autres organisations et
les collègues donc je ne vais pas les
répéter et je vais essayer de
raccourcir un peu ma présentation.
Mais je voulais quand même dire
que nous partageons largement les
analyses qui ont été exposées, ainsi
que les recommandations qui ont
été formulées.
Le CCFD - Terre Solidaire soutient
des organisations de la société civile
locale en Birmanie depuis les
années quatre-vingts, et ce, sans
discontinuer même si, bien sûr, les
soubresauts de l'histoire ont obligé
un certain nombre de ces
organisations, parfois, à s'implanter
en Thaïlande et à d'autres moments
à pouvoir se relocaliser en Birmanie
et agir localement.
À l'heure actuelle, nous continuons
à soutenir une dizaine
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d'organisations qui sont des
mouvements syndicaux, des ONG
dites de développement, des
organisations de défense des droits
humains avec lesquels nous avons la
chance d'être toujours en contact
régulier et qui nous témoignent des
difficultés qu'elles vivent sur place,
du contexte local, mais aussi de
leurs demandes, de leurs actions et
de leurs espoirs. Et c'est ce que nous
souhaitions vous partager
aujourd'hui. Clairement dès le début
et dès le coup, la junte birmane a
essayé par tous les moyens
d'annihiler la société civile birmane.
Ça a commencé par des fermetures
d'organisations, l'interdiction de
leurs activités par la traque de
militants et de militantes et par leur
emprisonnement, le fait de geler les
comptes en banque des
organisations pour couper leur
accès à des financements étrangers,
de surveiller leurs activités, de les
harceler d'un point de vue
administratif en les obligeant à
s'enregistrer, ou se ré-enregistrer
pour pouvoir contrôler leur activité.
Ce qui fait qu'à l'heure actuelle de
très nombreuses organisations ont
refusé de s'enregistrer à nouveau et
sont donc de fait, entrées dans une
forme de clandestinité.
Et c'est également en essayant de
les isoler, de les atomiser et de faire
en sorte que les réseaux de
solidarité ne puissent plus exister: à
la fois en empêchant les
rassemblements de plus de 5
personnes (le COVID avait bon dos à
ce moment-là), mais aussi en
empêchant les déplacements des
personnes. Il y a de plus en plus de
points de surveillance et de contrôle
des déplacements - ce qui fait
qu’aller rencontrer les autres, sortir
de chez soi, expose à des risques
énormes - mais aussi de plus en
plus de coupures d’internet et des
communications pour empêcher les
gens d’échanger et d'agir ensemble.
Nous avons mentionné un certain
nombre de chiffres, notamment sur
les prisonniers politiques. Parmi eux
on trouve beaucoup de membres
des sociétés civiles et des
organisations, qui sont emprisonnés,
ont été assassinés ou qui sont de
plus en plus nombreux à devoir fuir
pour se réfugier dans des conditions
assez précaires soit dans les zones
libérées, soit en Thaïlande sans
statut vraiment officiel et pour
certains et certaines d'entre elles,
qui ont quand même pu se
relocaliser en Europe ou en
Amérique du Nord par exemple.
Malgré ce contexte extrêmement
difficile, les organisations
demeurent actives, se mobilisent
localement et essaient d'adapter
leurs actions, leurs interventions aux
besoins des populations, qui sont
criants.
Juliette Segard, Responsable du service Asie, CCFD-Terre Solidaire
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Je voulais partager avec vous 4
modes d'action privilégiés de ces
organisations. 4 chantiers sur
lesquels elles se mobilisent:
Action humanitaire: très
clairement, la situation est
catastrophique. Le bureau de
coordination des Nations Unies
mentionne que 1/3 de la population
birmane a un besoin d'assistance
humanitaire d'urgence, que la
moitié de la population est
maintenant sous le seuil de
pauvreté et que plus de 15 millions
de personnes souffrent de la faim.
De nombreuses organisations se
sont mobilisées dès le début pour
venir en appui aux personnes
déplacées, pour leur apporter
nourriture, abri, médicaments.
Elles essayent de plus en plus, à
mesure que la situation s'éternise,
de travailler à la résilience des
communautés locales. Elles font en
sorte que les communautés
puissent accéder à une nourriture
qu'elles produisent sur place, mais
aussi qu’elles puissent bénéficier
des compétences des CDMers dont
on parlait, et que tous ces
professionnels de la santé,
instituteurs, institutrices, puissent
également former des personnes
des communautés locales pour
pouvoir répondre aux besoins
immédiats d'appui. Et c'est le cas de
l’une de nos organisations
partenaires: des médecins ont formé
des sages-femmes afin de pouvoir
répondre aux besoins là où les
hôpitaux ne sont plus fonctionnels,
et où il n'y a plus de possibilité
d'accès aux soins.
