here - 5th International Conference on Bantu Languages

L’applicatif en kikongo véhiculaire (H10A) et en civili (H12): constructions, fonctions discursives et variation diatopique
Par Guy N’DOULI (Université Libre de Bruxelles, ULB)
gndouli@ulb.ac.be
Le kikongo véhiculaire est un parler classifié par Maho en H10A . Il est pratiqué en République du Congo (Congo‐Brazzaville), en RD
Congo et en Angola respectivement selon les glossonymes suivants: kituba / munukutuba; kikongo ya léta / monokotuba et
kikongo. Le civili, fiote, fiot ou kivili est une langue bantoue vernaculaire classée en H12 par Guthrie. Des études descriptives
menées sur ces deux langues ( Fehderau 1962, Lumwamu 1973), pour le kikongo véhiculaire; (Ndamba 1977), pour le civili, ont
mentionné l’applicatif essentiellement comme morphème de dérivation. Le reflexe du suffixe applicatif Proto‐Bantu *‐ıd‐
(Meeussen, 1967), reconstruit en Proto‐Niger‐Congo (Voeltz, 1977), doit avoir plusieurs fonctions syntaxiques : bénéfactif >
maléfactif > instrument > locatif > prépositionnel > directif > cause ou raison (Schadeberg 2003 : 74). En Angola, il est représenté
par «‐il‐» ou «‐el‐». Mbiavanga (2008 : 337). Notre étude concerne les variantes kikongo véhiculaire de Pointe‐Noire, de Boma et
du Bandundu tout autant que le civili de Pointe‐Noire.
Objectifs : Cette recherche vise les objectifs ci‐après: 1) Déceler les différents rôles sémantiques qu’assigne l’extension à son
objet. 2. Paramétrer les contextes de promotion d’un argument périphérique au statut d’objet 3) Esquisser une sous‐classification
et établir une répartition spatiale des différentes variantes du kikongo‐véhiculaire aussi bien en fonction de la réalisation dudit
morphème que de son emploi ; sachant que *el‐ reconstruit par Schadeberg (2003: 71‐89) n’est plus assez productif.
Résultats préliminaires :
Pour des raisons d’espace, nous présentons ici la construction du bénéfactif et les problématiques scientifiques soulevées.
1) Bénéfactif (en kikongo véhiculaire de Pointe‐Noire « kituba » et en civili de Pointe‐Noire)
(a) kituba (Pointe‐Noire) (b)kituba
Lemvuk‐a samu na munu Lemvuk‐il‐a munu
Pardonner‐FV pour de moi Pardonner‐APPL‐FV O1
Pardonne‐moi.
(c) civili (d)civili
Lémvùk‐à mù cí‐bìlà cí‐áàmì Ndemvukila
pardonner‐FV Pour 7‐compte 7‐POSS N‐lemvuk‐il‐a
pardonner‐FV pour compte mon O1‐Pardonner‐APPL‐FV
Pardonne‐moi. Pardonne‐moi
(e) kituba (Pointe‐Noire) (f)kituba
Mu‐ana me‐yidik‐a inzo samu na ndeke Mu‐ana me‐yidik‐il‐a ndeke inzo
1‐enfant PRF‐fabriquer‐FV 9‐maison pour de 9‐oiseau 1‐enfant PRF‐fabriquer‐FV 9‐oiseau 9‐maison
L’enfant a fabriqué un nid pour le compte de l’oiseau L’enfant a fabriqué un nid pour l’oiseau
(g) civili
Mú‐áànà ù‐à‐váng‐a lí‐áànzì mù cíbìlà cìnúnì
1‐enfant PV1 –PRF‐fabriquer‐FV 5‐nid pour 5‐compte 5‐oiseau
L’enfant a fabriqué un nid pour l’oiseau
(h) civili
Mú‐áànà ù‐à‐váng‐íl‐a núnì lí‐áànzì
1‐enfant PV1 –PRF‐fabriquer‐APPL‐FV ø9a‐oiseau 5‐nid
L’enfant a fabriqué un nid pour l’oiseau
En 1(a+b) nous avons des énoncés à l’impératif. En kituba (1a) le pronom « munu » est relié au verbe par le biais de la locution
prépositionnel « samu na », il fait fonction d’argument oblique ; alors qu’en 1b « munu » est promu au rang d’objet et, suit
immédiatement le verbe (VO). Il se produit exactement la même chose en 1c où la locution prépositionnel « mù cíbìlà» fait le
lien entre le verbe et l’argument périphérique « cíáàmì» qui, en 1d est promu au statut d’objet. Dans ce cas (impératif), l’accord du
verbe se fait avec l’objet promu «N‐» antéposé au verbe (1d) (OV). Les constructions à deux objets (1e+f+g+h) observent la
hiérarchie entre animé « ndeke », «núnì » et inanimé «lí‐áànzì », « inzo ». En 1e l’objet « inzo » suit immédiatement le verbe et
l’argument oblique « ndeke » est rattaché au groupe verbal par la locution prépositionnel « samu na ». En 1g, « mù cíbìlà » établit
le lien entre l’objet direct «lí‐áànzì » et l’argument oblique «núnì ». En (1f+h), les arguments obliques « ndeke » et «núnì » sont
élevés au rang d’objet et précèdent immédiatement le verbe au détriment des objets «lí‐áànzì » et « inzo » qui sont placés après.
Avec le changement des rôles syntaxiques, il se pose des problèmes également d’accords –que nous développerons lors de notre
présentation. Les exemples tirés des variantes de Bandundu et de Boma seront confrontés à ceux‐ci pour déterminer les variations
Résultats attendus et méthodologie
À la suite de l’identification des constructions de l’applicatif, une étude plus fine aux niveaux morphosyntaxique et discursif est utile
pour paramétrer les différents usages. Ainsi, chercherons‐nous à vérifier l’hypothèse suivante : « Les applicatifs […] permettent de
promouvoir au statut d’objet un terme qui, en l’absence de dérivation applicative, pourrait figurer comme terme oblique »
(Creissels 2006, Tome 2 : 73). Le corpus est constitué des contes que nous avons recueillis lors de nos premières missions de
terrain, des transcriptions des journaux radio, de textes religieux (la bible en kituba), des conventions officielles scannées.
Références bibliographiques
1. Creissels D. 2006. Syntaxe générale, une introduction typologique 2 : la phrase, Lavoisier, Paris.
2. Fehderau H. W. 1962. Descriptive grammar of kituba language, a dialectal survey. (P. C. Eds.) Leopoldville.
3. Lumwamu F. 1985. Recherches sur la koine kongo. Paris: Thèse de Doctorat d’Etat, Université Paris IV Sorbonne.
4. Matsinhe & Mbiavanga, 2008, A preliminary exploration of verbal affix ordering in kikongo, a Bantu language of Angola,
Mortimer House, Language Matters 39 (2),PP. 332‐358, Routledge, London.
5. Meeussen AE. 1967. Bantu grammatical reconstructions. Africana Linguistica 3: 79‐121.
6. Ndamba J. 1977. Syntagme nominal et groupe nominal en vili. Paris : Université Paris III, Nouvelle Sorbonne.
7. Schadeberg T. C., 2003, Derivation. IN N. Derek, & P. Gérard (Eds.), The Bantu Languagues (pp. 71‐89) London and New
York: Routledge.
8. Voeltz EFK. 1977. Focus in Aghem: A study of its formal correlates and typology. In Hyman LM (ed.) Aghem grammatical
structure. Los Angeles: Department of Linguistics, University of Southern California, pp. 137‐197.
PS