Un ambassadeur de la culture Rohingya : rencontre avec le poète Mayyu Ali
Français : Un ambassadeur de la culture Rohingya : rencontre avec le poète Mayyu Ali Transcription de la conférence du 15 mai 2021, à l’INALCO avec Mayyu Ali, Emilie Lopes – journaliste indépendante et Alexandra De Mersan – anthropologue, maitresse de conférences à l’INALCO Anglais : An ambassador of Rohingya culture: Encounter with the poet Mayyu Ali Transcript of the conference held on May 15, 2021, at INALCO with Mayyu Ali, Emilie Lopes - freelance journalist and Alexandra De Mersan - anthropologist, lecturer at INALCO
Français : Un ambassadeur de la culture Rohingya : rencontre avec le poète Mayyu Ali
Transcription de la conférence du 15 mai 2021, à l’INALCO avec Mayyu Ali, Emilie Lopes – journaliste indépendante et Alexandra De Mersan – anthropologue, maitresse de conférences à l’INALCO
Anglais : An ambassador of Rohingya culture: Encounter with the poet Mayyu Ali
Transcript of the conference held on May 15, 2021, at INALCO with Mayyu Ali, Emilie Lopes - freelance journalist and Alexandra De Mersan - anthropologist, lecturer at INALCO
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plus quand ils tombaient en pièces, parce que la qualité du papier
et l'impression étaient mauvaises. Il y avait vraiment, encore une
fois, beaucoup de poésie, beaucoup de littérature. Tout ça, malgré
tout évidemment, dans un contexte de censure. Du coup, je me
demande pourquoi la poésie ? Est-ce que ça permettait justement
de s'exprimer plus facilement dans ce contexte ?
MAYYU ALI
L'écriture et la poésie sont importantes, car généralement le
peuple de Birmanie croit au pouvoir de l'écriture. Comme je l'ai
mentionné précédemment, depuis l'époque coloniale la poésie est
très présente comme acte de résistance. A chaque manifestation
en Birmanie, vous pouvez voir des poèmes sur les affiches. C'est
un outil très puissant pour transmettre un message dans notre
culture, spécialement dans une situation où il n'y a pas de liberté
d'expression. Nous n'avons pas le droit d'aller dans la rue pour
nous exprimer publiquement contre l'injustice. L’une des seules
possibilités de faire entendre sa voix, d'exprimer ses émotions,
c'est d'écrire.
Il y a d'autres minorités qui sont déplacées à cause des violations
des droits humains de la junte, qui subissent des discriminations
du gouvernement et se retrouvent déplacées, notamment le long
de la frontière avec la Thaïlande. Elles écrivent aussi de la poésie.
La poésie s'est donc établie comme un pont entre ces différentes
communautés persécutées du pays. En 2019, il y a eu une
rencontre entre des poètes Rakhine et Rohingya, cela permet
d'établir des ponts entre les deux communautés. En janvier 2020,
le poète Maung Saungkha, très connu en Birmanie, a organisé une
rencontre avec notamment des poètes Rohingya et Kachin :
"poetry for humanity". C'était le premier événement de poésie
regroupant des minorités du pays à Rangoun, un moment très fort
pour tisser des liens, des ponts entre nous. En fait, j'ai été désigné
comme un poète Rohingya à une époque où le mot Rohingya était
interdit en Birmanie, où l'on ne pouvait pas nous nommer. Donc on
voit bien que la poésie était vraiment un outil puissant d'unité et
d'échange. Et puis la poésie c'est aussi thérapeutique, c'est
surmonter ses traumatismes. Et c'est aussi établir des liens,
même sous la dictature. On le voit depuis le coup d'Etat avec
toutes les violations des droits humains, c’est une façon de
résister.
ALEXANDRA DE MERSAN
On est tellement content de vous avoir avec nous qu’on a envie de
vous poser plein de questions. Je vais faire une remarque générale
sur la culture parce qu'en fait on ne dispose que de très peu de
données, on ne connaît rien sur la culture Rohingya. C'est vrai que
l’on a des traces des poètes à l'époque du Royaume d'Arakan,
etc… Il y a bien sûr la culture et la littérature classiques. Mais il y a
aussi toute une littérature orale, toute la culture, plus populaire,
avec ses chansons ses paroles lors des moments de célébration
au cours de la vie, toute une littérature orale donc qui parfois est
un peu vue avec condescendance, vis-à-vis de cette littérature
classique, mais qui fait aussi partie de la culture. Je pense qu'il y a
beaucoup de travail à faire pour rendre compte de cette littérature
mais aussi de la culture au sens large. C'est ce que j'ai beaucoup
aimé quand j'ai lu votre livre. Cela dit, lorsque j’'ai relu le livre pour
la présentation d'aujourd'hui et je me sentais moins à l'aise avec le
thème de la culture parce que je me suis replongée dans le drame
et c'était compliqué, à partir de là, de parler de la culture.
Mais je veux quand même dire que cela m'a beaucoup touchée
parce que vous parlez de culture dès le début du livre, lorsque vous
évoquez votre naissance. C'est un roman autobiographique, vous
évoquez alors l'enterrement du placenta. C'est une pratique
commune que l'enterrement du placenta, au moment où les
femmes accouchent. Elles accouchent à la maison la plupart du
temps, à la suite de quoi le placenta est enterré. Et comme vous le
dites c'est très beau. Vous trouverez la description et l’explication
dans le livre, mais planter un placenta, c'est s'ancrer dans une
localité. C'est cette localité qui va nous faire grandir. On retrouve
la même pratique chez les Rakhine bouddhistes. Cela dit, elle
illustre le lien extrêmement fort, et ce n'est pas spécifique à