Dialoguer et Soutenir: Les
organisations se mobilisent aussi sur
la question du dialogue, de l'appui
aux communautés déplacées ou qui
sont sous les bombes. Et elles
essaient de faire en sorte d'être
présentes, d'être en solidarité, de
parler et d'aborder aussi la question
des traumatismes parce qu'on sait
que ces personnes vivent dans des
conditions extrêmement difficiles et
qu'elles ont besoin d'un appui et
d'humanité.
Documenter les faits :D'autres
organisations sont extrêmement
actives également dans le registre
de la documentation des exactions
de la junte, les violations des droits
humains: les journalistes, bien sûr,
mais aussi les journalistes citoyens,
les organisations de défense des
droits humains, à la fois pour faire
savoir ce qu'il se passe et pour
témoigner à la communauté
internationale de ce qui se passe,
mais aussi pour récolter des
preuves, pour pouvoir ensuite
traduire en justice les criminels de
la junte.
Réfléchir à l’avenir: Et enfin, de
nombreuses organisations se
mobilisent pour l'avenir de la
Juliette Segard, Responsable du service Asie, CCFD-Terre Solidaire
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Birmanie et réfléchissent par
exemple au sein du NUCC, le
Conseil Consultatif pour l'Unité
Nationale, et travaillent à la
rédaction d'une nouvelle
Constitution, à de nouvelles
politiques publiques, comment
gérer à l’avenir les ressources
naturelles, l'éducation, se projeter
sur une feuille de route pour la
Birmanie de demain. Il est
important de se rendre compte que
le travail porte à la fois sur une
réponse d'urgence aux besoins des
populations mais aussi sur une
projection sur l'après.
Ces organisations ont besoin de
beaucoup plus d'appui qu'elles n'en
ont à l'heure actuelle, et
notamment d'un appui financier qui
est absolument insuffisant par
rapport aux besoins.
Et il est également essentiel que
l'aide internationale ne transite pas
uniquement par les agences
onusiennes ou par les ONG
internationales. A l'heure actuelle,
pour pouvoir agir en Birmanie,
celles-ci sont ou vont être
contraintes de signer des accords
avec la junte, ce qui rend leur
opération
extrêmement
compliquée, et ce qui empêche très
concrètement leur accès à une
grande partie du territoire birman. Il
est essentiel que l'aide
internationale augmente en volume
et qu’elle arrive aussi directement
aux organisations de la société civile
locale, à travers des corridors
humanitaires par la frontière
thaïlandaise ou la frontière indienne
et que ces organisations aient
davantage de moyens d'agir,
sachant qu'elles bénéficient aussi de
la confiance des populations.
Voilà pour cet appui et cette
demande renouvelée de soutien,
mais aussi de compréhension de la
situation locale. Il est important que
les organisations internationales
comprennent que la situation est
telle que nous avons besoin de
davantage de flexibilité et que pour
ce faire, il est crucial de revoir à la
baisse les exigences des bailleurs et
des donateurs. Nous avons besoin
d’être très pragmatiques à la fois
par rapport aux besoins et aux
possibilités locales, mais aussi pour
ne pas mettre en danger les
organisations quand elles agissent
localement.
J'avais l'intention de parler du
besoin aussi d'un soutien politique
et diplomatique beaucoup plus fort,
mais on a déjà parlé de l’ASEAN, de
l'Union Européenne et autres. Je
voulais juste dire qu'effectivement,
cette année 2023 est charnière à
plusieurs niveaux. Tout d'abord, la
junte ne contrôle pas le territoire de
la Birmanie. Il y a au moins toujours
50% du territoire qui n'est pas sous
son contrôle. Il y a même des
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documents de l’armée qui ont fuité
disant qu'ils perdent du terrain dans
certaines zones, donc tout espoir
n'est pas perdu. Il y a toujours des
milliers, des millions, de personnes
qui se mobilisent quotidiennement
pour essayer de restaurer la
démocratie. Il y a peut-être une
fenêtre d'opportunité aussi au
niveau de l’ASEAN avec la
présidence de l'Indonésie, qui a en
tout cas marqué une volonté de se
mobiliser. Également parce que de
nombreuses organisations de la
société civile asiatique, qu'elles
soient indiennes, indonésiennes ou
thaïlandaises, sont extrêmement
mobilisées aussi et de plus en plus,
et se structurent pour faire en sorte
de peser dans la région.
Voilà, il est important que nous tous,
vous tous, nous puissions continuer
à agir, nous souvenir, nous mobiliser
dans ce temps charnière et à mettre
tout notre poids dans la balance
pour faire en sorte que la Birmanie
soit enfin libérée de cette junte qui
est là depuis 70 ans et puisse
vraiment mettre en place une
démocratie fédérale inclusive et
vibrante. Je vous remercie.
Juliette Segard, Responsable du service Asie, CCFD-Terre Solidaire
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J O U R N É E D ' I N F O R M A T I O N E T D E C O M M É M O R A T I O N P O S S I B L E .
Organisé par :
Avec la participation de :
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AGIR
en soutien du peuple
Birman