ICI MAG - MAI 2023

Contes et légendes
des Landes
Le fantôme du Moreau (partie 1/2)
L
'air était lourd, les nuages montaient de l'océan
et le vent qui les accompagnait racontait une
vieille histoire. Assis devant la porte de sa maison,
Jocelyn la connaissait que trop bien. Il ferma les
yeux et se remémora ce jour, semblable à celui-ci
il y a plus d'un an, un jour bien malheureux. Les
larmes coulaient le long de ses joues à ce souvenir.
Depuis ce jour-là, il avait changé, il était possédé,
comme disaient ses voisins. Il voyait un fantôme
partout, et pas n'importe lequel, celui du Moreau.
Le Moreau était le chef de la horde des petits
chevaux semi-sauvages qui vivaient dans la
région. À cause des hivers rudes des dernières années,
un gardien avait été nommé pour subvenir
à leur nourriture durant l'hiver. Des abris avaient
également été construits près de la lette. Les chevaux
y avaient accès toute l'année, ce qui permettait
aux juments de pouliner tranquillement.
Mais Jocelyn n'était pas d'accord, car les chevaux
passaient sur ses terres, piétinaient ou mangeaient
ses jeunes plantations de pins. Ce jour-là, il était si
furieux qu'il alla à la rencontre du troupeau avec
son fusil. Cela tourna au drame. Le gardien était là,
et il y eut des mots entre les deux hommes. L'étalon
s'interposa, se cabra, frappa Jocelyn de ses sabots
avant que celui-ci ne tire. L'étalon s'écroula.
Depuis ce jour-là, le Moreau le hantait toutes les
nuits de pleine lune. Il venait jusque chez lui et
martelait sa porte avec ses sabots en hennissant.
Ces nuits-là, on entendait Jocelyn hurler dans tout
le village. On disait qu'il était devenu fou.
Ce soir-là, c'était une nuit de pleine lune, et le
gardien était sur le qui-vive, les villageois ne
sortiraient pas cette nuit-là. Assis devant sa maison,
Jocelyn les entendit arriver, leurs sabots raisonnaient.
Ils revenaient de leur journée à galoper
sur le sable humide, la crinière au vent. Maintenant
que la marée remontait, ils regagnaient la lette. Le
crépuscule arrivait avec eux. La lune montait lentement
dans le ciel. Il fallait que son mal-être et
ses cauchemars s'arrêtent. Jocelyn prit son fusil
et se dirigea vers la lette. Il avait pris sa décision.
Les villageois le regardèrent partir et cherchèrent
le gardien.
Sylvie PONTIER
(Biscarrosse Plage)
pour ICI MAG
20 - ICI MAG mai 2023