Sophia nodigt u uit / vous invite &
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ecensions 30 recensies<br />
Ou encore: doit on accepter l’image qui<br />
dépeint la science comme une discipline<br />
ascétique de renoncement et de combat? 7<br />
Les actes compilent également les contributions<br />
des participantes aux quatre séances<br />
parallèles qui avaient pour but de<br />
débattre le rapport ETAN à partir de quatre<br />
approches différentes.<br />
Dans l’atelier I, La science par les femmes:<br />
universalité ou spécificité?, les intervenantes<br />
étaient invitées à rebondir sur la question:<br />
la science serait-elle différente s’il y<br />
avait plus de femmes? L’impression générale<br />
est que cette question est aussi inévitable<br />
qu’il est impossible d'y répondre 8 .<br />
Cependant, les débats qu’elle soulève<br />
demeurent tout à fait stimulants. Par<br />
ailleurs, si l’on s’accorde à affirmer que<br />
c’est la sensibilité aux questions féministes<br />
et de genre, et non pas simplement<br />
une sensibilité des femmes qui prod<strong>uit</strong> le<br />
changement, il n’en demeure pas moins<br />
que la question posée d’un point de vue<br />
purement égalitaire a amené à interroger<br />
aussi les pratiques scientifiques.<br />
Mais «la» science n’est pas une pratique<br />
homogène et, de nos jours, cette fiction<br />
épistémologique est fragilisée par une<br />
institution scientifique sujette à d’énormes<br />
changements 9 . De plus, la majeur partie<br />
de la recherche scientifique ne se fait plus<br />
dans les institutions académiques mais<br />
dans l’industrie ou au minimum en partenariat<br />
avec elle 10 .<br />
Si l’on veut intervenir dans ces changements,<br />
l’idée qu’il y a du «talent gaspillé»<br />
ne doit pas nous faire oublier la lutte pour<br />
d’autres manières de penser le monde –<br />
lutte inséparable des politiques féministes<br />
d’égalité. La perspective dominante<br />
qui valide la carrière scientifique selon<br />
des critères qui ne sont pas bénéfiques<br />
pour les femmes de par le type de «mutilation»<br />
qu’elles impliquent, ne sont pas<br />
d'avantage bénéfiques aux hommes. Les<br />
politiques qui veillent à favoriser la participation<br />
des femmes dans les pratiques<br />
scientifiques appellent aussi à remettre en<br />
question l’image «normale» de la carrière<br />
scientifique 11 . Débattre sur ce que la<br />
science pourrait être ou sur ce que l’université<br />
pourrait être, fait ainsi partie de<br />
la lutte 12 .<br />
Le titre de la séance II, Éducation scientifique<br />
et carrières scientifiques: y a-t-il un<br />
biais masculin? parle de lui même. Il s’agissait<br />
d’envisager la question de l’éducation<br />
scientifique et de son attrait pour les<br />
femmes, mais aussi de se pencher sur la<br />
nature des obstacles qu’elles rencontrent<br />
dans leurs carrières. Ce chapitre commence<br />
par une contribution sur ce «tuyau<br />
troué». Cette contribution, exemplaire<br />
d’une situation générale, intéressera d’autant<br />
plus les lectrices belges qu'elle se penche<br />
sur les chiffres et les figures de notre<br />
paysage scientifique national… les graphiques<br />
sont très parlants 13 .<br />
Les interventions lors de cet atelier montrent<br />
aussi le type d’obstacle spécifique<br />
aux métiers scientifiques. Plusieurs études<br />
pointent les moments dans les processus<br />
de sélection durant lesquels les "pertes" de<br />
femmes ont lieu. Au niveau de l’évaluation<br />
par les pairs, traditionnellement<br />
considérée comme garante de l’objectivité,<br />
le portrait est particulièrement affligeant.<br />
Poser la question de l’exclusion des<br />
femmes en raison notamment de leur<br />
manque de bonnes «relations» dans le<br />
«old boy’s network» constitue une occasion<br />
pour s’attaquer de front à ce type<br />
«d'usages». Ces études insistent sur le fait<br />
que la science ne peut que sortir améliorée<br />
des actions qui progresseraient vers<br />
une plus grande transparence dans les<br />
processus de sélection et d’évaluation.<br />
Des recherches rigoureuses sur la manière<br />
dont ces exclusions se construisent permettent,<br />
comme cela fut le cas en Suède,<br />
de rendre visibles ces exclusions «informelles»<br />
14 . Par ailleurs les contributions<br />
insistent sur le fait que les femmes manquent<br />
de «modèles» de réussite.<br />
Des obstacles bien connus sont aussi pointés,<br />
comme la difficulté de concilier la<br />
carrière avec une vie de famille (enfants,<br />
personnes âgées à charge, etc.). Mais d’autres<br />
obstacles moins évidents sont envisagés:<br />
comme peuvent l’être les limites<br />
sophia | n° 28 | 2001<br />
d’âge pour l’obtention de bourses postdoctorales<br />
(max. 35 ans), dont les conséquences<br />
sur des femmes ayant fait une<br />
«pause-carrière» peuvent être néfastes. En<br />
effet la carrière scientifique possède les<br />
caractéristiques d’une course dans laquelle<br />
s’arrêter pour «respirer» est vivement<br />
déconseillé. Une des intervenantes suggère<br />
ainsi d’essayer des modèles du style<br />
«la vie commence à quarante ans» en retardant<br />
l’age limite d’obtention de ces bourses,<br />
ce qui pourrait avoir des effets bénéfiques<br />
dans le cas des femmes qui (en<br />
occident) vivent en moyenne plus longtemps<br />
que les hommes! 15<br />
Le chapitre sur le thème «mesurer l’inégalité<br />
pour atteindre l’éq<strong>uit</strong>é» insiste sur<br />
l’importance des statistiques pour faire<br />
advenir le changement: pas de statistiques<br />
= pas de problème = pas de mesures politiques<br />
16 . Les statistiques peuvent de plus<br />
permettre de contredire bien des stéréotypes.<br />
Cependant, la collecte des données<br />
elle même n’est pas «neutre», le type de<br />
questions posées importe. Ainsi, dans la<br />
création d’indicateurs, on n’aura pas les<br />
mêmes résultats si l’on envisage la sousreprésentation<br />
des femmes dans la science<br />
du point de vue d’une affaire d’injustice<br />
ou si l’on voit la question comme un<br />
gaspillage de capital humain 17 . L’idée de<br />
statistique elle même - «nombres de l’état»<br />
18 - suggère le caractère éminemment<br />
politique qu’implique le choix des problèmes<br />
et des stratégies à mener: ainsi<br />
notamment la pertinence ou non de donner<br />
un cadre légal à la collecte de données<br />
qui impose une distinction de genre.<br />
En conséquence, il est fondamental<br />
d’introduire la dimension de «genre» à<br />
tous les niveaux du processus - y compris<br />
au niveau de ceux et de celles qui décident<br />
des problématiques à traiter. Ce chapitre<br />
est en lui-même exemplaire des problèmes<br />
posés par la question des rapports<br />
entre genre et sciences. Concernant leur<br />
discipline, son histoire et ses méthodes, les<br />
discussions des statisticien-ne-s dans cette<br />
séance montrent à quel point la<br />
connexion «science et genre» interroge<br />
les pratiques scientifiques.