Un ambassadeur de la culture Rohingya : rencontre avec le poète Mayyu Ali
Français : Un ambassadeur de la culture Rohingya : rencontre avec le poète Mayyu Ali Transcription de la conférence du 15 mai 2021, à l’INALCO avec Mayyu Ali, Emilie Lopes – journaliste indépendante et Alexandra De Mersan – anthropologue, maitresse de conférences à l’INALCO Anglais : An ambassador of Rohingya culture: Encounter with the poet Mayyu Ali Transcript of the conference held on May 15, 2021, at INALCO with Mayyu Ali, Emilie Lopes - freelance journalist and Alexandra De Mersan - anthropologist, lecturer at INALCO
Français : Un ambassadeur de la culture Rohingya : rencontre avec le poète Mayyu Ali
Transcription de la conférence du 15 mai 2021, à l’INALCO avec Mayyu Ali, Emilie Lopes – journaliste indépendante et Alexandra De Mersan – anthropologue, maitresse de conférences à l’INALCO
Anglais : An ambassador of Rohingya culture: Encounter with the poet Mayyu Ali
Transcript of the conference held on May 15, 2021, at INALCO with Mayyu Ali, Emilie Lopes - freelance journalist and Alexandra De Mersan - anthropologist, lecturer at INALCO
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De nombreux exemples dont les Rohingya ont souffert
apparaissent dans le livre, décrivant des situations complètement
absurdes et spécifiques à ces deux districts frontaliers de l'Arakan
que sont Maungdaw et Buthidaung.
Mayyu Ali décrit une enfance plutôt heureuse, enfin dans ce
contexte-là de la Birmanie. Précisons que dans les années 1990 et
2000 la Birmanie vit toutefois un contexte de dictature militaire.
De manière générale, toutes les populations de Birmanie souffrent
énormément des exactions de l'armée birmane. Mais pour ceux qui
habitent dans les régions frontalières, ce sont des épreuves
supplémentaires. Il est important de le souligner.
Un autre fait important de l'enfance est à souligner à propos de
vos amis. Peut-être pouvez-vous revenir dessus maintenant? Vous
habitez dans un village où il y a des bouddhistes, des hindous, des
musulmans. Les villages sont multi-ethniques et multiconfessionnels.
Vous racontez cette amitié avec un jeune
bouddhiste. Ce sont les premières années de votre enfance dans
l'État d'Arakan. Est-ce que vous voulez revenir sur cette période,
celle de la Nasaka en particulier ?
MAYYU ALI
Depuis que je suis né de parents Rohingya mon destin en tant
qu’être humain a été décidé par mon gouvernement. Sa politique,
sa persécution et sa discrimination ont été scellés par ma
naissance. Cela dit, dans mon enfance j'ai le souvenir d'avoir joué
avec des enfants bouddhistes et hindous dans le village dans
lequel j'ai grandi. Il était composé de différents quartiers. Le
quartier hindou, le quartier bouddhiste, le quartier musulman…
Mais néanmoins les enfants jouaient tous ensemble. On allait chez
les uns et les autres, on s'invitait, on s'entraidait pour les devoirs
scolaires. J'ai le souvenir d'avoir sauté dans les rivières avec ces
enfants-là, d'avoir joué au chinlon, le sport traditionnel birman.
Tous ces souvenirs font partie de mon enfance.
Mais, je me souviens aussi qu'à l'âge de cinq ans je jouais avec un
ami et j'ai vu un convoi militaire arriver. Des hommes Rohingya ont
été arrêtés pour effectuer des travaux forcés. Le travail forcé en
Birmanie, c'est un peu une institution de la junte, une part de leur
culture, de leur histoire. Les gens sont forcés d'effectuer toutes
sortes de travaux, comme de porter leurs affaires quand ils se
déplacent d'une station à l'autre. J'ai vu des Rohingya, à ce
moment-là, être tués en chemin dans le cadre de ce travail forcé.
ALEXANDRA DE MERSAN
Dans votre livre, vous dites qu'en 2008 tout a chaviré. Vous aviez
dix-sept ans cette année-là. C’est l'année où les terres de vos
parents vont être confisquées. Votre grand-père avait plusieurs
hectares de terre et cela a été un basculement, un chavirement
dans votre vie. C'est une des exactions parmi d'autres de la
Nasaka. C’est une injustice supplémentaire qui vous met
particulièrement en colère et qui va d'ailleurs, si je me souviens
bien, provoquer en vous le fait de commencer à écrire et de vous
exprimer dessus.
Cela ne fait alors que renforcer votre souhait de faire des études,
d'étudier au maximum l'anglais, malgré les contraintes, malgré
l'incurie aussi du système éducatif de manière générale en
Birmanie à cette époque, il faut le dire. Malgré toutes les
embûches que vous trouvez sur votre chemin, vous vous faites
embaucher par l’ONG Action Contre la Faim (ACF) en 2011. Pour
resituer cette année, elle marque le début de ce qu'on a appelé la
période de "transition démocratique" avec un point d'interrogation
; disons cette décennie d'ouverture économique, et quand même
de brèche démocratique. Le Président Thein Sein, qui a été élu,
entreprend de nouvelles réformes. Vous êtes recruté au moment
de cette ouverture dans le pays - qui va durer une décennie - bien
que, peu de temps après votre recrutement, vont avoir lieu ces
premières violences. Malgré cette ouverture du pays. Malgré le fait
que ou peut-être parce que tout d'un coup le pays change très vite,
il y a sont mises en place un certain nombre de réformes, il y a une
liberté de la parole. L'organe de censure est supprimé.