Un ambassadeur de la culture Rohingya : rencontre avec le poète Mayyu Ali
Français : Un ambassadeur de la culture Rohingya : rencontre avec le poète Mayyu Ali Transcription de la conférence du 15 mai 2021, à l’INALCO avec Mayyu Ali, Emilie Lopes – journaliste indépendante et Alexandra De Mersan – anthropologue, maitresse de conférences à l’INALCO Anglais : An ambassador of Rohingya culture: Encounter with the poet Mayyu Ali Transcript of the conference held on May 15, 2021, at INALCO with Mayyu Ali, Emilie Lopes - freelance journalist and Alexandra De Mersan - anthropologist, lecturer at INALCO
Français : Un ambassadeur de la culture Rohingya : rencontre avec le poète Mayyu Ali
Transcription de la conférence du 15 mai 2021, à l’INALCO avec Mayyu Ali, Emilie Lopes – journaliste indépendante et Alexandra De Mersan – anthropologue, maitresse de conférences à l’INALCO
Anglais : An ambassador of Rohingya culture: Encounter with the poet Mayyu Ali
Transcript of the conference held on May 15, 2021, at INALCO with Mayyu Ali, Emilie Lopes - freelance journalist and Alexandra De Mersan - anthropologist, lecturer at INALCO
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épargnées et qu'elles ne tirent pas sur les embarcations pour nous
permettre de partir. Mais après tout c'est ce qu'elles voulaient.
Qu’on ne soit plus là. Les bateaux étaient beaucoup trop chargés. Il
faisait nuit, il y avait du vent, c'était la panique. Plus d'une
quarantaine de personnes étaient dans ce bateau, hommes,
femmes, enfants, dans la nuit. J'ai dû trouver le courage de me
regarder quittant mon pays, comme pour la dernière fois. Il était
environ 21h00 et le ciel était constellé d'étoiles. C’était le dernier
moment que je passais en Birmanie.
Dans le bateau, au milieu de l'eau, il y avait un enfant qui demandait
à son grand-père s'il y avait aussi des militaires au Bangladesh. Il
ne savait pas quoi répondre, moi non plus. C'était un moment
déchirant pour nos cœurs. Quand on est arrivé, qu'on a accosté, il y
avait des trafiquants d'êtres humains qui attendaient. Ils étaient
prêts à prendre les jeunes femmes et les enfants pour les vendre...
Finalement, quand je suis arrivé dans le camp de Kutupalong, j'ai
retrouvé mes parents. Je ne les ai presque pas reconnus. Ma mère
était allongée à terre, avec mon père, dans un état très dégradé.
Ensuite, j'ai vécu plusieurs années dans le camp de Kutupalong.
C'est l'expérience la plus difficile que j'ai eu à vivre. En arrivant, je
pensais rentrer un jour en Birmanie. Mais cela n'a pas été possible.
J’ai vécu des expériences très difficiles dans le plus grand camp de
réfugiés du monde.
ALEXANDRA DE MERSAN
Beaucoup de médias - Emilie c'est comme ça que vous vous êtes
rencontrés - ont alors témoigné des conditions absolument
horribles dans lesquelles se sont retrouvés les réfugiés.
Finalement, vous êtes passé d'une forme d'enfermement à un
autre enfermement, puisque pendant longtemps, les musulmans
d'Arakan, les Rohingya, ne pouvaient pas circuler. Ils devaient avoir
des autorisations pour se rendre d'une ville à l'autre. C'était assez
compliqué. Cela est décrit dans le livre. Vous racontez tous les
dangers auxquels vous avez fait face, toute la détresse que l’on
trouve dans les camps. Emilie ou Mayyu Ali, pouvez-vous nous
raconter ce qu’il s’est passé jusqu'à l’arrivée au Canada ? Comment
avez-vous quitté les camps du Bangladesh ?
EMILIE LOPES
Mayyu est arrivé dans les camps le 6 septembre 2017. Il a
commencé à travailler avec des journalistes, car il faisait partie
des Rohingya qui pouvaient parler anglais et communiquer avec les
journalistes et les ONG. Il a participé à un rapport dénonçant les
violences dans les camps et il a été menacé de mort. Il a dû quitter
les camps et se cacher. Pour des raisons de sécurité, on ne peut
pas vraiment dire où, mais il a vécu caché pendant 2 ans avec sa
femme, à partir d’avril 2018.
Il a demandé l'asile à l’ONU. Il a attendu. Il avait aussi des rapports
avec la communauté française. On essayait de lui apporter notre
soutien parce qu’il ne devait surtout pas retourner dans les camps
ni être retrouvé par les policiers bangladais qui chassaient les
Rohingya qui vivaient hors des camps. Cette procédure a pris
plusieurs années, pour faire assez court, parce que sinon c'est très
long... Par miracle, il réussit à obtenir l'asile au Canada en août
2021. Il a réussi à quitter le Bangladesh, à quitter les camps, et il
vit depuis près de Toronto avec sa femme et sa fille. Il a été le tout
premier Rohingya à obtenir l'asile au Canada. Depuis, une centaine
de Rohingya ont réussi à quitter les camps.
ALEXANDRA DE MERSAN
Toute cette histoire que l'on a rappelée est évidemment bien plus
détaillée et décrite dans ce récit autobiographique. Vous racontez
votre histoire, votre parcours à la fois individuel, celui de votre
famille, et puis de votre peuple.
Lorsque j’ai reçu le livre, j’ai trouvé que l’importance des poèmes
qui ponctuent l'ouvrage était originale. On ne l’a pas précisé, mais
vous avez continué à écrire tout ce temps-là. La présence de la
poésie dans le texte a-t-elle été un moyen de raconter votre
histoire personnelle, à vous, au milieu de cette histoire collective ?