Paris Match 1151 du 21/09/2023

LA SEMAINE DE
sur TikTok, je ne l’avais pas vu venir. Je ne
pensais pas, à mon âge, à ce stade de ma
carrière, pouvoir toucher un nouveau public.
Comment le mesurez-vous ?
Par les réactions sur les réseaux sociaux,
par le fait que, grâce à cette chanson, ce
nouveau public va chercher sur les sites de
streaming ce que j’ai pu faire par le passé. Et
ça, dans une carrière, c’est la meilleure chose
qui puisse vous arriver : parvenir à renouveler
son public tout en continuant
à exister. C’est comme
mettre un moteur neuf dans
une ancienne voiture. Un
rêve qui devient réalité.​
Un rêve, vraiment ?
Oui, parce qu’ils prennent
le meilleur de mon passé. Ils n’ont pas
vu les hauts et les bas et ils vont tomber
directement sur “Can’t Get You Out of My
Head”, “Love at First Sight” ou même “The
Locomotion”, et découvrir ces chansons de
manière nostalgique.
Quels sont les bas de votre carrière, selon
vous ?
Oh, des chansons qui n’ont pas marché
mais qui ont compté pour moi. Je pense
notamment à un titre que Pharrell Williams
avait écrit et produit. J’y croyais beaucoup. Il
est passé inaperçu. Mais quand vous avez un
immense succès radio, un immense succès
commercial, vous comprenez vite que cela
ne peut que retomber ensuite. Il y a tellement
d’éléments différents à prendre en compte
dans la fabrique d’un tube…
Pourtant, vous avez toujours joué le jeu : vous
assurez la promotion de tous vos disques, vous
partez en tournée, vous vous êtes donné les
moyens de rester dans la compétition…
Oui, j’aime le lien affectif qui se crée entre
le public et une chanson. J’ai l’impression
d’agir à ma manière sur la vie des gens,
de rendre leurs journées ou leurs nuits plus
passionnantes. Et je suis quelqu’un qui ne
laisse rien tomber.
Est-ce que votre métier a pu prendre trop de
place dans votre vie privée ?
Je ne crois pas. J’ai démarré très jeune et
j’ai rapidement été la cible des tabloïds, qui
écrivaient n’importe quoi sur moi. Donc,
très vite, j’ai compris comment me protéger,
comment naviguer au milieu de ces fausses
informations. Ça n’a pas toujours été très
agréable, disons… Maintenant, les réseaux
sociaux ont pris une telle ampleur que je
vois certains artistes renoncer à leur carrière
parce qu’ils sont dépassés par la pression
permanente que ces réseaux leur imposent.
« Si, à mes débuts,
j’avais été confrontée à la
pression des réseaux
sociaux, j’aurais peut-être
renoncé à la musique »
On commence à parler de la santé mentale,
du fait d’être bienveillant, mais pas assez…
Si, moi, j’avais été confrontée à tout cela
à mes débuts, j’aurais peut-être renoncé à
la musique.
Vous vous êtes réinstallée en Australie en
2021. Pourquoi ?​
Principalement à cause du Covid. Je suis
restée confinée à Londres et j’ai vite ressenti
le besoin d’être proche de ma famille. Je
me suis même demandé, à
un moment, si je pourrais un
jour retourner “chez moi”. Je
mène une existence très normale
en Australie, presque à
l’opposé de mon quotidien
de chanteuse. Et c’est ce qui
me permet aujourd’hui d’être bien dans ma
vie. Ça a été un déménagement très utile…​
Quand vous voyez le succès de Katy Perry,
Lady Gaga ou Lana Del Rey, vous arrive-t-il de
penser “sans moi, elles ne seraient pas là” ?
Non, je ne pense pas ainsi, car je sais que
nous avons tous et toutes été inspirés par
des artistes avant nous. Je vous laisse dire
qu’elles sont mes héritières ! [Elle rit.] Dans
les années 1990, j’ai été l’une des premières
à mélanger la pop aux sonorités électro,
au moment où émergeaient les Chemical
Brothers en Angleterre, Air et Daft Punk en
France. J’avais été très marquée par les sons
du trip-hop, de la drum’n’bass. Alors j’ai
voulu me confronter à ces genres musicaux
assez tôt, c’est vrai… Au fond, c’est une
grande satisfaction que de se dire “peutêtre
que j’ai apporté ma pierre à l’édifice”.
Vous n’êtes pas partie en tournée depuis
2019. À cause de la crise sanitaire ?
Oui, pour les artistes internationaux, c’est
de plus en plus compliqué. La tournée imaginée
pour “Disco”, mon album précédent,
a été annulée car les salles n’étaient plus
disponibles. Et je ne sais pas encore si l’on
va arriver à monter un spectacle autour de
« Tension ».​
Pour patienter, il faudra aller vous voir à
Las Vegas, où les billets de votre spectacle
sont hors de prix…
Certes, mais c’est l’industrie de Vegas
qui est ainsi. Vous avez un concert, mais
aussi un dîner, des boissons… Et c’est une
salle de 1 000 places, donc un contexte
très intimiste, avec un spectacle que je
ne présenterai nulle part ailleurs. Mais ne
vous inquiétez pas : pour les chansons de
“Tension”, je vois déjà les tableaux qui les
accompagneront. Il faut juste patienter un
peu encore…
Cyril
Jacquot
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